Archives 2020 - décisions commentées
Une offre n’est pas irrégulière au motif qu’elle propose un prix inférieur au montant minimum de l’accord-cadre
CE, 24 décembre 2020, Région PACA, n°445078
Accords-cadres avec minimum, la suite. Dans cette décision, le Conseil d’Etat juge qu’« une offre ne saurait être regardée comme ne respectant pas les exigences du règlement de la consultation au seul motif que le prix qu'elle propose est inférieur au montant minimum de l'accord-cadre figurant dans le règlement de la consultation ». L’offre de l’attributaire n’est donc pas irrégulière au motif que son détail quantitatif estimatif (DQE) pour la notation de son offre sur le critère du prix affichait un total inférieur au montant minimum de l'accord-cadre. Etonnamment toutefois, la question du caractère éventuellement anormalement bas de cette offre n’est pas discuté.
Cette décision est également l’occasion pour le Conseil d’Etat de rappeler que lorsque le RC se borne à prévoir un élément d’appréciation du critère de la valeur technique, sans conséquence directe sur la notation, alors il n’est pas obligatoire d’exiger la production de justificatifs permettant à l’acheteur de vérifier l’exactitude des informations fournies par les candidats.
Enfin, il est possible de noter la grande rapidité avec laquelle le Conseil d’Etat a jugé cette affaire. L’ordonnance du TA de Marseille date en effet du 18 septembre 2020, la Haute Assemblée a donc jugé cette affaire trois mois tout juste. De quoi rendre encore moins compréhensible l’impossibilité de permettre aux opérateurs économiques ayant vu leur requête rejetée en première instance de disposer d’un recours en cassation efficace, qui ne bénéficie actuellement qu’aux acheteurs publics.
publié le 4 janvier 2021
Marché illégalement réservé aux géomètres-experts : un manquement, oui…mais qui ne lèse pas le candidat qui n’a démontré aucun intérêt pour y répondre
TA Nancy, ord. 15 décembre 2020, Sté JFM Conseils et Elliva, n°2003077
La Métropole du Grand Nancy avait mis en œuvre une procédure d’appel d’offres ouvert pour la passation d’un accord-cadre à bons de commandes ayant pour objet la réalisation de prestations topographiques et de récolement des ouvrages et réseaux d’assainissement. Le règlement de la consultation (et uniquement lui, précision importante pour la suite) imposait aux candidats de fournir, à l’appui de leur candidature, l’agrément de géomètre-expert. Un candidat ne disposant pas de cette qualification a alors saisi le juge des référés d’une atteinte au principe de libre accès à la commande publique, les travaux objet du marché n’entrant pas selon lui dans le monopole – limité – de la profession de géomètre-expert. Il faisait ainsi valoir qu’il avait été découragé de présenter une offre.
Le tribunal commence par donner raison au requérant en analysant l’objet du marché : « le monopole institué au profit des géomètres-experts concerne exclusivement les travaux ayant directement pour objet la délimitation des biens fonciers […] les prestations objet du marché qui consistent pour l’essentiel en des prestations topographiques et de récolement des ouvrages et réseaux d’assainissement n’entrent pas dans le champ de ce monopole ». Ainsi, l’obligation de fournir l’agrément de géomètre-expert à l’appui de la candidature « pouvait laisser croire aux candidats potentiels que seuls les géomètres-experts pouvaient candidater à l’attribution de ce marché et constituait ainsi une restriction d’accès injustifiée à la commande publique ».
Pour autant, le juge rejette la requête au motif que ce manquement n’a pas été susceptible de léser la société requérante, faute pour cette dernière d’avoir manifesté un intérêt pour y répondre. La société n’avait en effet pas téléchargé le DCE, mais avait seulement lu l’avis de marché : « cette société n’a démontré aucun intérêt pour cette procédure et, en particulier, ce qu’elle ne conteste pas, elle n’a pas demandé à obtenir le dossier de consultation des entreprises. Si elle soutient avoir été dissuadée de présenter sa candidature du fait de la restriction d’accès précédemment mentionnée, il ressort toutefois des pièces du dossier de la consultation que les exigences relatives à l’agrément de géomètre-expert ne figuraient que dans le règlement de la consultation et pas dans l’avis de publicité, seul document auquel la société requérante a eu accès, en l’absence de demande du DCE. Dans ces conditions le manquement invoqué, dont la société ELLIVA n’était pas informée au moment ou elle a décidé de ne pas présenter sa candidature, n’est pas susceptible de l’avoir lésée ». Il est vrai que cette société avait introduit sa requête en référé conjointement avec une autre société qui, elle, avait répondu et avait été écartée. C’est donc très vraisemblablement un recours d’opportunité qui avait été introduit, et le juge n’a pas été dupe.
Moralité, lorsqu’une exigence dissuade une société de répondre (clause « sur mesure ») il faut justifier d’avoir voulu répondre, tant au regard de la recevabilité de la requête (CE, 21 septembre 2016, Grand Dijon, n°399656) que de son bien-fondé. Il ne faut d’ailleurs spas hésiter à se manifester le plus tôt possible, dès la découverte de cette restriction.
publié le 22 décembre 2020
Négociations en MAPA : il est possible d’engager la négociation qu’avec le seul candidat classé en tête à l’issue de l’analyse des offres initiales
TA Rennes, ord. 17 décembre 2020, Sté Jardin Service, n°2005292
Le juge des référés du tribunal administratif de Rennes vient d’apporter d’utiles précisions en matière de négociations en MAPA.
Selon cette ordonnance tout d’abord, « la décision du pouvoir adjudicateur de recourir à la négociation dans le cadre d’une procédure adaptée ne saurait être utilement critiquée devant le juge ». Le principe même d’une négociation en MAPA échappe donc au contrôle du juge. Néanmoins, l’acheteur n’est pas totalement libre puisque « si le pouvoir adjudicateur a décidé de faire usage de sa faculté de négocier dans le cadre d’une procédure adaptée, il doit en informer les candidats dès le lancement de la procédure et ne peut alors renoncer à négocier en cours de procédure. S’il choisit, comme il lui est loisible de le faire, de ne négocier qu’avec certains des candidats qui ont présenté une offre, il appartient au juge, saisi d’un moyen sur ce point, de s’assurer qu’il n’a méconnu aucune des règles qui s’imposent à lui, notamment le principe d’égalité de traitement des candidats ».
Cependant l’acheteur retrouve une certaine liberté pour choisir le nombre de candidats avec lequel il peut négocier, ce dernier pouvant d’ailleurs valablement décider de ne négocier qu’avec le candidat arrivé en première position à l’issue de l’analyse des offres initiales. En effet, selon le magistrat « aucune disposition législative ou réglementaire ne fixant un nombre minimum ou maximum de candidats à retenir dans le cadre de la négociation, la commune pouvait notamment, comme elle l’a fait, engager une procédure de négociation avec le seul candidat arrivé premier à l’issue de l’analyse des offres sans porter atteinte à l’égalité de traitement des candidats. Par suite, la société Jardin Service, classée deuxième à l’issue de l’analyse des offres, n’est pas fondée à soutenir qu’en ne l’admettant pas à la phase de négociation, la commune aurait manqué à ses obligations de mise en concurrence ».
publié le 21 décembre 2020
Concessions : attention à ne pas juger le critère financier sur la redevance variable, dont il n’est pas possible d’en contrôler l’exactitude
TA Grenoble, ord. 8 décembre 2020, Sté Enedis Concessions, n°2006743
Le Département de la Haute-Savoie devra revoir sa copie s’agissant de la procédure de passation de la concession de service public portant sur la gestion, l’exploitation et le développement de l’aéroport d’Annecy-Meythet. Le juge a en effet retenu le moyen tiré de ce qu’il avait tenu compte d’éléments prospectifs dépourvus de portée contraignante dans la notation du critère financier, ce dernier étant en partie jugé sur la redevance variable proposée par le candidat.
Or, selon le juge, cette redevance variable « instaurant un intéressement financier pour le département et telle qu’elle est définie dans le projet de contrat, apparait directement liée au résultat prévisionnel car il s’agit d’un élément primordial et au fondement des différentes modalités de calcul de cet intéressement. Ainsi, la prise en compte de la redevance variable, qui recouvre cette clause et dont les autres éléments de chiffrage ne sont pas plus expliqués par le département, n’apparait pas de nature à permettre la sélection de la meilleure offre au regard de l’avantage économique global pour l’autorité concédante, en raison de l’impossibilité dans laquelle elle se trouve d’en contrôler l’exactitude. Par suite, la méthode de notation du critère financier apparait viciée ».
publié le 14 décembre 2020
Les offres de deux sociétés facialement distinctes mais en réalité identiques n’en font qu’une…et peuvent être rejetées pour ce motif !
CE, 8 décembre 2020, Métropole Aix-Marseille-Provence, n°436532
Était ici en cause une procédure d’appel d’offres ouvert pour la passation d’un accord-cadre de travaux multi-attributaires. Le RC précisait que chaque lot serait attribué à trois soumissionnaires, mais que les candidats ne pourraient répondre qu’à deux lots maximum et qu’en cas de présentation d’un nombre d’offres supérieur à celui autorisé, toutes les offres du soumissionnaire seraient déclarées irrégulières. Le candidat classé en 4ème position avait attaqué la procédure au motif que les attributaire n°2 et n°3, filiales d’un même groupe, avaient en réalité déposé les mêmes offres et ne formait donc, en fait, qu’un seul et même soumissionnaire. Le juge des référés avait suivi ce raisonnement et annulé la procédure, ce que le Conseil d’Eta vient confirmer. En premier lieu, le Conseil d’Etat rapelle qu’un même soumissionnaire ne peut présenter qu’une seule offre pour chaque d’un marché alloti.
Or, le Conseil d’Etat affirme « que si deux personnes morales différentes constituent en principe des opérateurs économiques distincts, elles doivent néanmoins être regardées comme un seul et même soumissionnaire lorsque le pouvoir adjudicateur constate leur absence d'autonomie commerciale, résultant notamment des liens étroits entre leurs actionnaires ou leurs dirigeants, qui peut se manifester par l'absence totale ou partielle de moyens distincts ou la similarité de leurs offres pour un même lot ».
En l’espèce, les offres des attributaires n°2 et 3 émanaient de deux sociétés filiales d'un même groupe et étaient identiques. Elles ne pouvaient donc pas être considérées comme des offres distinctes présentées par des opérateurs économiques manifestant leur autonomie commerciale. Ainsi, le juge des référés n'a pas commis d'erreur de droit en déduisant que l’acheteur devait être regardé comme ayant retenu, pour le même lot, deux offres présentées par un même soumissionnaire. En application du RC, cela impliquait donc le rejet de toutes les offres de ce soumissionnaire, ce que confirme, là encore, la Haute Assemblée.
Ainsi, même si, très récemment, l’autorité de la concurrence a assoupli sa position sur la réponse de filiales à un appel d’offres (décision n°20-D-19, relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur des marchés de fourniture de produits alimentaires de l’établissement public national France AgriMer) en application de la jurisprudence communautaire (CJUE, 17 mai 2018, aff. n°C‑531/16), les réponses aux appels d’offres émanant de filiales d’un même groupe doivent être analysées avec le plus grand sérieux par les services de l’acheteur.
publié le 9 décembre 2020
Pour la Cour de Cassation, la période des fêtes de fin d’année n’est pas une excuse pour signer le contrat alors que le juge des référés est saisi mais ne s’est pas encore prononcé
Ccass.comm. 2 décembre 2020, Sté Nouvelle Etienne Pelle, n°18-18.060
Dans cette affaire, une société évincée avait saisi le juge du référé précontractuel judiciaire (en raison de la nature privée du contrat) pour tenter de faire annuler une procédure de passation. L’entité adjudicatrice avait toutefois signer le contrat entre la saisine du juge et l’ordonnance à intervenir, en violation de l’article 18 de l’ordonnance n°2009-515 du 7 mai 2009. En vertu de cette article, en cas de conclusion du contrat avant l’expiration du délai exigé par l’article 46 du décret n°2005-1742 du 30 décembre 2005 après l’envoi de la décision d’attribution aux opérateurs économiques ayant présenté une candidature ou une offre, ou pendant la suspension prévue à l’article 4 ou à l’article 8 de l’ordonnance n°2009- 515 du 7 mai 2009, le juge du référé contractuel est tenu soit de priver d’effets le contrat en l’annulant ou en le résiliant, soit de prononcer une sanction de substitution consistant en une pénalité financière ou une réduction de la durée du contrat, au besoin d’office. Pour déterminer la mesure qui s’impose, le juge du référé contractuel peut prendre en compte, notamment, la nature et l’ampleur de la méconnaissance constatée, ses conséquences pour l’auteur du recours ainsi que la nature, le montant et la durée du contrat en cause et le comportement du pouvoir adjudicateur.
Pourtant, le juge des référés avait jugé que « la période des fêtes de fin d’année à laquelle se situait le litige avait entraîné des retards dans la réception et dans la prise de connaissance respective des échanges intervenus entre la société Nouvelle Etienne Pelle et la société Enedis » et avait donc considéré que le non-respect du délai de suspension par la société Enedis ne procédait pas d’une violation volontaire ou délibérée. Il avait donc rejeté les demandes de la société formulée sur le fondement du référé contractuel.
La Cour de Cassation censure cette analyse et confirme qu’« en statuant ainsi, alors qu’il n’était pas contesté que les sept contrats avaient été conclus en dépit de sa saisine en référé précontractuel et avant qu’il se soit prononcé, de sorte qu’il était tenu d’annuler ces contrats ou de les résilier ou encore de prononcer l’une des sanctions de substitution prévues par le texte susvisé, le juge des référés, qui a méconnu son office, a violé ce texte ».
Cette décision illustre, à nouveau, la complexité de la procédure de référé instituée devant les juridictions judiciaires (obligation de signifier la requête par huissier après avoir pris une date de référé d’heure à heure) par rapport à la simplicité de la procédure administrative (saisine du TA par télérecours) A quand un bloc de compétence unique au profit de la juridiction administrative pour l’ensemble des contrats de la commande publique ?
publié le 8 décembre 2020
Dématérialisation : l’offre déposée hors délai en raison des informations contradictoires fournies par l’acheteur doit être repéchée
TA Toulouse, ord. 25 novembre 2020, Cabinet d’études E.F., n°2005853
Dans cette ordonnance, qui se lit presque comme un roman policier, on apprend que l’offre déposée hors délai sur la plateforme de dématérialisation peut être repêchée par le juge des référés précontractuels dès lors que le retard dans le dépôt peut être imputé à l’acheteur. La procédure en cause était une procédure restreinte. Or, plusieurs informations contradictoires avaient été fournies par l’acheteur pour le dépôt de l’offre : une première adresse URL dans le courrier d’acceptation de la candidature, une deuxième dans le RC « offre » et une troisième par la plateforme elle-même ayant généré le message « invitation à répondre ». Le jour du dépôt, le candidat a essayé ces différentes adresses pour finalement déposer son offre avec 5 minutes de retard : « le 5 novembre 2020 à 11h10 (pour une heure limite à midi), le Cabinet E F tente un premier dépôt sur le profil d’acheteur à partir de l’adresse URL qui figurait dans le courrier invitant à remettre une offre en date du 31 juillet 2020, sans succès. Le Cabinet E F essaie une seconde fois sur le profil d’acheteur à partir, cette fois, de l’adresse URL figurant dans le RC « offre » sans succès. La responsable administrative en charge du dépôt a contacté la Hotline de la plateforme AWS à 11h31, sans réponse. La chef de l’agence décide alors de prendre contact téléphonique avec la chargée d’opération de Toulouse Métropole à 11h39. Celle-ci lui demande de contacter Mme K L, référente du service de la commande publique, qu’elle arrive à joindre à 11h42. Cette dernière informe Mme A et Mme B du Cabinet E F que pour déposer une offre il faut en réalité cliquer sur le lien « déposer votre réponse » se trouvant dans le message « invitation à répondre » reçu de la plateforme AWS le 19 août 2020 sans préciser que l’adresse URL à utiliser pour déposer son offre sur la plateforme est modifiée. A compter de 11h42, l’offre du Cabinet E F est validée par la plateforme AWS et se trouve en cours de téléchargement. Le dépôt complet des pièces composant l’offre du Cabinet E F est finalisé sur la plateforme AWS le 5 novembre 2020 à 12h05 ».
Le juge en déduit que les informations fournies aux candidats sur les modalités de remise électronique de leur offre étaient multiples et non valides et que dans ces conditions l’acheteur « n’a pas fourni une information suffisamment claire et précise sur le lien URL à utiliser lors du téléchargement des offres alors qu’en tant que pouvoir adjudicateur il était seul compétent pour le faire. En conséquence, le pouvoir adjudicateur a manqué à son devoir d’information des soumissionnaires sur les conditions de régularité de leur offre, concernant tant leur contenu et leur forme que le lieu de leur dépôt au format électronique ».
En outre, le juge rejette l’argument en défense tiré de l’imprudence commise par le candidat d’avoir déposé son offre moins d’une heure avant la date limite, car, selon lui « l’objectif d’amélioration de la rapidité et de la facilité de l’accès à la commande publique, que poursuit la dématérialisation des procédures de passation des marchés publics, s’oppose à ce qu’il soit fait grief à un candidat à l’attribution d’un marché public d’avoir pris le temps strictement nécessaire aux opérations matérielles de transmission par voie électronique des documents de son offre comme le délai normal d’acheminement de ces documents ».
La procédure est donc annulée au stade des offres et il est enjoint à acheteur de prendre en compte cette offre déposée hors délai.
publié le 30 novembre 2020
Les offres de prix doivent être comparées en TTC, y compris en cas de candidat étranger répondant en HT
TA Nancy, ord. 12 novembre 2020, Sté X, n°2002655
La procédure de passation lancée par le Mémorial de Verdun en vue de la création d’un dispositif immersif de réalité virtuelle permettant de se représenter le champ de bataille avant, pendant et après la bataille de Verdun a donné l’occasion - relativement rare - au juge de se pencher sur la comparaison les prix lorsqu’un candidat étranger soumissionne. En l’espèce, une entreprise luxembourgeoise avait répondu à ce marché et avait répondu avec un prix hors taxe, n’étant pas soumis à la TVA. Les candidats français avaient, quant à eux, répondu avec un prix TTC. Le marché avait été attribué à la société luxembourgeoise.
Le juge rappelle que l’acheteur qui compare les prix des candidats français en TTC et le prix du candidat étranger en HT commet un manquement à ses obligations de publicité et de mise en concurrence. Ce manquement est toutefois neutralisé au cas d’espèce sur le fondement de la jurisprudence Smirgeomes dans la mesure où « même en augmentant le prix de l’offre de la société attributaire du montant de la TVA, ce prix restait inférieur à celui proposé par la société requérante. Le manquement n’est donc pas susceptible de l’avoir lésé ».
publié le 23 novembre 2020
La composition d’un groupement de commandes ne peut pas être contestée dans le cadre d’un référé précontractuel
TA Paris, ord. 13 novembre 2020, Sté Acrobat, n°2016800
L’on sait que les acheteurs peuvent se grouper pour passer leurs marchés. L’article L.2113-6 du code de la commande publique dispose en effet que « des groupements de commandes peuvent être constitués entre des acheteurs afin de passer conjointement un ou plusieurs marchés ».
C’est à ce mécanisme qu’avaient eu recours 16 administrations, la préfecture de la région Ile-de-France, intervenant en qualité de coordonnateur dudit groupement de commandes. Le préfet avait ainsi lancé une procédure d’appel d’offres ouvert en vue de la conclusion d’un accord-cadre ayant pour objet la couverture des besoins en travaux courants des bâtiments des services et des établissements publics adhérents. Un candidat évincé mettait en avant l’irrégularité de ce groupement de commandes, au motif notamment que le nombre d’administration adhérentes du groupement de commandes créé dans le cadre de la consultation en cause différerait du nombre d’adhérents du précédent groupement créé pour la passation du précédent marché, dont elle a été désignée attributaire en 2016.
Le juge rejette néanmoins ce moyen comme inopérant, dans la mesure où « une telle argumentation n’a pas trait aux obligations de publicité et de mise en concurrence s’imposant au pouvoir adjudicateur mais concerne la liberté, pour des acheteurs publics, de se regrouper en vue d’assurer la mutualisation de leurs achats. Par suite, le moyen ainsi invoqué ne peut qu’être écarté ».
Un requérant ne peut donc pas critiquer la composition d’un groupement de commandes dans le cadre d’un référé précontractuel, le moyen ne relevant pas des seuls manquements aux obligations de publicité et de mise en concurrence dont le juge peut être utilement saisi.
publié le 17 novembre 2020
Marchés de services juridiques : la méthode de notation consistant à additionner des prix unitaires pour des prestations différentes est irrégulière
CE, 13 novembre 2020, Commune de Perpignan, n°439525
La décision rendue par le Conseil d’Etat a été rendue à propos d’un marché de service juridique, mais la solution qu’il adopte concerne évidemment tous les marchés publics. Dans cet arrêt, le Conseil d’Etat confirme que, lorsque le marché est à prix unitaire, et que les unités correspondent à des éléments différents, la méthode de notation consistant à faire l’addition des prix unitaires pour déterminer l’offre la moins chère est illégale : « la commune de Perpignan, avait décidé, pour la mise en œuvre du critère du prix, d'additionner les neuf prix unitaires proposés par les candidats pour les prestations faisant l'objet de l'accord-cadre, telles que la réalisation de consultations juridiques, la représentation en justice ou l'assistance dans le cadre de modes alternatifs de règlement des différends, sans leur appliquer aucune pondération ni tenir compte des quantités prévisionnelles de chacune des prestations demandées. L'offre proposant la somme des prix unitaires la plus basse se voyait attribuer la meilleure note, les autres offres étant notées en fonction de leur écart à l'offre la mieux disante. Eu égard à la diversité des prestations faisant l'objet de l'accord-cadre et à l'écart très important des prix unitaires proposés par les candidats, cette méthode de notation, qui renforçait l'importance relative des prix unitaires les plus élevés dans la notation du critère du prix alors même que le nombre prévisible de prestations correspondantes était faible, était par elle-même de nature à priver de sa portée ce critère, et, de ce fait, susceptible de conduire à ce que la meilleure note ne soit pas attribuée à la meilleure offre sur ce critère. Dans ces conditions, la commune a méconnu ses obligations de publicité et de mise en concurrence en retenant une telle méthode de notation du critère du prix ; que la société Charrel et associés proposait des prix unitaires plus faibles que l'attributaire pour les consultations juridiques simples et pour les consultations juridiques complexes. Une pondération supérieure des prix de ces dernières prestations par le pouvoir adjudicateur, par rapport aux prestations de représentation en justice et d'assistance aux modes de règlement alternatif des litiges, aurait pu permettre à la société requérante d'obtenir la meilleure note sur le critère du prix. Eu égard à l'écart de 0,1 point seulement entre cette société et la société attributaire sur les autres critères, obtenir la meilleure note sur ce critère aurait pu lui permettre de remporter le marché. Il s'ensuit que ce manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence est susceptible d'avoir lésé la société Charrel et associés. Par suite, celle-ci est fondée à demander l'annulation de la procédure de passation des lots n°s 1 et 5 du marché en litige, au stade de l'examen des offres ».
Il est vrai qu’en pratique, cette méthode est régulièrement mise en œuvre et aboutit à des résultats étonnants… car additionner un prix horaire de 150 € HT avec un forfait contentieux de 3.000 € HT n’a pas grand sens. Il est donc réellement important dans ce cas de prévoir le DQE corepondants pour que l’offre la moins chère soit réellement celle qui prévoit le meilleur prix.
publié le 16 novembre 2020
Le moyen tiré de l’existence d’une entente entre attributaires (article L.420-1 du code de commerce) ne relève pas de l’office du juge des référés précontractuels
TA Paris, ord. 10 novembre 2020, Sté X, n°2017072
Un marché alloti avait été attribué à deux sociétés, qui étaient soupçonnées par un candidat évincé d’avoir constitué entre elles une entente prohibée par l’article L.420-1 du code de commerce. Selon le requérant en effet, ces deux sociétés se seraient concertées pour remettre des offres de nature à restreindre le libre jeu de la concurrence.
Mais l’on sait que le juge des référés précontractuels est uniquement compétent pour sanctionner des manquements aux obligations de publicité et de mise en concurrence, et non les atteintes au droit de la concurrence en tant que tel. De nombreuses décisions ont ainsi été rendues sur la question de l’abus de position dominante réprimé par l’article L.420-2 du Code du commerce, le juge écartant systématiquement ce moyen comme inopérant. La présente ordonnance concerne cette fois-ci l’article L.420-1 du code de commerce sur les ententes, mais la solution est logiquement identique : « la méconnaissance éventuelle des dispositions de l'article L.420-1 du code de commerce n'est pas au nombre des manquements mentionnés à l'article L.551-1 du code de justice administrative dont il appartient au juge du référé précontractuel de connaître ». Il est donc inutile, pour les candidats évincés, de saisir le juge des référés précontractuels pour tenter de faire établir une atteinte au droit de la concurrence.
publié le 11 novembre 2020
De l’utilité du référé « secret des affaires » en référé précontractuel : un conflit d’intérêt lié à la partialité de l’AMO neutralisé !
TA Nancy, ord. 26 octobre 2020, SHAM, n°2002619
TA Nancy, ord. 4 novembre 2020, SHAM, n°2002618
Le Tribunal administratif de Nancy vient, à notre connaissance, de faire la première application « positive » du référé « secret des affaires » dans le cadre de la passation d’un marché public. Et force est de constater que le juge peut prendre, dans ce cadre, des mesures très fortes.
Le CHRU de Nancy a mis en œuvre une procédure de passation ayant pour objet des prestations d’assurance, et s’est fait assisté pour ce faire par un AMO. Or, l’un des candidats à cette procédure contestait l’impartialité de cet AMO, en raison de l’animosité particulière dont il avait récemment fait preuve à son encontre.
Ce candidat a donc, dès le début de la procédure, et dès avant l’analyse des candidatures, saisi le juge des référés précontractuels d’une requête visant à l’annulation de la procédure pour atteinte au principe d’impartialité. Ce candidat a en outre doublé cette requête d’un nouveau référé « secret des affaires », prévu à l’article R.557-3 du CJA, institué par le décret n° 2019-1502 du 30 décembre 2019.
Dans le cadre d’une première ordonnance, le TA de Nancy relève qu’« eu égard à l’animosité particulière avec laquelle l’AMO s’exprime à l’égard de la SHAM, cette dernière établit que la collaboration de Monsieur X. comme AMO pour l’analyse des offres des candidats constitue avec un degré de vraisemblance suffisant l’existence d’une atteinte imminente au secret des affaires. Elle est par suite fondée à demander au juge des référés des mesures visant à prévenir une telle atteinte ».
Eu égard au risque d’atteinte au secret des affaires que présente la collaboration de cet AMO, le juge décide « qu’il y a lieu de suspendre l’analyse des candidatures et des offres de la SHAM sur l’ensemble des lots auxquels elle a candidaté jusqu’à l’ordonnance à intervenir dans le cadre du référé précontractuel et d’enjoindre au CHRU d’interdire l’accès, par tous moyens, par toute personne travaillant pour l’AMO, à l’ensemble des documents déposés par la SHAM ». Les conséquences pratiques de cette ordonnance sont donc extrêmement importantes, puisque l’acheteur se voit dans l’impossibilité de poursuivre la procédure assisté de son AMO, dont l’intervention est donc totalement neutralisée. On voit donc là tout l’intérêt de ce référé « secret des affaires ».
Dans sa seconde ordonnance rendue quelques jours plus tard sur le fondement de l’article L.551-1 du CJA, le juge rejette la requête de la SHAM en considérant que le manquement au principe d’impartialité n’est, du coup, pas constitué au moment où il statue : « eu égard au stade de la procédure auquel se rapporte le risque allégué, la société requérante ne se prévaut d’aucun manquement constitué, mais simplement d’un risque que le CHRU, désormais alerté, reprenne la procédure de passation au stade de l’analyse des offres en y associant l’AMO. Dès lors la SHAM ne peut être regardée comme se prévalant d’un manquement susceptible de l’avoir lésée ou risquant de la léser ».
Bien évidemment, la société requérante conserve la possibilité de ressaisir le juge des référés dans l’hypothèse où son offre serait finalement rejetée, en mettant notamment en avant la dénaturation de celle-ci, ou encore un manque d’objectivité dans l’analyse.
Ce faisant, il est clair que l’analyse des offres sera réalisée de manière scrupuleuse par l’acheteur, ce dernier ayant été officiellement alerté sur le risque encouru par une analyse non objective des offres.
publié le 10 novembre 2020
Toujours plus de souplesse dans les contrats de concessions : l'autorité concédante n’a pas l’obligation d'indiquer aux candidats le détail des investissements qu'elle souhaite voir réaliser
CE, 6 novembre 2020, commune de Saint-Amand-les-Eaux, n°437946
Le Conseil d’Etat était saisi par la commune de Saint-Amand-les-Eaux après que le tribunal administratif de Lille ait annulé la procédure de passation de la concession portant sur la gestion et l'exploitation du casino de la commune. Ce dernier avait annulé procédure au motif que les investissements demandés au futur titulaire n’étaient pas définis de manière suffisamment précise dans le dossier de consultation. Le juge des référés avait en effet estimé qu'en raison du caractère imprécis des indications données aux candidats sur le montant et la nature des investissements souhaités, la commune ne pouvait être regardée comme ayant suffisamment déterminé l'étendue de ses besoins et qu'elle avait par suite manqué aux obligations de publicité et de mise en concurrence.
Le Conseil d’Etat censure cette position, et vient offrir encore plus souplesse aux autorités concédantes dans la définition de leur besoin. La Haute-Assemblée affirme en effet que « s'il est loisible à l'autorité concédante d'indiquer précisément aux candidats l'étendue et le détail des investissements qu'elle souhaite les voir réaliser, elle n'est pas tenue de le faire à peine d'irrégularité de la procédure. Il lui est en effet possible, après avoir défini les caractéristiques essentielles de la concession, de laisser les candidats définir eux-mêmes leur programme d'investissement, sous réserve qu'elle leur ait donné des éléments d'information suffisants sur la nécessité de prévoir des investissements, sur leur nature et leur consistance et sur le rôle qu'ils auront parmi les critères de sélection des offres ».
Et le Conseil d’Etat de confirmer la procédure sur ce point au motif que « la commune avait informé les candidats sur le périmètre du service public concédé, sur l'état et les caractéristiques des installations soumises à concession, sur la nécessité de prévoir des investissements, sur l'importance qu'elle entendait accorder à ces investissements dans l'appréciation du mérite de chaque offre et sur la durée de la concession, laquelle est toujours fonction, au terme ou non d'une négociation entre les parties, de l'ampleur des investissements à consentir ». La procédure n’est pas validée pour autant, puisque le juge suprême va retenir un autre moyen d’annulation (Cf. commentaire infra).
publié le 8 novembre 2020
Lorsqu’une autorité concédante relance une concession précédemment conclue sur la base d’un BEA de 30 ans et d’une DSP de 18 ans, il lui appartient de résilier le bail préalablement à la relance de la procédure
CE, 6 novembre 2020, commune de Saint-Amand-les-Eaux, n°437946
Dans cette affaire, la commune avait délégué l’exploitation de son casino en 2002 sur la base d’un montage comprenant un BEA d’une durée de 30 ans et une DSP de 18 ans, les deux contrats faisant partie d’un montage global et formant un tout indivisible.
La DSP arrivant à terme en 2020 (2002 + 18), la commune a entendu relancer uniquement ce contrat, tout en maintenant le BEA avec le précédant titulaire. Aux termes d’un montage compliqué, il était donc prévu, dans le DCE de la nouvelle procédure, que le concessionnaire sortant et titulaire du BEA, mettrait à la disposition du futur concessionnaire, moyennant le versement d'un loyer, le casino et qu'un contrat de mise à disposition du casino, figurant parmi les documents de la consultation et prohibant toute sous-occupation et toute constitution de droits réels par l'occupant, devrait être conclu à cette fin.
Le Conseil d’Etat commence par rappeler, logiquement, que « les concessions sont soumises aux principes de liberté d'accès à la commande publique, d'égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures, qui sont des principes généraux du droit de la commande publique et que pour assurer le respect de ces principes, la personne publique doit s'assurer qu'elle n'octroie pas d'avantages à l'un des concurrents à l'attribution d'une concession dans sa capacité à présenter une offre répondant aux documents de consultation ». Or, il est évident que le montage envisagé par la commune pour maintenir la BEA avait pour effet d’avantager le sortant, qui s’était d’ailleurs vu attribuer la nouvelle DSP.
Le Conseil d’Etat confirme donc qu’« en imposant ainsi ce montage aux candidats au renouvellement de la concession, alors qu'il lui appartenait de résilier le bail emphytéotique au terme du premier contrat de concession, avec lequel il formait un tout indivisible, et de prévoir, dans la nouvelle convention, les modalités d'occupation du domaine public, la commune de Saint-Amand-les-Eaux a méconnu le principe d'égalité de traitement des candidats ».
publié le 8 novembre 2020
Accord-cadre à marchés subséquents : les importantes précisions du Conseil d’Etat sur la procédure de passation de l’accord-cadre !
CE, 6 novembre 2020, Métropole Européenne de Lille, n°437718
La présente décision apporte des précisions très importantes sur les obligations qui pèsent sur les acheteurs publics lorsqu’ils lancent une procédure de passation d’un accord-cadre à marchés-subséquent.
En premier lieu, le Conseil d’Etat affirme qu’« il appartient au pouvoir adjudicateur d'informer les candidats sur les conditions d'attribution des marchés subséquents à un accord-cadre mono-attributaire dès l'engagement de la procédure d'attribution de cet accord-cadre, dans l'avis d'appel public à la concurrence ou le cahier des charges tenu à la disposition des candidats ». Autrement dit, la procédure de passation de l’accord-cadre à marchés subséquents doit prévoir, dès l’origine, les modalités d’attribution des marchés subséquents (critères de choix et pondération notamment). Et ce quand bien même le marché serait mono-attributaire car même dans cette hypothèse, le fait « qu'un accord-cadre soit conclu avec un seul opérateur économique n'implique pas que son titulaire bénéficie de l'octroi automatique des marchés subséquents passés dans ce cadre. Aucune disposition du code de la commande publique ni aucun principe ne fait en effet obstacle à ce que les offres remises par le titulaire d'un accord-cadre mono-attributaire pour l'attribution des marchés subséquents soient notées et analysées, et que les marchés ne lui soient attribués que sous réserve de remplir certaines conditions ».
En second lieu, le Conseil d’Etat confirme la possibilité qu’a l’acheteur de lancer, simultanément, la procédure de passation de l’accord-cadre et celle visant à l’attribution du premier marché subséquent, à la double condition (i) d’identifier clairement, dans les documents de la consultation, les deux étapes que constituent l'attribution de l'accord-cadre mono-attributaire et l'attribution du marché subséquent n°1 et (ii) d’attribuer l’accord-cadre sans nullement prendre en compte les offres remises pour le premier marché subséquent.
Il convient en effet de ne pas procéder à une confusion entre ces deux phases, intellectuellement distinctes, pour attribuer l’accord-cadre. Selon le Conseil d’Eta en effet, il n’est pas contraire au « principe de transparence de procéder à l'attribution simultanée d'un accord-cadre mono-attributaire et d'un marché subséquent » sous ces deux réserves.
publié le 7 novembre 2020
Irrégularité de l’offre contenant un BPU sous format PDF, alors que le RC impose le format Excel…sévérité, quand tu nous tiens
TA Montpellier, ord. 29 octobre 2020, Sté Transmanudem, n°2004498
La commande publique a la réputation d’être très (trop) formaliste et la décision rendue par le juge des référés précontractuels de Montpellier ne va pas arranger les choses.
Montpellier Méditerranée Métropole avait lancé une procédure d’appel d’offres ouvert en exigeant, dans son RC, la remise des BPU et DQE au format Excel.
Un candidat avait remis ces pièces, mais en format PDF (l’acheteur contestait toutefois avoir bien reçu lesdites pièces). L’obligation du format Excel était imposée car, selon le pouvoir adjudicateur, cela facilitait et sécurisait l’extraction des données financières des offres des candidats.
Après avoir rappelé que la régularisation des offres n’était qu’une faculté en appel d’offres, le juge valide le rejet pour irrégularité de l’offre de requérant pour n’avoir pas respecté le bon format de remise : « En l’espèce, l’offre, que les candidats pouvaient déposer jusqu’au 15 juin 2020 à 12 heures, devait comporter, pour chaque lot, en application des articles 5.1.2 et 6.2 du règlement de la consultation, le bordereau des prix unitaires (BPU) et le détail quantitatif estimatif (DQE), versés en format « Excel», ce qui facilite et sécurise, selon Montpellier Méditerranée Métropole, l’extraction des données financières des offres des candidats. Or, il est constant que les documents que la SAS Transmanudem a transmis, le 12 juin 2020, par voie dématérialisée pour le lot n°1, ne comportaient que des pièces sous format « PDF ». Par suite, et en admettant même que cette transmission comportait bien le BPU, ce que conteste Montpellier Méditerranée Métropole et ce qui ne ressort pas des pièces n° 6 et n° 8 du dossier, la société requérante, qui la société requérante, qui ne critique pas utilement les dispositions précitées du règlement de la consultation, n’est pas fondée à soutenir que Montpellier Méditerranée Métropole aurait manqué à ses obligations de publicité et de mise en concurrence en rejetant son offre comme irrégulière sans l’inviter à la régulariser ».
Il est clair qu’une telle décision est extrêmement sévère dès lors que le non-respect du format n’a que pour seule conséquence un travail un peu plus important du côté de l’acheteur dans l’extraction des données, mais ne modifie en rien les données de l’offre déposée.
publié le 6 novembre
Dysfonctionnement de la plateforme de dématérialisation : la reprise, par l’acheteur, de la procédure au stade de l’examen des offres et une nouvelle analyse par la CAO est possible.
TA Toulon, ord. 27 octobre 2020, Stés AITEC et BNP PARIBAS LEASE GROUP, n°2002750
Le TA de Toulon vient de rendre une ordonnance empreinte de pragmatisme dans une affaire concernant un marché de location-maintenance du Département du Var.
Deux groupements (A et B) avaient répondu à cet appel d’offres ouvert. Le candidat A avait reçu sa lettre de rejet indiquant qu’il n’avait pas fourni la documentation sur la formation des agents, ce qui avait entrainé une perte de points importante lors de l’analyse par la CAO, et précisant le nom de l’attributaire (B) ainsi que le prix de son offre et certains de ses procédés techniques. En réponse, le candidat A avait fait part de son étonnement, le document en question ayant bien été déposé sur la plateforme. Le Département a alors interrogé la plateforme, qui lui a confirmé que l’offre déposée comprenait effectivement le document en cause, mais qu’un dysfonctionnement interne avait empêché l’acheteur d’en avoir connaissance.
Le Département avait alors décidé de procéder à une reprise de la procédure au stade de l’examen des offres initiales, et à l’issue de cette seconde analyse, la CAO a finalement attribué le marché au candidat A. Le candidat B, évincé en définitive, a donc contesté cette décision.
Dans son ordonnance, le juge rappelle que si « l’article L.1414-2 du CGCT et les principes de publicité, de transparence des procédures et d’égalité de traitement des candidats à un marché public font obstacle à ce que la CAO, après avoir fait son choix, procède à un nouvel examen des offres et retienne finalement l’offre d’une autre entreprise que celle qu’elle avait initialement retenue., il en va différemment que dans les cas où le choix de la commission a été fondé sur des éléments entachés d’erreur matérielle ou de fraude ». L’erreur matérielle était ici établie par l’attestation de la plateforme de dématérialisation, reconnaissant un dysfonctionnement interne.
De plus, le juge relève, à propos des informations contenues dans la lettre de rejet transmisse initialement qu’elles « étaient de nature à nuire à la concurrence entre les opérateurs et, dans les circonstances de l'espèce, à porter irrémédiablement atteinte à l'égalité entre les candidats, dans le cadre d'une nouvelle procédure si la procédure de passation devait, à brève échéance, être reprise depuis son début ». Le magistrat considère donc que « la décision du département, consistant à figer l'état des offres à la date de leur transmission initiale, a entendu éviter cette atteinte à l'égalité entre les candidats. C’est donc à bon droit que le département à qui il appartenait de veiller au respect des principes de la commande publique, en particulier à l'égalité entre les candidats, a pu reprendre la procédure en litige au stade de l’examen des offres initialement déposées ».
publié le 30 octobre 2020
Délais proposés par l’attributaire pour la réalisation des travaux : le juge des référés se refuse à apprécier leur caractère irréaliste
TA Polynésie française, ord. 21 octobre 2020, SA Fiumarella, n°2000561
Dans cette affaire, un candidat évincé mettait en avant le caractère irrégulier de l’offre de l’attributaire, au motif que le délai proposé pour la réalisation des travaux, soit 21 semaines (un peu moins de 5 mois) était irréaliste et impossible à respecter compte-tenu de la durée de la période de préparation de 2 mois, contractuellement incompressible, ainsi que des délais de transport, de dédouanement et d’exécution proprement dit.
Le RC précisait en effet que « le délai global d'exécution est fixé à 15 mois pour la phase 1 et à 5 mois pour la phase 2. Ce délai comprend une période de préparation de deux (2) mois ».
En outre, le planning prévisionnel remis à l’appui de l’offre était valorisé comme sous-critère de la valeur technique (5 points sur 50).
Pour autant, le juge se refuse à apprécier le caractère prétendument irréaliste des délais de réalisation, au motif « qu’il n’appartient pas au juge du référé précontractuel de se prononcer sur l’appréciation de la valeur des offres par le pouvoir adjudicateur et d’apprécier le caractère réaliste des différents délais indiqués pour l’exécution des prestations, alors que l’entreprise soumissionnaire s’engage sur des délais d’exécution sous peine de devoir supporter les pénalités de retard prévues, en l’espèce à l’article 4.3 du CCAP, si elle n’est pas en mesure de les respecter. Le moyen doit donc être écarté ».
publié le 27 octobre 2020
Visite obligatoire des lieux : la connaissance préalable du site permet de s’en dispenser
TA Polynésie-française, ord. 9 octobre 2020, Sté Ader, n°2000543
Dans cette affaire, le requérant avait obtenu, de la part d’un fonctionnaire de l’acheteur, l’information selon laquelle l’attributaire n’avait pas visité les lieux objet de l’appel d’offres.
Or, le règlement de la consultation de cette procédure disposait que « les candidats auront à produire un dossier complet comprenant […] l’attestation sur l’honneur de visite des lieux complétée, datée et signée par le candidat ». En outre, le RC précisait, aux termes de son article 11 relatif à la visite obligatoire des lieux, que « les candidats sont tenus de prendre connaissance du terrain au moyen d'une visite obligatoire des sites. Ils sont de ce fait réputés connaître parfaitement les conditions et contraintes particulières liées aux différents sites. Les candidats devront impérativement prendre RDV dans les meilleurs délais auprès du responsable de chaque service bénéficiaire afin d'organiser une visite des lieux […] Les candidats devront joindre à leur offre une seule attestation sur l'honneur de visite des lieux ».
Sur de son bon droit, le requérant mettait donc en avant l’irrégularité de l’offre de l’attributaire pour défaut de visite des lieux.
Le juge va pourtant rejeter cette requête au double motif que, d’une part, l’attributaire avait bien fourni cette attestation de visite dans son offre (ce qui est assez étonnant puisque justement il n’avait pas procédé à la visite) et que d’autre part, et surtout, la société attributaire étant titulaire d’un marché identique avec les services de l’aviation civile à Papeete, qui abrite les locaux de Météo France objets du marché, elle connaissait donc les lieux sur lesquels devaient s’exécuter les prestations.
Autrement dit, la connaissance des lieux par un candidat lui permet de ne pas effectuer la visite obligatoire des lieux préalable à la remise de son offre lorsqu’elle est prévue, mais également de fournir l’attestation de visite dès lors qu’il s’agit d’une simple attestation sur l’honneur, non tamponnée par l’acheteur (ce dernier point étant cependant nettement plus contestable).
publié le 22 octobre 2020
Quand 3 éléments d’appréciation se transforment en 5 sous-critères, même pondérés de manière identique, la procédure est annulée
TA Nancy, ord. 8 octobre 2020, Sté Quadria, n°2002312
Dans cette affaire, était en cause la procédure de passation d’un marché de fournitures de composteurs en bois et en plastique. Le règlement de consultation précisait que la valeur technique, pondérée à 50%, serait appréciée « au regard des caractéristiques techniques des produits (qualité, durabilité, maintenance…) ».
Or, le rapport d’analyse des offres produit dans la procédure laissait finalement apparaître que la valeur technique avait été appréciée en fonction de 5 « items », à savoir : le volume utile, la garantie offerte, l’épaisseur des parois des composteurs plastique, la solidité des composteurs bois ainsi que l’épaisseur du film des housses biodégradables. Ces 5 « items » étaient toutefois tous pondérés de manière identique, à savoir 1/5ème de la note technique.
L’acheteur mettait donc en avant le fait que ces items n’étaient que de simples éléments d’appréciation qui, puisqu’ils étaient pondérés de manière égale, n’avaient pas à être portés à la connaissance des candidats. Néanmoins, le juge annule la procédure de passation, non pas tant sur ce point précis, mais sur le fait que l’acheteur avait indiqué, dans sa description figurant au RC que seuls trois éléments seraient pris en compte, à savoir la qualité, la durabilité et la maintenance.
C’est ainsi que le juge indique qu’« eu égard à l’imprécision des modalités de mise en œuvre du critère de la valeur technique dans le règlement de la consultation, qui se bornait à indiquer qu’il serait tenu compte de la qualité, de la durabilité et de la maintenance, les sous-critères mis en œuvre dans l’analyse des offres doivent être regardés, compte-tenu de leur nature et de l’importance de la pondération mise en œuvre, comme ayant constitué des critères de sélection qui auraient dû être portés à la connaissances des candidats ».
En outre, le juge, faisant une appréciation correcte de la jurisprudence Smirgeomes (contrairement à la majorité des ordonnances récentes bien trop restrictives sur ce point) considère que ce manquement a été susceptible de léser tant la société requérante que les autres soumissionnaires. Il ne vérifie donc pas si la lésion est effective, mais se contente bien d’une lésion potentielle.
publié le 12 octobre 2020
Le Conseil d’Etat confirme l’impossibilité de recourir à la procédure avec négociation (ex PCN) pour des prestations connues et normalisées
CE, 7 octobre 2020, Lyon Métropole Habitat, n°440575
Le Conseil d’Etat vient de confirmer la solution rendue par le juge des référés précontractuels de Lyon en avril dernier (ordonnance TA Lyon, ord. 10 avril 2020, Sté ADE amiante, n°2001965, commentée sur ce site). Dans cette affaire, l’OPH avait mis en œuvre une procédure concurrentielle avec négociation, devenue la procédure avec négociation (article L2124-3 du code de la commande publique) pour la réalisation de diagnostics avant travaux.
Or, le Conseil d’Etat confirme le caractère limitatif des cas de recours à la procédure avec négociation : celle-ci ne peut être utilisée que dans des 6 cas limitativement énumérés à l’article R2124-3 du CCP. Ainsi, le Conseil d’Etat rappelle que « si la directive 2014/24/UE du 26 février 2014 a entendu introduire davantage de souplesse dans la possibilité, pour les pouvoirs adjudicateurs, de recourir à une procédure de passation de marché prévoyant des négociations et a, à cette fin, créé la procédure concurrentielle avec négociation, placée au même niveau que les procédures ouvertes et restreintes, et si, en conséquence, l'ordonnance du 23 juillet 2015 et le décret du 25 mars 2016 relatifs aux marchés publics ont fait de cette procédure l'une des procédures formalisées auxquelles peuvent avoir recours les acheteurs publics, les pouvoirs adjudicateurs ne peuvent néanmoins recourir à cette procédure que dans les cas limitativement énumérés au II de l'article 25 du décret du 25 mars 2016, aujourd'hui codifié à l'article R. 2124-3 du CCP ».
Au cas présent, le pouvoir adjudicateur s’était fondé son recours à la PCN sur le fondement du 1° de cet article à savoir « lorsque le besoin ne peut être satisfait sans adapter des solutions immédiatement disponibles » (cas le plus fréquemment retenue par les acheteur publics).
Or, le Conseil d’Etat adopte une interprétation assez stricte de ce cas de recours (afin de préserver l’effet utile de l’article R.2124-3 vraisemblablement) et considère que cette hypothèse ne peut concerner des prestations « connues et normalisées ». Il juge en effet « que Lyon Métropole Habitat fait valoir que les prestations demandées, consistant en la réalisation de diagnostics immobiliers avant relocation ou avant vente, portaient sur un parc immobilier nombreux, disparate, comportant des logements tant individuels que collectifs, disséminé sur un grand nombre de communes, dont les dates de construction étaient variables, et alors qu'en outre le règlement de la consultation autorisait les variantes. Toutefois, il résulte de l'instruction que les prestations de service demandées portaient sur les diagnostics exigés par différentes réglementations, devant être faits conformément aux normes applicables auxquelles renvoyait le cahier des clauses techniques particulières, et qu'il s'agissait donc de prestations connues et normalisées. Si la réalisation de tels diagnostics à une grande échelle et sur un vaste territoire supposait une adaptation des méthodes de l'entreprise, il ne résulte pas pour autant de l'instruction que ces prestations ne pouvaient être réalisées qu'au prix d'une adaptation par les candidats des solutions immédiatement disponibles. Il suit de là que le recours de Lyon Métropole Habitat à la procédure concurrentielle avec négociation sur le fondement des dispositions du 1° du II de l'article 25 du décret du 25 mars 2016 était irrégulier ». Acheteurs, pensez donc à bien vérifier que le recours à la procédure négociée est justifié, car à défaut, la procédure de passation sera annulée.
Référé contractuel, absence de stand still et de Tarn-et-Garonne : le Conseil Constitutionnel se prononce sur les contrats privés de la commande publique et valide le régime actuel
CC, 2 octobre 2020, Sté Bâtiment mayennais, QPC n°2020-857
A l’occasion d’une QPC introduite par un candidat évincé d’un contrat privé de la commande publique et transmis par la Cour de Cassation, le Conseil constitutionnel vient de se prononcer sur le régime contentieux de contrats privés de la commande publique.
Trois enseignements importants à tirer de cette décision.
En premier lieu, le Conseil Constitutionnel juge que le régime du référé contractuel prévu par l’article 16 de l’ordonnance 2009 est conforme à la constitution, dans la mesure où « en limitant les cas d'annulation des contrats de droit privé de la commande publique aux violations les plus graves des obligations de publicité et de mise en concurrence, le législateur a entendu éviter une remise en cause trop fréquente de ces contrats après leur signature et assurer la sécurité juridique des relations contractuelles. Il a ainsi poursuivi un objectif d'intérêt général ».
En deuxième lieu, le Conseil Constitutionnel ne remet pas en cause l’absence de délai de stand still pour les procédures adaptées, car, selon lui, « la circonstance que le pouvoir adjudicateur ou l'entité adjudicatrice ne soit pas toujours obligé de communiquer la décision d'attribution du contrat aux candidats non retenus et d'observer, après cette communication, un délai avant de signer le contrat n'a ni pour objet ni nécessairement pour effet de priver les candidats évincés de la possibilité de former, dès le rejet de leur offre et jusqu'à la signature du contrat, un référé précontractuel ». Pas de modification législative en vue donc sur ce point.
En troisième et dernier lieu, le Conseil Constitutionnel valide le fait que seuls les contrats administratifs puissent faire l’objet d’un recours en contestation de validité, recours prétorien crée de tout pièce par le Conseil d’Etat dans ses arrêts Tropic et Tarn et Garonne.
Le Conseil constitutionnel juge en effet « qu’il résulte de la jurisprudence constante du Conseil d'État que les candidats évincés d'un contrat administratif de la commande publique peuvent, après la signature du contrat, former en sus du référé contractuel un recours en contestation de la validité de ce contrat ouvert devant le juge administratif à tout tiers à un contrat administratif susceptible d'être lésé dans ses intérêts de façon suffisamment directe et certaine par sa passation ou ses clauses. Les candidats évincés d'un contrat privé de la commande publique ne bénéficient pas devant le juge judiciaire d'un recours identique. Toutefois, les contrats administratifs et les contrats de droit privé répondent à des finalités et des régimes différents. Ainsi, les candidats évincés d'un contrat privé de la commande publique sont dans une situation différente des candidats évincés d'un contrat administratif de la commande publique. Dès lors, la différence de traitement dénoncée, qui est en rapport avec l'objet de la loi, ne méconnaît pas en tout état de cause le principe d'égalité devant la loi ».
publié le 2 octobre 2020
L’acheteur n’est pas tenu de répondre à des demandes de précisions portant sur élément suffisamment clair du DCE
TA Rennes, ord. 15 septembre 2020, Sté Héliceo, n°2003661
L’ordonnance rendue par le tribunal administratif de Rennes est l’occasion de confirmer qu’un acheteur n’est pas obligatoirement tenu de répondre à toutes les demandes de précisions qui lui sont faites par des candidats avant le dépôt de leur offre.
En effet, si ces demandes de précisions portent sur un ou plusieurs éléments du DCE, et notamment sur un critère de choix des offres, qui apparaissent suffisamment clairs et explicites pour un candidat normalement diligent, l’acheteur ne commet pas de manquements à ses obligations de publicité et de mise en concurrence en n’y apportant aucune réponse avant la date limite de remise des offres.
Dans cette affaire, un candidat évincé soutenait que le Ministère des Armées n’avait pas répondu à l’une de ses demandes de précisions portant sur la manière dont serait appréhendé le critère « technique ». Pour autant, il résultait du DCE que le critère technique ne consistait qu’en l’appréciation du délai de livraison proposé, fixé à maximum 12 semaines. Autrement dit, les candidats pouvaient semble-t-il comprendre que plus le délai de livraison serait court, meilleure serait la note attribuée (selon une méthode de notation qui, rappelons-le, n’a pas à être communiquée). Dès lors, le juge des référés estime que « le critère technique ne visait qu’à apprécier les délais de livraison proposés. Dans ces circonstances, compte tenu de la clarté de ce critère, qui n’appelait aucune précision ni explication de la part du pouvoir adjudicateur, c’est sans méconnaître ses obligations en termes de transparence des procédures que la DIRISI Brest a pu ne pas répondre aux éventuelles demandes de la société Hélicéo sur ce point ».
Il appartient donc aux candidats de bien lire le DCE avant de transmettre des demandes de précisions, et à l’acheteur de bien vérifier, s’il n’entend pas y répondre, que le DCE est exempt de toute ambiguïté ou imprécision.
publié le 16 septembre 2020
Requête rejetée pour offre irrégulière : ça marche aussi devant le Tribunal judiciaire !
TJ Nanterre, ord. 28 août 2020, SARL PROMAIN, n°20/00500
Dans cette affaire, une société avait introduit un référé précontractuel devant le tribunal judicaire (compte-tenu de la nature privée du pouvoir adjudicateur), en faisant valoir de très nombreux arguments contre la procédure de passation, et notamment le recours irrégulier à la procédure négociée en lieu et place de la procédure d’appel d’offres. Cependant, à l’issue des négociations, cette société avait omis de remettre l’acte d’engagement à l’appui de son offre finale, ce qui était pourtant exigé par le RC. Le RAO avait donc noté cette irrégularité, mais l’acheteur avait tout de même décidé de noter et de classer cette offre, pour information, compte-tenu de sa qualité. La société était finalement arrivée en deuxième position.
En défense, l’acheteur avait donc fait valoir, pour la première fois devant le juge des référés, l’irrégularité de cette offre et, par voie de conséquence l’absence de toute lésion, même potentielle. Si un tel moyen est très souvent couronné de succès devant le TA, il est également parfaitement opérant devant le tribunal judicaire.
Dans son ordonnance, le juge confirme en effet que :« S'agissant du candidat qui se dit lésé par le choix d'un concurrent en tant qu'attributaire du marché public, et qui conteste la passation de ce marché si l'offre qu'il avait présentée est irrégulière, il n'est pas susceptible d'avoir été lésé et ne risque pas d'être lésé, fût-ce de façon indirecte, par les manquements qu'il invoque et qui diffèrent du motif pour lequel son offre est irrégulière. S'agissant du pouvoir adjudicateur même si l'offre a été classée à l'issue de la procédure de passation du marché et rejetée pour un autre motif, il peut se prévaloir de l'irrégularité de cette offre devant le juge du référé précontractuel. La seule exception réside dans le cas où l'irrégularité est le résultat du manquement dénoncé par le candidat non retenu. Contrairement à ce que soutient la société PROMAIN à titre principal, il est démontré que son offre est irrégulière. En effet, si les parties sont d'accord pour admettre qu'il est désormais légalement possible que l'acte d'engagement ne soit pas systématiquement nécessaire, l'acheteur est fondé à conserver le droit de l'exiger à condition de le prévoir dans les documents relatifs à la procédure de consultation. La société PROMAIN ne rapporte pas la preuve d'un comportement fautif imputable à l’acheteur, pour s'exonérer de cette absence de remise d'un acte d’engagement avec son offre finale. Il en découle que c'est de son seul fait que la société PROMAIN n'a pas remis un acte d'engagement ce qui rend son offre irrégulière. Par conséquent en présence d’une offre irrégulière la société PROMAIN n’est pas fondée à être considérée comme lésée, ou susceptible d’être lésée par la passation du marché public à l’égard d’un concurrent. Sans qu'il soit nécessaire d'examiner les motifs à l'appui de sa demande d'annulation des décisions relatives à la passation du marché, la société PROMAIN est donc déboutée ».
publié le 7 septembre 2020
Référé précontractuel : les collectivités locales peuvent, aussi, être requérants
TA Saint-Pierre et Miquelon, ord. 27 août 2020, Collectivité territoriale de Saint-Pierre et Miquelon, n°2000410
Dans la très grande majorité des cas, les requérants d’une procédure de référé sont des sociétés, soumissionnaires malheureux de procédures de passation initiées par des personnes publiques. Mais les collectivités locales, on le sait, peuvent également candidater à ces procédures, même si ces dernières n’attaquent que très rarement le rejet de leurs offres. Toutefois, au cas présent, la collectivité territoriale de Saint-Pierre et Miquelon a décidé contester (en vain) la procédure de passation lancée par l’Etat concernant la concession pour l’exploitation de la desserte maritime internationale en fret de l’archipel de Saint-Pierre-et-Miquelon.
Cette contestation a été introduite avant la remise des plis, au motif que le périmètre de la délégation, manifestement excessif, l’empêchait de candidater. Sans grande surprise, le juge des référés fait application du considérant issu de l’arrêt Grand Dijon du 21 septembre 2016 (commenté sur ce site), qui valide les DSP « multi-services » à la condition que les différents services aient un lien entre eux. En l’espèce, selon le juge, « en décidant la conclusion d’un contrat unique portant à la fois sur la desserte internationale de fret du port de Saint-Pierre et sur la desserte en fret du port de Miquelon depuis Saint-Pierre, l’autorité concédante n’a pas donné un périmètre manifestement excessif à la concession. Dans ces conditions, la collectivité requérante n’est pas fondée à soutenir que la concession réunirait des services qui n’auraient manifestement aucun lien entre eux ».
De plus, le juge réaffirme que son office est bien limité aux seuls manquements aux obligations de publicité et de mise en concurrence, et que les moyens tirés de la violation de l’article LO.6463-5 du CGCT (consultation préalable du conseil territorial de Saint pierre) et de l’article L.1803-1 du code du transports sont inopérants devant lui.
publié le 4 septembre 2020
Centre Aquatique Olympique « Paris 2024 » : la requête de l’architecte évincé boit la tasse.
TA Montreuil, ord. 15 juillet 2020, Sté MVRDV BV, n°2005867
La procédure de passation mise en œuvre par la Métropole du Grand Paris (MGP) pour la concession de service public portant sur la conception, la construction et l’exploitation du centre aquatique olympique (CAO) à Saint-Denis vient d’être validée par le juge des référés du tribunal administratif de Montreuil.
Dans cette affaire, l’architecte du groupement non retenu soutenait que l’offre retenue était inappropriée. Moyen relativement osé dans la mesure où plusieurs offres successives avaient étaient demandées aux soumissionnaires et que d’importantes négociations ont été menées par la Métropole du Grand Paris (MGP), et ce sur plusieurs mois.
Le moyen est d’ailleurs rejeté par le juge, qui rappelle tout d’abord la définition d’une offre inappropriée au sens de l’article 25 du décret n°2016-86 du 1er février 2016 relatif aux concessions : « est inappropriée l’offre qui est sans rapport avec l’objet de la concession parce qu’elle n’est manifestement pas en mesure, sans modification substantielle, de répondre aux besoins et aux exigences de l’autorité concédante spécifiés dans les documents de la consultation ».
Le groupement non retenu avait remis une offre composée de deux bassins, de 50m et de 25m, séparés par une plage fixe, alors que l’offre retenue proposait un bassin unique de 70m, mais pouvant être scindé en deux bassins par un dispositif de double quai mobile.
Le juge indique ensuite qu’aucune disposition du DCE ne prévoit l’obligation de prévoir une plage fixe inamovible (et donc deux bassins distincts), mais qu’au contraire, le programme de l’opération insistait sur la réversibilité des équipements et sur leur modularité.
En définitive, il apparait donc, l’architecte du groupement non retenu n’avait peut-être pas imaginé une solution amovible et, piqué dans son orgueil, a souhaité contesté ce choix en son nom personnel, puisque les autres membres du groupement évincé n’ont pas entendu s’associer à cette procédure de référé.
Cette procédure est également l’occasion d’apprendre que cet équipement ne sera pas la seule piscine à être construite pour les jeux olympiques, puisque si le CAO accueillera les épreuves de plongeon, de water-polo, de natation artistiques (ainsi que l’épreuve de boccia pour les jeux paralympiques), les épreuves de courses de natation sur 50 mètres auront en revanche lieu dans une autre structure, le stade aquatique olympique, ou SAO, construit de manière temporaire.
Les coûts respectifs du CAO et du SAO ne sont en revanche pas précisés...
publié le 21 juillet 2020
Référé contractuel et absence du « Tarn et Garonne » devant le juge judiciaire : la Cour de Cassation transmet une QPC
Ccass.comm. 8 juillet 2020, QPC n°19-24.270
L’extrême simplicité des normes françaises aboutit à ce qu’en fonction de la nature du contrat auquel un candidat répond, il se retrouve soumis à deux régimes très différents.
Dès lors que le contrat est administratif, il peut saisir facilement le tribunal administratif du lieu d’exécution par télérecours d’un référé précontractuel, et/ou d’un référé contractuel, peut ensuite contester la validité de ce contrat. Il obtiendra, en référé, des décisions rapides rédigées selon des considérants de principe issus de la jurisprudence du Conseil d’Etat.
Si malheureusement le contrat est de droit privé, alors le chemin de croix commence. Pour un référé, il lui faudra déterminer le tribunal spécifiquement compétent (au regard d’une obscure annexe), qu’il demande ensuite au président le droit d’assigner d’heure à heure, fasse après signifier une assignation. La décision sera rendue (très) souvent dans des délais longs, bien souvent sans considérants généraux….
En outre, la question se pose de savoir si par la suite, le candidat évincé peut, ou non introduire un recours en contestation de la validité du contrat devant le juge judiciaire. Au regard des textes, rien n’est moins sûr et ce recours a d’ailleurs été crée de manière prétorienne par le Conseil d’Etat pour les contrats administratifs. C’est la question prioritaire de constitutionnalité (QPC) que vient de transmettre la cour de cassation au Conseil Constitutionnel.
La question (en réalité 3 questions mais portant sur le même sujet) était la suivante : « les dispositions de l'article 16 de l'ordonnance n°2009-515 du 7 mai 2009 relative aux procédures de recours applicables aux contrats de la commande publique, tels qu'interprétées par la Cour de cassation, sont-elles contraires au principe d'égalité devant la loi consacré par l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen en ce qu'elles placent les concurrents des contrats privés de la commande publique dans une situation différente et moins favorable que celle des concurrents des contrats administratifs de la commande publique en matière de contestation des irrégularités affectant les procédures de passation ? » La Cour de Cassation, après avoir rappelé que le Conseil d’Etat avait consacré un recours en contestation de validité pour les seuls contrats administratifs, juge que « les dispositions visées par les questions pourraient avoir pour résultat de priver les candidats évincés d’un recours utile contre les décisions d’attribution de commande publique de droit privé irrégulières pour d’autres causes que celles énoncées par l’article 16 de l’ordonnance n 2009-515 du 7 mai 2009 et de les placer, de ce fait, dans une situation d’inégalité au regard de la situation des candidats à des procédures de commandes publiques de droit public ».
A suivre donc, pour voir si un future arrêt « Société Bâtiment Mayennais » (du nom du requérant ayant posé la QPC) sera à l’avenir le pendant du recours Tarn et Garonne pour les contrats de droit privé.
Le plus simple serait tout de même de prévoir un bloc de compétence au profit des juridictions administratives pour tous les contrats (publics et privés) de la commande publique. Les avantages seraient nombreux (déchargement des juridictions judiciaires d’un contentieux mal connu, unification de la jurisprudence, facilité d’accès pour le justiciable….) sans présenter d’inconvénient.
publié le 9 juillet 2020
Un référé précontractuel transformé en jugement par l’effet de l’article L.511-2 du CJA : une illustration extrêmement rare par le TA de Nice
TA Nice, ord. 25 juin 2020, Sté Ice. Pissarello, n°2000025
Dans cette affaire, un candidat évincé de la procédure de DSP engagée par la commune de Villeneuve-Loubet pour l’exploitation et l’aménagement du port de la Marina Baie des Anges a introduit, le 6 janvier 2020, une requête en référé précontractuel.
Une première audience a eu lieu le 29 janvier et la décision mentionne que « les parties ont été informées le 6 février 2020 du renvoi de l’affaire en formation collégiale avec conclusions du rapporteur public », apparemment au regard de la complexité de l’affaire.
Et, effectivement, lors de l’audience du 15 mai, ont été entendues les conclusions d’un rapporteur public.
Le tribunal a ainsi entendu faire application de l’article L.511-2 du CJA qui dispose que « lorsque la nature de l'affaire le justifie, le président du tribunal administratif peut décider qu'elle sera jugée par une formation composée de trois juges des référés, sans préjudice du renvoi de l'affaire à une autre formation de jugement dans les conditions de droit commun ».
C’est, à notre connaissance, la première fois que cet article est appliqué en matière de référé précontractuel. Ce faisant, la signature du marché a été suspendue près de 6 mois (du 6 janvier au 25 juin), ce qui est extrêmement long.
Sur le fond, la décision est intéressante en ce qu’elle a bien vérifié la compétence statutaire de de la commune (en contradiction avec la décision récente du Conseil d’Etat du 9 juin dernier) et a précisé également qu’il n’appartient pas au juge des référés précontractuels de se prononcer sur la méconnaissance des règles d’urbanisme, et notamment sur la compatibilité du projet de construction envisagé par le candidat retenu avec les règles locales d’urbanisme.
publié le 1er juillet 2020
Incompétence du pouvoir adjudicateur à l’origine de la procédure ? Un moyen inopérant (et infondé) devant le juge des référés précontractuels
CE, 9 juin 2020, métropole Nice-Côte d'Azur, n°436922
A l’occasion de la passation de sous-concessions de plages, le Conseil d’Etat affirme qu’il n’appartient pas au juge des référés précontractuels « de contrôler si, au regard de l'objet du contrat dont la passation est engagée, la personne publique est, à la date où elle signe le contrat, compétente à cette fin ».
Le moyen tiré de la prétendue incompétence d’un acheteur pour lancer une procédure de passation d’un contrat public est donc inopérant. Mais le conseil d’Etat va plus loin et précise même qu’un pouvoir adjudicateur peut valablement lancer une procédure alors même qu’il ne dispose pas encore de la compétence pour conclure le contrat : « lorsqu'une personne publique a vocation à exercer la compétence nécessaire à la conclusion et à l'exécution d'un contrat de la commande publique, notamment parce qu'elle est en cours de création ou de transformation ou parce qu'une procédure, par laquelle la compétence nécessaire doit lui être dévolue, est déjà engagée, aucune règle ni aucun principe ne font obstacle à ce qu'elle engage elle-même la procédure de passation du contrat, alors même qu'elle n'est pas encore compétente à cette date pour le conclure. Il en va notamment ainsi lorsque le contrat en cause a pour objet la gestion d'un service public. Il appartient seulement à la personne publique de faire savoir, dès le lancement de la procédure de passation, que le contrat ne sera signé qu'après qu'elle sera devenue compétente à cette fin. Une personne publique peut par ailleurs signer un contrat dont la procédure de passation a été engagée et conduite par une autre personne publique, à laquelle, à la date de la signature du contrat, elle est substituée de plein droit, sans que cette procédure soit, en l'absence de vice propre, entachée d'irrégularité ».
Dans cette affaire, la métropole Nice Côte d’Azur avait lancé une procédure pour l’attribution de sous-concessions de plages alors qu’elle n’était pas encore titulaire de la concession à conclure avec l’Etat. Le juge des référés du TA de Nice avait annulé la procédure, au motif de son incompétence.
Au regard des principes susmentionnés, le Conseil d’Etat annule donc l’ordonnance et rejette les requêtes.
publié le 10 juin 2020
Choisir le maître d’œuvre qui a travaillé récemment sur le projet : une bien mauvaise idée
TA Mayotte, ord. 29 mai 2020, Sté Quadra Architectures, n°2000537
Belle illustration des jurisprudences Genicorp et Fabricom que nous propose cette ordonnance.
Le vice-rectorat de Mayotte avait lancé une procédure de passation en vue de l’attribution d’un marché de maîtrise d’œuvre portant sur la réhabilitation et le confortement parasismique d’un collège. Or, il s’avère que l’un de cotraitant du groupement attributaire avait, à la demande du vice-rectorat, établi 4 mois avant le lancement du marché une étude diagnostic dans le but de préparer la passation du marché en cause, incluant également une estimation financière. Ces éléments n’avaient pas fournis dans le DCE et un candidat évincé mettait donc en avant une rupture du principe d’impartialité.
Logiquement le Tribunal administratif annule cette procédure de passation au motif qu’« au nombre des principes généraux du droit qui s'imposent au pouvoir adjudicateur comme à toute autorité administrative figure les principe d'impartialité et d’égalité entre les candidats dont la méconnaissance est constitutive d’un manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence. Qu’en attribuant parmi huit groupements de candidats, le marché de maitrise d’œuvre au groupement formé des sociétés X et Y mandataire, ainsi que du bureau A qui, quatre mois avant la date limite de remise des offres, avait établi à la demande de l’Etat un rapport de diagnostic se rapportant directement à l’objet du marché, faisant ainsi bénéficier le groupement auquel il appartient d’un avantage indéniable sur les autres candidats finalement en lice, au nombre de 7, l’Etat a méconnu ses obligations en matière de mise en concurrence et d’impartialité, lésant ainsi ses intérêts ».
publié le 12 juin 2020
Marché de vérification et de maintenance SSI : pas de licence IV, pas de marché
TA Nancy, ord. 27 mai 2020, Sté X, n°2000615
Dans cette affaire un centre hospitalier avait mis en œuvre une procédure en vue de l’attribution d’un marché portant sur la vérification et la maintenance des systèmes de sécurité incendie (SSI) et détection gaz.
Un candidat avait vu ses offres écartées comme irrégulières au motif qu’il ne justifiait pas des habilitations nécessaires pour intervenir sur le matériel, et ne respectait donc pas les exigences de la norme NFS 61-933. Cette norme prévoit en effet quatre niveaux d'accès à l'exploitation et à la maintenance des systèmes de sécurité incendie, dont le plus élevé est le niveau IV imposant que les interventions sur le matériel soient effectuées par une personne ayant l'agrément du constructeur.
Le DCE exigeait que les opérations de maintenance corrective soient réalisées par un personnel habilité pour intervenir sur le SSI aux niveaux Ill et/ou IV (au sens de la norme NFS 61-933).
Le candidat évincé soutenait qu’une telle exigence restreignait illégalement la concurrence, en permettant aux constructeurs de choisir qui pouvait ou non candidater au marché de maintenance.
Le centre hospitalier avait cependant précisé dans son rapport d’analyse des offres que cette société, bien que n’étant pas le constructeur, pouvait soit fournir des attestations des constructeurs prouvant que son personnel avait reçu les formations adéquates, soit fournir une licence (en l'occurrence une licence IV), soit co-traiter ou sous-traiter à une entreprise habilitée. En d’autres termes, il existait plusieurs possibilités pour démontrer la capacité à intervenir sur ce matériel bien spécifique.
Par conséquent, faute pour la requérante d’établir l'habilitation adéquate de ses techniciens ni de démontrer avoir été dans l'impossibilité de les obtenir, le juge des référés rejette sa requête, en retenant le caractère irrégulier de ses offres.
publié le 29 mai 2020
Signature précipitée du marché après la notification d’un référé précontractuel : une violation obligatoirement sanctionnée par le juge du référé contractuel
CE, 27 mai 2020, Sté Clean Building, n°435982
Dans cette affaire, la société Clean Buliding avait répondu à une consultation en vue de la conclusion d'un accord cadre de prestations de nettoyage de locaux, divisé en 9 lots, mise en œuvre par la collectivité territoriale de Martinique. La société a été attributaire d’un lot, mais a décidé d’introduire un référé précontractuel contre le rejet des ses offres sur les 8 autres lots. Elle a alors adressé par l’intermédiaire de son conseil, le 6 septembre 2019 en début de matinée, une télécopie et un courrier électronique informant l’acheteur de son recours. Les différents lots ont pourtant été signés le 6 septembre 2019 dans la matinée, mais postérieurement à la réception par les services de la collectivité de la télécopie et du courrier électronique lui notifiant son référé précontractuel.
Et, par une ordonnance du 30 septembre 2019, le juge des référés du tribunal administratif de la Martinique a décidé qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur la demande de la société sur le fondement de l'article L.551-1 du CJA (en raison de la signature des marché) et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande. C’est sur cette décision que le Conseil d’Etat va se pencher et rendre un arrêt apportant d’utiles précisions sur la procédure de référé contractuel.
Le Conseil d’Etat commence par rappeler sa jurisprudence antérieure sur le caractère objectif de l’information de l’existence d’un référé précontractuel (notamment CE, 17 octobre 2016, Ministre de la Défense, n°400791, commenté sur ce site). Dès lors, la suspension que doit respecter le pouvoir adjudicateur en cas de notification d’un référé précontractuel court bien à compter de la réception de la notification qui lui a été faite et non à compter non de sa prise de connaissance effective du recours.
En outre, le Conseil d’Etat précise dans cette affaire la sanction que le juge doit obligatoirement tirer du non-respect de cette obligation : « en cas de conclusion du contrat avant l'expiration du délai [de stand still] ou, comme en l'espèce, pendant la suspension prévue à l'article L.551-4 du CJA, le juge du référé contractuel est tenu soit de priver d'effets le contrat en l'annulant ou en le résiliant, soit de prononcer une sanction de substitution consistant en une pénalité financière ou une réduction de la durée du contrat. Enfin, le rejet des conclusions présentées sur le fondement de l'article L.551-18 du CJA ne fait pas obstacle à ce que soit prononcée, même d'office, une sanction sur le fondement des dispositions de l'article L.551-20 du même code, si le contrat litigieux a été signé avant l'expiration du délai [de stand still] ou pendant la suspension prévue à l'article L.551-4 du CJA ».
Autrement dit, le juge est dans cette hypothèse obligé de sanctionner l’acheteur, soit par l’annulation du marché si les conditions (limitatives) prévues à l’article L.551-18 du CJA sont remplies, soit par l’une des autres sanctions, notamment une pénalité financière, prévues à l’article L.551-20. Mais il ne peut pas se contenter de rejeter la requête.
Le Conseil d’Etat censure donc l’ordonnance au motif qu’« alors même qu'il avait rejeté les conclusions de la société Clean Building présentées sur le fondement de l'article L.551-18 du CJA, le juge du référé contractuel du tribunal administratif était tenu de prononcer l'une des sanctions prévues à l'article L.551-20 du même code. En s'abstenant de prononcer l'une d'entre elles, il a commis une erreur de droit ».
Au cas présent, le Conseil d’Etat inflige les deux sanctions à l’acheteur, à savoir l’annulation d’un des lots – le lot n°7 (les conditions de l’article L.551-18 étant pour ce seul lot a priori remplies, même si l’arrêt est étrangement silencieux sur ce point) et pour le reste, une sanction financière de 10.000 euros, pour avoir signé prématurément les lots 1 à 6 et le lot 9.
Par conséquent, il ne faut penser que signer de manière précipitée son marché permet de se mettre à l’abri de toute sanction.
Remise d’échantillons : irrégularité de l’offre du candidat qui ne dispose pas de la preuve de leur dépôt
TA Marseille, ord.4 mai 2020, Sté X, n°2002331
Depuis la généralisation de la réponse dématérialisée, la question de la preuve de la remise physique d’un pli se pose moins (la question s’est désormais déplacée sur le terrain des problèmes rencontrés avec les plateformes de dématérialisation).
Mais cette question garde toute son actualité s’agissant des échantillons qui peuvent être demandés par l’acheteur à l’appui de l’offre.
En effet l’article R.2151-15 du code de la commande publique, dispose que « dans les documents de la consultation, l'acheteur peut exiger que les offres soient accompagnées d'échantillons, de maquettes ou de prototypes ainsi que de tout document permettant d'apprécier l'offre ». La question de la preuve de la remise physique de ces éléments se pose donc.
Dans cette espèce, un acheteur avait exigé la remise d’échantillons, en précisant dans son RC l’adresse et le lieu précis de remise (le bureau des marchés publics). A l’ouverture des offres, cet acheteur avait constaté l’absence d’échantillons de la part d’un candidat et avait donc jugé son offre incomplète et, partant, irrégulière.
Ce soumissionnaire, affirmant avoir bien fait déposer ses échantillons par un transporteur avant la date limite de remise au lieu indiqué, avait introduit un référé précontractuel.
Ce dernier est rejeté par le juge, qui rappelle dans son ordonnance que c’est au requérant d’apporter la preuve positive de cette remise : « le règlement de la consultation d'un marché est obligatoire dans toutes ses mentions. Le pouvoir adjudicateur ne peut en conséquence attribuer le marché à un candidat qui ne respecterait pas une des prescriptions imposées par le règlement. En l’espèce, l’article 5.1 du RC vise, au titre des pièces à produire dans le délai de remise des offres fixé au 17 janvier 2020 à 17 heures, « les pièces de l’offre et les échantillons, dans les conditions fixées par le protocole d’examen des échantillons et par l’article 9 du RC ». En effet, l’article 5.3 prévoit que « Afin d’optimiser l’analyse des offres, les candidats fourniront les échantillons ou maquettes suivants : voir protocole d’examen des échantillons-Les échantillons ne constituent pas un commencement d’exécution. Ils ne font pas l’objet d’une indemnisation. » et l’article 9 du même règlement prévoit les modalités de remise de ces échantillons obligatoires : « fourniture obligatoire d’échantillons pour les lots 1 à 6. Livraison au secrétariat du service achats marchés bureau B 6020-[adresse de l’acheteur] ».
La société requérante affirme avoir remis les échantillons obligatoires et, pour en justifier, elle produit un bon de livraison de son transporteur la société S. pour un colis d’échantillon portant comme destinataire le [nom de l’acheteur] et son adresse. Toutefois, ce bon de livraison est daté du 13 janvier 2020 tout en comportant la date d’émargement déjà imprimée du 14 janvier 2020 avec la mention « signataire : Mme Clair » et l’acheteur produit, en défense, une attestation de son directeur des ressources humaines selon laquelle aucun de ses agents ne porte le patronyme de Mme Clair. Ce récépissé comme les échanges de mails avec son transporteur faisant notamment mention du point GPS de la livraison ne peuvent établir la remise des échantillons à l’acheteur alors que la livraison des échantillons obligatoires devait se faire, selon l’article 9 du règlement de consultation, au service des marchés dans un bureau précisément identifié, ce qui implique la remise d’une attestation de dépôt, que la société requérante ne produit pas. Dans ces conditions, et en l’absence de présentation des échantillons obligatoires, les offres de la société requérante ne respectaient pas le règlement de la consultation, étaient incomplètes et irrégulières et l’acheteur était tenu de les rejeter ».
Petit conseil pratique pour les acheteurs qui exigent la production d’échantillons : pensez à prévoir, dans le RC, que cette remise se fera contre la remise d’une attestation de dépôt, seule pièce permettant de prouver la bonne réception des échantillons. Pour les soumissionnaires : pensez à réclamer cette attestation lors du dépôt, même si cette pièce n’est pas mentionnée dans le RC. Et ce afin de se prémunir d’un contentieux portant sur la réalité de la remise des échantillons.
publié le 5 mai 2020
Référé contractuel, COVID et signature du marché avant la notification de l’ordonnance de référé précontractuel
TA Nantes, ord.28 avril 2020, SAS Pompes Funèbres funérarium, n°2002516
Le TA de Nantes vient de confirmer que le régime d’exception lié à la crise sanitaire qui permet de juger les référés sans audience s’appliquait également au référé contractuel.
Dans sa décision, le juge affirme en effet que « par l'article 4 de la loi du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19, l'état d'urgence sanitaire a été déclaré pour une durée de deux mois sur l’ensemble du territoire national. Pendant cette période, l’activité des juridictions administratives a été adaptée afin de lutter contre la propagation du covid-19. Les dispositions de l’article 9 de l’ordonnance du 25 mars 2020 ont ainsi prévu la possibilité, pour les juges des référés, pendant l’état d’urgence sanitaire, de statuer sans audience sur les requêtes présentées en référé. Il ne résulte pas de ces dispositions que seraient exclues de leur champ d’application les requêtes qui avaient été inscrites au rôle d’une audience publique avant la déclaration de l’état d’urgence sanitaire et qui ont été renvoyées à une date ultérieure, du fait de cet état d’urgence. De même, il ne résulte pas de ces dispositions qu’elles ne seraient pas applicables aux requêtes en référé contractuel. Par suite, eu égard à la nécessité, dans l’actuelle période d’état d’urgence sanitaire, de prévenir ou de limiter les effets de l’épidémie, l’intérêt qui s’attache, pour la bonne administration de la justice, à ce que la présente requête en référé soit jugée dans un délai ne s’écartant pas de manière excessive du délai d’un mois fixé par l’article R. 551-9 du CJA et alors que les parties ont disposé du temps nécessaire au débat contradictoire sur tous les conclusions ou moyens qu’elles ont souhaité invoquer, il y a lieu de statuer sans audience sur la requête ».
Sur le fond, cette décision fait suite à plusieurs référés précontractuels introduits par la même société contre la même procédure, tous rejetés. Sans revenir dans le détail, il importe de savoir que la concession a été signée par la commune avant d’avoir reçu, via télérecours, notification de la dernière ordonnance de référé précontractuel, mais après que cette décision ait été notifiée à son avocat, qui avait alors informé la ville de ce rejet. Or, l’article L.551-4 du CJA est clair est vise bien l’impossibilité de signer le contrat « jusqu'à la notification au pouvoir adjudicateur de la décision juridictionnelle ». Toute signature préalable à cette notification est donc prématurée. En outre, l’article L.551-18 du CJA indique également que « le juge prononce la nullité du contrat lorsque celui-ci a été signé pendant la suspension prévue à l'article L.551-4 si, en outre, deux conditions sont remplies : la méconnaissance de ces obligations a privé le demandeur de son droit d'exercer le recours prévu par l’articles L.551-1 (référé précontractuel) et les obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles sa passation est soumise ont été méconnues d'une manière affectant les chances de l'auteur du recours d'obtenir le contrat ». Le juge aurait donc dû, en toute logique vérifier, ces conditions et en conclure que le requérant n’avait pas été privé de faire un référé précontractuel (il en avait déjà introduit 2, rejets sur le fond).
Si le juge rejette bien cette requête, c’est pourtant en suivant un raisonnement étonnant (et critiquable) qui consiste à affirmer que la signature du contrat aurait simplement permis l’introduction d’un troisième référé précontractuel (alors que justement la signature du contrat clos cette voie de droit) : « cette méconnaissance a eu pour seul effet, pour la société requérante dont les deux premières requêtes en référé précontractuel ont été rejetées au fond par le juge des référés, de la priver de son droit de saisir le juge du référé précontractuel d’une troisième requête invoquant un nouveau manquement du pouvoir adjudicateur à ses obligations de publicité et de mise en concurrence, manquement dont il ne résulte pas de l’instruction qu’il n’aurait pu être invoqué par la société dans ses deux requêtes précédentes. Ainsi, comme le soutient la commune, la société Pompes Funèbres n’est pas fondée à soutenir que la méconnaissance par ladite commune de ses obligations l’a privée de son droit d’exercer le recours prévu par les articles L. 551-1 et L. 551-5 du CJA, au sens des dispositions précitées de l’article L. 551-18 du même code ».
Moralité, pour éviter toute difficulté, l’acheteur doit, avant de signer un marché après le rejet d’un référé précontractuel, bien vérifier que l’ordonnance de référé précontractuel lui a été notifiée par le tribunal sur son propre télérecours (et pas uniquement à son avocat).
publié le 4 mai 2020
Offre anormalement basse et analyse d’une partie seulement de l’offre : annulation quasi assurée
TA Strasbourg, ord.17 avril 2020, Sté SODEREC, n°2002007
On sait, depuis l’arrêt SEPUR du Conseil d’Etat du 13 mars 2019 (n°425191, commenté sur ce site) que le pouvoir adjudicateur a l’obligation de raisonner sur la base du prix global proposé pour juger qu’une offre est anormalement basse, et ne peut pas se fonder sur une partie seulement de l’offre financière d’un candidat.
Et ceci alors même que la partie analysée représente la grande majorité du marché, que l’écart entre les offres est important sur la totalité du marché et qu’il n’y a que deux candidats en lice.
C’est ce qui ressort de cette ordonnance du tribunal administratif de Strasbourg à propos du marché public de prestations intellectuelles portant sur une mission de mandat de maîtrise d’ouvrage du projet de restructuration et d’extension du stade de la Meinau lancé par l’Eurométropole de Strasbourg.
Dans cette affaire, le marché était divisé en 13 missions et l’écart sur la totalité du marché entre le prix de l’attributaire et le candidat évincé était de 46 %. L’offre la moins chère avait donc été écartée comme anormalement basse après que la procédure de demande de précisions avait été mise en œuvre. Néanmoins, la lettre de rejet précisait que cette offre n’avait été pas été retenue et considérée comme anormalement basse en raison de la « faiblesse du nombre d’heures et des prix affectés aux missions 6, 9 et 10 » du marché en cause.
Autrement dit, l’acheteur avait signifié que c’était sur cette partie, et cette partie seulement, que l’analyse du prix avait été effectuée. Ainsi, et malgré l’écart important des offre financières prises dans leur globalité, le juge annule la procédure au stade de l’analyse des offres. Il considère en effet que l’acheteur a entaché sa décision de rejet d’une erreur de droit dès lors que « l’existence d’un prix paraissant anormalement bas au sein de l’offre d’un candidat, pour l’une seulement des prestations faisant l’objet du marché, n’implique pas, à elle-seule, le rejet de son offre comme anormalement basse. Le prix anormalement bas d’une offre s’apprécie en effet au regard de son prix global ».
Les pouvoirs adjudicateurs ont du tout intérêt à leur pas isoler une partie seulement des prix lorsqu’ils rédigent leur lettre de rejet d’une offre considérée comme anormalement basse.
publié le 18 mai 2020
Référé précontractuel, COVID et procédure concurrentielle avec négociation
TA Lyon, ord. 10 avril 2020, Sté AED, n°2001965
Le tribunal administratif de Lyon vient de rendre une ordonnance de référé précontractuel intéressante dans le contexte malheureux actuel.
En effet, comme d’autres TA avant lui, le juge du référé précontractuel de Lyon vient de trancher un référé précontractuel sans audience, sur le fondement de l’article 9 de l’ordonnance n°2020-305 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l’ordre administratif. Cet article précise en effet « qu’il peut être statué sans audience, par ordonnance motivée, sur les requêtes présentées en référé ».
Conformément à cette ordonnance, le juge a motivé sa décision en ces termes : « eu égard au risque pandémique majeur qui a justifié la déclaration d’état d’urgence sanitaire, qui décommande la tenue de réunions hors les cas où elles seraient impérativement nécessaires, et alors que les parties ont été mises en mesure de présenter chacune de façon complète leurs observations sur les points déterminants du litige, la procédure prévue par les dispositions qui viennent d’être citées a été mise en œuvre ».
Sur le fond, le juge annule la procédure de passation mise en œuvre, au motif que le recours à la procédure concurrentielle avec négociation (PCN) n’était pas justifié au cas d’espèce.
L’article 25 du décret du 25 mars 2016 prévoit en effet des cas de recours limitatifs à la PCN (depuis remplacée par la « procédure avec négociation »). En l’espèce, le pouvoir adjudicateur avait motivé le recours à cette procédure en raison du caractère innovant de la solution attendue. Il s’agissait ici d’un marché de réalisation de diagnostics techniques réglementaires avant démolition, relocation, vente et travaux.
Le juge relève que « la seule circonstance que le marché en cause soit susceptible de porter sur un nombre important de prestations ne caractérise pas, à elle seule, une nouveauté ou une amélioration de la prestation de services au sens des dispositions précitées, alors qu’aucun élément précis ne permet en l’espèce d’identifier des éléments innovants attendus des prestations ou de leurs conditions d’exécution ». La solution n’apparaît pas en soi, contestable, mais elle reste relativement sévère puisque dans le même temps, le juge note également « qu’il est constant qu’il s’agit de prestations connues et normalisées. Il est vrai que l’acheteur expose que les offres auraient été tenues d’être « adaptées » et non « standardisées ». Or, le recours à la PCN est également expressément possible « lorsque le besoin ne peut être satisfait sans adapter des solutions immédiatement disponibles », cette hypothèse semblant pouvoir être, a priori, identifiée.
En tout état de cause, le juge tire la conséquence logique de son raisonnement en annulant intégralement la procédure, après avoir vérifié que ce recours irrégulier avait bien lésé la société : « trois opérateurs économiques pouvaient être retenus, l’offre de la société requérante a finalement été classée 4ème au terme des négociations, au cours desquelles les offres ont sensiblement évolué. La société est dès lors susceptible d’avoir été lésée par le recours irrégulier à une procédure négociée. Le vice en cause, eu égard à sa nature et à sa portée, implique nécessairement, dès lors qu’il invalide le principe même de la procédure de passation mise en œuvre, l’annulation de l’ensemble de cette procédure, sans qu’il soit possible de limiter l’irrégularité à la seule phase d’examen des offres ».
En cas de doute sur la possibilité de recourir à la procédure négociée, les pouvoirs adjudicateurs sont donc invités à faire preuve de prudence et à recourir à un appel d’offres classique (alors pourtant que le recours à la négociation a clairement fait ses preuves en termes d’efficacité d’achat).
publié le 20 avril 2020
Dénaturation des offres : l’acheteur doit être particulièrement vigilant lorsqu’il analyse les mémoires techniques
TA Cergy-Pontoise, ord. 9 mars 2020, Sté Endros, n°2001861
Depuis l’arrêt Civis de 2016 du Conseil d’Etat qui a reconnu la possibilité, pour le juge des référés précontractuels, de sanctionner la dénaturation d’une offre, quelques ordonnances (assez rares) ont retenu une telle dénaturation.
L’ordonnance commentée illustre le fait que les mémoires techniques des candidats doivent être analysés avec précision, sous peine de commettre une telle dénaturation, même si les éléments demandés ne sont pas fournis au bon endroit, ni très étayés.
Ainsi, s’agissant d’un sous-critère portant sur « la façon d’appréhender les travaux », l’acheteur avait porté le commentaire suivant dans la lettre de rejet : « aucune notion d’intervention en milieu occupé ». Le juge relève néanmoins que, si le mémoire technique du requérant « ne comportait pas de section spécifique aux modalités d’intervention en site occupé il existait dans la proposition de la société Endros des mentions éparses mais nombreuses et cohérentes » sur ce point. Dans ces conditions, « le maître d’ouvrage ne s’est pas contenté de porter une appréciation sur le contenu de l’offre mais l’a dénaturé ».
De la même manière, s’agissant du sous-critère relatif « aux interventions sur amiante », l’acheteur avait indiqué « aucune mention », alors que, selon l’ordonnance, la procédure relative aux déchets amiantés « était mentionnée à au moins deux reprises ». Ainsi, « nonobstant la circonstance que les éléments exposés par la société requérante aient été succincts et peu précis, le maitre d’ouvrage n’en a tenu aucun compte et a également dénaturé cette offre ».
Il en résulte que les acheteurs doivent donc être particulièrement vigilants dans leur analyse des mémoires techniques, et doivent tenir compte de l’ensemble des éléments fournis, même ceux fournis de manière éparse et succincte, sans paragraphe spécifique, pour noter les offres.
Les appréciations du type « non fourni » sont donc, de manière générale, à proscrire pour éviter de se voir reprocher une dénaturation.
publié le 25 mars 2020
Offre anormalement basse : seul le prix compte, à l’exclusion de tout autre élément
TA Rennes, ord. 9 mars 2020, Sté Marine Assistance, n°2000630
L’ordonnance que vient de rendre le TA de Rennes est intéressante à plus d’un titre, notamment dans la mesure où il s’agit d’un référé précontractuel introduit contre une procédure de marché subséquent d’un accord-cadre (qui implique une souplesse d’analyse du juge sur les modalités de dépôt des offres, la définition des besoins et les critères de choix).
Le titulaire de l’accord-cadre ayant vu son offre rejetée pour ce marché subséquent critiquait ainsi notamment l’offre attributaire en estimant que cette dernière était anormalement basse.
Il soutenait plus précisément que les délais de réalisation des prestations proposés par l’attributaire étaient largement insuffisants, démontrant ainsi que les prix ne comprenaient pas toutes les prestations (car sinon les délais auraient été bien plus importants). Argumentation ingénieuse, mais qui va être balayée par le juge qui considère qu’« il résulte des termes mêmes des dispositions de l’article L.2152-5 du code de la commande publique qu’une offre ne peut être soupçonnée d’être anormalement basse qu’au regard de son prix, et non de ses autres éléments, de sorte que la circonstance éventuelle que les délais proposés aient pu être largement insuffisants ne saurait rendre une offre anormalement basse ».
Autrement dit, c’est bien sur le seul aspect financier que l’acheteur doit porter son attention pour identifier ou non une offre potentiellement anormalement basse.
publié le 10 mars 2020
Toute contradiction dans les documents de la consultation n’est pas susceptible de léser le candidat évincé
TA Montreuil, ord. 3 mars 2020, Sté RMS, n°2001635
Un OPH a souhaité conclure un marché unique regroupant à la fois l’entretien des parties communes de ses logements sociaux ainsi que la gestion des ordures ménagères (sortie des poubelles) faisant auparavant l’objet de deux lots.
Dans un premier temps, le tribunal administratif valide le regroupement de ces prestations distinctes dans un seul et même lot, compte tenu des économies d’échelle qu’un tel regroupement permet. L’OPH n’a donc commis aucune erreur manifeste en n’allotissant pas ce marché.
Ensuite, le juge va se pencher sur les conséquences d’une contradiction dans ce DCE portant sur le montant maximum du marché, et le montant minimum de chiffre d’affaires à fournir.
Le pouvoir adjudicateur avait en effet fixé un niveau minimum de chiffre d’affaires à réaliser au titre de la candidature, égal à 2 fois le montant maximum du marché. Or, les pièces du DCE étaient contradictoires sur ce dernier point, puisqu’il était parfois indiqué un maximum de 100.000 euros et parfois un maximum de 500.000 euros.
Cependant quel que soit l’hypothèse retenue, le chiffre d’affaires du requérant restait inférieur au chiffre d’affaires minimum exigé. Dès lors, le magistrat juge que « pour fâcheuse que soit cette erreur de plume figurant dans les documents de consultation, celle-ci n’a pas été susceptible de léser la société requérante, dont le chiffre d’affaires moyen des trois dernières années reste inférieur à celui exigé par le règlement de la consultation ».
publié le 5 mars 2020
Référé précontractuel et sélection d’un actionnaire d’une SEMOP : les précisions intéressantes du TA de Guyane
TA Guyane, ord. 2 mars 2020, SARL transports ZUNEVE, n°2000106
L’article L.551-1 du CJA permet de saisir le juge du référé précontractuel sur la procédure mise en œuvre pour sélectionner le ou les opérateurs économiques amenés à devenir actionnaires d’une SEMOP.
Plus précisément, l’article L.1541-2 du CGCT indique que la sélection du ou des actionnaires opérateurs économiques et l'attribution du contrat à la société d'économie mixte à opération unique mise en place sont effectuées par un unique appel public à la concurrence respectant les procédures applicables aux DSP, aux concessions de travaux, aux concessions d'aménagement ou aux marchés publics, selon la nature du contrat destiné à être conclu entre la collectivité territoriale ou le groupement de collectivités territoriales et la SEMOP.
En l’espèce, était en cause la DSP de transports urbains attribuée par une communauté d’agglomération à la SEMOP et donc le choix de l’opérateur économique amené à en devenir actionnaire. Un opérateur évincé soulevait de très nombreux moyens contre cette procédure, tous rejetés, après une très longue ordonnance.
En premier lieu, le juge rappelle que la communauté d’agglomération ne peut être considérée dans ce cas comme une entité adjudicatrice, puisqu’elle concède le service de transports sans l’exécuter elle-même.
Ensuite, le juge va examiner une a une toutes les informations fournies dans le DCE pour vérifier si les opérateurs économiques pouvaient, valablement, déposer une offre leur permettant d’entrer au capital en toute connaissance de cause.
A cet égard, le juge relève, entre autres, que l’indication selon laquelle la collectivité ne souhaite détenir qu’une fourchette de pourcentage de capital (entre 34 % et 85 % de prise de participation) ne constitue pas un manquement aux règles de la commande publique, l’objet même d’une SEMOP tant de faire participer les opérateurs économiques au capital après mise en concurrence.
Le juge vérifie ensuite que les informations relatives à la reprise du personnel sont suffisantes (la collectivité était ici allée jusqu’à fournir le protocole de fin de conflit conclu avec les syndicats), de même que la liste des biens mis à dispositions du délégataire (le juge relève à cet égard qu’une information est manquante, mais porte sur 200.000 euros alors que le contrat porte sur 50 millions d’euros sur 5 ans, le juge considérant donc que « ce défaut d’information est sans incidences financières déterminantes au regard de la valeur estimée du marché »).
Enfin s’agissant des critères de choix, le juge relève qu’en l’espèce qu’« il ne résulte d’aucun élément de l’instruction que la commission de délégation de service public, qui ne pouvait légalement appliquer de critère de préférence locale, se serait livrée à une appréciation manifestement erronée des capacités économiques, financières, techniques et professionnelles du groupement attributaire ».
Ordonnance intéressante donc et qui mérite d’être signalée, dans la mesure où les référés précontractuels sur la constitution d’une SEMOP sont assez rares.
publié le 4 mars 2020
Conseil d’Etat : l’offre anormalement basse n’est pas applicable aux concessions
CE, 26 février 2020, Commune de saint-julien -en-Genevois, n°436428
A l’occasion du litige relatif à la concession de services relative aux mobiliers urbains de la commune de Saint-julien-en-Genevois (Cf. infra), le Conseil d’Etat confirme explicitement que « si la société JCDecaux France soutient que l'offre de la société Girod Médias serait " anormalement basse ", la prohibition des offres anormalement basses et le régime juridique relatif aux conditions dans lesquelles de telles offres peuvent être détectées et rejetées ne sont pas applicables, en tant que tels, aux concessions ».
Il est vrai que ni l’ordonnance n°2016-65 du 29 janvier 2016, ni le code de la commande publique ne prévoient de dispositions relatives aux offres anormalement basses s’agissant des concessions. Néanmoins, au regard de la définition de cette notion, il n’est pas illogique de penser qu’une telle offre puisse exister en matière de concession.
publié le 27 février 2020
En cas de recours à des prestations supplémentaires, l’acheteur peut valablement s’abstenir de fixer des quantités maximales, et prévoir un simple BPU sans DQE pour procéder à leur analyse financière
CE, 26 février 2020, Commune de saint-julien -en-Genevois, n°436428
La procédure de passation de la concession de services relative aux mobiliers urbains de la commune avait été annulée en première instance en raison d’une définition insuffisante de l’étendue des besoins. En effet, la ville avait indiqué qu’elle pourrait, lors de l’exécution du contrat, commander des prestations supplémentaires, mais sans en fixer de limite quantitative. Ces prestations étaient jugées au titre d’un des critères de choix, uniquement sur la base des prix unitaires.
Le juge des référés avait donc, logiquement, annulé cette procédure. Comment en effet comparer des prix unitaires qui ne sont pas corrélés par des quantités estimatives ?
Mais pour le Conseil d’Etat, pas de problème.
En effet ce dernier considère qu’« il est loisible à l'autorité concédante, lorsqu'elle estime qu'elle pourra être placée dans la nécessité de commander des prestations supplémentaires au cours de l'exécution du contrat, sans être en mesure d'en déterminer le volume exact, de prévoir, au stade de la mise en concurrence initiale, un critère d'appréciation des offres fondé sur la comparaison des prix unitaires proposés par les candidats pour ces prestations ». Autrement dit on peut comparer des prix unitaires sans DQE, alors même que les prix unitaires peuvent varier en fonction des quantités prévues (ils seront par exemple dégressifs plus les quantités seront importantes).
Le juge annule donc l’ordonnance et juge qu’au cas présent « le critère de jugement des offres n° 8, intitulé " coûts supplémentaires pour la commune ", portait sur le coût d'achat de diverses prestations supplémentaires. A cette fin, le bordereau des prix unitaires figurant à l'annexe 3 du cahier des charges de la concession comportait un tableau de prix de mise à disposition s'appliquant " au déploiement de mobiliers supplémentaires par rapport au nombre de mobiliers à déployer fixé dans le cahier des charges et dont la charge incombe au titulaire ", dont les cinq lignes correspondaient à des mobiliers existants précisément décrits dans le cahier des charges, que les candidats devaient remplir en indiquant un " prix unitaire ". En jugeant que l'absence de limite quantitative à ces prestations avait méconnu le principe de la définition préalable par l'autorité concédante de l'étendue de ses besoins et avait laissé à la commune une marge de choix discrétionnaire, alors que ce tableau permettait de comparer les prix unitaires des différentes offres, et, au surplus, que les candidats admis à concourir étaient à même de demander des précisions sur ce point à l'autorité concédante s'ils l'estimaient souhaitable, le juge du référé précontractuel du tribunal administratif de Grenoble a commis une erreur de droit ».
Dès lors, en cas de recours à des prestations supplémentaires, l’acheteur peut valablement ne pas fixer de quantités maximales et prévoir un simple BPU sans DQE pour procéder à l’analyse financière.
On ne peut être que circonspect sur cette décision, et ce d’autant que le Conseil d’Etat valide une interprétation stricte de la lésion en reprochant au candidat évincé de n’avoir pas interrogé l’acheteur sur ce point.
publié le 27 février 2020
En DSP, hiérarchiser les critères sans l’annoncer expressément dans le RC peut entraîner l’annulation de la procédure….
TA Pau, ord. 20 février 2020, Sté Suez-Eau France, n°2000228
Dans cette affaire, la société SUEZ, délégataire de l’actuel contra, avait participé à la procédure visant au renouvellement de la concession du service d’eau potable du syndicat mixte d’eau potable de la région de Jurançon. Au cours d’une réunion de négociation, le président du syndicat avait cependant indiqué que cette dernière devrait régler deux titres exécutoires émis suite à un litige lié à l’exécution du précédent contrat si elle voulait obtenir le nouveau contrat. La société avait donc renoncé à améliorer son offre à l’issue de cette réunion, estimant qu’elle était victime de partialité.
Après avoir vérifié que cette requête était bien recevable (malgré le fait qu’elle avait été introduite avant la réception de la lettre de rejet et que la société n’avait pas renoncé à participer à la procédure, mais seulement à déposer une meilleure offre), le juge va annuler la procéder, mais pour un tout autre motif. En effet, en l’espèce, alors que le règlement de la consultation ne procédait ni à la pondération ni à la hiérarchisation des critères de sélection, le rapport d’analyse des offres laissait apparaitre que les critères avaient en réalité été appréciés par ordre décroissant d’importance.
Le tribunal juge donc que « le règlement de consultation indique au point 13.2, consacré aux critères de jugement, que « Les offres seront appréciées au regard de différents critères, présentés ci-dessous » (suivent la qualité de service proposé aux usagers, les aspects financiers, notamment les tarifs, la transparence et l’accès en temps réels aux informations et données du service, l’organisation et les moyens matériels et en personnel mis en œuvre pour l’exploitation et la continuité du service, l’adéquation des moyens proposés aux objectifs de qualité de service). Il résulte de cette rédaction que les critères ont tous une égale valeur, les candidats étant incités à les combiner de la façon qui leur paraît la plus appropriée en fonction de leur savoir-faire. Or, le rapport d’analyse des offres indique « conformément à l’article 13.2 du règlement de consultation, les offres sont appréciées au regard des critères énoncés ci-après par ordre décroissant d’importance » (suivent les mêmes critères tels que rappelés au point précédent). Il résulte de cette rédaction que les critères ont été appréciés, non pas comme s’ils avaient une égale valeur, mais comme si les derniers avaient moins d’importance que les premiers et ce, par ordre décroissant. Ainsi, l’équilibre des critères selon lequel la société Suez a présenté son offre, est différent, voire très sensiblement différent selon la combinaison à laquelle elle a procédé, de celui selon lequel son offre, comme d’ailleurs celles des autres candidats, a été appréciée.
Il en résulte que les offres sont susceptibles d’avoir été hiérarchisées du seul fait de l’importance, en fin de compte erronée, que chaque candidat a apportée à chaque critère – et en particulier, à ceux qui se sont en définitive avérés les moins importants aux yeux du syndicat mixte – et non pas en fonction de leurs mérites effectifs au regard de l’appréciation portant sur la combinaison des critères à laquelle ils avaient procédé au vu de l’article 13.2 du règlement de consultation.
A cet égard, la circonstance que l’article R. 3126-10 du code de la commande publique permettait au syndicat mixte de ne pas fixer un ordre décroissant d’importance des critères du fait de l’importance du marché rapportée au seuil communautaire est sans incidence dès lors que le comité syndical a exprimé le consentement du syndicat en fonction de cet ordre et ce, en méconnaissance de son propre règlement de consultation. Cette méconnaissance du règlement de consultation est susceptible d’avoir lésé la société Suez, comme du reste les autres concurrents évincés, dès lors que son offre n’a pas été appréciée en fonction de la façon dont les critères devaient être combinés. Il en résulte que la société est fondée à soutenir que la procédure de consultation a été organisée en méconnaissance des obligations de publicité et de mise en concurrence et à en demander l’annulation entière ».
Cette solution peut paraître relativement sévère, tant il semble que l’intention du rédacteur du règlement de la consultation était effectivement de procéder, lors de l’analyse, à la hiérarchisation des critères de choix. D’où l’importance d’indiquer clairement, dans le RC, la manière dont les critères seront appréciés, même en DSP.
publié le 24 février 2020
Validation d’un critère relatif à la prise en compte de « l’impact écologique » en MAPA
TA Lille, ord. 3 février 2020, Sté SFR, n°2000255
Dans le cadre d‘un marché de fournitures de matériels de téléphonie conclu en MAPA, l’acheteur avait fixé, parmi les critères de choix, un critère relatif à « la prise en compte de l’impact écologique de processus internes du candidat ».
Après avoir cité l’article R.2152-7 du code de la commande publique, le juge des référés considère que « ces dispositions permettent au pouvoir adjudicateur de retenir, en procédure adaptée, pour choisir l’offre économiquement la plus avantageuse, un critère reposant sur la prise en compte de l’impact écologique des processus internes du candidat lorsque cette prise en compte est rendue objectivement nécessaire par l’objet du marché et la nature des prestations à réaliser et n’a pas d’effet discriminatoire ». Le juge ajoute qu’un tel critère n’est pas étranger à l’objet du marché dès lors que ce dernier prévoit la fourniture de matériels de téléphonie et d’accès à internet et implique donc nécessairement une appréciation des conditions du recyclage de ces matériels quand ils sont obsolètes ou défectueux, et valide donc le choix des offres opéré sur cette base.
publié le 4 février 2020
DSP et remise d’une offre finale : après l’heure…c’est encore l’heure
TA Nîmes, ord. 27 janvier 2020, Monsieur Juan Bautista, n°2000031
Dans le cadre d’une procédure de DSP il est en pratique très fréquent qu’à l’issue des négociations, l’autorité concédante demande aux candidats de remettre leur offre finale.
Qui dit offre finale dit, en principe, que celle-ci ne peut plus être modifiée.
Dans cette affaire, la ville avait informé les candidats que leur offre finale devait être déposée pour le 9 septembre 2019. Finalement, par courrier du 30 octobre, elle avait informé tous les candidats qu’il convenait de remettre une offre encore améliorée sur certains points.
Toutefois, cette demande avait été faite à tous les candidats et portait sur des éléments non substantiels du contrat à conclure. Pour ces raisons, le juge considère donc que l’égalité de traitement n’a pas été méconnue : « Si la commune a mentionné dans son courrier du 25 juillet 2019 adressé aux candidats, la remise d’une offre qualifiée de finale, avant le 9 septembre 2019 à 12h00, aucune stipulation du règlement de la consultation ne prévoyait de calendrier des négociations ni de remise d’une offre finale, ni de date déterminée de fin des négociations. Par suite, la commune a pu régulièrement, sans méconnaître les dispositions précitées de l’article L.14115 du CGCT, et sans qu’il y ait lieu de saisir préalablement le conseil municipal, décider de poursuivre les négociations après réception des offres remises le 9 septembre 2019, en en informant de manière identique les candidats, par lettre du 30 octobre 2019 et en leur demandant de faire évoluer leur offre sur un certain nombre de points, lesquels portaient sur l’amélioration des propositions tarifaires et de la qualité de la planification de la programmation, la décomposition des dépenses de promotion et de soutien à la tauromachie et la prise en compte de la suppression d’une date de spectacle et la réduction du nombre de places protocolaires, qui ne constituaient pas des modifications substantielles des caractéristiques de la concession. Par suite, le moyen tiré de l’irrégularité de la procédure de consultation doit être écarté ».
Autrement dit, même après le dépôt d’une offre finale, l’autorité concédante peut, dans une certaine mesure et sous certaines conditions, demander aux candidats de retravailler leur copie, ce qui peut s’avérer intéressant s’il s’avère que certains points mineurs peuvent encore être améliorés. L’offre finale n’est donc pas nécessairement la dernière offre déposée par les candidats à une DSP.
publié le 27 janvier 2020
Accord-cadre, manquement lié à l’absence d’informations sur la « quantité globale » mais absence de lésion : la décision pour le moins étonnante du TA de Rennes
TA rennes, ord.24 janvier 2020, Sté X, n°1906472
Dans cette affaire, l’acheteur avait lancé un accord-cadre sans minimum ni maximum, et sans indiquer, ni dans l’avis de marché, ni dans aucune autre pièce du DCE, d’informations au titre de la rubrique « étendue ou quantité globale » du marché. Cette absence d’information constitue, selon une jurisprudence ancienne et constante, un manquement de l’acheteur à ses obligations de publicité et de mise en concurrence, reconnu d’ailleurs ici sans difficulté par le juge. Ce dernier rejette néanmoins la requête en retenant une interprétation extrêmement sévère et critiquable de la lésion.
En effet, pour estimer que les sociétés n’étaient pas lésées, il considère qu’elles disposent « d’une solide expérience dans le domaine du marché censée leur permettre d’appréhender les données du marché ». Outre qu’il est assez rare qu’un candidat ne dispose pas d’expérience sur le marché auquel il répond, chaque marché est différent et cette « expérience » ne peut pallier le manque d’information de l’acheteur. Ce n’est pas au candidat, même expérimenté, de pallier le manque d’information du marché auquel il répond.
Ensuite, il considère que « l’accord-cadre ne prévoyait ni minimum ni maximum et comportait un facteur d’imprévisibilité important quant à la nature et au nombre des commandes à venir qui devait être pris en compte », ce qui rien à voir avec l’information à fournir sur les quantités estimatives à venir (avec un maximum, la même problématique se serait également posée).
Enfin, le juge affirme que les sociétés requérantes n’apportent pas les précisions suffisantes pour apprécier l’effort commercial qu’elles auraient pu consentir si elles avaient obtenu ces informations et « établir ainsi qu’une information quant à la valeur totale estimée du marché était de nature à leur permettre de proposer des prix unitaires substantiellement inférieurs à ceux qu’elles ont proposés et à les mettre en position d’emporter le marché ». Une telle preuve est pourtant matériellement impossible à rapporter, sauf à imaginer que l’acheteur lance en parallèle deux consultations identiques, l’une sans information et l’autre avec, afin de pouvoir ensuite comparer les prix proposés par les candidats dans chaque procédure. Situation évidemment totalement théorique…
Ce faisant, le juge retient une définition extrêmement stricte de la lésion, et impose au requérant de démontrer, par A + B, qu’il serait forcément attributaire sans le manquement. Pourtant la lésion au sens de la jurisprudence Smirgeomes ne doit pas être entendue aussi strictement. Rappelons que dans ses conclusions sous Smirgeomes, Bertrand Dacosta rappelait déjà que ce revirement devait « simplement de ne pas permettre au requérant d’invoquer un manquement qui est insusceptible de le léser […], et nous en déduisons que, lorsqu’il est manifestement exclu que le manquement allégué ait eu une incidence quelconque sur le sort du requérant, il ne revient pas au juge du référé précontractuel de le sanctionner ».
Le juge des référés précontractuels doit donc se prononcer en prenant en compte la « lésion potentielle », c'est-à-dire une lésion suffisamment vraisemblable qui permet au requérant de se prévaloir utilement du manquement, et non une lésion effective. Il est dommage que certains juges de référés précontractuels aient perdu de vue cette interprétation de la lésion.
Il est certain que le régime du référé précontractuel antérieur à Smirgeomes comportait des excès auxquels il fallait mettre un terme. Néanmoins on constate désormais (et depuis quelque temps déjà) les excès inverses : des procédures franchement irrégulières épargnées en raison d’une interprétation trop stricte et contra legem de la lésion. Une telle situation est tout autant critiquable que celle qui prévalait avait Smirgeomes….
publié le 27 janvier 2020
Méthode de notation et lésion : la position souple de la Cour de Cassation (à propos d’un marché autoroutier contesté par l’ARAFER)
Cass. Com, 15 janvier 2020, ARAFER, n°18-11.134
Les arrêts de la Cour de Cassation en matière de référé précontractuel sont assez rares pour être soulignés.
Dans cette affaire, l’ARAFER avait introduit un référé précontractuel contre une procédure mise en œuvre par ASF (Autoroutes du sud de la France) pour la conclusion d’un marché portant sur l’entretien des chaussés d’une section de l’autoroute A837, au motif que la méthode de notation était de nature à neutraliser le critère technique.
Le juge de première instance (TGI de Nanterre) ayant rejeté ce recours, l’ARAFER a alors introduit un pourvoi en cassation.
Pour rejeter le moyen tiré de l’irrégularité de la méthode de notation, le juge des référés avait vérifier in concerto les effets de ladite méthode et avait considéré qu’au final, le classement aurait été de toute façon identique (y compris en supprimant le coefficient multiplicateur en cause dans la méthode employée).
La Cour va censurer ce raisonnement en rappelant qu’en cas de critique de la méthode de notation, il appartient uniquement au juge de « vérifier objectivement si la méthode de notation retenue et appliquée par la société ASF n’était pas, par elle-même, de nature à priver de portée le critère technique ou à neutraliser la pondération des critères annoncée aux candidats ». Autrement dit, si une méthode est, en soi, de nature à priver de portée un critère, le juge n’a pas à vérifier si, dans le cas qui lui est soumis, elle a eu ou non un effet sur le classement des offres.
La Cour de Cassation retient donc une notion très souple de la lésion, ce qui est une bonne chose, le juges des référés ayant nettement trop tendance à retenir, s’agissant de la méthode de notation, une interprétation bien trop stricte de cette notion.
Cependant, la Cour constatant que le marché ayant entre-temps été signé (puisque la requête avait été rejetée en première instance), elle conclut à ce qu’il n’y a plus lieu à référé, appliquant ainsi une jurisprudence ancienne et constante du Conseil d’Etat.
publié le 24 janvier 2020
Un rappel salutaire : il n’appartient pas au candidat évincé de pallier le manque de transparence de l’acheteur en posant des questions en cours de procédure
TA Versailles, ord. 8 janvier 2020, Sté SAUR, n°1909279
Bien souvent lorsqu’un requérant fait état d’un moyen devant le juge du référé précontractuel, l’acheteur public met en avant, pour sa défense, que le candidat n’a pas posé de questions sur ce point précis en cours de procédure et que, de ce fait, il ne pourrait donc pas être lésé par le manquement qu’il invoque.
Pourtant, depuis longtemps, le Conseil d’Etat que le fait qu’un candidat n’ait pas posé de question en cours de procédure est sans incidence sur la lésion qu’il peut faire valoir (CE, 23 décembre 2009, n°328827, CE, 15 novembre 2017, n°412644). Juger le contraire reviendrait en effet à ajouter une condition qui ne figure pas à l’article L.551-1 du CJA (TA Versailles, 28 mai 2009, n°0904447).
Dans l’affaire commentée, le juge des référés du tribunal administratif de Versailles confirme ce point en jugeant qu’il n’appartient pas aux candidats de pallier le non-respect, par l’acheteur, de ses obligations de publicité et de mise en concurrence, s’agissant en l’occurrence d’une imprécision portant sur les critères de choix des offres : « les intitulés des critères de sélection n’étaient pas suffisamment précis par eux-mêmes ni accompagnés de leur description. Il est constant que cette information n’a pas non plus été donnée aux soumissionnaires sous la forme de réponses écrites à des questions posées par eux et il n’est pas établi qu’elle ait pu l’être sous forme orale lors de la phase de négociations en vue de la présentation d’une offre finale, sans que l’autorité concédante ne puisse faire grief à la société requérante, qui n’était pas tenue de pallier ce défaut de transparence, de ne pas avoir posée de questions à ce sujet ».
publié le 10 janvier 2020