Archives 2015 - Décisions commentées
Candidat incapable = DSP annulée
TA Caen, ord. 30 décembre 2015, Société Lac de Pont l’Evêque, n°1502386
On sait que les règles en matière de passation des DSP sont plus souples qu’en matière de marché publics. Néanmoins, les autorités délégantes ne peuvent pas faire des choix totalement discrétionnaires….
Dans cette affaire, un candidat évincé demandait l’annulation de la procédure au motif que le candidat retenu ne présentait pas les garanties professionnelles et financières, ni la capacité à assurer la continuité du service public en cause.
S’agissant effectivement de la gestion d’une base de loisir, l’entreprise retenue avait pour objet principal…« la réalisation de béton décoratif et la création et l’entretien d’espaces verts ».
Dans ces conditions, le juge des référés considère que « c'est à tort que la commission de délégation de service public a déclaré recevable la candidature de cette société ».
A cette occasion, le juge profite en pour rappeler qu’« il n’entre pas dans l’office du juge des référés précontractuels d’ordonner la communication de l'intégralité du dossier de candidature du candidat retenu et la copie du PV de la commission de délégation de service public ayant déclaré recevable la candidature de ce candidat ».
Des précisions sur le critère prix et la méthode de notation des offres
TA Paris, ors. 5 octobre 2015, Sté Sodexo justice services, n°1515051
Dans cette ordonnance le juge des référés précontractuels valide un sous-critère du critère prix relatif à un « plan de progrès » consistant dans un engagement minimal de réduction des prix par année. Cette possibilité de prévoir un rabais annuel sur les prix ne constitue pas une manifestation de l’indétermination de ses besoins par le pouvoir adjudicateur.
Plus surprenant, s’agissant de la méthode de notation des offres, le juge des référés estime que si le Ministère de la justice n’établit pas que la méthode de notation utilisée en l’espèce n’a pas été arrêtée avant le dépôt des offres « cette circonstance est par elle-même sans incidence sur la régularité de la procédure, une telle obligation n’étant pas imposée par le code des marchés publics ou les principes généraux de la commande publique ». Une telle affirmation est très critiquable, dans la mesure où elle peut permettre aux pouvoirs adjudicateurs d’arrêter la méthode de notation en fonction des offres reçues. Si la méthode de notation n’a pas à être communiquée aux candidats dans le DCE, il apparait néanmoins qu’elle doit bien être fixée, et la preuve doit pouvoir en être rapportée, avant la date limite de remise des offres, afin d’éviter tout abus de la part de l’acheteur.
Candidature d’une entreprise en redressement judiciaire : attention aux délais
TA Nantes, ord. 12 novembre 2015, Sté Ets Blandin Entreprise
Par cette ordonnance, le juge des référés confirme qu’il est possible d’exclure la candidature d’une entreprise placée en redressement judiciaire qui ne justifierait pas qu’elle a été habilitée à poursuivre son activité pendant la durée prévisible d’exécution du marché.
Rappelons en effet qu’aux termes des dispositions des articles 8 et 38 de l’ordonnance du 6 juin 2005 et des articles 43, 44 et 52 du code des marchés publics, les entreprises placées en redressement judiciaire doivent justifier, à l’appui de leur réponse, être habilitées, par le jugement prononçant leur placement dans cette situation, à poursuivre leur activité pendant la durée d’exécution prévisible du marché.
En l’espèce, si la durée du marché lancé par la Région des Pays de la Loire n’est pas indiquée dans l’ordonnance, elle était vraisemblablement plus longe que les 6 mois de la période d’observation de l’entreprise placée en redressement (renouvelable une fois, en vertu des articles L.631-1 et suivants du code de commerce).
De ce fait, le juge considère que « si la procédure de redressement judiciaire […] est destinée à permettre la poursuite de l’activité ou l’apurement du passif des entreprises concernées, la seule circonstance qu’une société soit placée en redressement judiciaire ne fait pas obstacle à ce qu’elle soumissionne, directement ou en qualité de sous-traitant, à un marché public, le principe d’égalité de traitement entre les candidats fait obstacle à ce que soit choisi comme attributaire d’un marché public un candidat qui ne dispose pas de la capacité financière suffisante pour l’exécuter » (cette dernière motivation n’étant pas parfaitement rigoureuse).
En définitive, cette solution signifie que dès lors qu’un marché prévoit une durée d’exécution longue (plus d’un an, comme par exemple les marchés à bons de commande, certains marchés de travaux) l’exclusion d’une entreprise placée en redressement judiciaire pourra être justifiée au stade de la candidature, puisque cette entreprise ne sera pas en mesure de prouver qu’elle pourra exécuter le marché jusqu’au bout.
Rejet du recours de la société Worldine contre la procédure de passation du marché d’exploitation des radars automatiques
TA Paris, ord. 26 novembre 2015, Sté Worldline, n°1518255/3-5
La société Worldline, précédent titulaire du marché d’exploitation des systèmes d’information de traitement automatisé des infractions routières, a vu son offre écartée lors du renouvellement de ce marché par l’ANTAI (agence nationale de traitement automatisé des infractions).
La société a soulevé trois moyens, tous écartés par le juge des référés.
La société mettait principalement en avant le choix d’une méthode de notation non linéaire qui favorisait les offres basses (le prix était pondéré à 40 % au carré). Le juge rejette toutefois l’argument après avoir rappelé que la méthode était inscrite dans le RC et donc connue de tous les candidats et après avoir vérifié que si la formule au carré n’avait pas été utilisée, le classement des offres n’aurait pas été modifié.
La société faisait également valoir le caractère anormalement bas de l’offre de l’attributaire, la société CAP GEMINI TS. L’offre de cette dernière était en effet de 24,5 millions d’euros HT, contre 63,5 millions pour la société Worldline. Le différentiel était donc extrêmement important et l’on aurait pu envisager que l’article 55 du CMP fut effectivement mis en œuvre.
Le TA juge pourtant que « si cette circonstance constitue un indice permettant de suspecter une offre anormalement basse, il ne permet pas à lui seul de retenir le caractère anormalement bas de l’offre, ce dernier devant aussi être apprécié en tenant compte des justifications apportées par l’attributaire » (en l’espèce des innovations technologiques). Cette affirmation, assez contestable, démontre une nouvelle fois que le moyen tiré du caractère anormalement bas d’une offre est systématiquement rejeté en référé. Un tel mouvement jurisprudentiel, aussi sévère à l’encontre des requérants, doit être critiqué.
Il serait utile que les juges des référées appréhendent avec moins de sévérité ce moyen, car dans bon nombre de cas la suspicion d’une offre anormalement base existe.
De la difficulté de contester en référé une procédure de passation d’une DSP
TA Bordeaux, ord. 12 novembre 2015, Sté AGUR, n°1504801
La société AGUR a contesté la procédure de passation de la COBAS concernant la délégation du service public de production et de distribution d’eau potable.
La société avait soulevé à cette occasion de très nombreux moyens, qui ont tous été rejetés un par un par le Tribunal. En conclusion ce dernier estime que « la société n’est pas fondée à soutenir que le Président de la COBAS a, en écartant son offre dans son rapport analysant de façon détaillée et objective, au regard de l’ensemble des critères de sélection, les trois offres dont était saisie la Communauté d’Agglomération, méconnu les obligations de publicité et de m de mise en concurrence qui lui incombaient ». Ainsi, dès lors que l’autorité délégante peut démontrer qu’elle a procédé à une analyse « détaillée et objective » des offres, elle sera donc à l‘abri d’une annulation de sa procédure Sapin.
Le pouvoir adjudicateur doit demander aux candidats de fournir des justificatifs à l’appui de leur offre
CE, 9 novembre 2015, Sté Autocars de l’Ile de Beauté, n°392785
Les marchés publics de transports en commun en Corse ont clairement permis, par le nombre de contentieux qu’ils génèrent, de faire avancer le droit de la commande publique.
Cette fois-ci, c’est le marché de transports scolaires du département de la Corse-du-Sud qui était en cause.
Dans le dossier de consultation, le pouvoir adjudicateur avait demandé aux candidats de préciser si les véhicules proposés dans leur offre seraient stationnés dans un lieu couvert, cet élément constituant un sous-critère du critère de la valeur technique. Néanmoins, le Département n’avait pas demandé aux candidats de produire des justificatifs lui permettant de contrôler effectivement l'exactitude de cette information.
Le juge des référés du TA de Bastia avait donc annulé la procédure, le pouvoir adjudicateur n’ayant pu contrôler sérieusement les informations des candidats.
Le Conseil d’Etat valide cette position et juge, dans un considérant de principe, que « lorsque, pour fixer un critère d'attribution du marché, le pouvoir adjudicateur prévoit que la valeur des offres sera examinée au regard d'une caractéristique technique déterminée, il lui incombe d'exiger la production de justificatifs lui permettant de vérifier l'exactitude des informations données par les candidats ».
Les acheteurs doivent donc vérifier si cette exigence est bien présente dans leur RC, sous peine de voir leur procédure courir un risque d’annulation.
Ce qui est demandé au cahier des charges n’est ni une option, ni une variante
CE, 21 octobre 2015, Communauté urbaine du Grand Dijon, n°391311
Selon le Conseil d’Etat, une proposition demandée obligatoirement aux candidats ne constitue ni une option, ni une variante.
Dans cette affaire, la Communauté urbaine avait lancé une procédure pour l’attribution d’un marché d’enquêtes. Deux types d’enquêtes étaient prévus : des enquêtes en « porte à porte » et des enquêtes téléphoniques. Pour les enquêtes à domicile, les candidats devaient préciser des propositions alternatives de saisine des données (numérique ou papier). Il était en outre demandé aux candidats de chiffrer ces deux solutions. La communauté urbaine a classé les offres selon les critères de choix et a retenu la solution de saisine par support numérique. Un candidat évincé soutenait que cette alternative constituait une option ou une variante, toutes deux interdites par le règlement de la consultation. Peine perdue, puisque le Conseil d’Etat considère que cette alternative, devant être obligatoirement complétée et chiffrée par les candidats, ne peut être assimilée ni à une option, n à une variante.
Annulation d’une procédure en raison d’un conflit d’intérêt
CE, 14 octobre 2015, Région Nord-Pas-de-Calais, n°390968
Le Conseil d’Etat annule une procédure de passation au motif que l’AMO de la Région était un ancien salarié de la société attributaire et qu’à ce titre, il avait pu jouer un rôle dans ce choix. Le doute sur l’impartialité du choix entraine donc l’annulation de la procédure.
A cette occasion, le Conseil d’état indique « qu'au nombre des principes généraux du droit qui s'imposent au pouvoir adjudicateur comme à toute autorité administrative figure le principe d'impartialité, dont la méconnaissance est constitutive d'un manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence ».
Le Conseil d’Etat ajoute, de manière plus contestable que la candidature de la société en question pouvait dès lors être écartée au stade de la candidature : « qu'il était au demeurant loisible à la région, qui avait connaissance de la qualité d'ancien salarié de la SA Applicam de M.A..., de mettre en œuvre, une fois connue la candidature de cette société, toute mesure en vue de lever ce doute légitime, par exemple en l'écartant de la procédure d'analyse des offres ». Les pouvoirs adjudicateurs sont donc invités à bien se renseignés sur les liens potentiels qui peuvent exister entre leurs AMO et les candidats à un marché, cette question étant en pratique importante
Petite piqure de rappel : il est interdit d’interdire une réponse en groupements
TA Melun, ord.5 octobre 2015, M.X, n°1507467
Un acheteur public avait indiqué, dans son règlement de la consultation, qu’« aucune forme de groupement n’est autorisé ».
Une entreprise qui voulait répondre en groupement, a donc renoncé à répondre et a contesté la procédure.
Logiquement, le juge des référés indique qu’une telle interdiction viole frontalement l’article 51 du code des marchés publics, qui autorise la réponse sous le forme d’un groupement d’entreprise.
Sur la recevabilité, le juge applique l’arrêt récent du CE (CE, 29 avril 2015, SYVADE, n°386748) et considère que « toute personne est recevable à agir, sur le fondement de l’article L.551-1 du CJA, lorsqu’elle a vocation, compte tenu de son domaine d’activité, à exécuter le contrat, y compris lorsqu’elle n’a pas présenté de candidature ou d’offre si elle en a été dissuadée par les manquements aux obligations de publicité et de mis en concurrence qu’elle invoque ; que M. X, qui n’a pas présenté d’offre en raison de l’interdiction faite aux candidats de présenter une offre sous forme de groupement d’entreprises, est recevable à agir alors même qu’il a renoncé à présenter une offre ». La procédure est donc annulée…
Annulation d’une procédure en raison de la dénaturation de l’offre d’un candidat
TA Réunion, 2 octobre 2015, Sté Derichebourg, n°1500822
Dans son ordonnance le TA de la Réunion annule la procédure de passation du marché de collecte des déchets de la CIVIS, au motif que l’acheteur a commis une dénaturation de l’offre d’un candidat.
Le moyen tiré de la dénaturation de l’offre est très souvent mis en avant par les requérants, mais il est la plupart du temps écarté, les juges rechignant peut-être à entrer dans l’analyse des offres.
En l’espèce, le juge apporte une précision intéressante en indiquant que « la dénaturation de l’offre, ou erreur de fait, peut être constatée par le juge des référés précontractuels sans que celui-ci ne se livre à un contrôle de l’appréciation portée par le pouvoir adjudicateur sur les mérites respectifs des offres en présence ».
Il faut dire qu’en l’espèce, la manœuvre du pouvoir adjudicateur avait l’air un peu grosse : deux candidats avaient rempli leur offre selon la même méthode de décompte des ETP (équivalent temps pleins) du personnel affecté à la mission. Or, l’acheteur avait procédé à la correction de cette méthode en majorant les chiffres présentés pour l’un des deux candidats uniquement…. Outre le fait que le pouvoir adjudicateur avait irrégulièrement modifié l’offre d’un candidat, il n’a pas appliqué la même méthode de correction aux deux candidats en lice et a donc dénaturé l’offre du premier candidat. La procédure est donc logiquement annulée au stade des offres.
Ordonnance intéressante sur le délai de validité des offres et sa prolongation
TA Bastia, ord.23 septembre 2015, Sté Terrassements corses Terraco, n°1500812
La question du délai de validité des offres est rarement débattue devant le juge des référés. Or, l’on sait que si ce délai prévu au RC (90, 120 ou 180 jours en général) est dépassé avant que la CAO ne choisisse l’attributaire, les offres sont caduques et la procédure doit être annulée, sauf accord express de tous les candidats pour prolonger ledit délai de validité.
En l’espèce, la question était de savoir si les deux soumissionnaires avaient pu implicitement donner leur accord sur cette prolongation, par la remise d’un nouvel acte d’engagement en cours de négociations qui prévoyait, dans l’un de ces articles, le délai de validité des offres (180 jours). Le juge considère que la remise de ce document vaut accord pour une nouvelle prolongation de 180 jours.
Le TA pose également une limite : « le délai de validité des offres ne peut être prolongé qu’avec l’accord de l’ensemble des candidats admis à déposer une offre, et sous réserve qu’un changement dans les conditions de la concurrence ou dans les conditions prévisibles d’exécution du contrat ne rende pas nécessaire, dans les circonstances propres à chaque procédure de mise en concurrence, eu égard notamment au rapport entre la durée de la procédure et la durée d’exécution du contrat, la fixation d’une nouvelle date limite ou l’organisation d’une nouvelle procédure de publicité ». Dans cette affaire, étrangement, le délai d’exécution du marché était fixé à 5 mois, mais le juge accepte la prolongation du délai de validité des offres pour 180 jours supplémentaires. En définitive, le délai de validité des offres était donc de 12 mois, pour un marché dont la durée d’exécution était de 5. La limite posée par le juge est donc appréciée avec une certaine souplesse…
« Je me réserve le droit de négocier » en MAPA : adjugé, vendu !
CE, 18 septembre 2015, Sté Axcess, n°380821
Le débat est ancien, la réponse du Conseil d’Etat était attendue avec impatience. Les pouvoirs adjudicateurs peuvent-ils mentionner, dans le cadre d’une procédure adaptée, le fait qu’ils se réserveront le droit de négocier avec les candidats laissant ainsi planer une incertitude lors de l’élaboration de leur offre par les soumissionnaires. Plusieurs ordonnances de référé contradictoires avaient été rendues sur cette question, très importante en pratique.
Le Conseil d’Etat vient de trancher par l’affirmative. Dans un considérant de principe, il considère en effet sans ambiguïté que « si le pouvoir adjudicateur a décidé de faire usage de sa faculté de négocier dans le cadre d'une procédure adaptée, il doit en informer les candidats dès le lancement de la procédure et ne peut alors renoncer à négocier en cours de procédure ; qu'il peut aussi se borner à informer les candidats, lors du lancement de la procédure, qu'il se réserve la possibilité de négocier, sans être tenu, s'il décide effectivement de négocier après la remise des offres, d'en informer l'ensemble des candidats ».
La Haute Assemblée valide donc le fait, pour l'Ecole du Louvre, de se borner à prévoir, dans son DCE, qu'elle se réservait le droit de négocier avec les trois premiers candidats du classement. Ce faisant, elle ne commet aucun manquement à ses obligations en matière de publicité et de mise en concurrence.
Si cette décision n’a pas été rendue dans le cadre d’une procédure de référé précontractuel, il est évident qu’elle présente un grand intérêt pour la matière. Par cette décision, le Conseil d’Etat sécurise en effet de très nombreuses procédures de passation (les MAPA étant quantitativement les marchés le plus importants).
Précisions sur l’allotissement et les groupements de commandes
CE, 18 septembre 2015, SIEBR, n°389740
Dans un considérant de principe, le Conseil d’Etat affirme de manière claire que l’allotissement est applicable, même en cas de constitution d’un groupement de commandes : « les dispositions précitées de l'article 10 du code des marchés publics, qui prévoient le principe d'une dévolution des marchés publics par lots et définissent les hypothèses dans lesquelles un marché global peut être conclu, sont applicables lorsqu'un groupement de commandes a été constitué dans les conditions prévues par l'article 8 du code des marchés publics ».
Dans cette espèce, un marché de travaux avait été lancé par un groupement de commandes. Le règlement de consultation précisait qu’il y aurait trois marchés distincts, le premier étant conclu avec le 1er membre du groupement de commandes et les deux autres avec le second membre du groupement. Il était néanmoins indiqué que les trois marchés devaient être conclus avec le même entrepreneur.
Le Conseil d’Etat confirme donc l’annulation de la procédure prononcée par le juge des référés au motif que puisque trois marchés distincts avaient été prévus, et que donc le groupement de commandes avait de fait alloti ses prestations, il n’était pas possible de prévoir que ces lots seraient attribués au même titulaire.
Le Conseil d’Etat d’ailleurs écarté l’argumentaire du SIERB tendant à justifier que le marché ne pouvait pas être alloti, au motif que justement un allotissement avait été effectué : « le SIEBR ne pouvait utilement soutenir devant le juge des référés que le recours à un marché global était possible dans les conditions prévues par le deuxième alinéa de l'article 10 cité ci-dessus, dès lors, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, qu'il avait lui-même décidé de passer trois marchés distincts ».
Le juge des référés accepte de vérifier la compétence juridique des candidats !
CE, 18 septembre 2015, CNAM, n°390041
Dans une décision importante, le Conseil d’Etat vient de doter le juge des référés précontractuels d’un nouveau pouvoir : celui de vérifier la capacité juridique d’un candidat à répondre à un marché : « il appartient au juge du référé précontractuel, saisi de moyens sur ce point, de s'assurer que l'appréciation portée par le pouvoir adjudicateur pour exclure ou admettre une candidature ne constitue pas un manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence ; que, dans ce cadre, lorsque le candidat est une personne morale de droit public, il lui incombe de vérifier que l'exécution du contrat en cause entrerait dans le champ de sa compétence et, s'il s'agit d'un établissement public, ne méconnaîtrait pas le principe de spécialité auquel il est tenu ».
Dans cette affaire, la commune de Brie avait lancé une procédure pour le choix d’un AMO pour la création d’une ZAC. Elle avait exigé la présence d’un juriste spécialisé en urbanisme, et avait attribué le marché au Conservatoire national des arts et métiers qui ne disposait pas de cette compétence juridique. Le TA avait accepté d’examiner la capacité juridique du candidat, ce qui était traditionnellement refusé en référé (CE, 21 juin 2000, Syndicat intercommunal de la cote d’amour et de la presqu’ile guérandaise). Si le CE annule l’ordonnance pour une erreur dans le raisonnement du juge (et refuse de statuer sur les faits en raison de l’abandon de la procédure par la ville), il accepte le principe de l’analyse de la compétence juridique du candidat dès le stade du référé, ce qui évite au contrat d’être éventuellement annulé en cours d’exécution. En cela, cette avancée jurisprudentielle doit être saluée.
La suite logique de cette décision serait que le juge des référés accepte dorénavant de vérifier également la compétence du signataire du marché, chose qu’il se refuse systématiquement de faire. Mais pour combien de temps encore ?
Le juge du référé précontractuel valide la possibilité de prévoir une note éliminatoire
TA Paris, ord. 16 juin 2015, Sté Ansaldo, n°1508617 et TA Paris, ord. 23 juin 2015, Sté EASF et Sodesam, n°1509264
Par deux décisions rendues à quelques jours d’intervalle, le Tribunal administratif de Paris a donné raison à la SNCF qui avait prévu, dans ses dossiers de consultation, des notes techniques éliminatoires.
Pour le juge, « aucun texte ni aucun principe n’interdit à une entité adjudicatrice de prévoir l’attribution d’une note éliminatoire, dès lors que cette information est portée à la connaissance de l’ensemble des candidats ». Dans les deux décisions, les juges vérifient tout de même que la note éliminatoire est fixée à un nouveau raisonnable (respectivement 10 et 12/20) et qu’elle concerne un critère ou un sous-critère dont la pondération n’est pas disproportionnée.
Dès lors, s’il fait preuve de mesure, l’acheteur public doit pouvoir envisager la possibilité de prévoir des notes éliminatoires dans son DCE (exemple : en procédure négociée, l’offre dont la note technique n’atteint pas 12/20 ne participe pas à la suite des négociations).
Seule difficulté de cette solution : le TA réaffirme dans ces deux affaires qu’il n’entre pas dans l’office du juge des référés d’apprécier les mérites respectifs des offres des candidats. En combinant note éliminatoire et absence de contrôle de la note, le pouvoir adjudicateur dispose donc en théorie de la possibilité d’éliminer le candidat qu’il souhaite (attribution d’une note inférieure à la note éliminatoire) sans aucune contrôle du juge des référés précontractuels. Le risque de dérives existe donc de ce point de vue.
Une même ordonnance, plusieurs enseignements à en tirer
TA Grenoble, ord. 8 septembre 2015, Sté S. n°1515166
Il arrive que lors d’une même affaire, plusieurs questions distinctes soient soulevées. Dans son ordonnance, le juge des référés du TA de Grenoble vient ainsi de prendre position sur trois sujets très intéressants.
En premier lieu, le juge indique qu’une entreprise membre d’un groupement (et non mandataire) peut saisir le juge des référé, y compris en son nom personnel et y compris malgré l’opposition du mandataire du groupement.
En deuxième lieu, le juge affirme qu’il est possible de se prévaloir en référé de documents de la procédure qui aurait été obtenus en violation du principe de confidentialité (rapport d’analyse des offres, éléments de l’offre d’un concurrent). ON ne peut donc, en défense, s’opposer à la production de ces documents, qui sont pour le juge régulièrement versés au débat.
En troisième lieu, le juge confirme que l’attribution du marché à une offre irrégulière, même sur des aspects minimes (ici une seule non-conformité sur 160 points), rend la procédure irrégulière et entraîne son annulation, au stade des offres.
Une offre déclarée irrégulière et/ou inappropriée à tort doit être réintégrée dans l’analyse des offres
TA Paris, ord.24 juillet 2015, Sté Locus, n°1511128/9
Le caractère irrégulier ou inapproprié d’une offre a des conséquences importantes : l’offre qualifiée comme telle est en effet exclue de la procédure avant tout examen des offres.
L’acheteur public doit donc être certain que l’offre en question est bien irrégulière (incomplète ou ne respectant pas le DCE) ou inappropriée (réponse sans rapport avec les besoins). A défaut, la procédure peut être annulée au stade de l’analyse des offres et l’offre doit être réintégré dans l’analyse.
Dans cette affaire, une société a vu son offre rejetée comme irrégulière, et en cours de procédure, comme également inappropriée. Ayant réussi à démontrer au juge que son offre était en réalité parfaitement conforme aux prescriptions du CCTP, elle a obtenu d’être réintégrée dans l’analyse des offres.
Morale de l’histoire : si vous êtes évincé d’une procédure au motif que votre offre est irrégulière et/ou inappropriée, vous n’êtes pas démuni et avez des possibilités d’action.
Ambiguïté dans un BPU : les soumissionnaires doivent faire preuve de bon sens
CE, 3 juillet 2015, Département de la Seine-Saint-Denis, n°389302
Dans le cadre d’un marché d’audit des ouvrages d’arts du département, une même prestation figurait deux fois, dans deux lignes distinctes du BPU.
Un candidat évincé a obtenu du juge du référé précontractuel l’annulation de la procédure en raison de cette prétendue ambiguïté.
Le Conseil d’Etat censure cette analyse et considère qu’en réalité, une lecture attentive du BPU permettait de comprendre que si la prestation était identique, elle intervenait dans des cas différents, selon les chapitres auquel les lignes du BPU faisaient référence. Autrement dit pour le Conseil d’Etat un candidat un minimum attentif et faisant preuve de bon sens pouvait légitimement comprendre qu’il s’agissait en réalité de deux prestations différentes.
Opérant un contrôle sur l’intelligibilité des pièces du DCE, le Conseil d’Etat confirme donc que les candidats doivent lire avec attention les pièces d’un marché. Si le DCE comporte une réelle difficulté de compréhension, le candidat doit alors poser une question à l’acheteur en cours de procédure, le Conseil d’Etat reprochant implicitement au requérant de ne pas l’avoir fait (questions posées sur d’autres sujets).
Quel est le TA territorialement compétent en matière de référé précontractuel ?
CE, 26 juin 2015, Ministre de la Défense, n°389599
Dans la majorité des cas, le tribunal administratif géographiquement compétent est celui où siège le pouvoir adjudicateur, dans la mesure où le contrat à conclure par ce dernier est exécuté dans son ressort géographique. Par exemple, une commune exécutera le marché concerné par la procédure de passation contestée sur son territoire. Le choix du TA géographiquement compétent ne pose donc pas de difficulté. Toutefois, il existe certaines hypothèses dans lesquelles les contrats s’exécuteront hors du lieu du siège de l’acheteur. Il s’agit le plus souvent des cas ou l’administration centrale conclut des contrats qui s’exécuteront à niveau déconcentré. Dans ce cas de figure, le requérant doit-il saisir le TA du siège de l’acheteur ou le TA ou s’exécutera le contrat ?
Le Conseil d’Eta vient de donner la réponse à cette question, en estimant, sur le fondement de l’article R.312-11, du CJA, qu’il faut saisir le TA du lieu où le contrat sera exécuté : « qu'il résulte de ces dispositions que le juge compétent pour statuer sur un référé précontractuel présenté sur le fondement de l'article L.551-1 du CJA est le juge des référés du tribunal dans le ressort duquel le contrat doit être exécuté ».
Dans cette affaire, la direction des approvisionnements en produit de santé du Ministère de la Défense, dont le siège est situé dans le Loiret avait lancé une procédure pour le compte de l’hôpital des armées de Marseille, lieu d’exécution du contrat. C’est donc bien le TA de Marseille qui était compétent, et non celui d’Orléans. Notons toutefois que la saisine du mauvais tribunal a pour seule conséquence que ce dernier procède au renvoi de l’affaire devant le bon tribunal, en application de l’article R.351-3 du CJA.
Conseil d’Etat et allotissement : toujours plus de souplesse ?
CE, 26 juin 2015, Ville de Paris, n°389682
Dans un arrêt du 26 juin, le Conseil d’Etat a fait preuve d’une certaine souplesse concernant le marché global passé par la ville de Paris pour l’exploitation de ses kiosques et de la gestion de l’activité de kiosquiers.
A cet égard, le Conseil d’Etat indique que « saisi d'un moyen tiré de l'irrégularité du recours à un marché global, il appartient au juge de déterminer si l'analyse à laquelle le pouvoir adjudicateur a procédé et les justifications qu'il fournit sont, eu égard à la marge d'appréciation qui lui est reconnue pour estimer que la dévolution en lots séparés présente l'un des inconvénients que les dispositions précitées mentionnent, entachée d'appréciations erronées ». En l’espèce, le juge considère, sans fournir de réelles explications, que « la ville de Paris a pu, sans irrégularité, faire le choix d'un marché global, eu égard aux difficultés que soulèverait la réalisation, par deux opérateurs distincts, de prestations qui sont fortement imbriquées et obéissent cependant souvent à des logiques concurrentes ; que la circonstance que deux contrats distincts aient été auparavant mis en œuvre est à cet égard, en tout état de cause, sans incidence ». On aurait toutefois aimé que la Haute juridiction justifie un peu plus la solution retenue.
Cette décision est également l’occasion pour elle d’affirmer qu’« il n'appartient pas au juge du référé précontractuel d'apprécier les mérites des candidatures ». La solution était connue pour les offres, la voici désormais établie pour les candidatures.
L’acheteur peut demander aux candidats de faire des tests de leur matériel en appel d’offres
CE, 26 juin 2015, AP-HP, n°389124
Dans le cadre de son marché de prestations de contrôle de qualité externe d’équipements d’imagerie et de radiothérapie, l’AP-HP avait demandé aux candidats de réaliser des essais des matériels proposés. Un candidat avait attaqué la procédure sur ce fondement, le juge des référés ayant annulé la procédure sur ce fondement.
Le Conseil d’Etat censure cette solution, et affirme que « ni les dispositions de l'article 49 [qui permet à l’acheteur d’exiger que les offres soient accompagnées d'échantillons, de maquettes ou de prototypes], ni aucune autre disposition ou principe n'interdisaient à l'AP-HP d'exiger des candidats la réalisation d'essais dans le cadre de la présentation de leur offre ». Il pose toutefois une certain nombre de condition à ces tests, en affirmant « qu’il ne résulte pas de l'instruction que les essais auxquels ont été soumis les candidats auraient donné lieu à une négociation avec le pouvoir adjudicateur et à une modification de leur offre […] ou que la confidentialité des offres présentées par les différents candidats aurait été violée par l'organisation des essais, lesquels se sont déroulés séparément pour chacun des candidats sans qu'un candidat ne puisse connaître la teneur de l'offre de ses concurrents ».
Moralité, des tests de matériels sont possibles en appel d’offres à condition qu’ils soient réalisés en respectant quelques fondamentaux.
Un nouveau motif de rejet d’une candidature peut être opposé par un pouvoir adjudicateur en cours de procédure de référé
CE, 17 juin 2015, commune de Montpellier, n°388596
La commune de Montpellier avait informé la société Philip Frères que sa candidature avait été rejetée pour absence de références. Se fondant sur l’article 52 du code des marchés publics qui interdit de rejeter une candidature pour un tel motif, le TA avait annulé la procédure de passation. Devant le juge, la commune avait toutefois fait valoir qu’elle avait également analysé les capacités professionnelles, techniques et financière du candidat avant de rejeter ladite candidature. Le tribunal avait toutefois considéré que cette défense était inopérante.
La commune obtient finalement gain de cause devant le Conseil d’Etat. Ce dernier affirme ainsi que « le motif tiré de ce que le candidat ne produisait pas de références portant sur des marchés analogues ne peut suffire, à lui seul, à justifier le rejet de la candidature, le pouvoir adjudicateur étant tenu d'examiner les capacités professionnelles, techniques et financières d'un candidat en application de l'article 52 du code des marchés publics ; que, toutefois, la commune fait valoir que, nonobstant la motivation figurant dans la lettre de rejet adressée à la société, elle s'est effectivement livrée à une appréciation des capacités professionnelles et techniques de la société et qu'elle les a jugées insuffisantes ; qu'il résulte de l'instruction que la CAO a procédé à cette appréciation avant le rejet de la candidature de la société; qu'en estimant, au regard de l'objet social de la société, de ses moyens humains et matériels, des qualifications attestées et de son expérience antérieure, que cette candidature ne démontrait pas de compétences dans l’objet du marché, la commune n'a pas entaché d'erreur manifeste l'appréciation à laquelle elle s'est ainsi livrée ; que ce motif justifie le rejet de la candidature ».
Un nouveau motif de rejet de la candidature, dès lors qu’il est fondé sur une analyse complète et objective préalable au rejet, peut donc valablement être opposé au candidat en cours de procédure.
Méthode de notation : le juge, sévère avec les candidats, valide une méthode non proportionnelle qui accroit significativement les écarts de notes
TA Paris, ord. 27 mai 2015, Sté PSR rénovation
Dans une ordonnance relativement sévère, le tribunal rejette une requête contestant la méthode de notation du critère prix mise en œuvre par la ville de Paris. Cette méthode avait pour effet d’accroitre très significativement les écarts de notes par rapport aux écarts de prix, remettant ainsi en cause la pondération du critère prix affiché dans le RC.
Dans sa requête, la société avait illustré les effets pervers de cette méthode en refaisant des calculs avec d’autres méthodes couramment pratiquées. Or, le juge considère que ce faisant, la société « démontre seulement, par les autres hypothèses de notation qu’elle préconise, qu’elle aurait obtenu dans tous les cas une note inférieure de plusieurs points à celle de l’attributaire sur le critère prix ». Ce faisant, le juge refuse de remettre en cause la formule elle-même et demande au candidat d’apporter une preuve difficile (sauf à mettre en œuvre toutes les méthodes de notation qui existent, sachant qu’elles sont extrêmement nombreuses).
Référé et article 46 du CMP : quand le juge vient au secours de l’acheteur public
TA Rennes, ord. 2 avril 2015, Sté Satelec, n°1501161
Dans le cadre d’une procédure de référé précontractuel, le candidat évincé dont l’offre a été classé en troisième position invoquait (entre autres) le moyen tiré de la violation par le pouvoir adjudicateur de l’article 46 du code des marchés publics.
Cet article impose à l’acheteur de réclamer au candidat retenu un certain nombre d’attestations avant de lui attribuer le marché. L’article 46 précise que « le marché ne peut être attribué au candidat dont l'offre a été retenue que si celui-ci produit dans le délai imparti les certificats et attestations prévus. S'il ne peut produire ces documents dans le délai imparti, son offre est rejetée et le candidat éliminé. Le candidat dont l'offre a été classée immédiatement après la sienne est sollicité pour produire les certificats et attestations nécessaires avant que le marché ne lui soit attribué. Si nécessaire, cette procédure peut être reproduite tant qu'il subsiste des offres qui n'ont pas été écartées au motif qu'elles sont inappropriées, irrégulières ou inacceptables ».
En l’espèce, il semble que le pouvoir adjudicateur n’avait pas réclamé les pièces visées à l’article 46 au candidat classé en première position. Le juge relève le manquement, mais va, en quelques sorte, annihiler ce moyen en enjoignant à l’acheteur de réclamer ces pièces dans un délai imparti au candidat classé en 1er, puis, à défaut, au candidat classé en deuxième, avant d’attribuer le marché.
Ce faisant, le juge fait preuve d’un grand pragmatisme et préserve la procédure mise en œuvre.
Le Conseil d’Etat peut confirmer une ordonnance tout en l’infirmant
CE, 6 mai 2015, SITURV, n°377544
Dans un arrêt du 6 mai 2015, le Conseil d’Etat confirme la solution retenue par le juge des référés précontractuels du tribunal administratif de Lille concernant la hiérarchisation des critères de choix dans le cadre d’une procédure de passation d’une DSP (ordonnance commentée sur ce site, TA Lille, ord. 14 janvier 2015, Sté Kéolis, n°1409238).
Dès lors que le RC indique que les critères seront hiérarchisés, le pouvoir adjudicateur commet un manquement en accorant finalement le même poids à tous les critères, ne respectant par-là même pas la règle du jeu communiquée aux candidats.
Néanmoins, le Conseil d’Etat infirme l’ordonnance en ce qu’elle a annulé l’intégralité de la procédure, le manquement constaté ne se rapportant qu’au stade de l’analyse des offres. La Haute Assemblée confirme donc que le juge des référés a commis une erreur de droit. La procédure peut donc reprendre à ce stade, ce qui devrait faire gagner de précieux mois à la collectivité. Conclusion, le juge des référés n’est pas libre dans l’utilisation de son pouvoir d’annulation, et doit adapter le prononcé d’une mesure d’annulation selon le stade de la procédure auquel le manquement retenu se rattache.
Absence de réponse, PPP et article L.551-2 du CJA
CE, 29 avril 2015, SYVADE, n°386748
Dans une décision du 29 avril, le Conseil d’Etat a apporté plusieurs précisions utiles sur la procédure de référé précontractuel.
Tout d’abord, le juge confirme que « toute personne est recevable à agir, sur le fondement de l'article L. 551-1 du CJA, lorsqu'elle a vocation, compte tenu de son domaine d'activité, à exécuter le contrat, y compris lorsqu'elle n'a pas présenté de candidature ou d'offre si elle en a été dissuadée par les manquements aux obligations de publicité et de mise en concurrence qu'elle invoque ». Le fait de ne pas répondre à une procédure n’interdit donc pas de facto d’engager une procédure de référé.
Ensuite, le juge confirme qu’un PPP ne peut pas être découpé en une tranche ferme limitée à la conception et une tranche conditionnelle portant sur la construction, la mise en service et l'entretien de l’ouvrage (ordonnance du TA de Basse-Terre commentée ici même).
Enfin, le Conseil d’Etat limite la possibilité d’invoquer l’article L.551-2 du CJA, qui semblait, selon les jurisprudences des TA rendues sur ce point, permettre au juge de ne pas annuler une procédure de passation en présence d’une illégalité pour sauvegarder un intérêt public.
Le conseil d’Etat juge en effet que « ces dispositions ne sont pas applicables si le juge estime que les manquements relevés doivent avoir pour conséquence l'annulation de la procédure ».
Cette position semble donc réduire à néant l’utilité de cet article, dont on ne voit plus très bien à quoi il pourra désormais servir, ce qui est tout de même dommage.
Dura lex, sed lex
TA Dijon, ord. 24 avril 2015, SARL Alpes Bourgogne constructions, n°1500986
Dans le cadre d’un marché de travaux, une société dont l’offre était de 300.000 euros HT a vu son offre écartée pour irrégularité, au motif que la peinture proposée n’était pas conforme au CCTP. Le poste en question ne représentait toutefois que 945 € HT (soit 0,3 % du montant de l’offre, autant dire une infime partie du marché, très accessoire au demeurant) et il était en outre précisé dans le CCTP que la peinture proposée devait être d’un certain type « ou équivalent ». L’entreprise mettait donc en avant devant le juge le caractère mineur de l’irrégularité et le fait que la peinture proposée était bien équivalente.
Ces arguments n’ont toutefois pas convaincus le juge des référés, qui rejette la requête en considérant que l’offre était bien irrégulière au sens de l’article 35 du code des marchés publics (la peinture proposée étant acrylique et non minérale). Cette ordonnance constitue une nouvelle illustration de la position stricte du juge des référés sur la notion d’offre irrégulière.
Un référé précontractuel proroge-t-il automatiquement le délai de validité des offres ?
CE, 10 avril 2005, Centre Hospitalier de Nouvelle-Calédonie, n°386912
L’acheteur public est tenu, sous peine d'irrégularité de la procédure de passation, de désigner l'attributaire d'un marché dans le délai de validité des offres. Toutefois, si celui-ci expire avant, l’acheteur a la possibilité de solliciter de l'ensemble des candidats une prorogation ou un renouvellement de ce délai. Mais quand est-il lorsque le délai de validité des offres arrive à expiration au cours d’une procédure de référé précontractuel ? Le litige devient-il sans objet en raison de la caducité des offres ? Saisi dans le cadre d’une procédure de passation d’un marché public de missions de service médical d’urgence lancée par le centre hospitalier territorial de Nouvelle-Calédonie et annulée par le juge des référés du Tribunal administratif, le Conseil d’Etat a jugé que « lorsque ce délai est arrivé ou arrive à expiration devant le juge du référé précontractuel, la personne publique peut poursuivre la procédure de passation du marché avec les candidats qui acceptent la prorogation ou le renouvellement du délai de validité de leur offre ». L’expiration du délai de validité des offres, au cours d’une procédure de référé précontractuel, n’empêche donc pas l’acheteur public de poursuivre la procédure avec les candidats acceptant la prorogation de ce délai, dès lors que cette dernière est jugée régulière.
A irrégularité, irrégularité et demi
TA Basse-Terre, ord. 31 mars 2015 Sté SNR, n°1500142
Une société évincée d’un marché public de collecte et de traitement des véhicules hors d’usages (épaves) contestait l’attribution dudit marché à une entreprise qui ne disposait pas de l’agrément nécessaire à la réalisation de cette prestation en application de l’article R.543-162 du code de l’environnement.
Mal lui en a pris. En effet, en défense, le pouvoir adjudicateur a mis en avant le fait que cette entreprise ne disposait pas, non plus du précieux sésame et que son offre était donc, irrégulière. Le juge retient l’argument. Ce dernier indique en effet qu’« il n’est pas contesté que l’attributaire ne disposait pas de cet agreement ; que toutefois cette irrégularité n’a pas affecté les chances de la société requérante d’obtenir le contra dès lors que la société SNR ne démontre pas qu’elle disposait, elle-même, de l’agrément prévu à l’article R.543-162 du code de l’environnement ».
Morale de l’histoire : bien vérifier que son offre est régulière avant de saisir le juge des référés.
Un considérant de principe du Conseil d’Etat sur la régularité de la méthode de notation
CE, 10 avril 2005, Centre Hospitalier de Nouvelle-Calédonie, n°386912
Dans un arrêt du 10 avril 2015, le Conseil d’Etat précise que « la personne publique définit librement la méthode de notation pour la mise en œuvre de chacun des critères de sélection des offres qu'elle a définis et rendus publics ; que, toutefois, une méthode de notation est entachée d'irrégularité si, en méconnaissance des principes fondamentaux d'égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures, elle est par elle-même de nature à priver de leur portée les critères de sélection ou à neutraliser leur pondération et est, de ce fait, susceptible de conduire, pour la mise en œuvre de chaque critère, à ce que la meilleure note ne soit pas attribuée à la meilleure offre ou, au regard de l'ensemble des critères pondérés, à ce que l'offre économiquement la plus avantageuse ne soit pas choisie ; qu'il en va ainsi alors même que la personne publique, qui n'y est pas tenue, aurait rendu publique, dans l'avis d'appel à concurrence ou les documents de la consultation, une telle méthode de notation ».
Les acheteurs publics sont donc invités à vérifier, une fois les critères déterminés et la méthode de notation arrêtée, que leur grille d’analyse permet effectivement de retenir l’offre économiquement la plus avantageuse.
Une demande de précisions vaut parfois mieux qu’un référé
TA Basse-Terre, ord. 14 avril 2015, Sté IMSRN, n°1500231
Lorsqu’une entreprise reçoit une lettre de rejet, il y a toujours une déception et une volonté d’en comprendre les raisons. Lorsque cette lettre de rejet est sommaire ou ne contient pas toutes les notes ou toutes les informations prévues à l’article 80 du code des marchés publics, s’ajoute à la déception la frustration de ne pas comprendre. Le candidat évincé a alors la possibilité soit de solliciter des explications complémentaires sur le fondement de l’article 83, soit de saisir directement le juge des référés. Au cas d’espèce, la lettre de rejet adressée par l’acheteur au candidat évincé était sommaire et ne comportait pas les notes obtenues au titre des sous-critères de la valeur technique. Ce dernier a donc saisi directement le juge des référés. Toutefois, en cours de procédure, la Région a transmis toutes les informations utiles manquantes initialement. Le juge rejette donc la requête (puisqu’il ne lui appartient pas d’apprécier les mérites respectifs des candidats) et condamne la société à verser 1.200 euros au titre des frais irrépétibles, ce qui fait cher pour comprendre les raisons d'un rejet.
Morale de l’histoire : mieux vaut parfois une (bonne) demande de précision pour éviter un (mauvais) procès. En outre, il est conseillé aux acheteurs publics de bien motiver leurs lettres de rejet, car d’expérience, un candidat évincé est moins enclin à contester son rejet devant le juge s’il en comprend bien les motifs.
Quelques précisions du Conseil d’Etat sur les modalités de négociation
CE, 27 mars 2015, Sté Groupe Progard, n°386862
Dans son premier arrêt de 2015 rendu en matière de référé précontractuel, le Conseil d’Etat d’Eta fournit quelques précisions sur les modalités de négociations dans le cadre d’une procédure négocié. Le Conseil d’Etat indique ainsi que « les dispositions précitées de l'article 35 du code des marchés publics ne font pas obstacle à ce qu'après que les offres ont été déclarées inacceptables, la procédure négociée s'engage sur la base des mêmes documents et que le pouvoir adjudicateur se borne à demander aux candidats de réviser leurs prix à la baisse ; que, dans le cadre d'une procédure négociée, le pouvoir adjudicateur détermine librement les modalités de discussion des offres mais ne peut engager la négociation avec plusieurs des candidats que dans le respect du principe d'égalité de traitement ».
Il faudra en revanche attendre pour connaitre sa position sur la fameuse formule « je me réserve le droit de négocier », la Haute-Assemblée n’ayant pas saisi cette occasion pour se prononcer.
Une VEFA n’est pas susceptible d’être requalifiée en marché de travaux
TGI Saint-Denis de la Réunion, ord. 19 mars 2015, SCCV CHAMA III c/ CSSM et autres
Très intéressante ordonnance rendue par le TGI dans le cadre d’un référé précontractuel « de droit privé ».
La Caisse de sécurité sociale de Mayotte (qui est une personne morale de droit privé, d’où le recours en référé devant le TGI en application de l’article 1441-1 du code de procédure civile) souhaitait acquérir des bâtiments pour y installer son siège social. Elle a donc lancé un appel à projet pour conclure une vente en l’état de futur achèvement (VEFA). L’on sait que dans certaines conditions, un tel contrat peut être requalifié en marché public de travaux.
Un candidat évincé demandait donc la requalification de ce contrat en marché de travaux, conclu en violation de la Directive 2004/18 et de l’ordonnance du 6 juin 2005. Toute la question était de savoir si le contrat relatif à la construction d’un ouvrage répondait aux besoins précisés par le pouvoir adjudicateur (définition du marché de travaux).
Faisant une pleine application des jurisprudences communautaires rendues sur la question, le TGI considère qu’en l’espèce, les éléments figurant dans l’appel à projet ne permettent pas à la Caisse d’avoir une influence déterminante sur la conception de l’ouvrage ni de s’immiscer dans le processus de construction. Le contrat en litige est donc une vraie VEFA et n’est donc soumis à aucune procédure de publicité et de mise en concurrence préalable. La demande en requalification est donc rejetée. Cette ordonnance est d’autant plus intéressante que les jurisprudences sont rares sur cette question et qu’à notre connaissance, c’est la première fois que le juge judiciaire se prononce sur ce thème.
Le critère « prix » peut être analysé sur la base d’un « chantier masqué »
TA Toulon, ord. 20 février 2015, Sté SGCAA, n°1500320
La question de l’utilisation d’un « chantier masqué » pour juger du critère prix a fait l’objet de plusieurs décisions ces dernières années.
Cette technique consiste à demander aux candidats de remplir un BPU sans leur communiquer le DQE (servant à comparer les offres) établi sur la base d’un chantier fictif.
Cette fois-ci le TA de Toulon valide cette méthode de notation, au motif que la commune de la Seyne-sur-Mer avait d’une part tenu compte de travaux représentatifs de l’objet du marché, avait d’autre part présenté à la CAO le chantier masqué avant l’analyse des offres et avait enfin fourni à tous les candidats les quantités exactement réalisées dans le cadre du précédent marché. Dans ces conditions, le juge considère que le moyen titré de l’utilisation irrégulière de cette méthode de notation n’est pas fondé et rejette la requête.
Les acheteurs publics peuvent donc utiliser cette méthode de notation du critère prix, en faisant néanmoins attention à bien respecter les conditions posées par la jurisprudence.
Présentation d’un sous-traitant au stade de la remise de l’offre : attention à bien fournir les pièces demandées
TA Toulon, ord. 20 février 2015, Sté SOBECA, n°1500311
L’article 45.III du code des marchés publics permet à un candidat de faire état, pour justifier de ses capacités professionnelles, techniques et financières, de celles d'autres opérateurs économiques, et notamment de sous-traitants. Toutefois, dans ce cas-là, le candidat doit, logiquement, justifier des capacités de cet opérateur économique (en fournissant son dossier de candidature) et apporter la preuve qu'il en disposera pour l'exécution du marché (en joignant une lettre d’engagement).
A défaut, l’acheteur public ne peut tenir compte de la présence d’un sous-traitant et ne peut se fonder que sur les capacités du seul candidat. Or, si ces dernières sont insuffisantes, la candidature doit alors être écartée, comme l’a jugé le Tribunal administratif : « si la société a entendu présenter un sous-traitant pour l’exécution des travaux, il est constant qu’elle n’a pas produit les documents justifiant des capacités professionnelles, techniques et financières de ce sous-traitant et que, par suite, la société n’est pas fondée à soutenir que la commune a manqué à ses obligations en rejetant sa candidature ».
Le pharmacien qui fournit des médicaments à un EHPAD n’est pas titulaire d’un marché public
TA Lille, ord. 19 janvier 2015, SARL Pharmacie du pont de Neuville, n°1409248
Les EPHAD qui ne disposent pas d’une pharmacie interne, ont l’obligation, en vertu de l’article L.5126-6-1 du code de la santé publique, de conclure une convention avec une pharmacie extérieure pour la fourniture des médicaments aux patients qui le souhaitent.
En l’espèce, un EHPAD avait consulté plusieurs pharmacies pour la conclusion de cette convention. L’un des candidats évincés demandait au juge des référés d’annulation de la procédure de mise en concurrence au motif que cette convention constituait un marché public.
Le juge infirme cette thèse, en indiquant d’une part que les patients de l’EHPAD conservent la liberté de choix de leur professionnel de santé (ils ne sont pas obligés de recourir au pharmacien désigné par l’EHPAD) et que le pharmacien titulaire de la convention conclue avec l’EHPAD ne perçoit aucune rémunération de la part ce dernier (il est rémunéré par le tiers payant de la sécurité sociale)
Le juge des référés ajoute que cette convention n’est pas non plus une DSP, aucun risque d’exploitation n’étant supporté par le pharmacien titulaire de ladite convention.
Le juge rejette donc la requête au motif qu’il ne peut pas être saisi de cette convention spécifique.
Un OPH taclé pour avoir attribué un marché à une entreprise de création récente
TA Rennes, ord. 9 janvier 2015, SARL Sopro, n°1405560
La nouvelle obligation de pose des détecteurs de fumée a été l’occasion pour le juge administratif de rendre une ordonnance très instructive. Un OPH (dont on suppose qu’il s’était soumis volontairement au code des marchés, les OPH étant en principe soumis à l’ordonnance du 6 juin 2005) avait attribué un marché de pose des détecteurs de fumée à une entreprise créée quelques semaines seulement avant le lancement du marché.
Le juge rappelle que l’appréciation portée par l’acheteur sur les capacités techniques, financières et professionnelles des candidats ne peut être censurée que si elle est entachée d’une erreur manifeste d’appréciation. En l’espèce, le juge considère qu’au regard du dossier présenté (aucun outillage, aucun moyen financier) la société n’avait manifestement pas les capacités pour réaliser les prestations dans le temps imparti. Il ajoute que « le pouvoir adjudicateur devait, en conséquence, écarter sa candidature sans examiner son offre ». Il annule donc la procédure au stade de l’examen des candidatures (sans être tenu par la requête, qui demandait l’annulation au stade des offres).
Alors qu’il n’y était pas obligé, le juge a profité de l’occasion pour indiquer que l’offre de l’attributaire était, en tout état de cause, anormalement basse (ce qui était discutable au vu des éléments de l’ordonnance) et que compte tenu de l’objet du marché, dont l’exécution n’est pas en elle-même particulièrement complexe, le recours au seul critère du prix n’est pas illégal en l’espèce.
L’OPH devra donc procéder à un nouvel examen des candidatures en écartant l’attributaire initial. Il ne peut donc être que conseiller aux acheteurs publics de ne pas négliger le stade de l’analyse des candidatures, qui est trop souvent délaissé au profit de l’examen des offres.
Un contrat conclu entre deux personnes privées ne ressort pas de la compétence du juge administratif du référé précontractuel
TA Mayotte, ord. 22 janvier 2015, SCCV CHAMA III, n°1400706
L’article L.551-1 du CJA, qui fonde les pouvoirs et la compétence du juge administratif des référés précontractuels, précise que le juge du référé du tribunal administratif ne peut être amené à examiner que les contrats administratifs.
Dans cette espèce, une caisse de sécurité sociale, organisme de droit privé, souhaitait conclure une VEFA avec un promoteur privé. L’un des concurrents évincés a saisi le Tribunal administratif d’un référé précontractuel pour tenter d’obtenir la requalification du contrat en marché public de travaux.
Peine perdue, puisque le tribunal administratif s’est déclaré incompétent en rappelant la règle classique qui veut qu’un contrat conclu entre deux personnes privées ne peut pas être qualifié de contrat administratif. S’agissant d’un contrat de droit privé, le juge administratif en général et le juge des référés précontractuel en particulier est donc incompétent.
DSP : attention à bien respecter les règles fixées dans le RC
TA Lille, ord. 14 janvier 2015, Sté K, n°1409238
Le Syndicat intercommunal pour les transports urbains de la région de Valenciennes (SITURV) a lancé une procédure de passation afin d’attribuer un contrat de délégation de service public du réseau de transport urbain. Dans son règlement de la consultation, il était précisé que les critères de choix seraient évalués par ordre décroissant, « instaurant de ce fait une hiérarchisation des critères » pour le juge (la pondération n’étant pas obligatoire pour les DSP). Néanmoins, le syndicat a, pour chaque critère, établi un ordre classement puis a additionné la totalité de ces classement. En procédant ainsi, « il a conféré à tous les critères une même valeur et n’a pas respecté l’ordre décroissant qui figurait dans le RC ». La procédure de passation est donc annulée dans son intégralité, ce qui a obligé le Syndicat à conclure en urgence une convention provisoire avec l’ancien titulaire pour maintenir le service de transport le temps de relancer la nouvelle procédure.
Autre élément intéressant de l’ordonnance : le juge considère que le choix d’une offre irrégulière est susceptible de léser le candidat évincé, « quel qu’ait été son propre rang de classement à l’issue du jugement des offres ». Un candidat évincé est donc recevable à saisir le juge des référés dans cette hypothèse, même s’il n’a pas été classé en deuxième position.
A noter qu’un pourvoi en cassation a été introduit par le SITURV contre cette ordonnance.