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Actualités 2023 & 2024

 

Défaut d’allotissement, mais défaut de lésion : du grand n’importe quoi...

TA Rennes, ord. 25 novembre 2024, Sté NETVLM, n°2406530

Encore une illustration d’une application totalement tronquée de la jurisprudence Smirgeomes et de ses abus dans le but de sauver des procédures coûte que coûte.…

Dans cette affaire, une communauté d’agglomération avait mis en œuvre un appel d’offres ouvert pour la conclusion d’un accord-cadre non alloti portant sur la mise en place d’un système de contrôle d’accès de ses déchetteries. Le juge confirme dans un premier temps que des prestations distinctes pouvaient être identifiées, et que sans justification, l’absence d’allotissement constituait un manquement de la part de l’acheteur : « que les prestations à effectuer au titre de ce marché comprenaient, selon le CCTP, la fourniture et mise en place des bornes et des barrières levantes et l’entretien du matériel, les travaux de terrassement nécessaires à la mise en place des réseaux, la mise en place des réseaux, la fourniture, l’installation et le paramétrage des logiciels nécessaires à la gestion des accès, la maintenance préventive, corrective et évolutive du logiciel et du matériel, la formation aux utilisateurs et l’assistance aux utilisateurs et utilisatrices. Il ressort ainsi des documents de la consultation qu’il était notamment possible de distinguer, au sein du marché en cause, les prestations relatives à la fourniture et à la mise en service des installations informatiques de contrôle d’accès de celles relatives aux travaux dits de « génie civil », qui représente environ un tiers du montant du marché. Contrairement à ce que soutient la communauté d’agglomération, il ne résulte pas de l’instruction qu’une dévolution en lots séparés aurait nécessité une coordination entre prestataires telle qu’elle aurait rendu techniquement difficile l’exécution du marché. Si la communauté d’agglomération soutient également que l’allotissement du marché aurait rendu son exécution financièrement coûteuse, elle n’apporte aucune justification à l’appui de ses allégations. Par suite, elle doit être regardée comme ayant manqué à ses obligations d’allotissement résultant de l’article L. 2113-10 du code de la commande publique ».

Pourtant, la requête est rejetée pour défaut de lésion, sur la base d’un raisonnement totalement alambiqué au termes duquel la société requérante n’aurait de toute façon pas pu obtenir les lots si ceux-ci avaient été mis en place : « la société NETVLM, qui n’est pas une spécialiste des travaux de génie civil, soutient que le prix de son offre a été majoré par la nécessité d’intégrer les coûts de conduite, par ses soins, des opérations d’organisation, de pilotage et de coordination de l’exécution du marché avec le sous-traitant auquel elle avait fait appel pour l’exécution des travaux de génie civil. Toutefois, il résulte de l’instruction que la société NETVLM a présenté une offre technique de qualité sur ces travaux de génie civil qui lui a permis d’obtenir une notre de 8,50 au critère de la « qualité de la méthodologie d’installation des contrôles d’accès » contre 6,50 à l’attributaire et que son offre était la moins-disante sur ces prestations. Ainsi, quand bien même elle n’aurait pas eu à concourir sur les prestations relatives aux travaux de génie civil, elle n’aurait pas pu se voir attribuer le lot relatif aux prestations de contrôle d’accès. Elle n’est par suite pas fondée à soutenir qu’elle était susceptible d’avoir été lésée par le défaut d’allotissement du marché litigieux ».

Pourtant, si les lots avaient été constitués, il s’agirait alors de deux marchés distincts, avec des prix et des critères éventuellement différents et des offres différentes, et il est impossible d’en « deviner » le classement sauf à être devin et pas juge. Ce raisonnement n’a donc aucun sens et constitue une interprétation totalement erronée de la jurisprudence Smirgeomes dont on rappelle que selon Bertrand Dacosta dans ses conclusions sous cette décision, il s’agissait simplement « de ne pas permettre au requérant d’invoquer un manquement qui est manifestement insusceptible de le léser ».

publié le 28 novembre 2024

 

Le refus d’utiliser Chorus pro justifie le rejet de l’offre pour irrégularité

TA Nancy, ord. 19 novembre 2024, Sté World Fuel Services, n°2403213

Chorus pro est la plateforme permettant le dépôt des factures électroniques émises dans le cadre des marchés publics. Cet outil, qui offre certes d’incontestables avantages par rapport à l’envoi papier des factures (notamment l’amélioration des délais de paiement), reste pourtant largement perfectible. Les habitués de la plateforme sauront les identifier rapidement : obligation de rentrer des codes souvent non communiqués par l’acheteur, pré-remplissage totalement erroné des informations figurant dans les factures (date fausse, montant négatif etc…), blocage parfois intempestif du circuit de paiement sans raison….

Toujours est-il que ce système est désormais rendu obligatoire par l’article L.2192-5 du code de la commande publique et ses textes d’application (notamment l’article R.2192-3 du code de la commande publique).

En l’espèce, l’offre d’une société excluait le recours à cet outil, alors même que le CCAP prévoyait l’obligation d’y recourir. L’acheteur avait don jugé cette offre irrégulière. Ce motif de rejet, contesté par le biais d’un référé précontractuel et pourtant validé par le juge : « la société World Fuel Services se prévaut du caractère imprécis des documents de la consultation, et notamment l’article 5.3.3 du CCP, qui l’aurait induite en erreur en lui laissant penser qu’il était possible d’utiliser un autre système que Chorus Pro pour transmettre les factures. Cependant, cet article prévoit que la transmission des factures « s’effectue conformément aux dispositions législatives et réglementaires en vigueur et notamment en application de l’arrêté du 9 décembre 2016 relatif au développement de la facturation électronique », lequel est relatif à Chorus Pro. Cet article précise en outre les modes de transmission des factures, soit par raccordement direct à la solution mutualisée, soit à partir d’un système tiers, en prévoyant plusieurs modalités, par transfert de fichier, services intégrés dans un portail tiers ou connexion via internet au portail Chorus Pro. Les passages consacrés aux diverses solutions décrites évoquent tous un recours à Chorus Pro. Par ailleurs, si l’article L. 2192-6 précité du code de la commande publique permet de ne pas recourir au portail public Chorus Pro en cas d’impératif de défense ou de sécurité nationale, les documents de la consultation n’évoquaient nullement ces dispositions et ne comportaient aucune précision permettant de tenir pour établi qu’elles seraient applicables au présent marché. La nécessité de recourir à Chorus Pro pour la transmission des factures ressortait donc de manière suffisamment claire de la rédaction des documents de la consultation. Il est par ailleurs constant que l’offre de la société requérante excluait le recours à une des modalités de transmission des factures via Chorus Pro. Dans ces conditions, et contrairement à ce que soutient la société World Fuel Services, son offre était irrégulière ».

Pour les opérateurs encore réticents à utilise cet outil, une bonne formation pourrait éviter ce genre de déconvenues à l’avenir.

publié le 25 novembre 2024

 

Périmètre du droit : l’AMO pour la passation d’un marché ne nécessite pas de se grouper avec un avocat pour le TA de Versailles

TA Versailles, ord. 6 novembre 2024, Sté Cantinéo, n°2408861

Décision qui intéressera les acteurs du monde de l’AMO, et qui juge qu’il n’est pas nécessaire de former un groupement avec un avocat pour une mission d’AMO pour la passation d’un marché publics de restauration collective avec pour mission de rédiger le DCE et d’établir le rapport d’analyse des offres.

Dans cette affaire, une société qui avait candidaté un groupement avec un avocat contestait l’attribution à un cabinet de conseil intervenant sans une tel professionnel du droit. Après avoir rappelé la loi du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, le juge considère que cette candidature ne viole pas le périmètre du droit dès lors que le soumissionnaire dispose de la capacité requise pour donner à titre accessoire des consultations juridiques relevant de son activité principale : « que, d’une part, la société SPQR conseil est une société spécialisée dans la restauration collective composée d’experts du secteur de la restauration. Elle dispose à ce titre d’une qualification accordée par l’organisme professionnel de qualification des conseils en management (OPQCM). Elle dispose par suite de la capacité requise pour donner à titre accessoire des consultations juridiques relevant de son activité principale. D’autre part, il ressort de l’instruction et notamment des documents de la consultation que le marché en litige, dont au demeurant les missions sont parfaitement détaillées, ne consiste pas à titre principal à réaliser des prestations juridiques de conseil et de rédaction d’actes sous seing privé, mais à assurer une assistance à maîtrise d’ouvrage pour la passation d’un marché de restauration collective. Selon l’article 1er du CCP, le marché en litige concerne «  la mission d’assistance à maîtrise d’ouvrage pour le diagnostic, l’optimisation et la passation d’un marché de restauration collective pour la confection et la livraison de repas en liaison froide pour la restauration collective des membres du groupement de commandes ». L’article 4 relatif au contenu de la mission décompose les phases attendues. La phase 1 ne contient aucune prestation de nature purement juridique. S’agissant de la phase 2, la production des pièces du DCE du marché ne peut s’assimiler à la rédaction d’actes sous seing privé. Quant à l’analyse des offres comme la rédaction du rapport d’analyse prévues par la phrase 3, elles ne constituent pas davantage des prestations réservées aux professionnels du droit. Il suit de là que ces prestations de nature juridique doivent être regardées comme accessoires mais comme relevant directement de l’activité principale et, par suite, nécessaires à sa réalisation. Elles doivent dès lors être regardées comme en constituant l’accessoire au sens des articles 54 et 60 de la loi du 31 décembre 1971 ».

publié le 13 novembre 2024

 

Le dépôt d’un fichier.zip inexploitable rend l’offre irrégulière sans possibilité de régularisation

TA Montpellier, ord. 29 octobre 2024, Sté Solutions 30, n°2405722

Bien que la dématérialisation soit complétement rentrée dans les mœurs, il arrive encore que des litiges concernent le dépôt des pièces sur les plateformes de dématérialisation.

En l’espèce, une société avait déposé son mémoire technique sous la forme d’un fichier .zip, qui n’avait pas pu être ouvert par l’acheteur. Point intéressant, le juge avait même reporté l’instruction après l’audience afin de faire réaliser un constat d’huissier de ce point par l’acheteur, constat qui avait confirmé le caractère corrompu du fichier. L’offre, incomplète, était donc irrégulière et avait donc été rejetée : «  il résulte du bordereau de contrôle des plis dématérialisés qui lui a été remis, et n’est pas contesté, que la société Solutions 30 SE a transmis sur la plateforme AWS, le 13 mai 2024, en format « ZIP », d’une part, à 13 heures 11, un fichier d’une taille de 9,88 Mo contenant les pièces correspondant au dossier « candidature » du groupement, d’autre part, à 15 heures 11, un fichier contenant les pièces du dossier « offre » d’une taille de 553,61 Mo. Si la requérante soutient, que, contrairement à ce que le département lui a opposé, le fichier " 3 – Me¦ümoire technique et environnemental « intégré dans le fichier » Pieces de l’offre – Solutions 30 Lumycom.zip « était exploitable, elle ne l’établit pas en se bornant à soutenir avoir déposé un dossier qui contenait toutes les pièces sans problème de nommage, en particulier s’agissant du mémoire technique et environnemental, qui, selon elle, dispose d’une taille de 456,6 Mo et s’ouvre sans difficulté sur ses postes dans un environnement Mac ou PC, faute de combattre, utilement, les constats du commissaire de justice faits, en dernier lieu, le 24 octobre 2024, à partir du dossier » séquestre « où ont été initialement téléchargés le 14 mai 2024 à 11 heures 52 par le département tous les dossiers des quatre candidats au marché en litige, selon lesquels le dossier du groupement, enregistré en » Zip Archives « sous la forme compressée » Pieces de l’offre – Solutions 30 Lumycom.zip « , présente deux fichiers dont le fichier » Pieces de l’offre – Solutions 30 Lumycom « , affichant une taille de 553,6 Mo et une dernière modification le 13 mai 2024 à 14 heures, pour lequel, d’une part, seul l’un des dix sous-dossier, qui est intitulé » 3 – Me¦ümoire technique et environnemental « , modifié en dernier lieu le 13 mai 2024 à 15 heures 09, est vide et, d’autre part, aucun des quatre logiciels, » 7zip « , explorateur Windows, Winzip ou Winrar, utilisés n’est parvenu à le décompresser, à l’inverse du fichier » Pièces de la candidature du groupement « . Et, si la requérante se prévaut de ce que le dossier » séquestre " ne correspondrait pas à celui de l’offre pour lequel elle bénéficie de l’attestation de dépôt mais résulte d’une modification apportée par l’agent du département enregistrée le 15 mai à 11 heures 52 minutes et 54 secondes, elle ne l’établit pas, notamment à défaut d’avoir déposé une copie de sauvegarde comme le règlement du marché le lui permettait. Enfin, il résulte de l’instruction que le problème technique générant cette impossibilité d’ouvrir les fichiers de l’offre du groupement n’avait pas pour origine un dysfonctionnement de la plateforme AWS. Par suite, l’incomplétude de l’offre ne peut être regardée comme imputable à un dysfonctionnement de cette plateforme ou à la manipulation des services du département lors de l’ouverture dématérialisée des plis ».

On ne rappellera jamais assez aux soumissionnaires qu’il ne faut pas zipper les pièces de leur candidature ou de leur offre.

Et ce d’autant qu’au cas d’espèce, le juge considère que l’impossibilité d’ouvrir le mémoire technique est une caractéristique essentielle de l’offre au sens de l’article R.2152-2 interdisant donc toute possibilité de régularisation : « alors qu’il est constant que le département des Pyrénées-Orientales n’a pas procédé à la régularisation de l’offre en cause, l’impossibilité pour le pouvoir adjudicateur de contrôler les pièces techniques du groupement Solutions 30 SE / Lumycom, donc le risque qu’une régularisation en modifie des caractéristiques substantielles, au sens des dispositions précitées de l’article R.2152-2 du code de la commande publique, faisant, en tout état de cause obstacle à sa régularisation ».

publié le 4 novembre 2024

 

Dépassement du délai de validité des offres : impossible d’écarter le candidat qui refuse une prolongation et de continuer avec les autres

TA Paris, ord. 25 octobre 2024, Sté Pulita Vendôme, n°2426918

90 jours, 120 jours, 160 jours…Ces délais de validité des offres sont quasiment systématiquement indiqués dans les RC des acheteurs publics (bien que non obligatoires). Et leur respect est impératif, comme le rappelle encore aujourd’hui le juge des référés du tribunal administratif de Paris. Dans cette affaire, le délai indiqué dans le RC n’avait pas été respecté, de sorte que l’acheteur avait demandé aux candidats une prolongation de celui-ci. Tous avaient accepté, sauf un. L’acheteur avait alors écarté son offre et décidé de continuer la procédure avec les autres candidats. Bien mauvaise idée, puisque la procédure est annulée pour ce motif : « Le moyen tiré de la caducité des offres soumises au pouvoir adjudicateur et des conditions dans lesquelles elles peuvent être prorogées est relatif à des manquements aux conditions de publicité et de mise en concurrence. Si la personne publique doit, sous peine d’irrégularité de la procédure de passation, choisir l’attributaire d’un marché dans le délai de validité des offres, elle peut toujours solliciter de l’ensemble des candidats une prorogation ou un renouvellement de ce délai. Toutefois, dans le cas où le règlement de la consultation fixe une date limite de validité des offres, celle-ci ne peut être prorogée qu’avec l’accord de l’ensemble des candidats admis à présenter une offre.

Le délai de 160 jours de validité des offres pour la passation du nouveau marché a été mentionné à l’article 5.1.12 de l’avis d’appel public à la concurrence. Dans son courrier du 30 septembre 2024 demandant aux candidats de prolonger le délai de validité de leurs offres, l’administrateur du Théâtre national de l’Odéon a retenu un délai de validité de 160 jours, non contesté par les sept candidats. La date limite de dépôt des offres ayant été fixée le 25 avril 2024, ce délai de 160 jours est venu à expiration le 2 octobre 2024. Il résulte du principe énoncé au point 4 que dans le cas où le règlement de la consultation fixe une date limite de validité des offres, celle-ci ne peut être prorogée qu’avec l’accord de l’ensemble des candidats admis à présenter une offre. Il suit de là que dès lors que la société Pulita Vendôme a refusé la prolongation du délai de validité de son offre par son courrier électronique du 30 septembre 2024, le Théâtre national de l’Odéon ne pouvait décider de poursuivre la procédure de consultation en l’excluant de cette procédure, malgré la règle en ce sens énoncée à l’article 7.1 du règlement de la consultation qui apparaît contraire au principe de publicité et de mise en concurrence. Cette décision de l’établissement public de poursuite de la procédure de consultation dans les conditions prévues à l’article 7.1 du règlement de la consultation résulte du courriel de réponse du 30 septembre 2024 de la responsable des affaires juridiques et de la commande publique du Théâtre national de l’Odéon qui se borne à regretter la décision de la société Pulita Vendôme refusant de prolonger le délai de validité de son offre, sans qu’aucune décision déclarant sans suite la procédure de consultation ne soit prise par l’établissement.

Il résulte de ce qui vient d’être dit que faute pour le Théâtre national de l’Odéon d’être parvenu à attribuer le nouveau marché avant le 2 octobre 2024, date limite de validité des offres et à défaut de l’accord de tous les candidats admis à présenter une offre pour prolonger le délai de validité de leurs offres, le Théâtre national de l’Odéon était tenu de déclarer sans suite la procédure de consultation lancée le 21 mars 2024 et de lancer une nouvelle procédure de consultation. Il suit de là qu’en décidant de prolonger la procédure de consultation jusqu’au 31 octobre 2024, le Théâtre national de l’Odéon a entaché sa décision d’illégalité et la procédure de consultation, d’irrégularité ».

publié le 28 octobre 2024

 

Petit rappel utile : le concours de maitrise d’œuvre est une simple technique d’achat, dispensé notamment du respect du délai de stand still

TA Dijon, ord. 18 octobre 2024, Sté Nord Sud Architecture, n°2403362

Il ressort du code de la commande publique que le concours de maîtrise d’œuvre n’est pas un appel d’offres, et n’est pas, non plus, une procédure formalisée. Il s’agit d’une simple technique d’achat, qui permet de retenir un projet. Elle est prévue à l’article L.2125-1 du code de la commande publique qui dispose en effet que « l'acheteur peut recourir à des techniques d'achat pour procéder à la présélection d'opérateurs économiques susceptibles de répondre à son besoin ou permettre la présentation des offres ou leur sélection, selon des modalités particulières. Les techniques d'achat sont les suivantes […] le concours, grâce auquel l'acheteur choisit, après mise en concurrence et avis d'un jury, un plan ou un projet ».

Autrement dit, lorsqu’un acteur organise un concours, il ne met pas en œuvre une procédure formalisée, mais simplement une technique d’achat.

Dans ce cadre, l’acheteur n’a donc pas à respecter les articles R.2181-3 et R.2181-4 du code de la commande publique sur l’information à communiquer aux candidats évincés, ni, donc, le délai de stand still, comme vient de le rappeler le juge du référé contractuel du tribunal administratif de Dijon : « il résulte notamment des dispositions du 2° de l’article L.2125-1, des articles L.2410-1 à L. 2432-2, des articles R.2162-15 à R.2162-26, des articles R.242-12-1 à R.2423-37, de l’article R.2172-2 et de l’article R.2122-6 du code de la commande publique que lorsqu’en vue de conclure un marché de maîtrise d’œuvre privée répondant à un besoin dont le montant est égal ou supérieur aux seuils de procédure formalisée, un acheteur public ayant la qualité de maître d’ouvrage recourt à la technique d’achat du concours et qu’il organise, à cette fin, un concours restreint, il choisit d’abord le ou les lauréats du concours, au vu des procès-verbaux et de l’avis du jury, en rendant public le résultat du concours et peut ensuite passer le marché de maîtrise d’œuvre correspondant, après négociations, avec le lauréat ou l’un des lauréats de ce concours sans publicité ni mise en concurrence préalables. En application des dispositions combinées des articles R.2124-1 et R.2122-6 du code de la commande publique, un marché de maîtrise d’œuvre qui a été passé selon la procédure définie au point 4, alors même que la valeur estimée du besoin serait égale ou supérieure aux seuils européens, n’est pas un marché passé selon une procédure formalisée, au sens du code de la commande publique, et n’est donc notamment pas soumis à l’obligation de respecter le délai minimal, mentionné à l’article R.2182-1, séparant la notification, par l’acheteur public, de sa décision de rejeter l’offre d’un candidat de la date de signature du marché ».

publié le 24 octobre 2024

 

Marché à tranches : attention à une pondération privilégiant les tranches conditionnelles par rapport à la tranche ferme

TA Montpellier, ord. 7 octobre 2024, Sté Spie Citynetworks, n°2405250

La commune de Narbonne a décidé de conclure marché public global de performance portant sur la modernisation, la rénovation, l’exploitation, la maintenance et la gestion de son éclairage public. Ce marché était découpé en trois tranches, une tranche ferme portant sur des travaux de rénovation de 50% du patrimoine, pour environ 10 millions d’euros, et deux tranches optionnelles portant chacune sur des travaux de rénovation de 25% du parc en LED, pour un montant cumulé d’environ 7 millions d’euros.

La tranche ferme était donc assurément la tanche de travaux la plus importante. La méthode de notation agrégeait les trois tranches et, sur un total de 2400 points, en affectaient 1000 pour la tranche ferme et 1400 sur les deux tranches optionnelles.

Concrètement, la tranche ferme, pourtant plus importante, pesait donc moins, dans la notation, que les deux tranches optionnelles, dont on rappelle qu’elles ne sont pas certaines d’être affermies.

Selon le juge, une telle pondération est donc de nature à créer une situation dans laquelle la meilleure offre sur la tranche ferme soit écartée, et qu’en conséquence, l’offre économiquement la plus avantageuse ne soit finalement pas retenue en l’absence d’affermissement des tranches optionnelles : « que la commune de Narbonne a décidé de noter ensemble les deux tranches optionnelles et la tranche ferme, soit trois tranches, eu égard notamment à la circonstance que les travaux prévus pour les deux tranches optionnelles seraient quasiment équivalents à ceux de la tranche ferme dont l’achèvement doit intervenir en avril 2026 et que son intention d’affermissement des deux tranches optionnelles ne souffre d’aucune incertitude, le décalage étant seulement motivé par le souhait d’éviter de mobiliser de façon anticipée des financements pour des prestations dont la réalisation n’interviendrait que postérieurement à la signature du présent marché. Toutefois, il convient de relever que sur un total de 2 400 points, la tranche ferme attribuée pour un montant de 10 875 866 euros TTC est notée sur 1 000 points pour 1 400 points au total pour les deux tranches optionnelles dont le montant cumulé n’est que de 7 286 926 euros TTC, de sorte qu’à la tranche ferme, qui représente plus des 5/9ème du montant total du marché, ne correspond que 5/12ème du total des points attribués. Par suite, et alors que l’affermissement de l’une ou l’autre des deux tranches optionnelles est subordonné, en application de l’article 2.1 du CCAP, à l’intervention d’une décision de la commune de Narbonne dans le délai de trois ans suivant la signature du marché, sans aucune contrepartie dans le cas contraire, cette pondération est de nature à créer une situation dans laquelle la meilleure offre sur la tranche ferme soit écartée, et qu’en conséquence, en l’absence d’affermissement des tranches optionnelles, l’offre économiquement la plus avantageuse ne soit pas retenue. En retenant cette pondération manifestement inadaptée la commune de Narbonne a donc méconnu les dispositions de l’article L. 2152-7 précité du code de la commande publique et donc ses obligations de mise en concurrence ».

Au cas présent, le manquement et considéré comme n’étant pas susceptible de léser le requérant, compte-tenu des notes obtenues et la requête est donc rejetée, mais cet exemple montre que les acheteurs doivent être vigilants sur la pondération à affecter sur les différentes tranches de leurs marchés.

publié le 10 octobre 2024

 

L’acheteur ne commet pas de manquement en communiquant la lettre de rejet (très) longtemps après la décision d’attribution

CE, 27 septembre 2024, Région Guadeloupe, n°490697

L’article L.2181-1 du code de la commande publique dispose que « dès qu’il a fait son choix, l’acheteur le communique aux soumissionnaires dont la candidature ou l’offre n’a pas été retenue » et l’article R.2181-1 précise quant à lui, que « l’acheteur notifie sans délai à chaque soumissionnaire concerné sa décision de rejeter sa candidature ou son offre ».

Ces deux textes obligent, en principe, l’acheteur à faire preuve de célérité dans la transmission des lettres de rejet une fois que la décision d’attribution est prise.

Mais s’il ne le fait pas que se passe-t-il ? C’est la question que devait trancher le Conseil d’Etat dans cette affaire. Une région avait en effet mis 15 mois à notifier le rejet des offres après la réunion de la CAO qui avait procédé au classement et à l’attribution du marché. Ce délai avait plusieurs explications mais avait été sanctionné par le tribunal administratif au motif qu’il avait laissé les candidats évincés dans l’incertitude et que cela constituait donc un manquement. Raisonnement fragile, finalement sanctionné par la Haute Assemblée : « il ne résulte ni des dispositions précitées, ni de la finalité de la communication des motifs de rejet de l’offre rappelée au point 4, que le délai écoulé entre la décision d’attribution du marché et l’information d’un candidat évincé du rejet de son offre serait susceptible, à lui seul, de constituer un manquement de l’acheteur à ses obligations de transparence et de mise en concurrence. Par suite, en jugeant que la région avait commis un manquement en ne communiquant au concurrent évincé sa décision concernant l’attributaire du lot n°2 que quinze mois après la réunion de la commission d’appel d’offres, le juge des référés a commis une erreur de droit ».

Finalement, peu importe le délai mis dans la transmission de l’information portant rejet de l’offre tant que le candidat peut contester utilement ce rejet devant le juge des référés : « dès lors que la société a été mise à même, dans les circonstances de l’espèce, de contester utilement l’éviction du groupement auquel elle appartient dans un délai suffisant avant la date à laquelle le juge des référés statue, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions des articles L.2181-1 et R. 2181-1 mentionnées au point 3, qui ne peut, à lui seul, ainsi qu’il a été dit au point 5, constituer un manquement de l’acheteur à ses obligations de transparence et de mise en concurrence, doit, par suite, être écarté ».

Les services marchés des acheteurs peuvent donc souffler : il n’existe pas de course à la transmission des lettres de rejet.

publié le 27 septembre 2024

 

Limitation des candidatures : attention à ne pas dépasser l’arrêté du 22 mars 2019

TA Paris, ord. 24 septembre 2024, Sté Softway medical imaging, n°2423321

Un GIP avait mis en œuvre une procédure restreinte, admettant uniquement les quatre premiers candidats à déposer une offre. Ce dernier avait donc indiqué les critères de sélection des meilleures candidatures, à savoir la pertinence et la qualité des références pour 40 %, la qualité des effectifs dédiés au projet pour 15 % et une note d’intention relative à la compréhension du projet et de ses enjeux, pour 45 %.

Un candidat arrivé 5ème et donc non sélectionné pour la suite de la procédure faisait état de ce que deux de ces trois éléments excédaient ce qu’il était possible d’exiger des soumissionnaires au stade de la candidature, à raison selon le magistrat, ce dernier rappelant notamment que « lorsqu’il entend limiter le nombre de candidats admis à présenter une offre, l’acheteur ne peut déroger aux dispositions générales des conditions de participation et imposer aux candidats de produire d’autres renseignements et documents que ceux limitativement prévus par l’arrêté susvisé du 22 mars 2019 annexé au code de la commande publique ».

Or, en l’espèce, le magistrat estime que la qualité des effectifs dédiés et la note de compréhension du projet ne figurent pas dans cet arrêté : « l’avis de marché vise la « qualité des effectifs dédiés au projet » appréciée en fonction de la « composition de l’équipe projet et de la qualification/expériences des effectifs spécifiquement affectés au projet et, de la cohérence de l’équipe spécifiquement proposée au regard du projet » et, les articles 3.3, 3.4 et 3.6 du règlement de consultation exigent des candidats, la fourniture du " total des effectifs affectés au projet (décomposition en profils junior/senior et expert). () les CV des effectifs dédiés au projet indiquant pour chaque type de profil : () ; le rôle spécifique tenu par chaque profil sur les différentes phases d’exécution du projet et une note de 2 pages expliquant la constitution des effectifs pour le projet et la méthodologie de travail envisagée ". Il résulte de ce qui précède que le GIP, pour procéder à la sélection des candidats admis à présenter une offre, a exigé, les informations précitées qui, à supposer même qu’elles ne relèvent pas de la phase d’analyse des offres, excédaient en tout état de cause, ce qu’il pouvait exiger en application de l’arrêté du 22 mars 2019 ; que le GIP a également exigé des soumissionnaires la production d’une « note d’intention » constituant aussi le principal critère, pondéré à 45 %, de sélection des quatre candidats autorisés à présenter une offre. Il est constant qu’une telle note explicitant les enjeux et risques du projet, et présentant les facteurs de succès du soumissionnaire, n’est pas au nombre des renseignements que l’acheteur, en application de l’arrêté du 22 mars 2019, est susceptible de demander aux soumissionnaires en phase d’analyse des candidatures ». La procédure est donc annulée.

Les acheteurs doivent donc s’en tenir strictement aux seuls éléments figurant dans le fameux arrêté du 22 mars 2019, qui doit constituer leur seule bible au stade de la candidature.

publié le 27 septembre 2024

 

Difficile de contester un marché subséquent quand on n’a pas contesté la procédure de l’accord-cadre qui en sert de support

TA Versailles, ord. 24 août 2024, Sté Fraikin Assets, n°2406492

Dans cette affaire, le Ministère des Armées avait mis en œuvre une procédure de passation d’un marché subséquent ayant pour objet « la location longue durée avec prestations associées, sans conducteur, de vecteurs routiers neufs de type tracteur routier et semi-remorque destinés au transport routier longue distance, de fret palettisé ou en colis, au profit de l’armée de l’Air et de l’Espace ».

Estimant que ce matériel était à destination militaire, le ministère avait choisi de recourir à la négociation, sur le fondement des dispositions applicables aux marchés de défense ou de sécurité. Un soumissionnaire évincé critiquait le recours à la négociation estimant au contraire que ces matériels n’étaient pas à vocation militaire.

Sur ce dernier point, le juge va lui donner raison, mais va néanmoins rejeter la requête au motif que ce candidat n’avait pas contesté la procédure d’accord-cadre servant de fondement au marché subséquent qui contenait le même vice : « Il résulte de l’instruction que les vecteurs objets du marché subséquent n°6, qu’il s’agisse des tracteurs de catégorie N3 ou des semi-remorques de catégorie O4, relèvent de la gamme commerciale. S’ils sont soumis à des attendus techniques, il ne résulte pas de l’instruction qu’ils nécessiteraient des aménagements importants, propres à un usage à des fins militaires au sens des dispositions précitées, n’ayant pas en particulier vocation à transporter des explosifs. Ils n’ont pas été spécifiquement conçus à des fins militaires ou adaptés à de telles fins. Les vecteurs en cause, aux termes de l’article 6 du cahier des clauses techniques particulières du marché subséquent n°6, renvoyant à l’article 6 de l’accord cadre, devront d’ailleurs être restitués à l’attributaire sans précaution particulière, autre que celle de leur état général. Par ailleurs, s’il n’est pas contesté qu’ils ont vocation à transporter des équipements, entiers ou des pièces détachées et composants ou sous-assemblages, qui sont destinés à être utilisés comme armes ou matériel de guerre, qu’il s’agisse notamment d’armement individuel, de composants d’avions ou d’appareils de détection, vocation qui justifie que les vecteurs ne puissent pas être géolocalisés, la fourniture desdits vecteurs ne peut être regardée comme directement liée à un équipement mentionné au 1° ou au 2° de l’article L. 1113-1 du code de la commande publique. Les matériels à donner en location en application du marché subséquent n°6 ne peuvent donc pas être regardés, eu égard à leurs caractéristiques, comme relevant par nature d’un marché de défense ou de sécurité. Néanmoins, il est constant que le marché subséquent n°6 a été attribué dans le cadre de l’accord cadre dont les requérants sont au nombre des attributaires, au terme d’une procédure de négociation. Il est constant également que le marché subséquent n°6 est issu de l’accord-cadre n°2022-012-2023-053-00-00 attribué aux sociétés requérantes le 12 juin 2023, et que cet accord, qui prévoit également la location de vecteurs EXIII destinés et adaptés au transport de matières explosibles, a été qualifié de marché de défense et de sécurité. Les sociétés Fraikin Assets et Fraikin France, qui n’ont pas contesté la qualification de marché de défense et de sécurité de l’accord cadre dont elles sont au nombre des attributaires, ne peuvent pas utilement soutenir que le marché subséquent qui en est issu ne pouvait pas recevoir cette qualification, ni donc par voie de conséquence que la procédure de négociation ne lui était pas applicable ou qu’elle est susceptible de les avoir lésées ».

Moralité, les titulaires d’accords-cadres disposent d’encore moins de chances de contester une procédure de passation, la notion de lésion étant pour eux interprétée de manière encore plus stricte.

publié le 2 septembre 2024

 

Marché sans publicité ni mise en concurrence préalables pour urgence impérieuse : la clé, c’est la réactivité  

TA Martinique, ord. 3 août 2024, Sté Bimini Construcction Martinique, n°2400501

L’article R.2122-1 du code de la commande publique autorise l’acheteur à passer « un marché sans publicité ni mise en concurrence préalables lorsqu’une urgence impérieuse résultant de circonstances extérieures et qu’il ne pouvait pas prévoir ne permet pas de respecter les délais minimaux exigés par les procédures formalisées ».

S’agissant d’un cas exceptionnel dérogeant à la mise en concurrence, il est interprété strictement par la jurisprudence. C’est encore le cas dans l’hypothèse commentée.

Une commune avait en effet été destinataire, le 15 mars 2024, d’un diagnostic de solidité du bâtiment d’une de ses écoles, dont il ressortait qu’au vu de son état dégradé, le bâtiment présente un risque significatif d’effondrement en cas de séisme. Le rapport recommandait ainsi la fermeture de l’école, dans un délai inférieur à 6 mois. Le maire a alors décidé d’une solution temporaire d’installation de bâtiments modulaires pouvant être installés rapidement dans l’attente des travaux de reconstruction de l’école, pour accueillir les élèves à compter de la rentrée scolaire 2024.

Ce marché a été passé sur le fondement de l’article R.2122-1 précité. Or, le juge va considérer que les conditions de recours à cette dérogation n’étaient pas remplies, en raison du temps mis par la commune à le conclure à compter de la réception du diagnostic, et donc de son absence de réactivité : « S’il est constant qu’aucune mesure de publicité et de mise en concurrence n’a été engagée en vue de la conclusion du marché litigieux, relatif à l’installation de ces bâtiments modulaires, la commune fait valoir qu’elle se trouvait dans une situation d’urgence impérieuse, qui ne lui permettait pas de respecter les délais minimaux exigés par les procédures formalisées. Cependant, il résulte de l’instruction qu’alors qu’il a été destinataire du diagnostic de solidité le 15 mars 2024, le maire a attendu le 20 juin 2024, soit plus de 3 mois plus tard, pour conclure le marché litigieux. Eu égard à ce délai, il n’est pas établi que la conclusion de ce marché relevait d’une situation d’urgence impérieuse, qui aurait empêché la commune de respecter ses obligations de publicité et de mise en concurrence, alors que la procédure de passation du marché aurait pu être initiée dès le mois de mars 2024. Au surplus, dès lors que le diagnostic de solidité du bâtiment de l’école a été sollicité dès le 29 août 2023, le maire pouvait raisonnablement anticiper la nécessité de procéder à des travaux de rénovation de cette école, et prévoir en amont les solutions temporaires nécessaires pour accueillir les élèves, le temps de ces travaux. Dans ces conditions, la commune n’est pas fondée à faire valoir que les conditions, prévues par l’article R. 2122-1 du code de la commande publique, pour permettre la conclusion d’un marché sans mesure de publicité et de mise en concurrence, étaient réunies ».

Ajoutons toutefois que le juge fait preuve de pragmatisme, puisque ce marché, contesté par le bais d’un référé contractuel n’est pas annulé, mais la commune est « simplement » condamnée à verser une amende de 30.000 euros compte tenu de la rentrée scolaire toute proche : « compte tenu, d’une part, de l’imminence de la rentrée scolaire 2024 et de la nécessité impérieuse pour la commune de disposer, à très brève échéance, d’une solution pour accueillir les élèves hors des locaux de l’école et, d’autre part, du fait que les travaux d’installation des bâtiments modulaires en litige sont déjà largement avancés, l’annulation du contrat, de même que toute autre mesure visant à priver, même partiellement, ce contrat d’effets, porterait atteinte à la sécurité et à la continuité du service public, et se heurte ainsi, dans les circonstances particulières de l’espèce et eu égard à ses effets disproportionnés, à une raison impérieuse d’intérêt général. Par suite, les conclusions tendant à l’annulation du marché en litige, doivent être rejetées. En revanche, compte tenu de la nature des manquements commis par le pouvoir adjudicateur, de leurs conséquences pour la société Bimini construction Martinique, qui aurait eu intérêt à candidater si le marché avait fait l’objet des mesures de publicité requises, et du montant du marché, il y a lieu d’infliger à la commune une pénalité financière d’un montant de 30 000 euros, à verser au Trésor public ».

Ça fait quand même cher pour avoir tardé à lancer ce marché, qui aurait pu être justifié si la ville avait été plus réactive et diligente.

publié le 22 août 2024

 

Recours à un sous-traitant au stade de la candidature : attention à la précision du DC4

TA Lyon, ord. 25 juillet 2024, Sté Montagnier TP, n°22406612

On sait que bien souvent, les candidats répondent aux marchés un peu au dernier moment. Dans ce genre d’hypothèses, les dossiers sont rédigés rapidement et les pièces établies dans l’urgence. Pour justifier des capacités des sous-traitants auxquels on va faire appel, on remplit un DC4 un peu « généraliste » en pensant que cela sera suffisant. Que nenni.

En effet, l’ordonnance commentée vient rappeler qu’il faut être très précis dans la rédaction d’un tel document, sous peine de voir sa candidature rejetée comme irrégulière. Un candidat en a fait l’amère expérience, en ne précisant pas la nature exacte des travaux qui seraient sous-traités, de sorte qu’il n’a pas été considéré comme justifiant des qualifications de son sous-traitant : « la société Montagnier TP soutient qu’il ne peut valablement lui être reproché l’absence de qualification FNTP 5143 ou de référence équivalente dès lors que la société Colas, sous-traitant déclaré, dispose de la qualification FNTP 5141. Toutefois, d’une part, il n’est pas contesté que la société Montagnier TP ne dispose ni de la qualification FNTP 5143 ni de référence équivalente requise par le règlement de la consultation. D’autre part, si la société Colas dispose de la qualification FNTP 4151, qui est supérieure et donc valable, il résulte de l’instruction que le formulaire DC4 de déclaration de sous-traitance qui se borne à mentionner comme nature de prestations sous-traitées « Travaux VRD – Réfection de chaussées – Bordures » était lacunaire et ne permettait pas de déterminer les prestations effectivement réalisées par la société Colas. Or, compte tenu de la proportion du coût de la prestation sous-traitée, évaluée à 378 674,26 euros, au regard du montant total des prestations, évalué à 1 096 904,23 euros alors que l’essentiel des travaux requiert la qualification en litige, la communauté de communes a pu, sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation et sans dénaturer la candidature de la société Montagnier TP, estimer que la société Colas n’avait pas vocation à effectuer la prestation principale du lot n° 1, à savoir la réalisation de tranchées et de canalisations en profondeur, et écarter pour irrecevabilité la candidature de la société Montagnier TP ».

publié le 29 juillet 2024

 

Commentaire négatif sur Facebook : finalement le Conseil d’Etat ne voit (bizarrement) pas le problème

CE, 24 juillet 2024, Commune de Sevran, n°491268

Dans une ordonnance relativement commentée du TA de Montreuil rendue en janvier dernier (TA Montreuil, ord. 12 janvier 2024, Sté SOMAREP, n°2315368, commenté infra) une procédure de DSP avait été annulée pour violation du principe d’impartialité.

Un conseiller municipal, également président délégué de la commission de DSP, avait en effet critiqué via un commentaire Facebook, la gestion du marché forain de la ville, juste avant la remise des candidatures de la DSP portant sur le renouvellement de la gestion de ce marché.

Dans le cadre de son commentaire, cet élu critiquait la gestion du site par l’actuel délégataire, dans les termes suivants : « ce marché est mal géré. C’est dommage car il est très fréquenté. Et les incivilités font fuir les clients du centre-ville. Le bail de concessionnaire du marché doit être renouvelé en janvier prochain, c’est l’occasion de le réformer pour qu’il soit plus diversifié et qu’on y trouve plus de commerces de qualité ». L’élu, en sa qualité de président délégué de la commission de DSP, avait signé, avec d’autres, le rapport d’analyse proposant d’attribuer la concession à un nouvel entrant. Ce soumissionnaire s’était par la suite effectivement vu attribuer le contrat, et le délégataire actuel mettait donc en avant une violation du principe d’impartialité.

Violation légitimement reconnue par le juge des référés, mais pourtant censurée par le Conseil d’Etat, qui ne voit pas le problème : « au nombre des principes généraux du droit qui s'imposent au pouvoir adjudicateur comme à toute autorité administrative figure le principe d'impartialité, dont la méconnaissance est constitutive d'un manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence. Il résulte des pièces du dossier soumis au juge des référés que le message d'un internaute publié sur le réseau social " Facebook " le 7 août 2023, relatif au marché de Sevran, a suscité une réaction du conseiller municipal, président délégué de la commission prévue par l'article L. 1411-5 du code général des collectivités territoriales, lequel a déclaré en commentaire sous ce message que : " Ce marché est mal géré. C'est dommage car il est très fréquenté. Et les incivilités font fuir les clients du centre-ville. Le bail de concessionnaire du marché doit être renouvelé en janvier prochain, c'est l'occasion de le réformer pour qu'il soit plus diversifié et qu'on y trouve plus de commerces de qualité ". En jugeant que ce commentaire constituait une atteinte à l'impartialité de l'autorité concédante, alors que la modération des propos et le contexte de cette publication ne révélaient ni parti pris ni animosité personnelle à l'encontre de la société SOMAREP, le juge des référés du tribunal administratif de Montreuil a inexactement qualifié les faits qui lui étaient soumis. Ainsi qu'il a été dit au point 6, le commentaire publié par le conseiller municipal, président délégué de la commission prévue par l'article L. 1411-5 du code général des collectivités territoriales, ne constitue pas un manquement à l'impartialité. ».

Position finalement assez peu étonnante de la part du Conseil d’Etat qui a une tendance manifeste à vouloir sauver des procédures.

Ce faisant il adopte ici une interprétation très (trop) stricte à propose de la violation du principe d’impartialité qu’il a lui-même pourtant dégagé. 

publié le 26 juillet 2024

 

Poser de questions dans le délai prévu au RC ne suffit plus…encore et toujours plus de dérives dans la mise œuvre de Smirgeomes auxquelles il doit vraiment être mis fin

TA Toulouse ord. 16 juillet 2024, Sté DEF, n°2403857

Nouvelle illustration d’un rejet d’un référé par une application totalement dévoyée de la jurisprudence Smirgeomes.

Dans cette affaire, un syndicat mixte des transports avait mis en œuvre un appel d’offre pour l’installation d’un système de sécurité incendie (SSI). Le règlement de la consultation prévoyait, dans un de ses articles que « les renseignements complémentaires demandés au plus tard 10 jours avant la date limite de remise des offres seront examinés par Tisséo Ingénierie qui communiquera sa réponse 6 jours au plus tard avant la date limite fixée pour la réception des offres ».

Un candidat avait respecté ce délai et avait posé ses questions dans les temps, mais l’acheteur ne lui avait pas répondu, ce qui, selon lui, lui avait empêché d’élaborer son offre.

Voilà la réponse (hallucinante selon moi) du juge : « il résulte de l’instruction que, le 8 avril 2024, à 17h36, soit un peu plus de dix jours avant la date limite pour la réception des offres, fixée au 19 avril 2024, la société DEF a sollicité trois compléments d’information auprès de l’entité adjudicatrice. Ceux-ci portaient, d’une part, sur le lot incluant la programmation du concentrateur, d’autre part, sur la référence du spectre utilisé pour la résistance aux perturbations électromagnétiques et enfin, sur la possibilité de formuler des observations concernant les points bloquants dans l’attestation demandée au paragraphe V.2 du RC. Il est constant qu’aucune réponse ne lui a été apportée. La société DEF soutient que l’absence de réponses à ces questions, dont elle soutient qu’elles étaient essentielles à la bonne compréhension des spécifications techniques, l’a empêchée de finaliser son offre et de la déposer dans les délais impartis. Toutefois, en adressant de telles demandes via la plateforme dématérialisée seulement six heures et vingt-quatre minutes avant la clôture du délai mentionné à l’article IV.4.1 du RC, sans par ailleurs indiquer à l’entité adjudicatrice en quoi elles lui paraissaient indispensables à la présentation de son offre, la société requérante, qui ne fait état d’aucune circonstance particulière justifiant un tel manque de diligence, ne saurait être considérée comme les ayant faites en temps utile au sens des dispositions précitées de l’article R.2132-6 du code de la commande publique. Il s’ensuit que, dans les circonstances de l’espèce, l’entité adjudicatrice n’était pas tenue d’y répondre et, par voie de conséquence, n’était pas davantage tenue de prolonger le délai de remise des offres ».

Autrement dit, on vient reprocher au candidat d’avoir bien respecté le délai fixé par l’acheteur….

Concrètement, selon cette décision, le candidat aurait donc dû poser ses questions bien avant le délai fixé par l’acheteur (mais combien de temps avant ??) et préciser en plus en quoi les questions posées étaient essentielles pour élaborer son offre (c’est vrai que les candidats s’amusent le plus souvent à poser des questions dont ils n’attendant aucune réponse).

On avait critiqué à raison les abus de la situation avant Smirgeomes. Nous voici pourtant arrivé à l’autre extrémité du balancier avec les mêmes critiques pouvant être faites à cette décision, totalement dévoyée par certains juges de première instance.

Rappelons quand même que dans ses conclusions sous l’arrêt Smirgeomes, Bertrand Dacosta faisait part de ce que son but était simplement de ne pas permettre au requérant d’invoquer un manquement qui est insusceptible de le léser et que « lorsqu’il est manifestement exclu que le manquement allégué ait eu une incidence quelconque sur le sort du requérant, il ne revient pas au juge du référé précontractuel de le sanctionner ».

Au cas d’espèce, il est bien évident que si le candidat a posé ces questions en respectant le délai posé par l’acheteur, ce dernier devait y répondre comme indiqué dans le RC et que cette absence de réponse est bien susceptible de l’avoi léser (puisqu’il n’a pas déposé d’offre).

Il est malheureux d’en arriver là et il est plus que temps que le Conseil d’Etat fasse évoluer sa jurisprudence.

publié le 19 juillet 2024

 

Mauvaise application de la méthode de notation par couleur : l’annulation (partielle) est confirmée par le Conseil d’Etat

CE, 18 juillet 2024, commune de Menton, n°492880

Nous avions commenté l’ordonnance n°2400856 du 8 mars 2024 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Nice avait annulé une procédure de passation pour la conclusion d’une délégation de service public (allotie) pour l’exploitation d’une plage (Cf infra sur le site).

La ville de Menton avait ici procédé à l’évaluation des offres par le biais de couleurs : vert, jaune, et rouge (pour des éléments incohérents ou non conforme), mais en affectant des couleurs différentes aux mêmes manques relevés dans différents offres, ce qui avait abouti à une annulation totale.

Le Conseil d’Etat confirme l’erreur commise par le pouvoir adjudicateur, et confirme que le juge des référés peut sanctionner cette mauvaise application sans que ceci ne relève de l’appréciation de mérites respectifs des offres des candidats : « il n'appartient pas au juge du référé précontractuel de se prononcer sur l'appréciation portée sur la valeur d'une offre ou les mérites respectifs des différentes offres. Il lui appartient, en revanche, lorsqu'il est saisi d'un moyen en ce sens, de vérifier que le pouvoir adjudicateur n'a pas dénaturé le contenu d'une offre en en méconnaissant ou en en altérant manifestement les termes et procédé ainsi au choix de l'attributaire du contrat en méconnaissance du principe fondamental d'égalité de traitement des candidats.

Il ressort des énonciations de l'ordonnance attaquée que le juge des référés a constaté que des documents non-conformes ou insuffisants ont été notés " rouge " s'agissant des offres de MM. B... et D... alors que des documents présentés par des candidats admis à négocier et affectés de ces mêmes manquements ont été notés " jaune " ou " vert ". Le juge des référés en a conclu, au terme d'une appréciation souveraine des faits et sans se prononcer sur l'appréciation portée sur la valeur d'une offre ou les mérites respectifs des différentes offres, que l'autorité concédante avait méconnu le principe d'égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures. Par suite, les moyens tirés de ce que le juge des référés aurait commis une erreur de droit, méconnu son office et dénaturé les pièces du dossier ne peuvent qu'être écartés ».

La Haute Assemblée relève simplement qu’en annulant l’intégralité lité de la procédure, alors que ce manquement ne se rapportait qu’à la phase d'admission des candidats à la négociation, le juge des référés a commis une erreur de droit, et renvoie donc tout le monde au stade précédant la négocation.

publié le 19 juillet 2024

 

Quand le prestataire qui vous aide à répondre…monte finalement sa propre boite et remporte le marché, faites un référé

TA Pau ord. 9 juillet 2024, Sté Olinn Services, n°2401526

Situation assez originale qui vient d’être tranchée par le tribunal administratif de Pau.

De plus en plus de sociétés externalisent leurs réponses aux marché publics et les font réaliser par des prestaires (gain de temps, d’expérience. etc…). Ces prestataires ont donc, par définition, accès aux informations confidentielles de la société, puisqu’ils établissement les prix, rédigent le mémoire technique, déposent les pièces sur la plateforme…

Or, au cas présent, il apparait qu’un prestataire, qui avait aidé une société à répondre à un marché de location longue durée de véhicules, avait finalement décidé de créer sa société pendant la procédure de passation et de répondre à ce marché, qu’il a finalement remporter devant la société en question.

Et l’on peut imaginer la surprise de ce candidat à la lecture de sa lettre de rejet. Son action en référé précontractuel a été, assez logiquement, couronnée de succès, le juge considérant que « Mme C, gérante de la société Geslease [créée en cours de consultataion] attributaire du marché, était chargée d’accompagner la société Olinn services pour le dépôt de son offre dans le cadre de la procédure de passation en litige et a rédigé le bordereau de prix qui a été joint à l’offre de la société requérante. Mme C avait donc eu accès à une information confidentielle susceptible de rompre l’égalité entre les candidats à l’attribution du marché. Par ailleurs, en se bornant à soutenir que Mme C n’a pas rédigé le mémoire technique de l’offre de la société requérante et à invoquer la méconnaissance de la participation de Mme C à l’établissement de l’offre de la société Olinn services alors même que Mme C était en copie du mail adressé au parc national des Pyrénées contenant l’offre de la société requérante, la société Geslease et le parc national des Pyrénées n’établissent pas que la gérante de la société attributaire n’avait pas obtenu des informations confidentielles susceptibles de lui conférer un avantage indu lors de la procédure de passation. Il suit de là, au regard de ce qui a été dit au point 6, que la société Geslease doit être regardée comme ayant, dans le cadre de la procédure de passation en cause, entrepris d’influencer la prise de décision de l’acheteur. Il en résulte que le parc national des Pyrénées pouvait et devait légalement exclure la société Geslease de la procédure de passation en cause ».

publié le 12 juillet 2024

 

Plateforme PLACE : attention à déposer son offre dans le bon tiroir numérique !

TA Bordeaux ord. 4 juillet 2024, Sté Sogea Sud-ouest Hydraulique, n°2403635

A l’heure où il est envisagé de faire de la plateforme PLACE la grande plateforme unifiée des marchés publics (ce qui soulève d’importantes questions en droit de la concurrence), l’ordonnance rendue par le tribunal administratif de Bordeaux rappelle que les candidats doivent être vigilants lorsqu’ils déposent une offre sur cette plateforme.

En effet, dans cette affaire, un candidat avait déposé son offre dans le mauvais tiroir numérique, correspondant à un autre marché, et a vu son offre rejetée. Il contestait donc ce rejet devant le juge des référés précontractuels. Ce dernier rejette toutefois sa requête après avoir relevé toutes les circonstances en défaveur du candidat : date et heure de dépôt qui lui permettaient de corriger son erreur, précédent titulaire, habitué à la plateforme, chemin d’accès au bon tiroir numérique clair, autres candidats ayant déposé sans difficulté dans le bon tiroir numérique, absence de dysfonctionnement de la plateforme : « le règlement de la consultation prévoit que « le candidat est inscrit sur la plateforme des achats de l’Etat (PLACE) et dispose d’un certificat numérique lui permettant de transmettre son pli : le candidat dépose son pli (candidature) sur le site : www.marches-publics.gouv.fr » à la rubrique « marchés et opportunités » en cliquant sur le lien « accès à la salle de consultation, puis en sélectionnant la consultation ». La seule circonstance que le lien mentionné était inactif ne peut être regardé comme une mention erronée de nature à avoir induit en erreur la requérante dès lors que ce lien inexistant ne pouvait orienter la candidate vers un autre « tiroir numérique », c’est-à-dire vers une fenêtre correspondant à un autre marché. Il a d’ailleurs été confirmé à l’audience que la société requérante, sans chercher à contacter le cas échéant une quelconque assistance sur la plateforme PLACE ou en ligne, a suivi un autre chemin pour accéder au « tiroir numérique » dans lequel elle a déposé son offre. Il résulte en outre de l’instruction qu’après avoir déposé son offre, la société requérante a reçu de façon immédiate un accusé-réception automatique indiquant sans la moindre équivoque les références/intitulé, l’objet, la date de mise en ligne ainsi que la date limite de dépôt du marché correspondant au « tiroir numérique » utilisé. La société ne pouvait donc ignorer, à l’issue du dépôt de son offre, la nature et l’objet de la consultation à laquelle elle venait de répondre. Eu égard à l’heure de dépôt de son offre, soit le 16 janvier 2024 à 11h35, elle avait la possibilité de rectifier son erreur et de déposer son offre dans le bon « tiroir numérique » avant 16h00 le même jour. Il est par ailleurs constant que la société Sogea Sud-Ouest Hydraulique a bien reçu, à l’issue de la phase de sélection des candidats, le 26 octobre 2023, un message qui invitait les candidats sélectionnés à déposer leur offre sur la PLACE, précisant la référence, l’intitulé, l’objet du marché ainsi que la date et l’heure limite de dépôt. Il résulte également de l’instruction que la société requérante disposait de plusieurs chemins d’accès à la salle de consultation, notamment un lien d’accès direct à la fiche du marché auquel elle candidatait, par un message du 8 janvier 2024, muni du code d’accès correspondant. Elle pouvait également à tout moment vérifier l’état de sa candidature en actionnant l’onglet « mon panier » de la PLACE. En tout état de cause, il n’est pas contesté que l’ESID de Bordeaux a réceptionné pour le marché n° DAF 2023000052 trois offres dont deux émanant d’entreprises distinctes et qui n’ont pas rencontré de difficultés pour accéder à la salle de consultation et déposer leur offre dans le bon « tiroir numérique ». Pour l’ensemble de ces raisons, la société Sogea Sud-Ouest Hydraulique, qui est titulaire de plusieurs autres marchés avec le ministère des Armées et l’ESID de Bordeaux, qui a la qualité de titulaire sortant du marché litigieux et qui pratique régulièrement la plateforme numérique PLACE pour candidater et déposer des offres, n’est pas fondée à soutenir qu’elle a été illégalement induite en erreur par des mentions erronées figurant au règlement de la consultation s’agissant des conditions de dépôt dématérialisé de son offre ».

Le juge en profite également pour rappeler qu’« aucune disposition ni aucun principe n’impose au pouvoir adjudicateur d’informer un candidat que son offre a été déposée dans le cadre d’une autre consultation que celle à laquelle il voulait postuler et, d’autre part, il ne peut rectifier de lui-même l’erreur de dépôt ainsi commise, sauf dans l’hypothèse où il serait établi que cette erreur résulterait d’un dysfonctionnement de la plateforme de l’acheteur public. Eu égard à ce qui vient d’être dit, en l’absence de dysfonctionnement de la plateforme PLACE susceptible d’induire en erreur la société requérante, il n’appartenait pas au pouvoir adjudicateur de rectifier de lui-même l’erreur commise par la société requérante lors du dépôt de son offre ».

publié le 10 juillet 2024

 

Mobilier urbain la ville de Paris : le covid constitue bien une circonstance imprévue justifiant la prolongation de 6 mois par avenant de la concession !

TA Paris, ord. 15 juin 2024, Sté JCDecaux, n°2412367

Dans la guerre économique que se livrent JCDecaux et Clear Channel, désormais Cityz Média, cette dernière vient de marquer un point.

JCDecaux attaquait l’avenant de prolongation de 6 mois de la concession portant sur la conception, la fabrication, la pose, l’entretien, la maintenance et l’exploitation de mobiliers urbains d’information conclue en 2019.

Toute la question était de savoir si cette prolongation par avenant était possible ou si elle nécessitait un nouveau contrat et, donc, une remise en concurrence.

Le juge va valider la thèse de la régularité de l’avenant après avoir rappelé l’article L.3135-1 du code de la commande publique qui autorise, sous certaines conditions, la modification d’un contrat de concessions.

Le juge confirme que la crise sanitaire du Covid 19 est une circonstance imprévue autorisant une telle modification : « Il ressort du compte de résultat prévisionnel établi par la Ville de Paris produit dans le cadre de la présente instance que les produits d’exploitation prévus en 2020 et 2021 pour la société « Cityz Media Paris » étaient respectivement des montants arrondis de 46,7 et 47,4 million d’euros, tandis que le chiffre d’affaire net effectivement obtenu durant ces deux années par la société concessionnaire s’est élevé respectivement aux montants arrondis de 20,2 million et 32,8 million d’euros, soit une perte de près de 55% et 27% relativement aux montants prévisionnels. Cette contraction des produits d’exploitation s’est également traduite dans une perte de résultat net pour la société concessionnaire, malgré les trois mois d’exonération de redevances accordées par la Ville de Paris dans le cadre du premier avenant au contrat. S’il est constant qu’une part de ces pertes n’est imputable qu’aux risques communs d’exploitation, il n’en résulte pas moins que, d’une part, la pandémie de Covid-19 constitue bien une circonstance imprévue, d’autre part, qu’elle a entraîné une baisse significative du chiffre d’affaires de la société concessionnaire qui ne pouvait pas être prévue lors de la passation du contrat. En effet, la baisse de 24,4% des recettes du marché du mobilier urbain en 2020 ne peut être considérée comme constituant une variation prévisible des conditions économiques pendant la période d’exécution des prestations, compte tenu de l’évènement sanitaire à l’origine de cette baisse, de même que la baisse de 33,3% du marché de la publicité extérieure au cours de cette même année. En outre, la prolongation de la durée d’un contrat de concession du marché public peut être envisagée pour compenser les surcoûts subis par les exploitants du fait de circonstances imprévisibles. Ainsi, l’avenant litigieux prolongeant d’une durée de six mois le contrat de concession de services pour la conception, la fabrication, la pose, l’entretien, la maintenance et l’exploitation de mobiliers urbains d’information par la société « Clear Channel France » est bien directement imputable aux circonstances imprévisibles et ne peut être regardé comme excédant ce que les dispositions citées au point 4 permettaient à l’autorité concédante de prévoir pour permettre à son co-contractant de faire face aux aléas rencontrés qui n’étaient ni prévisibles ni ne sont intervenus dans des conditions normales d’exploitation, quels que soient les indices d’évolution du marché retenus pour reconstituer la perte de recettes de la société concessionnaire ».

Puisque cet avenant est régulier, le juge des référés précontractuels rejette logiquement la requête.

publié le 24 juin 2024

 

Lancement simultané d’un accord-cadre et du premier marché subséquent : ne pas confondre vitesse et précipitation

TA Paris, ord. 17 juin 2024, Sté Stilog, n°2413289

Il est possible, pour un acheteur pressé, d’attribuer, à l’issue de la même procédure, un accord-cadre et le premier marché subséquent de celui-ci.

Néanmoins dans cette hypothèse, il est impératif de ne pas mélanger les deux et d’analyser les offres distinctement. C’est ce qu’avait rappelé le Conseil d’Etat dans un arrêt Métropole Européenne de Lille en 2020, qui avait validé cette technique car la MEL avait clairement identifié, dans les documents de la consultation les deux étapes que constituaient l’attribution de l’accord-cadre mono-attributaire et l’attribution du marché subséquent n°1.

Au cas présent, le Centre national d’art et de culture Georges Pompidou a, quant à lui, été trop pressé et voit sa procédure annulée pour n’avoir pas distingué ces deux étapes : « il appartient au pouvoir adjudicateur d’informer les candidats sur les conditions d’attribution des marchés subséquents à un accord-cadre mono-attributaire dès l’engagement de la procédure d’attribution de cet accord-cadre, dans l’avis d’appel public à la concurrence ou le cahier des charges tenu à la disposition des candidats. La circonstance qu’un accord-cadre soit conclu avec un seul opérateur économique n’implique pas que son titulaire bénéficie de l’octroi automatique des marchés subséquents passés dans ce cadre. Aucune disposition du code de la commande publique ni aucun principe ne fait en effet obstacle à ce que les offres remises par le titulaire d’un accord-cadre mono-attributaire pour l’attribution des marchés subséquents soient notées et analysées, et que les marchés ne lui soient attribués que sous réserve de remplir certaines conditions. Il en va de même dans l’hypothèse où la procédure de passation de l’accord-cadre mono-attributaire envisagerait l’attribution simultanée d’un premier marché subséquent et où les candidats à l’attribution de l’accord-cadre seraient de ce fait invités à remettre également une offre pour ce premier marché, sous réserve que la comparaison des offres des candidats porte uniquement sur l’accord-cadre et non, de façon concomitante, sur celles remises pour le premier marché.

Il résulte de l’instruction et notamment du règlement de consultation que les candidats ont été invités à remettre une offre unique pour l’accord-cadre et le marché subséquent n°1, les offres présentées étant appréciées en fonction des mêmes critères et sous-critères sans que soient clairement identifiées les deux étapes que doivent constituer l’attribution de l’accord-cadre mono-attributaire et celle du marché subséquent n°1. Il résulte également de l’instruction que les offres ont fait l’objet d’une analyse conjointe ayant abouti à une seule décision d’attribution. Dans ces conditions, le Centre national d’art et de culture Georges Pompidou a méconnu le principe de transparence applicable à la procédure de passation en litige ».

publié le 21 juin 2024

 

Trop de report tue le report

TA Mayotte, ord. 4 juin 2024, Sté CMTB et autres, n°2400692

La communauté d’agglomération Dembéni-Mamoudzou (CADEMA) avait mise en œuvre une procédure de passation relative à un marché de transport collectif urbain sur son territoire. Plusieurs requérants ont attaqué séparément cette procédure en référé, les instances ayant été jointes dans le cadre de la décision.

La date de réception des offres, initialement fixée au 6 octobre 2023 avait été prorogée par quatre avis rectificatifs successifs jusqu’au 29 décembre 2023. Un premier report avait eu pour effet de modifier le CCTP en communiquant des annexes financières propres à chaque lot, en supprimant la question de la billettique et celle de l’agence commerciale, la CADME décalant alors la DLRO du 6 octobre 2023 au 20 octobre 2023.

Puis, le 17 octobre 2023, la CADEMA avait décidé de décaler de nouveau la LDRO au 10 novembre 2023. Le 27 octobre 2023, cette date avait encore été reportée au 1er décembre 2023 après la surpression du système d’aide à l’exploitation et à l’information des voyageurs (SAEIV) initialement prévue à l’article 17 du CCTP. Le 1er décembre, la CADEMA avait également reporté la date limite de remise des offres au 22 décembre 2023. Enfin, le 20 décembre 2023, celle-ci a été encore décalée jusqu’au 29 décembre 2023. Pour le juge, ces multiples reports démontrent, en réalité, un insuffisante définition des besoins, et il en tire les conséquences, en annulant la procédure : « Il est constant que si les multiples reports de la date de remise des offres, à l’exception du dernier, ont été conformes aux dispositions de l’article 4.2 du RC, il résulte néanmoins de l’instruction que ces modifications du DCE n’étaient pas mineures en ce qu’elles changeaient de manière significative le périmètre des prestations demandées dans le cadre de la création et de la gestion du réseau de transports. Si la CADEMA fait valoir en défense que ces modifications ont dû être apportées au DCE en raison du fait, d’une part, que les marchés distincts concernant la billettique et le SAEIV n’avaient pas encore été lancés, et d’autre part, qu’une réflexion plus large sur le sujet de la billettique dans le secteur des transports, portée à l’échelle du Département, avait été engagée, ces retards et contretemps révélant l’insuffisante définition de la nature et des besoins à satisfaire auraient dû commander au pouvoir adjudicateur de reprendre la procédure à son commencement, une fois ces éléments précisément définis […] qu’il y a lieu d’annuler la procédure en litige au stade de l’appel d’offres et d’inviter la CADEMA, si elle entend conclure un accord-cadre ayant le même objet, à reprendre la procédure à ce stade ».

publié le 11 juin 2024

 

Le Conseil d’Etat fait une application souple de Smirgeomes sur la méthode de notation

CE, 7 juin 2024, Communauté d'agglomération Quimper Bretagne Occidentale, n°489404

Bien souvent, les juges des référé précontractuels appliquent trop strictement la jurisprudence Smirgeomes. Sur la méthode de notation, ils considèrent ainsi que malgré une irrégularité, le manquement ne lèse pas le requérant car il ne pourrait pas être attributaire, recalculs à l’appui.

Tel n’est toutefois pas le sens de cette décision, qui implique juste qu’un requérant démontre une lésion potentielle.

C’est ce que semble rappeler le Conseil d’Etat dans cette décision, en considérant que la méthode de notation irrégulière et bien susceptible el léser un candidat dès lors qu’il était mieux classé que l’attributaire sur l’un des critères pris en compte au titre de cette méthode : « que la méthode d'évaluation mise en œuvre en l'espèce par l'autorité concédante a consisté, conformément aux dispositions du règlement de la consultation, à classer les offres au regard de chacun des critères d'appréciation puis à attribuer à chaque offre une note correspondant à la moyenne des rangs de classement obtenus sur chaque critère, pondérée par le coefficient associé à chaque critère. L'offre retenue est celle ayant obtenu, en application de cette méthode, la note la plus basse. En faisant ainsi le choix, alors même qu'elle n'était en rien tenue de traduire en notes chiffrées l'appréciation qu'elle portait sur la valeur respective des offres, d'un mode d'attribution de la concession litigieuse fondé sur la moyenne pondérée des rangs de classement des offres au regard de chacun des critères d'attribution, alors que le classement ne reflète que très imparfaitement les écarts de valeur entre les offres, l'autorité concédante a retenu une méthode d'évaluation susceptible de conduire à ce que, au regard de l'ensemble des critères, l'offre présentant le meilleur avantage économique global ne soit pas choisie. Dans ces conditions, les sociétés Keolis et Transdev sont fondées à soutenir que la méthode d'évaluation mise en œuvre par l'autorité concédante est entachée d'irrégularité. Dès lors que les offres de ces deux sociétés étaient mieux classées, sur l'un au moins des critères d'appréciation, que celle de la société RATP Développement retenue par l'autorité concédante, l'utilisation de cette méthode d'évaluation est susceptible de les avoir lésées. Eu égard à la nature et à la portée du manquement constaté, qui affecte le règlement de la consultation, les sociétés Keolis et Transdev sont fondées à demander l'annulation de la procédure contestée dans son intégralité ».

publié le 10 juin 2024

 

Le Conseil d’Etat fait une application souple de Smirgeomes sur la méthode de notation

CE, 7 juin 2024, Communauté d'agglomération Quimper Bretagne Occidentale, n°489404

Bien souvent, les juges des référé précontractuels appliquent trop strictement la jurisprudence Smirgeomes. Sur la méthode de notation, ils considèrent ainsi que malgré une irrégularité, le manquement ne lèse pas le requérant car il ne pourrait pas être attributaire, recalculs à l’appui.

Tel n’est toutefois pas le sens de cette décision, qui implique juste qu’un requérant démontre une lésion potentielle.

C’est ce que semble rappeler le Conseil d’Etat dans cette décision, en considérant que la méthode de notation irrégulière et bien susceptible el léser un candidat dès lors qu’il était mieux classé que l’attributaire sur l’un des critères pris en compte au titre de cette méthode : « que la méthode d'évaluation mise en œuvre en l'espèce par l'autorité concédante a consisté, conformément aux dispositions du règlement de la consultation, à classer les offres au regard de chacun des critères d'appréciation puis à attribuer à chaque offre une note correspondant à la moyenne des rangs de classement obtenus sur chaque critère, pondérée par le coefficient associé à chaque critère. L'offre retenue est celle ayant obtenu, en application de cette méthode, la note la plus basse. En faisant ainsi le choix, alors même qu'elle n'était en rien tenue de traduire en notes chiffrées l'appréciation qu'elle portait sur la valeur respective des offres, d'un mode d'attribution de la concession litigieuse fondé sur la moyenne pondérée des rangs de classement des offres au regard de chacun des critères d'attribution, alors que le classement ne reflète que très imparfaitement les écarts de valeur entre les offres, l'autorité concédante a retenu une méthode d'évaluation susceptible de conduire à ce que, au regard de l'ensemble des critères, l'offre présentant le meilleur avantage économique global ne soit pas choisie. Dans ces conditions, les sociétés Keolis et Transdev sont fondées à soutenir que la méthode d'évaluation mise en œuvre par l'autorité concédante est entachée d'irrégularité. Dès lors que les offres de ces deux sociétés étaient mieux classées, sur l'un au moins des critères d'appréciation, que celle de la société RATP Développement retenue par l'autorité concédante, l'utilisation de cette méthode d'évaluation est susceptible de les avoir lésées. Eu égard à la nature et à la portée du manquement constaté, qui affecte le règlement de la consultation, les sociétés Keolis et Transdev sont fondées à demander l'annulation de la procédure contestée dans son intégralité ».

publié le 10 juin 2024

 

Candidats, ne zappez pas la visite de site obligatoire avant de répondre

TA Rennes, ord. 31 mai 2024, Sté Metalsport International, n°2402721

Le conseil paraît évident, mais il y a encore régulièrement des contentieux qui portent sur ce point. En l’occurrence un candidat à un marché public de fournitures de de machines de fitness-musculation pour un espace sports et loisirs d’une piscine n’avait pas effectué la visite obligatoire mentionnée au RC, et avait vu son offre rejetée pour ce motif. Il contestait son éviction car le RC n’indiquait pas la sanction attachée à l’absence de visite. Il faisait également valoir que cette visite n’était pas utile, dans la mesure ou le DCE contenait les plans de la salle à équiper

Le juge penche du côté de l’acheteur en validant le caractère irrégulier de cette offre : « Il résulte clairement des dispositions du RC que la visite du site était obligatoire, contrairement à ce qui est soutenu par la société Metalsport International. Il ne résulte d’ailleurs pas de l’instruction qu’elle aurait interrogé le pouvoir adjudicateur sur le caractère obligatoire ou non de cette visite en raison d’une quelconque ambiguïté mais lui a au contraire adressé le 26 avril 2024 un courrier lui demandant expressément, dès lors qu’elle n’avait pris connaissance de l’appel d’offres que le 25 avril 2024, d’être soit dispensée de cette visite soit de voir la date limite de remise des offres, fixée au 29 avril, repoussée. Il résulte par ailleurs de l’instruction que la visite du site imposée par le règlement de consultation devait permettre à l’ensemble des soumissionnaires d’avoir une connaissance précise du lieu d’exécution du marché pour leur permettre d’apporter une réponse la plus adéquate possible aux besoins du pouvoir adjudicateur. Si un plan du rez-de-chaussée de l’espace sportif et de loisirs ainsi qu’un plan coté de la salle de fitness-musculation ont été portés à la connaissance des candidats, ceux-ci se contentaient d’indiquer les dimensions de la salle à équiper mais ne comportait aucune information sur les branchements électriques, la luminosité, les vues sur et depuis l’extérieur et plus généralement sur l’environnement de cette salle. Dans ces conditions, la visite obligatoire prévue n’était manifestement pas dépourvue d’utilité pour l’examen des offres. La société Metalsport n’allègue pas avoir déjà une connaissance approfondie du site et de ses contraintes, qui aurait été de nature à lui permettre d’être dispensée de cette visite. Par suite, dès lors qu’elle n’a pas effectué cette visite obligatoire, le pouvoir adjudicateur était tenu d’écarter son offre comme étant irrégulière ».

publié le 4 juin 2024

 

La question n’est pas (vite) répondue, la procédure est vite annulée

TA Poitiers, ord. 21 mai 2024, Sté Kéolis Santé Nouvelle Aquitaine, n°2401010

On sait que toute entreprise est recevable à agir, sur le fondement de l'article L.551-1 du CJA, lorsqu'elle a vocation, compte tenu de son domaine d'activité, à exécuter le contrat, y compris lorsqu'elle n'a pas présenté d'offre si elle en a été dissuadée par les manquements aux obligations de publicité et de mise en concurrence qu'elle invoque.

Et lorsque ce candidat potentiel a posé de nombreuses questions avant la date limite de remise des offres et que l’acheteur n’a répondu à aucune de ces questions, le risque d’annulation de la procédure est grand, comme l’illustre cette décision.

La société Kéolis avait adressé au centre hospitalier d’Angoulême, plus de 10 jours avant la date butoir de remise des offres et en application du RC, une liste de 24 questions, estimant que sans les informations complémentaires attendues, elle ne pouvait utilement élaborer son offre. Aucune réponse ne lui a pourtant été apportée par l’acheteur et cette société n’a donc pas remis d’offre et a attaqué la procédure de passation.

Le juge annule la procédure en considérant que l’acheteur , malgré ses arguments en défense sur l’inutilité des réponses attendues, avait violé son propre RC qui prévoyait ce jeu de questions/réponses : « si le centre hospitalier fait valoir que le dossier de consultation contenait toutes les caractéristiques du marché et que les questions posées par leur nombre et leur nature n’avaient pas été posées en temps utiles ou ne méritaient pas de réponse par l’évidence de la solution, par l’expérience de la société Kéolis qui disposait déjà de ces informations ou en ce qu’il suffisait de reprendre le document de consultation pour y trouver les informations attendues, et que la finalité de la démarche de la société requérante était de mettre en difficulté le centre hospitalier, il ne résulte pas de la lecture des dispositions de l’article 8.1 précité que la réponse du centre hospitalier devait dépendre de l’objet ou était conditionné par l’utilité de la question telle qu’évaluée par le centre hospitalier. Ainsi, le centre hospitalier n’a pas respecté l’obligation de réponse aux demandes de renseignements complémentaires qu’il s’est fixé lui-même alors qu’il pouvait faire le choix s’il estimait n’avoir pas suffisamment de temps pour y répondre de reporter la date de remise des offres. Ainsi, en ne respectant pas les termes du règlement de consultation, le centre hospitalier a manqué à ses obligations de publicité et de mise en concurrence ». Et de confirmer ensuite le caractère utile de certaines questions « au regard des incertitudes et ambiguïtés contenues dans le dossier de consultation de nature à influencer la manière dont la société requérante pouvaient comprendre les besoins de l’acheteur et donc construire et présenter une offre réellement concurrentielle », pour en conclure ensuite logiquement que « la société requérante, en ne disposant pas des renseignements complémentaires qu’elle a sollicités, a été lésée par ce manquement ».

Conseil aux acheteurs : il est donc préférable de répondre aux questions pos »es, même de manière courte ou en paraphrasant le RC.

publié le 31 mai 2024

 

La cession du stade de France ne relève pas du juge des référés précontractuels

TA Montreuil, ord. 15 mai 2024, SELAS Poulmaire Gestion Fiduciaire, n°2404859

La cession par l’Etat du stade de France a surtout fait parler d’elle lorsque le PSG a fait savoir qu’il entendait quitter le Parc des Princes. On a effectivement appris à cette occasion que l’Etat envisageait de céder le stade de France. L’État a en effet lancé deux procédures d’appel d’offres alternatives relatives, pour la première, à la concession du Stade de France à partir de l’été 2025 et pour la seconde à la cession du Stade de France avec charges. C’est cette seconde procédure qui était contestée par un candidat évincé.

Le juge rappelle tout d’abord qu’il lui appartient de rechercher si la convention qui fait l’objet d’une procédure de mise en concurrence préalable à sa conclusion peut, compte tenu de son objet et des contreparties prévues, être qualifiée de contrat administratif ayant pour objet l’exécution de travaux, la livraison de fournitures ou la prestation de services, avec une contrepartie économique constituée par un prix ou un droit d’exploitation.

Et le juge de constater ensuite que « l’objet principal de l’opération d’adjudication en cause porte sur l’obtention d’un prix de la part d’un acquéreur et qu’un tel objet ne correspond pas à la satisfaction de besoins de l’État en matière de travaux, de fournitures ou de services. Si une telle opération peut présenter une analogie avec la satisfaction des besoins en financement d’une personne publique par le recours à des contrats d’emprunts, cette circonstance n’est pas suffisante pour que cette opération soit regardée comme permettant de satisfaire à un besoin de l’État en contrepartie d’une rémunération au sens des dispositions de l’article L.1111-1 du code de la commande publique. Il n’est ni soutenu ni établi que la cession définitive du Stade de France à un opérateur économique constituerait une modalité particulière de DSP. Il résulte également de l’instruction qu’aucune disposition législative particulière n’attribue compétence au juge du référé précontractuel des articles L.551-1 ou L.551-5 du CJA pour assurer le respect des obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles l’État a entendu se soumettre spontanément pour cette procédure d’adjudication. Qu’un tel contrat, qui n’a pour objet ni la délégation d’un service public ni l’exécution de travaux, la livraison de fournitures ou la prestation de services, avec une contrepartie économique constituée par un prix ou un droit d’exploitation, n’est pas au nombre des contrats mentionnés à l’article L.551-1 du CJA, à l’égard desquels le juge du référé précontractuel peut prendre les mesures définies à l’article L.551-2 de ce code. Dès lors, et alors même que l’État a choisi de se soumettre pour cette opération de vente, sans y être tenu, à la procédure applicable aux marchés publics passés par des pouvoirs adjudicataires, le juge du référé précontractuel n’est pas compétent pour statuer sur la demande présentée par la SELAS Poulmaire Gestion Fiduciaire et sa requête doit, par suite, être rejetée ».

On pourra néanmoins s’étonner que ce moyen a été soulevé d’office par le juge (« par un courrier du 17 avril 2024, les parties ont été informées, en application des dispositions de l’article R. 611-7 du CJA, de ce que le jugement était susceptible d’être fondé sur un moyen relevé d’office, tiré de ce que le juge du référé précontractuel est incompétent pour statuer sur la procédure d’adjudication contestée dès lors que le contrat de « concession-vente » en cause ne porte pas sur la satisfaction d’un besoin d’une personne publique et ne rentre pas, par suite, dans le champ d’application matériel des référés précontractuels des articles L.551-1 et L. 551-5 du CJA ») compte tenu de la nature du pouvoir adjudicateur, d’ailleurs défend par un Conseil, ce qui n’est pas toujours le cas pour l’Etat…

publié le 21 mai 2024

 

Attribuer un marché à une entreprise en redressement judiciaire : un exercice délicat

TA Guadeloupe, ord. 10 mai 2024, SARL Voyageurs, n°2400482

Le syndicat Mixte des Transports du Petit Cul de Sac Marin a souhaité conclure un marché de services de transport public de voyageurs à vocation scolaire. Ce marché a été alloti et a donné lieu à de nombreux contentieux en référé précontractuel, dont les ordonnances rendues sont riches d’enseignement.

4 des 24 lots avaient été attribués à une entreprise en redressement judiciaire et un requérant faisait valoir que sa candidature aurait dû être déclarée irrecevable.

Aux termes de l’article L.2141-3 du code de la commande publique, sont en effet exclues de la procédure de passation des marchés les personnes admises à la procédure de redressement judiciaire instituée par l’article L.631-1 du code de commerce qui ne bénéficient pas d’un plan de redressement ou qui ne justifient pas avoir été habilitées à poursuivre leurs activités pendant la durée prévisible d’exécution du marché.  Les entreprises placées en redressement judiciaire sont donc tenues de justifier, lors du dépôt de leur offre, qu’elles sont habilitées, par le jugement prononçant leur placement dans cette situation, à poursuivre leurs activités pendant la durée d’exécution du marché, telle qu’elle ressort des documents de la consultation. Dans l’hypothèse où l’entreprise candidate à l’attribution d’un marché public a été placée en redressement judiciaire après la date limite fixée pour le dépôt des offres, elle doit alors en informer sans délai le pouvoir adjudicateur, lequel doit alors vérifier si l’entreprise est autorisée à poursuivre son activité au-delà de la durée d’exécution du marché et apprécier si sa candidature reste recevable. Dans la négative, le pouvoir adjudicateur ne peut poursuivre la procédure avec cette société. Lorsqu’il est soutenu devant lui que le placement en redressement judiciaire de l’entreprise, y compris lorsqu’il est intervenu après le dépôt de son offre, affecte la recevabilité de sa candidature, il appartient au juge du référé précontractuel d’apprécier si cette candidature est recevable et d’annuler, le cas échéant, la procédure au terme de laquelle l’offre de l’entreprise aurait été retenue par le pouvoir adjudicateur.

Dans cette affaire le juge relève que « par jugement du 14 mars 2024, le tribunal de commerce de Pointe à Pitre a ouvert une procédure de redressement judiciaire sur déclaration de cessation de paiement de cette société. La SA Pajamandy, qui ne bénéfice pas encore d’un plan de redressement judiciaire, a été autorisée à poursuivre ses activités pendant une période d’observation de 6 mois renouvelable pour une nouvelle période de 6 mois. Le tribunal a également donné acte à la société Pajamandy de ce qu’elle indique avoir d’ores et déjà pris les mesures pour être à même de poursuivre son activité durant cette période pouvant aller jusqu’au 18 mois. Or, aux termes de l’article 1.3 du règlement de consultation, la durée d’exécution du marché est d’une année scolaire, 2 mois et 3 semaines soit du 15 avril 2024 au 6 juillet 2024 et du 2 septembre 2024 au 5 juillet 2025. Par suite, la période durant laquelle la société Pajamandy a été autorisée à poursuivre son activité, durant la période d’observation, soit 6 mois à compter du 14 mars 2024 renouvelable 6 mois, ne couvre pas la totalité de la durée d’exécution du marché. Par suite, la société Voyageurs est fondée à soutenir que le syndicat mixte des transports du PCSM a manqué à ses obligations de mise en concurrence en déclarant recevable la candidature de la société Pajamandy ».

La procédure de passation du marché relative aux 4 lots attribués à cette société est donc annulée à compter de l’examen des candidatures.

A noter que cette même entreprise, évincée d’autres lots, a pu en contester la régularité et obtenir, paradoxalement, l’annulation d’un lot pour non-respect de la méthode de notation des offres, le juge prenant soin de relever que la régularité de la candidature n’était pas contestée dans cette instance : « Aux termes du RC « la meilleure proposition de prix obtiendra les 60 points. Les autres seront jugées en application de la formule suivante : NC = (NM x PMD/PC) ». La société Pajamandy soutient qu’elle a obtenu la note de 54,90/60 s’agissant du prix alors que la seconde offre a obtenu la note de 52,39/60 et qu’elle aurait dû de ce fait obtenir la note de 60/60 dès lors que sa proposition était la meilleure. Il résulte en effet du rapport d’analyse des offres versé au dossier que deux candidats ont soumissionné le lot n°9, la SARL Pajamandy et la société Sofavita, mandataire solidaire. Or, cette dernière société a obtenu un total de 52,39 sur le critère prix alors que la SARL Pajamandy a présenté une meilleure offre sur ce critère étant notée 54,90. Par application de l’article 8 du RC, elle devait donc obtenir la note de 60/60, ce qui n’a pas été le cas. Or, si celle-ci avait obtenu cette note prévue par le RC, le total des critères technique et sur le prix aurait été de 86,31/100 de sorte qu’elle aurait été classée en première position devant la société Sofavita et déclarée attributaire du lot. Il en résulte que le choix de l’offre présentée par la société Sofavita irrégulièrement retenue est susceptible de l’avoir lésée ».

publié le 16 mai 2024

 

Méthode d’évaluation par couleur : une (fausse) bonne idée ?

TA Nice, ord. 8 mars 2024, M et Mme B, n°2400856

Il est relativement fréquent que dans le cadre d’une procédure de passation d’une DSP, plus souple, les services du pouvoir adjutateur adapte également leur méthode de notation. Cet assouplissement passe assez fréquemment par la méthode d’évaluation dite « par couleur », qui consiste à noter en rouges les points négatifs, et en d’autres couleurs les points positifs (voir également dans le même ordre d’idée la méthode des flèches, validée par le Conseil d’Etat en mai 2022).

Au cas d’espèce, une commune avait mis en œuvre une procédure de passation pour la conclusion d’une délégation de service public (allotie) pour l’exploitation d’une plage et avait procédé à l’évaluation des offres par le biais de couleurs : vert, jaune, et rouge (pour des éléments incohérents ou non confoormes).

Le juge confirme tout d’abord que la méthode par couleur est régulière : « la méthode d’évaluation par couleur, n’est pas en soi irrégulière, dès lors que l’autorité concédante n’a aucune obligation d’attribuer des notes chiffrées ».

Toutefois, une telle méthode doit, comme toute méthode de notation, être appliquée avec rigueur. Or, au cas présent, le juge relève que des documents non-conformes ou insuffisants avaient été notés « rouge » s’agissant des offres des requérants alors que des documents présentés par des candidats admis à négocier et affectés de ces mêmes manquements avaient quant à eux été notés « jaune » ou « vert » : « Il ressort des pièces du dossier que pour les lots n°1 et 9, sur les dix documents constituants chacune des deux offres des requérants, sept, dans le procès-verbal d’analyse, sont notés en rouge (incohérent ou non conforme). Cependant, il ressort de l’examen du rapport d’analyse des offres que pour le lot n°1, le candidat « Calabro » a été admis à la phase de négociation avec sept documents qui présentaient des non-conformités ou des insuffisances au regard des exigences de l’article 4.2 du règlement de consultation pour lesquels des corrections ou compléments étaient attendues, sans que cela ne conduise à une notation en rouge desdits documents. De même, le candidat AJP Solutions, attributaire du lot n°1 a également présenté deux documents contenant des non-conformités ou insuffisances. Pour le lot n°9, les dossiers des candidats admis à la phase de négociation comportaient également de nombreuses non-conformités ou insuffisances ».

Et le juge de conclure que « la méthode d’évaluation retenue, qui ne prévoit aucune hiérarchisation des critères, était ainsi de nature à priver de leur portée les critères qu’avait retenue l’autorité concédante en méconnaissance du principe fondamental d’égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures ».

Attention donc à l’utilisation de méthodes trop simples, ou « simplistes », qui peuvent aboutir, par un manque de rigueur dans leur application, à des annulations.

publié le 29 avril 2024

 

Quand la rémunération de l’avocat (honoraire de résultat exclusif) rend l’offre irrégulière

TA Strasbourg, ord. 19 avril 2024, SELAS Altraconsulting, n°2402132

On sait qu’une offre qui ne respecte pas la légalisation applicable est irrégulière (article L.2152-2 du code de la commande publique). La législation en cause dans cette affaire portait sur les modalités de rémunération des avocats, fixées par l’article 10 de la loi du 31 décembre 1971 qui dispose que « toute fixation d’honoraires qui ne le serait qu’en fonction du résultat judiciaire est interdite ».

Un OPH avait engagé une procédure d’appel d’offres en vue de la passation d’un marché public de services pour le suivi administratif des dossiers de dégrèvement de taxes foncières sur les propriétés bâties, incluant des prestations d’avocat.

Or, l’acte d’engagement déterminait le prix du marché uniquement par un pourcentage appliqué sur le montant du dégrèvement de taxes foncières sur les propriétés bâties obtenu et payé par la trésorerie. Selon le magistrat, « cette modalité de rémunération constitue, au sens des dispositions de l’article 10 de la loi du 10 juillet 1971 précité, une fixation d’honoraires uniquement en fonction du résultat, sans qu’il y ait lieu de faire de distinction entre les activités judiciaires et juridiques ».

Le titulaire mettait toutefois en avant le fait qu’il était un groupement et que la convention de groupement rémunérait bien l’avocat via un forfait par procédure. Néanmoins, le juge relève que « d’une part, le groupement attributaire étant dépourvu de personnalité juridique, c’est avec chacun des cotraitants que le marché serait directement conclu. Par conséquent, la rémunération des prestations dévolues à la SELARL d’avocats ne peut qu’être fixée conformément dispositions de l’article 10 de la loi du 10 juillet 1971 précité. D’autre part, il ne résulte pas de l’instruction, et n’est même pas soutenu, que la convention de cotraitance du aurait été rendue opposable à l’OPH. Les modalités qu’elle fixe pour la rémunération de la SELARL d’avocats sont donc étrangères à l’offre que le groupement a présentée à l’OPH. Par suite, la société ne peut pas utilement s’en prévaloir au soutien de la régularité de cette offre. Il résulte de ce qui précède que l’offre présentée par le groupement conjoint constitué de la société Atax Consultants et de la SELARL d’avocats méconnaît les dispositions de l’article 10 de la loi du 10 juillet 1971 précité et est, dès lors, irrégulière au sens de l’article L.2152-2 du code de la commande publique ».

publié le 25 avril 2024

 

Sourcing : l’acheteur peut valablement informer des entreprises de la relance prochaine de son marché

TA Besançon, ord. 6 mars 2024, Sté Bovis Franche-Comté, n°2400277

Voici une décision qui devrait rassurer certains acheteurs. Il n’est pas rare en effet que certains acheteurs s’interrogent sur le fait de savoir s’ils peuvent ou non informer des potentiels candidats, et notamment le titulaire de leur marché, de la relance du marché, par peur d’être accusé de n’avoir pas respecté l’égalité de traitement et d’avoir transmis une information « privilégiée ».

Néanmoins, l’article R.2111-1 du code de la commande publique dispose qu’« afin de préparer la passation d'un marché, l'acheteur peut […] informer les opérateurs économiques de son projet. Les résultats des études et échanges préalables peuvent être utilisés par l'acheteur, à condition que leur utilisation n'ait pas pour effet de fausser la concurrence ou de méconnaître les principes mentionnés à l'article L.3 ».

Et le juge des référés précontractuels de Besançon vient de juger explicitement que le fait d’informer une entreprise du lancement de son marché était une démarche autorisée par cette disposition : « la circonstance que la SAS Idéa Logistique ait été informée en 2023 par le CHU de Besançon du lancement du marché en litige, démarche prévue et autorisée par l’article R.2111-1 du code de la commande publique, est sans lien direct avec le comportement passé de Monsieur A. à l’égard de la société requérante ».

Dès lors, si l’acheteur se contente de donner l’information de ce que son marché va être relancé, ou qu’il vient de l’être, ce dernier ne commet pas un manquement à ses obligations de publicité et de mise en concurrence mais reste dans le cadre d’une démarche régulière de sourcing.

publié le 3 avril 2024

 

Départager les deux premiers ex aequo…par une prime au sortant ? C’est non

TJ Paris, ord.29 février 2024, Sté Up Coop, n°24/50266

Les ordonnances de référé précontractuel rendues par les tribunaux judiciaires sont relativement rares. Et toujours instructives…

En l’occurrence, un OPCO (opérateur de compétence), organisme de droit privé soumis au code de la commande publique (d’où le référé judiciaire) avait mis en œuvre une procédure d’appel d’offres ayant pour objet l’attribution d’un marché de fourniture et de gestion de titres restaurants dématérialisés.

Le RC indiquait que les offres seraient jugées sur deux critères, le prix et la technique, sur un total de 100 points. Or deux candidats, dont le titulaire sortant, avaient obtenu les notes maximales pour les deux critères et se retrouvaient donc premiers ex aequo, sans que le RC n’ait prévu la manière de régler cette situation.

Qu’à cela ne tienne, l’OPCO avait décidé de les départager en retenant le titulaire sortant. Sans réelle surprise, le juge va sanctionner cette manière de voir les choses : « Il ressort des éléments figurant dans le courrier de l’association OPCO du 20 décembre 2023 que la société UP COOP et la société EDENRED FRANCE ont toutes deux obtenu la note de 100/100 en raison de l’attribution de notes strictement identiques, correspondant aux notes maximales, au titre de chacun des deux critères, prix et technique, et de chacun des six sous-critères techniques prévus par le règlement de la consultation Il est constant que les documents de la consultation ne prévoient pas de modalités particulières pour départager deux offres classées en première position ex aequo. A l’audience, l’association OPCO 2i confirme qu’elle a décidé de retenir l’offre de la société EDENRED FRANCE au motif que cette dernière, à la différence de la société UP COOP, n’était pas la titulaire sortante du marché. Il est toutefois constant que ce critère, qui a déterminé la décision de l’association OPCO 2i, ne figurait pas dans les documents de la consultation de sorte qu’il n’a pas été porté à la connaissance des candidats. Par ailleurs, ce critère n’est pas justifié par l’objet du marché ou ses conditions d’exécution et ne conduit pas à retenir l’offre économiquement la plus avantageuse. Il convient donc de dire qu’en écartant l’offre de la société UP COOP au profit de celle de la société EDENRED FRANCE par la mise en œuvre d’un critère non révélé en temps utile et discriminatoire, l’association OPCO 2i a manqué à ses obligations de publicité et de mise en concurrence ».

publié le 2 avril 2024

 

Quand un référé permet à une médaille de bronze de se transformer en médaille d'or

TA Grenoble, ord. 6 mars 2024, Sté Algeco, n°2401055

Les recours en référé précontractuels peuvent parfois avoir des conséquences inattendues pour les candidats classés en troisième position qui n’ont rien demandé à personne.

C’est le cas quand le candidat classé en deuxième position conteste le fait que son offre a été rejetée comme irrégulière, qu’il perd, mais qu’il met dans le même temps en avant le caractère irrégulier de l’offre retenue, et qu’il gagne sur ce point. On sait en effet depuis l’arrêt Clean Building, rendu sous l’impulsion communautaire, que désormais, la circonstance que l’offre du concurrent évincé, auteur du référé précontractuel, soit irrégulière ne fait pas obstacle à ce qu’il puisse se prévaloir de l’irrégularité de l’offre de la société attributaire du contrat en litige. Il arrive donc que les deux premiers se voient in fine écartés de la procédure, pour laisser la place au troisième.

La présente ordonnance nous en offre une très belle illustration : « que la société Algeco a proposé une majorité de classes d’une surface de 52 m2. Ainsi, seules deux classes sur dix-huit répondaient aux exigences formulées dans les documents de la consultation. Par suite, la commune de Thyez est fondée à soutenir que l’offre présentée par la société Algeco est irrégulière […] Il n’est pas contesté en défense que le montant prévisionnel DQE dans l’offre de l’attributaire est de 1.933.371 euros HT alors que le montant maximum de l’accord-cadre tel que prévu au marché pour cette première période est de 1.600.000 euros HT. Il résulte de ce qui vient d’être dit que la commune de Thyez a retenu une offre irrégulière qui ne correspond pas aux exigences fixées par le règlement de la consultation du marché. La commune soutient que le projet litigieux s’inscrit dans le cadre du projet de démolition/reconstruction et rénovation énergétique du nouveau groupe scolaire impliquant de délocaliser les élèves le temps des travaux, que la mise en place de l’école provisoire en bâtiments modulaires devra être réceptionnée et validée par la commission ERP au plus tard au mois de juillet 2024 et que par suite, une décision de suspension de la présente procédure de passation ainsi que l’obligation pour la Commune de relancer une nouvelle procédure seraient préjudiciables à l’intérêt public puisqu’elles décaleraient manifestement la mise en œuvre du projet et mettraient à mal les perspectives de la prochaine rentrée scolaire. Toutefois, seules les offres de l’attributaire et du concurrent évincé sont irrégulières. Il ne résulte pas, en effet, de l’instruction que les offres des autres concurrents étaient elles-mêmes irrégulières. Dans les circonstances rappelées ci-dessus, la commune peut reprendre la procédure de passation au stade de l’analyse des offres en excluant uniquement les offres des sociétés Algeco et Cougnaud. Dès lors, ce réexamen des offres n’entraînera aucun retard important ».

Une médaille de bronze peut donc parfois se transformer en médaille d’or du fait de la disqualification des deux premiers.

publié le 15 mars 2024

 

Impartialité : une attestation de l’AMO n’est parfois pas suffisante pour éviter le conflit d’intérêts

TA Guyane, ord.6 mars 2024, Sté La Cayennaise de sécurité, n°2400120

Le Grand Port Maritime de la Guyane (GPM) avait mis en œuvre une procédure avec négociation aux fins d’attribuer un marché portant sur l’installation, la maintenance, le dépannage et l’entretien des systèmes de sécurité et de sureté de ses installations.

Il s’était attaché, au cours des négociations, les services d’un assistant à maîtrise d’ouvrage (AMO), la société Solarisq, dont le rôle était uniquement de se prononcer sur la conformité ou non des offres au CCTP. Cette dernière avait produit une attestation visant à démontrer l’absence de tout conflit d’intérêts.

Un candidat évincé avait d’ailleurs vu son offre jugé dans un premier temps conforme puis, après l’intervention de l’AMO, irrégulière. Ce dernier faisait valoir qu’il existe des liens commerciaux manifestes entre les sociétés Solarisq et le fournisseur du groupement attributaire, révélant un conflit d’intérêt.

Le juge va confirmer ce point, et en tirer les conséquences, malgré l’attestation produite en défense : « il résulte de l’instruction que le Grand port maritime s’est attaché, à partir du cycle 2 de négociations, les services d’un assistant à maîtrise d’ouvrage (AMO), la société Solarisq, dont le rôle est précisé par le défendeur dans ses écritures, à savoir « la société Solarisq était uniquement chargée de se prononcer sur la conformité ou non de l’offre au CCTP ». Il résulte également de l’instruction, que le dispositif vidéo proposé par le groupement attributaire, à savoir Secure system et Cegelec, dont l’offre repose sur l’utilisation de la fibre optique, est de type VxCore pour lequel la société MA2 est distributeur officiel dans le secteur de la sécurité vidéo professionnelle. L’instruction révèle également des liens commerciaux, voire de partenariat, entre les sociétés Solarisq et MA2 que l’attestation produite en défense ne permet pas de lever. Or, les motifs retenus par le pouvoir adjudicateur et précisés au point 5 pour écarter l’offre des sociétés requérantes sont en relation avec le choix technique opéré par celles-ci à savoir une solution reposant sur des capteurs et ondes radio, solution qui n’était pas exclue par le CCTP. Par ailleurs, il y a lieu de relever, s’agissant des deux nouveaux motifs de rejet de l’offre du groupement composé des sociétés requérantes, qu’après avoir considéré l’offre de celui-ci comme régulière et conforme dans sa décision du 30 janvier 2024, le GPM dans son mémoire du 28 février suivant la considère désormais comme irrégulière et non conforme au CCTP. Dans ces conditions, en faisant participer la société Solarisq à l’analyse et la conformité des offres dans le cadre de la procédure de passation du marché litigieux à partir du cycle 2 des négociations, le GPM doit être regardé comme ayant méconnu le principe d’impartialité et, partant, ses obligations de publicité et de mise en concurrence. Par suite, il y a lieu, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de la demande, d’annuler la procédure de passation contestée au stade du 2ème cycle de négociation, et d’enjoindre au GPM, s’il entend conclure le marché en litige, de la reprendre à ce stade, sans qu’y participe la société Solarisq ».

publié le 8 mars 2024

 

Le dépassement du délai de validité des offres, un manquement sans conséquence ? La position critiquable du TA de Martinique

TA Martinique, ord.29 février 2024, Sté GDS Martinique, n°2400120

Lorsqu’un délai de validité des offres est fixé dans le RC, celui doit être respecté et l’attribution du marché doit intervenir dans ledit délai. A défaut, ce délai est expiré, et les offres sont considérées comme caduques, sauf à ce que l’acheteur ait demandé et obtenu avant la fin du délai l'accord exprès de tous les candidats pour une prolongation de leur offre.

Ainsi, une signature tardive par l'acheteur public, c’est-à-dire après l’expiration du délai de validité des offres, ne saurait former valablement le contrat, faute d’offre. Et ce manquement parait logiquement impliquer une lésion quelque peu « automatique », puisqu’au moment du choix, l’acheteur ne dispose d’aucune offre valide. La jurisprudence le reconnaît d’ailleurs assez facilement.

Pourtant, dans son ordonnance, le juge des référés de Fort-de-France estime que l’attribution du marché au-delà de ce délai est certes un manquement, mais qu’il n’a pas lésé le requérant : « le délai de validité des offres a été fixé par l’article 2.3 du RC à 120 jours à compter du 15 juin 2023, date limite de réception des offres. Ce délai expirait donc le 15 octobre 2023. L’examen des offres a cependant été effectué le 19 décembre 2023. Toutefois, en se bornant à soutenir notamment que l’application numérique GEROBA qui était intégrée dans l’offre du groupement, a été finaliste dans la catégorie de l’innovation territoriale au salon des maires en novembre 2023 et que la société attributaire a déclaré, en décembre 2023, compter six salariés alors qu’elle a déclaré mobiliser treize salariés pour le marché, les requérantes n’établissent pas en quoi le retard dans le choix du candidat aurait eu des incidences sur la présentation de leur offre et le choix de l’attributaire et qu’elles auraient été lésées. Elles n’établissent pas davantage, en se bornant à soutenir que l’inflation est passée de 6,3 % à 3,7 % en décembre 2023, que serait intervenu dans ce laps de temps un changement dans les conditions de la concurrence ou dans les conditions prévisibles d’exécution du contrat tel que ce manquement aux règles de mise en concurrence aurait été susceptible de les léser. Dès lors, les sociétés requérantes ne sont pas fondées à soutenir que Martinique Transport a porté atteinte au principe d’égalité de traitement des candidats et aux obligations de publicité et de mise en concurrence en retenant l’offre de la société Agence Corail postérieurement à la date de validité des offres ».

Cette position est critiquable sur ce point particulier. Mais elle montre également que la lésion est entant bien trop strictement par les juridictions administratives.

Il aurait été intéressant que le Conseil d’Etat soit saisi, mais dans la mesure où il n’existe pas de recours efficace dans la présente hypothèse, la requérante n’a plus que ses yeux pour pleurer…

publié le 6 mars 2024

 

Régularisation des offres et modifications des caractéristiques substantielles : nouvelle illustration de ce qui n’est pas autorisé

TA Guadeloupe, ord.22 février 2024, Sté Equip Travaux Hydrauliques Maritimes, n°2400144

L’article R.2152-2 du code de la commande publique permet désormais, dans toutes les procédures, à l’acheteur d’autoriser les soumissionnaires à régulariser leurs offres irrégulières, à la condition néanmoins que cette régularisation n’ait pas pour effet d’en modifier « les caractéristiques substantielles ». Toute la difficulté est de qualifier ce qui relève de la modification des caractéristiques substantielles ou non. Et seule une analyse casuistique nous permet de circonscrire cette notion.

En l’espèce, une société avait répondu à un marché et l’acheteur l’avait informé que son offre était susceptible d’être qualifiée d’anormalement basse. Par courrier en réponse, la société avait alors indiqué que cet écart significatif de prix serait dû à des frais d’importation non intégrés dans son offre. L’acheteur public l’a donc invité à régulariser son offre sur ce point, pour se mettre en conformité avec le CCAP. En réponse à cette demande, la société requérante a transmis un nouvel acte d’engagement, portant son offre de 390.750 euros à 477.540 euros. Or, selon le juge, « cette modification ainsi apportée par la société requérante à son offre initiale a abouti, par son ampleur, à modifier la teneur de son offre, dont le prix global a été augmenté de plus de 22 %. Cette modification substantielle apportée au prix de l’offre de la société postérieurement à la date limite de réception des offres, bien qu’induite par l’acheteur public, ne peut être regardée comme la rectification d’une erreur purement matérielle, aisément décelable par le pouvoir adjudicateur, d’une nature telle que nul n’aurait pu s’en prévaloir de bonne foi dans l’hypothèse où le candidat aurait vu son offre retenue. Par suite, dès lors qu’elle n’intégrait pas ce prix dans son offre initiale et que la régularisation de l’offre n’était pas possible au regard de son impact substantiel sur le prix, l’offre de la société requérante était irrégulière. Il s’ensuit que le Grand Port Maritime de Guadeloupe était tenu d’écarter cette offre de la consultation ».

Dès lors, si la régularisation d’une offre irrégulière peut porter sur des éléments financiers, c’est à la condition que l’offre n’en soit pas fortement modifiée, une augmentation 22 % étant dans cette hypothèse analysée comme un modifications de ses caractéristiques substantielles.

publié le 26 février 2024

 

Exiger un écolabel : une intention louable, mais qui peut s’avérer fatal pour la procédure

TA Nancy, ord. 5 février 2024, Sté Editys, n°2400092

Dans le cadre du mouvement de verdissement généralisé de la commande publique (sur lequel il y aurait beaucoup à dire), on trouve de plus en plus d’éléments dans les DCE visant à obliger les candidats à démontrer qu’ils sont « plus verts que verts ».

Parfois malheureusement en violation du code de la commande publique. Dans cette affaire, le rectorat de l’académie Grand-Est avait lancé une consultation en vue de conclure un marché de prestations de fourniture en impression et de livraisons de copies d’examen et avait exigé de candidats qu’ils détiennent un écolabel - ce qui est autorisé par l’article R.2111-13 du code de la commande publique - mais sans équivalent - ce qui est contraire à l’article R.2111-16 du code.

Le juge confirme donc le manquement, consistant en une réduction excessive de la concurrence par des spécifications techniques trop restrictives : « aux termes de l’article R. 2111-8 du code de la commande publique : " L’acheteur formule les spécifications techniques : 1°) soit par référence à des normes ou d’autres documents équivalents accessibles aux candidats ; 2°) soit en termes de performances ou d’exigences fonctionnelles ; 3°) soit par combinaison des deux ». Aux termes de l’article R. 2111-12 du même code : « Un label est tout document, certificat ou attestation qui prouve que les ouvrages, les produits, les services, les procédés ou les procédures en rapport avec l’objet du marché remplissent certaines caractéristiques. Les exigences en termes de label sont celles que doivent remplir ces ouvrages, ces produits, ces services, ces procédés ou ces procédures pour obtenir ce label ». Aux termes de l’article R. 2111-13 du même code : « Dans les spécifications techniques, les critères d’attribution ou les conditions d’exécution d’un marché, l’acheteur peut imposer à l’opérateur économique qu’il détienne un label particulier ». Enfin, l’article R. 2111-16 du même code précise que l’acheteur qui exige un label particulier accepte tous les labels qui confirment que les caractéristiques exigées dans le cadre du marché sont remplies. En l’espèce, il résulte de l’instruction que l’article 6.3.1.3 relatif au critère de protection de l’environnement prévoit que le jugement des offres se fera au regard d’un « éventuel écolabel » détenu par la société, afin de s’assurer que le fournisseur garantit l’utilisation de fibres recyclées ou de fibres issues de bois de forêts gérées durablement, sans préciser que tous les labels confirmant le respect des caractéristiques exigées seraient également acceptés.

Par suite, la société requérante est fondée à soutenir qu’en formulant une telle spécification technique, le pouvoir adjudicateur a porté atteinte au principe d’égalité entre les candidats et restreint de manière excessive la concurrence ».

publié le 14 février 2024

 

Fourniture de vins : quand le critère « dégustation » fait couler la procédure

TA Montreuil, ord. 23 janvier 2024, Sté Vins + Vins, n°2400083

L’Économat des Armées, en qualité de centrale d’achats, avait lancé une procédure d’appel d’offres ouvert tendant à la conclusion d’un accord-cadre mono-attributaire à bons de commande ayant pour objet la « fourniture de vins en bouteille au profit des clients des dispositifs « Vivres Métropole » et « Vivres hors Métropole » du ministère des Armées.

Les offres étaient évaluées au regard de deux critères, le prix et la valeur technique.

Au titre de la valeur technique, le sous-critère principal était constitué par un sous-critère « dégustation », non suffisamment défini pour le candidat évincé, requérant. Le juge va lui donner raison, et annuler la procédure, au motif que ce sous-critère reposait exclusivement sur l’appréciation de dégustateurs, ayant pour effet de conférer à l’acheteur une liberté de choix illimitée : « la notice technique annexée au cahier des clauses techniques particulières du marché détermine les catégories de vins demandées en distinguant entre ceux correspondant à un « premier prix » quand « le produit est d’une qualité inférieure au milieu de gamme et vendu à un prix abordable », au « Milieu de gamme » quand « le produit est de bonne qualité, mais il est plus accessible qu’un produit haut de gamme » et au « Haut de gamme » lorsque « le produit a un positionnement supérieur par rapport aux autres. Il est de grande qualité et présente un prix plus élevé ». De telles définitions, imprécises et circulaires, ne permettaient pas aux candidats, en l’absence de toute référence à des fourchettes de prix publics, de connaître précisément les attentes qualitatives réelles de l’Économat des Armées. Au surplus, le futur attributaire de l’accord-cadre n’était pas tenu, ainsi que cela résulte des stipulations de l’article 4 du cahier des clauses administratives générales relatives à l’évolution de la liste des produits et que cela a été confirmé à l’audience, de fournir les références présentées à la dégustation pendant toute la durée d’exécution du marché. Dans ces circonstances, l’importance relative de ce critère gustatif, qui reposait exclusivement sur l’appréciation de dégustateurs, a eu pour effet de conférer à l’acheteur une liberté de choix illimitée au sens des dispositions précitées de l’article L.2152-8 du code de la commande publique ».

publié le 12 février 2024

 

Méthode de notation des offres : une formule aboutissant à l’attribution de notes négatives, mais ramenées à 0 validée par un TA

TA Montreuil, ord. 30 janvier 2024, Sté Débitex Télécom, n°2400460

La méthode de notation retenue par le pouvoir adjudicateur est un élément essentiel dans l’analyse des offres, puisqu’en fonction de la méthode appliquée, le classement final peut être totalement modifié. C’est pour cette raison qu’il appartient au juge de référés précontractuels de contrôler la régularité de la méthode de notation utilisée, et de sanctionner une méthode qui aboutirait à vicier le processus de choix.

Et l’on sait qu’une méthode aboutissant à de notes négatives est irrégulière car, selon la formule consacrée « une telle note, en se soustrayant aux notes obtenues sur les autres critères dans le calcul de la note globale, serait susceptible de fausser la pondération relative des critères initialement définie et communiquée aux candidats ; qu’en l’espèce, il n’est pas contesté que le département de la Guadeloupe a adopté, pour la notation sur le critère du prix, une méthode le conduisant à attribuer des notes négatives à certains candidats ; que, ce faisant, il a manqué à ses obligations de publicité et de mise en concurrence » (CE, 18 décembre 2012, Département de la Guadeloupe, n°362532).

Mais qu’en est-il si les notes négatives sont en définitive ramenées à 0 ? Cette méthode, mise en œuvre par le Département de la Seine-Saint-Denis pour un accord-cadre portant sur des prestations de location de paires de fibres noires, vient d’être validée par le TA de Montreuil.

Selon le juge des référés en effet, « la société a obtenu la note de 0 sur 20 au critère prix, note qui était permise par les documents du marché et notamment le point 4 du RC. Il résulte également de l’instruction que le Département n’a pas mis en œuvre une évaluation sur la base d’une règle de trois calculée par rapport à la meilleure offre financière mais une formule paramétrique qui pouvait aboutir à l’obtention d’une note négative dès lors que la proposition financière de l’un des candidats était deux fois plus élevée que le prix de l’offre la moins disante. Aucune disposition du code de la commande publique, ni aucun principe ne fait obstacle à la mise en place d’une telle formule d’évaluation du critère prix (Rappr. CE, 24 juin 2011, n°346529). La circonstance que la note qui en a arithmétiquement résulté pour la société requérante était négative est sans incidence sur la régularité de la procédure dès lors que le Département n’a pas méconnu la règle qu’il avait fixé dans le règlement de consultation et a ramené cette évaluation à une note nulle. Dès lors, la requérante n’est pas fondée à soutenir que cette méthode de notation était irrégulière ou aurait été irrégulièrement mise en œuvre ».

Il est clair que ce considérant n’est pas exempt de critiques, tant au regard de sa justification que de son renvoi à la décision de CE (en ce qu’elle ne dit pas ça).

En outre, il est clair que l'effet de seuil de cette formule revient à gommer toute différence entre l’ensemble des notes négatives, puisque le candidat qui a -2 et le candidat qui a – 25 par exemple ont, finalement, la même note de 0.

Cependant puisqu’une note négative est ici nécessairement deux fois plus chère de l’offre la moins disante, la méthode suppose que les offres sont finalement toutes trop éloignées de l’offre la moins disante pour obtenir le marché. Mais encore faut-il faire attention dans ce cas à la pondération du critère prix.

publié le 8 février 2024

 

Analyse des candidatures : l’expérience en milieu tropical peut être prise en compte

TA Mayotte, ord. 26 janvier 2024, Sté Fayolle construction, n°2304704

Voilà une décision qui pourrait intéresser les maîtres d’ouvrages de Guadeloupe, de Martinique, de Guyane, de la Réunion et de Mayotte.

Dans cette affaire, une commune mahoraise avait souhaité conclure un marché de conception-réalisation d’un groupe scolaire et d’un réfectoire.

On sait qu’au stade de la candidature, l’acheteur peut se fonder sur les capacités techniques, professionnelles et financières des candidats, lesquelles recouvrent l’expérience (démontrée notamment au travers des références). Or au cas d’espèce, le RC était plus précis car il exigeait que chaque candidat atteste de compétences dans les domaines des travaux « tous corps d’état » et de la qualité environnementale du bâti en milieu tropical. La candidature d’un groupement évincé avait été notée et évaluée moins favorablement que ses concurrentes au niveau du critère des capacités professionnelles, au motif de l’insuffisance de ses expériences de construction scolaire en milieu tropical. Le candidat évincé faisait donc valoir que l’existence d’un critère tenant à une expérience spécifique de construction scolaire en milieu tropical  était irrégulière car injustifiée, disproportionnée et discriminatoire.

Le juge va pourtant rejeter ce moyen en considérant, en premier lieu, qu’eu égard à l’objet du marché, qui vise à la construction d’un groupe scolaire, la commune pouvait valablement se fonder sur un motif tiré de l’insuffisance des capacités professionnelles du groupement en matière de construction scolaire en milieu tropical pour rejeter sa candidature.

Ensuite, le juge confirme qu’« en bornant à soutenir que les constructions en milieu tropical ne nécessitent pas de savoir-faire et de compétences techniques particulières, alors qu’il est constant que le climat tropical présente des caractéristiques particulières en matière de chaleur, de pluie et d’humidité, la société requérante n’apporte pas d’éléments suffisants afin d’étayer son moyen selon lequel le critère lié à l’expérience en matière de construction en milieu tropical serait injustifié, disproportionné et discriminatoire ».

Inclure un tel critère au stade de la candidature pourrait donc permettre aux maîtres d’ouvrages ultra-marins tout à la fois de sécuriser le choix d’entreprises compétentes et de permettre de promouvoir indirectement un peu de « localisme ».

publié le 7 février 2024

 

L’espoir d’avoir un jour un recours en cassation efficace rendu possible ?

CE, 2 février 2024, Sté Suez Eau France, n°489820

On sait qu’en application d’une jurisprudence ancienne (presque 20 ans depuis les arrêts Stentofon Communications et CCI Tarbes et Hautes Pyrénées de 1995) et absolument constante du Conseil d’État, la signature du contrat rend sans objet le pourvoi en cassation intenté contre une ordonnance de rejet rendue par le juge du référé précontractuel.

Les entreprises qui perdent un référé précontractuel n’ont donc pas, contrairement à l’administration, la possibilité de se pourvoir en cassation devant le Conseil d’Etat. Cette situation est difficilement compréhensible, notamment au regard du poids et des enjeux que représente la commande publique. 15 ans après l’arrêt Smirgeomes, qui a modifié en profondeur cette procédure spécifique, il est temps de réfléchir à une réforme qui permettrait d’instaurer un pourvoi en cassation efficace pour tous.

Pour permettre aux candidats évincés ayant perdu en première instance de se pourvoir en cassation, le Conseil d’Etat pourrait opérer un revirement de jurisprudence et abandonner sa jurisprudence traditionnelle. Il pourrait également créer de toutes pièces ce recours, comme il l’a déjà fait par le passé en matière contractuelle (arrêt Béziers II créant un recours en reprise des relations contractuelles suite à une résiliation ; arrêt SMPAT créant un recours en résiliation du contrat au bénéfice des tiers).

Il serait toutefois préférable que cette réforme soit l’œuvre du législateur, qui pourrait décider de réformer les articles L.551-1 et suivants du CJA, comme lorsqu’il a souhaité créer le référé contractuel pour lutter contre les signatures précipitées des acheteurs publics.

Concrètement, il est possible d’imaginer la mise en place d’un mécanisme relativement simple permettant au Conseil d’Etat de se prononcer rapidement sur un pourvoi introduit contre une ordonnance de rejet. On pourrait en effet envisager la mise en place d’un délai de quelques jours (par exemple 5) à compter du rendu de l’ordonnance de rejet pendant lequel le marché ne pourrait pas être signé et dans lequel le requérant aurait l’obligation d’informer le pouvoir adjudicateur de sa volonté d’introduire un pourvoi en cassation, par le biais d’un pourvoi sommaire par exemple. A l’issue de ce délai, si le requérant ne se manifestait pas, le marché pourrait alors être signé et la situation ne serait donc pas tellement différente d’aujourd’hui. En revanche, si dans ce délai, le requérant faisait part de son intention de se pourvoir en cassation, une chambre spécialisée du Conseil d’Etat pourrait être saisie d’un recours suspensif, avec obligation de se prononcer dans les 2 ou 3 mois maximum. Et un tel délai est réaliste, puisque depuis la jurisprudence Smirgeomes, le Conseil d’Etat connaît une baisse des pourvois en cette matière, ce qui lui permet de statuer rapidement.

La preuve par l’arrêt commenté.

Dans cette affaire, l’ordonnance ayant rejeté le référé précontractuel de la société Suez a été rendue le 29 novembre 2023. La décision du Conseil d’Etat a été rendue le 2 février, soit seulement deux mois après, étant précisé que dans ces délais, un mémoire complémentaire et deux mémoires en réplique ont été produits, et une audience s’est tenue.

En outre, le référé en cause concernait la délégation du service public de l'eau potable du Syndicat des Eaux d'Ile-de-France (SEDIF), soit un contrat de plus de 4 milliards d'euros. L’ordonnance de première instance avait d’ailleurs été rendue par trois magistrats, ce qui est exceptionnel.

Si le Conseil d’Etat arrive à statuer en deux mois pour un tel contrat, je ne vois plus très bien quels seraient désormais les obstacles à la mise en place de cette nouvelle voie de droit, qui redonnerait par ailleurs sa pleine efficacité à cette procédure.

Un parlementaire intéressé pour déposer une proposition de loi ?

publié le 5 février 2024

 

Dénaturation omnia corrumpit

TA Versailles, ord. 22 janvier 2024, Sté KCleaned Services, n°2310722

Une commune avait lancé une procédure d’appel d’offres ouvert en vue de l’attribution d’un marché de prestations de nettoyage des locaux communaux. L’un des sous-sous critères de la valeur technique, noté sur 10 points portait sur la « méthode et organisation de nettoyage », point qui devait donc être développé dans le mémoire technique à remettre à l’appui de l’offre. Un candidat évincé, surpris de recevoir la note de 0/10 sur ce point, mettait donc en avant la dénaturation de son offre.

Si un tel moyen est désormais quasiment systématiquement soulevé, il est rarement retenu. Mais parfois, il fonctionne, comme en l’espèce. Le juge relève en effet que l’offre a été dénaturée sur ce point au regard des détails du mémoire technique, mais il va même plus loin, en considérant qu’il s’agissait, au vu de l’objet du marché d’un élément essentiel de l’offre globale. Dès lors, cette dénaturation a en réalité entaché l’appréciation générale de l’ensemble de l’offre : « la société requérante soutient que le pouvoir adjudicateur a commis une erreur manifeste d’appréciation en lui attribuant la note de 0 sur 10 au titre de la « méthode et organisation de nettoyage » au motif que son offre n’est pas détaillée, alors que son mémoire technique développe largement ce point. Il résulte en effet de l’instruction que, dans son mémoire technique, la société requérante a exposé avec de très nombreux détails la méthode et l’organisation envisagées pour la prestation de nettoyage des locaux communaux. A cet égard, le processus suivi est exposé en page 14 de son mémoire technique, le code couleur des microfibres est précisé ensuite, ainsi que les différentes techniques de nettoyage et la planification des prestations, par jour et par lieux, avec des tableaux précis. Il suit de là qu’en lui attribuant la note 0 sur 10, le pouvoir adjudicateur a non seulement dénaturé le contenu de son offre en en altérant manifestement les termes, mais également ne s’est pas mis en situation, en ne prenant pas en compte une partie majeure du mémoire technique, d’apprécier la qualité globale de l’offre de la société requérante. Il en résulte qu’un tel manquement, eu égard à sa portée et au stade de la procédure auquel il se rapporte, est susceptible d’avoir lésé la société requérante ».

La procédure est donc annulée au stade de l’analyse de l’offre et la comune devra donc reprendre l’analyse en tenant cette fois-ci compte des éléments figurant dans le mémoire technique de ce candidat.

publié le 1er février 2024

 

Date limite de remise des offres : elle ne doit pas être prévisionnelle mais précisément fixée

TA Montpellier, ord. 17 janvier 2024, Sté GGL Aménagement, n°2307640

La commune de Bessan avait lancé une consultation pour l’attribution d’une concession d’aménagement ayant pour objet la réalisation d’une ZAC.

Un candidat avait vu son offre rejetée, au motif qu’elle avait été déposée tardivement, et contestait ce rejet en référé, en raison des incertitudes entourant les dispositions relatives à la DLRO. Il est vrai que ces dernières n’étaient pas parfaitement limpides.

Le RC fixait ainsi la DLRO de manière prévisionnelle et 120 jours à compter de la notification des candidats admis à présenter une offre. Selon l’article 18 du RC, relatif aux conditions d’envoi ou de remise des plis (candidatures et offres), « date prévisionnelle de réception des offres : 120 jours à compter de la notification des candidats admis à présenter une offre ; la date et l’heure sont les suivants : 22 novembre 2023 à 12H (heure locale) ».

Le maire avait également transmis un courrier avec l’entier DCE fixant de nouveau un délai de 120 jours.

Dans ces conditions, le juge considère que « le 19 juillet 2023, le maire de Bessan a informé la société GGL Aménagement que sa candidature était retenue et qu’à l’issue de la réunion en mairie, le 24 juillet suivant, où l’entier dossier lui sera remis, elle disposera de 120 jours pour présenter une offre, ce qui correspondait alors au 20 novembre à minuit. D’autre part, le dossier de consultation, qui a été adressé le 25 juillet 2023 aux candidats retenus faisait mention de l’article 18 précité du RC donc de la date du 22 novembre 2023 à 12 heures de remise des offres. Toutefois, ce dossier de consultation a fait l’objet, le 20 septembre suivant d’un complément très substantiel par l’apport du projet de traité de concession, lequel conditionne les conditions de l’équilibre financier de la concession, sans toutefois qu’il soit fait mention d’une nouvelle date de remise des offres. Il ressort de ces constats que le terme du délai de remises des offres est incertain, et cela tient à l’absence littérale d’une date limite de remise des offres compte tenu de l’emploi de la mention « date prévisionnelle » au règlement de la consultation, mais aussi au lien entre le point de départ du délai de 120 jours et la date de la remise du dossier de consultation selon qu’il est ou non complet et, enfin à l’incertitude sur le terme même du délai fixé au 22 novembre à 12 heures, qui, dans son libellé, pourrait être interprété comme avant 12 heures sonnantes ou 13 heures sonnantes comme avant 12 heures et 1 seconde comme l’a lu la commune. Dans ces conditions, la société GGL Aménagement est fondée à soutenir que ces ambiguïtés sont constitutives d’un manquement aux règles de mise en concurrence qui l’a lésée et qu’en conséquence, c’est à tort que la commune a rejeté comme tardive l’offre qu’elle avait déposée le 22 novembre à 12 heures et 54 secondes sur la plateforme numérique ».

Acheteurs, pensez toujours à indiquer aux candidats une DLRO fixe, dont les termes sont dénués de toute ambiguïté, au risque de ne pas savoir comment traiter les offres reçues postérieurement : rejet pour tardiveté ou acceptation, au risque qu’en cas d’attribution du marché à ce candidat, les concurrents fassent alors valoir son irrégularité.

publié le 23 janvier 2024

 

Un commentaire négatif sur Facebook peut entrainer l’annulation de la procédure de passation pour atteinte au principe d’impartialité

TA Montreuil, ord. 12 janvier 2024, Sté SOMAREP, n°2315368

Dans cette affaire, un conseiller municipal également président délégué de la commission de DSP avait critiqué la gestion du marché forain de la ville, juste avant la remise des candidatures de la DSP portant sur le renouvellement de la gestion de ce marché…

Dans le cadre de son commentaire, cet élu critiquait la gestion du site par l’actuel délégataire, dans les termes suivants : « ce marché est mal géré. C’est dommage car il est très fréquenté. Et les incivilités font fuir les clients du centre-ville. Le bail de concessionnaire du marché doit être renouvelé en janvier prochain, c’est l’occasion de le réformer pour qu’il soit plus diversifié et qu’on y trouve plus de commerces de qualité ». L’élu, en sa qualité de président délégué de la commission de DSP, avait signé, avec d’autres, le rapport d’analyse proposant d’attribuer la concession à un nouvel entrant. Ce soumissionnaire s’était par la suite effectivement vu attribuer le contrat, et le délégataire actuel mettait donc en avant une violation du principe d’impartialité.

Violation légitimement reconnue par le juge des référés : « si la commune a fait valoir à l’audience que cette critique présentait une portée générale et intéressait également le rôle des services de la police nationale, de la police municipale et des services de nettoyage de la commune, il ressort des termes de ce commentaire librement accessible au public que cet élu faisait précisément état d’une mauvaise gestion de ce marché, notamment en ce qui concernait la sélection des commerçants présents, et mettait exclusivement en lien la résolution de cette mauvaise gestion avec la procédure de renouvellement de la concession engagée quelques semaines plus tôt. Une telle prise de position critique visait directement la société SOMAREP, en charge à cette date de la gestion de ce marché urbain et candidate à sa succession, et constituait une atteinte à l’impartialité de la commission de l’article L.1411-5 du CGCT dont il était président délégué. Par ailleurs, l’existence d’une atteinte au principe d’impartialité n’implique pas la démonstration de l’existence d’un conflit d’intérêt. Il résulte de ce qui précède, eu égard à la portée et au stade de la procédure auquel se rapporte le manquement ci-dessus caractérisé et sans qu’il soit besoin d’examiner les autres manquements invoqués, que la SOMAREP est fondée à demander l’annulation de la procédure de passation relative à la DSP ayant pour objet la gestion du marché forain de la commune ».

Petit conseil concret donc à l’attention des élus ou agents participant à une procédure de passation d’un contrat de la commande publique : ne faites pas publiquement part de votre sentiment sur le titulaire sortant, sous peine d’une éventuelle annulation de la procédure.

publié le 22 janvier 2024

 

Quand l’AMO candidate ensuite au marché de maîtrise d’œuvre

TA Dijon, ord. 8 janvier 2024, Sté Ateliers M., n°2303624

Une société avait été attributaire d’un marché d’assistance à maîtrise d’ouvrage (AMO) d’une commune pour un projet de réhabilitation et d'extension d’un bâtiment communal, puis avait candidaté et obtenu ensuite le marché de maîtrise d’œuvre dudit projet.

Un candidat évincé contestait cette attribution. Le premier argument était tiré de l’incompatibilité entre la mission de conduite d’opération et de maîtrise d’œuvre, prévue à l’article L.2422-4 du code de la commande publique. Toutefois, le juge considère que l’AMO confiée n’était que ponctuelle et donc insusceptible d’être qualifiée de conduite d’opération : « que le marché de prestations intellectuelles passé par la commune le 30 janvier 2023 portait sur une étude de faisabilité pour la réhabilitation d’un bâtiment communal en maison d’assistantes maternelles. Il ne portait pas sur une assistance générale à caractère administratif, financier et technique au maître d’ouvrage, et ne relevait pas de la conduite d’opérations. Les deux réunions prévues avec le maître d’ouvrage portaient uniquement sur le lancement et la présentation de l’étude de faisabilité et ne sont pas constitutives d’un pilotage et d’une coordination du projet jusqu’à son terme ».

L’autre argument était tiré de ce que l’AMO disposait nécessairement d’informations privilégiées, ce que réfute, là encore, le magistrat : « que la société attributaire a effectué l’étude de faisabilité pour l’opération de réhabilitation et extension en cause. Le programme de l’opération résulte de cette étude. Elle comportait plusieurs scénarios que la commune a écartés pour n’en retenir qu’un, qui a été transcrit dans le programme de l’opération. Elle prévoyait l’organisation de deux réunions avec le maître d’ouvrage portant respectivement sur le lancement de l’étude sur la restitution des scénarios. Il n’est pas établi que la connaissance des scénarios non retenus et celle du montant estimé de l’opération aurait désavantagé la société requérante dans la présentation de son offre qui, au demeurant, a reçu une note très proche de celle de la société retenue. L’étude de faisabilité a été très largement reprise dans le programme de l’opération inclus dans le dossier de consultation. Tous les candidats ont donc eu accès aux mêmes informations. Il n’est pas démontré que la société attributaire aurait disposé d’informations susceptibles de lui conférer un avantage par rapport aux autres soumissionnaires. Il n’a pas été porté atteinte aux principes d’impartialité, d’égalité de traitement des candidats et de transparence de la procédure ».

Difficile pourtant d’imaginer que les candidats partent réellement sur un pied d’égalité sur la ligne de départ lorsque l’un des candidats a déjà effectué un tour de piste.

publié le 17 janvier 2024

 

Les attestations fournies par l’attributaire pressenti sont soumises à un contrôle minutieux du juge des référés.

TA Lille, ord. 17 novembre 2023, Sté Europe Services Propreté, n°2308582

Ces derniers mois, plusieurs décisions ont été rendues au sujet des attestations devant être fournies par l’attributaire pressenti.

La présente ordonnance confirme que le juge des référés opère, sur ces documents, un contrôle minutieux. En effet, un attributaire avait fourni des attestations mais un candidat évincé avait mis en avant le moyen selon lequel elles n’étaient pas complètes. Et le juge, à l’issue d’un contrôle normal, estime effectivement que les attestations fournies ne permettaient pas de justifier de la régularité fiscale de l’attributaire et que la procédure était donc entachée d’une irrégularité : « la commune fait valoir que ces attestations et certificats ont été fournis par la société Essi Ambre, et produit à cet effet certaines pièces. Au nombre de celles-ci, figure une attestation de régularité fiscale de la société, délivrée le 28 octobre 2022 par le service des impôts des entreprises Lille-Seclin. Cette attestation précise que, pour justifier de la régularité de sa situation fiscale, la société Essi Ambre doit joindre l’attestation justifiant du paiement de l’impôt sur les sociétés ou de la taxe sur la valeur ajoutée par sa société mère. Or, il ne résulte pas de l’instruction que cette attestation aurait été fournie par la société Essi Ambre. En outre, le modèle de « Candidature simplifiée – attestation et déclaration sur l’honneur », tel qu’établi par la commune, et devant être renseigné par les candidats, comporte une case à cocher par le candidat, valant déclaration sur l’honneur ne pas se trouver dans un cas d’exclusion. Or, il apparaît que cette case n’a pas été cochée dans le formulaire rempli par la société Essi Ambre et fourni par elle auprès de la commune. Ce formulaire ne peut ainsi être regardé comme la déclaration sur l’honneur exigée par l’article R.2143-6 et le règlement de la consultation. Dans ces conditions, la société Europe Services Propreté est fondée à soutenir que le marché a été attribué en méconnaissance des dispositions combinées des articles ci-dessus reproduits du code de la commande publique et du B de l’article 4.2.2 précité du règlement de la consultation ».

publié le 27 novembre 2023

 

L’abandon d’un critère en cours de route : une très mauvaise idée

TA Poitiers, ord. 13 novembre 2023, Sté Anjou TP, n°2302780

Les marchés passés par les très petites communes donnent lieu, plus souvent qu’ailleurs (faute de compétences) à des choses étonnantes. Ici, une commune de 289 habitants avait souhaité conclure un marché de travaux pour l’aménagement espaces publics dans le centre bourg.

Le RC prévoyait que les offres seraient jugées au regard du critère de la valeur technique, pondéré à 60%, et du prix des prestations pour 40%.

Le RAO établi sur cette base avait classé la société Roiffé Travaux Locations en deuxième position, mais cette dernière s’était toutefois vue désignée attributaire du marché. En effet, cette société avait fait l’offre la moins chère et était donc classé première sur le critère du prix (avec une moins bonne valeur technique donc). La commune a alors décidé d’abandonner le critère de la valeur technique pour ne tenir compte que du prix. Sanction logique et immédiate de la part du juge : « la commune ne pouvait en cours de procédure abandonner le critère de la valeur technique défini comme principal critère de jugement des offres par le règlement de consultation et ne retenir que le prix alors même que ce critère n’occupait pas une place prépondérante, dans le jugement des offres, compte tenu du coefficient de pondération qui lui était affecté. La commune a ainsi manqué aux obligations de publicité et de mise en concurrence qui lui incombaient. Un tel manquement, qui est de nature à léser la société Anjou Travaux Publics au stade de l’examen des offres, justifie l’annulation de la procédure d’attribution du marché à compter de l’analyse des offres, sans qu’il soit besoin de statuer sur le second moyen invoqué par la requérante ».

Si les marchés des très petites communes sont assez peu contestés, cette ordonnance montre néanmoins qu’un accompagnement est d’autant plus nécessaire pour ces acheteurs.

publié le 24 novembre 2023

 

Limitation du nombre de pages du mémoire technique  : du grand n’importe quoi !

TA Poitiers, ord. 6 octobre 2023, Sté Philippe Vediaud Publicité, n°2302509

Depuis quelques mois, j’ai commenté sur ce site plusieurs ordonnances concernant la limitation du nombre de pages des mémoires techniques demandés aux candidats.

L’ordonnance rendue il y a quelques semaines par le TA de Poitiers vient alimenter le grand n’importe quoi qui existe sur ce sujet.

Dans cette affaire, le RC imposait la remise de 4 documents au titre du mémoire technique, avec un nombre de pages maximum. Mais il n’était pas précisé que les candidats ne pouvaient pas insérer plusieurs feuilles sur une même page, et un candidat avait divisé sa page en 4 pour y insérer 4 pages.

Logiquement, son offre a été rejetée, puisqu’elle ne pouvait pas être objectivement comparée aux autres (étant 4 fois plus importante).

Pourtant le juge des référés va annuler la procédure, au motif que le RC n’était pas assez précis sur ce point : « l’offre de la société Philippe Vediaud Publicité a été rejetée en ce qu’elle ne respectait pas les prescriptions du RC et en particulier celles de son article 8.2 pour avoir dépassé le nombre de pages maximal prévu pour la présentation des 4 documents composant le mémoire technique. La société soutient que ce motif qui a conduit à l’exclure est infondé en ce qu’elle a respecté les conditions de présentation des offres en déposant une offre comportant 17 pages pour le document 1, 11 pages pour le document 2, 17 pages pour le document 3, et 15 pages pour le document 4, soit un volume total de 60 pages et que le rejet de son offre est irrégulier et constitutif d’un manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence.

La commune expose dans ses écritures que la société a contourné la limitation formelle prévue par le règlement de consultation, par un artifice de présentation et que chaque page contient en réalité quatre pages miniatures d’ailleurs numérotées ce qui aboutit à un document 1 composé de 68 pages, un document 2 de 44 pages, un document 3 de 68 pages et un document 4 de 60 pages soit un mémoire technique de 240 pages très au-delà du format requis, que cette insertion de pages miniatures saturant le mémoire technique ainsi que le choix d’une taille de police de caractère réduit le rendent illisible, empêchant son analyse et une comparaison avec les autres offres et que dès lors ce dépassement de 180 pages de la limitation fixée ne pouvait qu’entraîner non pas une pénalisation de la note finale mais une élimination de l’offre, et qu’en acceptant cette offre, la commune aurait porté atteinte à l’égalité de traitement entre les candidats.

Si le choix d’imposer un nombre maximum de pages pour le mémoire technique peut permettre de faciliter l’analyse des offres et leur comparaison, il résulte, toutefois, de l’instruction que le règlement de consultation n’a pas défini les conditions de présentation du mémoire technique autrement que par cette limitation du nombre de pages, et n’a pas posé d’exigence notamment sur la taille de la police d’écriture employée ou sur la composition et la mise en forme de chaque page. Si la société Philippe Vediaud Publicité a choisi d’insérer pour chaque page du document quatre encarts et si elle a eu recours à une taille de police de caractère réduite, elle a néanmoins respecté le nombre requis de pages par le RC, la numérotation interne au sein de chaque page étant sans incidence. En outre, le document établi par la requérante conserve sa lisibilité laquelle est favorisée d’une part par la présentation, imposée par le règlement de consultation, sous forme de 4 fichiers informatiques séparés en format pdf qui permet aisément et en tant que de besoin un agrandissement pour en faciliter la lecture, et d’autre part par l’insertion de photos et de schémas explicatifs qui permettent d’aérer la présentation. Ainsi, la société requérante est fondée à soutenir que la commune a, en écartant son offre, manqué à ses obligations de publicité et de mise en concurrence ».

publié le 6 novembre 2023

 

Rappel : un marché de conception-réalisation ne peut être mis en œuvre que dans des cas strictement définis

TA Grenoble, ord.25 octobre 2023, Sté Wise Ride, n°2306384

La commune de Tencin, souhaitant faire plaisir à ses habitants, a entendu conclure un marché pour la réalisation d’un pumptrack, d’un bike parc et d’un parking, sous la forme d’un marché de conception réalisation.

Bien mauvaise idée néanmoins. En effet saisi d’un candidat évincé, le juge des référés considère, après avoir relevé d’office le manquement, « qu’il résulte des articles L.2171-2 et R.2171-1 du code de la commande publique que « la passation d’un marché de conception-réalisation, qui déroge aux conditions d’exercice de la mission de maître d’œuvre, par principe distincte de celle d’entrepreneur, ne peut avoir lieu que dans des circonstances particulières d’interprétation stricte ».

Pour rappel, l’article L.2171-2 du code de la commande publique dispose que « le marché de conception-réalisation est un marché de travaux permettant à l’acheteur de confier à un opérateur économique une mission portant à la fois sur l’établissement des études et l’exécution des travaux. / Les acheteurs soumis aux dispositions du livre IV ne peuvent conclure un marché de conception-réalisation, quel qu’en soit le montant, que si des motifs d’ordre technique ou un engagement contractuel portant sur l’amélioration de l’efficacité énergétique ou la construction d’un bâtiment neuf dépassant la réglementation thermique en vigueur rendent nécessaire l’association de l’entrepreneur aux études de l’ouvrage. Un tel marché est confié à un groupement d’opérateurs économiques. Il peut toutefois être confié à un seul opérateur économique pour les ouvrages d’infrastructures ». L’article R. 2171-1 du même code précise quant à lui que : « les motifs d’ordre technique justifiant le recours à un marché de conception-réalisation sont liés à la destination ou à la mise en œuvre technique de l’ouvrage. / Sont concernés des ouvrages dont l’utilisation conditionne la conception, la réalisation et la mise en œuvre ainsi que des ouvrages dont les caractéristiques, telles que des dimensions exceptionnelles ou des difficultés techniques particulières, exigent de faire appel aux moyens et à la technicité propres des opérateurs économiques ».

Au cas présent, la commune se bornait à faire valoir que le « pumptrack » doit permettre aux utilisateurs d’avancer sans relancer leur engin quel qu’il soit, qu’elle souhaitait se démarquer des parcours existants, bénéficier d’une bonne coordination entre conception et réalisation, disposer d’un produit sûr et pérenne avec la meilleure utilisation possible des deniers publics ne se prévalait toutefois d’aucune contrainte technique au sens des dispositions précitées qui concernent des ouvrages confiés à des groupements d’entreprises et dont la particulière complexité technique exige d’associer l’entrepreneur aux études d’ouvrage. 

publié le 3 novembre 2023

 

Si la méthode de notation prévoit l’attribution de notes entières, l’acheteur ne peut attribuer des notes décimales

TA Caen, ord. 23 octobre 2023, Sté Couverture JL Leprovost et Fils, n°2302484

Dans cette affaire, une commune avait mis en œuvre une procédure adaptée pour l’attribution d’un marché de travaux. Plusieurs manquements ont été commis et retenus par le juge, pamis lequel le non-respect de la méthode de notation définie au RC. Ce dernier précisait en effet que la valeur sera notée «  par l’application d’un nombre entier  », à l’aide d’un tableau détaillant qu’une valeur technique se voit attribuer la note de 20 lorsqu’elle est « très bonne », la note de 16 si elle est « bonne », la note de 10 pour « correcte », 6 si elle est « insuffisante » et 0 si elle est « non satisfaisante ».

Méthode somme toute classique et parfaitement régulière. Sauf que sa mise en œuvre a été violée par la ville qui a attribué aux candidat évincé des notes décimales…et le juge de relever donc fort logiquement qu’il « résulte du rapport d’analyse des offres que, s’agissant de la valeur technique, la société requérante a obtenu la note de 17,5 sur 20 pour le sous-critère « Les moyens humains et matériels adaptés pour chaque tâche mis en œuvre pour le chantier » et la note de 2,5 sur 20 pour le sous-critère « Mode opératoire par phase pour ce chantier faisant apparaître la tenue du planning et les contrôles internes », la société retenue obtenant les notes respectives de 20 et 15. Si la commune fait valoir que le tableau détaillant les niveaux des notes à attribuer selon les qualités des offres ne faisait pas obstacle à ce que des notes intermédiaires soient attribuées aux offres qui se situent entre deux niveaux de qualité mentionnés au tableau, il résulte du rapport d’analyse des offres que, contrairement à ce qu’annonçait le règlement de la consultation, le pouvoir adjudicateur n’a pas attribué à la société Couverture JL Leprovost et Fils des notes « par l’application d’un nombre entier » et ce, pour les deux sous-critères de la valeur technique. Si le pouvoir adjudicateur n’était pas tenu de porter sa méthode de notation à la connaissance des candidats, il devait toutefois respecter la méthode qu’il avait détaillée dans le règlement de la consultation et, par conséquent, noter la valeur technique des offres par l’application d’un nombre entier. Eu égard au faible écart de points entre les notes globales attribuées à la société requérante, soit 83 points sur 100, et la société attributaire, soit 85 points, l’irrégularité constatée dans la notation des offres, qui a porté atteinte au principe d’égalité de traitement des candidats, a été susceptible de léser la société requérante ».

publié le 30 octobre 2023

 

Le RC est obligatoire dans toutes ses dispositions...sauf pour le délai de remise des attestations par l’attributaire pressenti

CE, 26 octobre 2023, commune de Strasbourg, n°474464

Encore une solution innovante du Conseil d’Etat en faveur des acheteurs. Bien qu’en vertu d’un considérant bien ancré, le RC est en principe obligatoire dans toutes ses dispositions, le Conseil d’Etat vient créer une exception étonnante s’agissant du délai de remise de ses attestations par l’attributaire pressenti.

Au cas présent, l’article 8.2 du RC indiquait classiquement que « l'offre la mieux classée sera donc retenue à titre provisoire en attendant que le ou les candidats produisent les certificats et attestations des articles R. 2143-6 à R. 2143-10 du code de la commande publique. Le délai imparti par le pouvoir adjudicateur pour remettre ces documents ne pourra être supérieur à 6 jours. A défaut, le candidat classé immédiatement après sera sollicité pour produire les documents nécessaires à l'attribution de l'accord cadre et visés à l'article R. 2144-7 dudit code ». L’attributaire pressenti avait remis ses attestations au stade de la candidature puis, au stade de l’attribution provisoire, mais au-delà de délai impératif fixé au RC.

Pourtant, le Conseil d’Etat va juger que ce non-respect est sans incidence sur la régularité de la procédure suivie : « Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg que le groupement dont le mandataire est la société 1090 architectes a transmis l'ensemble des certificats et attestations prévus par les articles R. 2143-6 à R. 2143-10 du code de la commande publique au stade de sa candidature puis a procédé à une nouvelle transmission entre le 1er mars et le 14 avril 2013 de ces mêmes certificats et attestations en cours de validité. Ces transmissions ont ainsi mis la commune à même de s'assurer que ce groupement était à jour de ses obligations tant lors du dépôt de sa candidature qu'avant la signature du marché, conformément à ce qui a été dit au point 5. Dès lors, la seule circonstance que ces certificats et attestations n'auraient pas été produits dans le délai imparti par les stipulations de l'article 8.2 du règlement de la consultation citées au point précédent est sans incidence sur la régularité de la procédure suivie. Par suite, en jugeant que cette circonstance constituait un manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence susceptible d'avoir lésé M. A..., le juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg a commis une erreur de droit ».

Le Conseil d’Etat fait donc de nouveau preuve de souplesse coté acheteur, et c’est sûrement une bonne chose. Ce serait encore mieux s’il pouvait également faire parfois preuve de la même mansuétude coté opérateur économique, histoire de rééquilibrer un peu la balance qui commence à pencher sérieusement.

publié le 27 octobre 2023

 

Le titulaire défaillant du marché précédent ne peut pas attaquer la relance du marché suivant

TA de Guadeloupe, ord. 12 octobre 2023, Sté Babel, n°2301159

La société Babel (bien connue pour un autre contentieux célèbre) a demandé l’annulation de la procédure de passation d’un marché de conception-réalisation, au motif que les deux irrégularités mises en avant l’avaient dissuadé de présenter sa candidature. Cependant, la société était titulaire du précédent marché qui avait été résilié pour faute « en raison d’importantes difficultés d’exécution constatées au cours de l’exécution du précédent marché ». Le maître d’ouvrage soutenait donc si la société avait soumissionné, sa candidature aurait en tout état de cause nécessairement été écartée sur le fondement de l’article L.2141-7 du code de la commande publique, qui permet à l’acheteur d’exclure de la procédure de passation les personnes qui ont été sanctionnées par une résiliation du fait d’un manquement grave ou persistant à leurs obligations contractuelles lors de l’exécution d’un contrat de la commande public antérieur. Le juge va d’ailleurs confirmer ce point de vue : « dans le cadre de l’exécution du précédent marché de maîtrise d’œuvre confié le 12 janvier 2008 à la SARL Babel et qui porte sur le même projet tendant à la réhabilitation et la modernisation du centre des arts et de la culture de la commune de Pointe à Pitre, le maitre d’ouvrage a pointé des défaillances de cette société dès le 31 décembre 2016 et l’a mise en demeure, par courrier du 25 juillet 2019, de pallier à ces défaillances. Il lui était ainsi reproché, en substance, une présence insuffisante sur le chantier et la communauté d’agglomération Cap Excellence lui demandait de désigner un représentant légal décisionnaire qui pourrait « assurer un suivi continu des réunions de chantier, une participation aux réunions de coordination de la synthèse, prendre des décisions, avoir un pouvoir de signature et garder une régularité minima hebdomadaire sur la maitrise du chantier ». Dans le cadre d’une expertise du 7 mars 2022, l’expert relève des difficultés d’exécution de certains lots et mentionne qu’il « ne comprend pas pourquoi il n’y a pas de réaction et/ou de décision efficace de l’équipe de maitrise d’œuvre ». Par un courrier du 27 juillet 2022, le président de la communauté d’agglomération Cap Excellence a notifié à la société requérante une lettre de résiliation pour faute du contrat de maîtrise d’œuvre en pointant ces défaillances relatives principalement à une présence insuffisante sur le chantier et à des erreurs dans les études ayant entrainé des dérives opérationnelles et budgétaires du projet. Si la société requérante soutient qu’elle a répondu aux différents courriers du maître de l’ouvrage et que la lettre de résiliation est contestable tant sur la forme que sur le fond, il ne résulte pas de l’instruction que cette résiliation pour faute ait fait l’objet d’une contestation formelle auprès de l’acheteur ni d’un recours contentieux de sa part dans un délai raisonnable alors que cette résiliation lui a été notifiée par voie d’huissier le 14 septembre 2022. De même, si elle fait valoir que ce motif d’exclusion reste à l’appréciation de l’acheteur qui doit en application de l’article L.2141-11 du code de la commande publique mettre l’opérateur économique à même de présenter ses observations afin d’établir qu’il a pris les mesures nécessaires pour corriger les manquements précédemment énoncés, elle ne fait valoir, dans le cadre de la présente instance, aucun élément de nature à justifier qu’elle aurait remédié aux manquements relevés par l’acheteur. Il en résulte que la société requérante ne disposait manifestement pas des capacités techniques et professionnelles suffisantes de sorte que les manquements dénoncés étaient insusceptibles de l’avoir lésée. Par suite, les moyens invoqués sont inopérants. Il résulte de ce qui précède que la requête présentée par la SARL Babel doit être rejetée ».

publié le 16 octobre 2023

 

Même une note de 15 sur 20 peut révéler une méprise évidente et donc une dénaturation

TA Dijon, ord. 5 octobre 2023, Sté Ateliers Enache, n°2302521

La dénaturation d’une offre par l'acheteur est un moyen qui est quasiment systématiquement soulevé dans le cadre d'un référé précontractuel. C'est également un moyen qui est, la plupart du temps écarté, au motif qu'il est infondé, ou qu'il reviendrait à demander au juge de se pencher sur les mérites respectifs des offres, ce que son office lui interdit.

Et plus les notes sont bonnes, moins la dénaturation est caractérisée, les juges ayant tendance à considérer qu’une bonne note interdit, par nature et par définition, toute dénaturation.

L'ordonnance commentée aujourd'hui en offre une illustration contraire et c'est une bonne chose.

Il s'agissait ici d'un marché de restauration de sculptures. Une société s'était notamment vue attribuer une note de 15 sur 20 sur un sous-critère « références », au motif que « l’entreprise ne présente pas de sculpture figurative ». Elle avait également obtenu des 10 sur 20 aux autres sous critères de la valeur technique.

Le juge relève, s'agissant des références, que « l’offre remise par la société Ateliers Enache qui est produite au dossier comporte de très nombreuses « références » de chantiers sur lesquels des prestations de sculpture figurative ont été effectuées », et, pour le reste, qu’elle présente des « moyens humains et techniques dédiés » au chantier de manière complète, précise et détaillée et dont certains -Viorel Enache, Nicolas Audigier, Axel Berton et Cédric Beji- ont travaillé sur des chantiers de sculpture figurative et, enfin, propose, dans son point 3, une « méthodologie », développée sur sept pages environ, qui comprend notamment une description de l’édifice et des « constats d’état » qui apparaissent satisfaisantes ».

Dans ces conditions, le juge considère que « la commune, en attribuant à la société Ateliers Enache seulement 35 points sur 60 sur le critère de la valeur technique alors que la qualité de son offre est sur ce point manifestement très supérieure, s’est méprise, de manière évidente, sur le contenu de l’offre et l’a ainsi dénaturée ».

Moralité : même une bonne note peut cacher une dénaturation.

publié le 13 octobre 2023

 

Remise d’offres papier : et oui c’est encore possible dans certains cas

TA Cergy-Pontoise, ord. 26 septembre 2023, Sté Atelier d’architecture BG Associés, n°2311670

La démat est tellement entrée dans la vie quotidienne des acteurs de la commande publique qu’on oublie que l’article R.2132-12 du code de la commande publique autorise l’acheteur à ne pas utiliser des moyens de communication électronique dans un certain nombre de cas :

  • pour certains marchés conclus sans publicité ni mise en concurrence préalables,
  • pour certains marchés de services sociaux et autres services spécifiques,
  • lorsque, en raison de la nature particulière du marché, l'utilisation de moyens de communication électroniques nécessiterait des outils, des dispositifs ou des formats de fichiers particuliers qui ne sont pas communément disponibles ou pris en charge par des applications communément disponibles,
  • lorsque l'utilisation de moyens de communication électroniques nécessiterait un équipement de bureau spécialisé dont les acheteurs ne disposent pas communément,
  • lorsque l'utilisation d'autres moyens de communication est nécessaire en raison soit d'une violation de la sécurité des moyens de communication électroniques, soit du caractère particulièrement sensible des informations qui exigent un degré de protection extrêmement élevé,
  • ou encore lorsque les documents de la consultation exigent la présentation de maquettes, de modèles réduits, de prototypes ou d'échantillons qui ne peuvent être transmis par voie électronique.

C’est ce dernier cas qui fait l’objet de l’ordonnance commentée. Il s’agissait d’un concours procédure de concours de maîtrise d’œuvre restreint avec remise de maquette. En application de l’article précité, le RC précisait que l’ensemble des pièces de l’offre devait être remis chez un commissaire de justice. L’un de candidats avait toutefois déposé uniquement sa maquette chez l’huissier, et le reste de pièces sur la plateforme de dématérialisation, de sorte que son offre a été jugé irrégulière, position validée par je juge des référés : « Au motif qu’à l’exception de la maquette, déposée auprès de l’étude du commissaire de justice, elle a transmis l’ensemble des pièces par voie dématérialisée, en la déposant le 19 mai 2023 dans l’onglet dossier d’offre anonyme sur la plateforme Maximilien, la requérante soutient que c’est à tort que son offre a été déclarée incomplète. Toutefois, le règlement de concours précisait avec suffisamment de clarté, pages 1 et 4, que les prestations à fournir par les concurrents, telles que définies par le règlement, devaient être « déposées contre récépissé auprès de l’étude d’huissier » au plus tard le 11 avril 2023 et la maquette le 9 mai 2023. L’obligation de déposer « l’intégralité des prestations » chez l’huissier a, par ailleurs, été rappelée par le département du Val-d’Oise en réponse à une question posée par un des quatre candidats admis à concourir. En outre, les documents de la consultation prescrivant la présentation d’une maquette, qui ne pouvait être transmise par voie électronique, l’ensemble des pièces requises par le règlement de concours devait, conformément aux dispositions du dernier alinéa de l’article R.2132-13 du code de la commande publique, être transmis selon les mêmes modalités que la maquette, exigence qui n’est pas manifestement dépourvue de toute utilité pour l’examen des offres et qui pouvait aisément être satisfaite par tous les candidats. La requérante n’est, dès lors, pas fondée à soutenir que le département aurait écarté à tort son offre ou manqué à l’obligation de clarté du règlement du concours ».

publié le 29 septembre 2023

 

Après une annulation de la procédure au stade de l’analyse des offres, les notes non impactées par l’irrégularité ne peuvent pas être modifiées

TA Polynésie française, ord.22 septembre 2023, Sté BS-Archi, n°2300391

Les annulations de procédures (de plus en plus rares) sont, la plupart du temps, partielles, et interviennent le plus souvent à compter du stade de l’analyse des offres. Cela signifie que cette partie de la procédure est « effacée » et que le pouvoir adjudicateur doit recommencer sa procédure à ce stade.

Il doit donc procéder à une nouvelle analyse des offres. Mais doit-il tenir compte de la précédente analyse, en tout cas dans sa partie non affectée par l’irrégularité ?

Par exemple, si une procédure est jugée sur 3 critères, et qu’une dénaturation a été identifiée sur un des critères, les notes sur les 2 autres critères non impactés doivent-elles rester identiques ou peuvent-elles être différentes ?

C’est à cette question que s’est attaché à répondre le TA de Polynésie française, et le moins que l’on puisse dire est que sa réponse est parfaitement claire : « l’annulation de la procédure de passation du concours de maîtrise d’œuvre au stade de l’analyse des offres impliquait nécessairement pour la CCISM, si elle entendait poursuivre la procédure, de la reprendre au stade de l’analyse des offres des candidats. Elle ne peut alors, sauf à méconnaître ses obligations de publicité et de mise en concurrence, modifier l’appréciation précédemment portée sur la valeur des offres que dans la limite de la prise en compte des motifs de l’annulation qui avait été prononcée par le juge des référés ».

Dans cette affaire, l’acheteur avait repris l’analyse des offres à la suite d’une première annulation et avait modifié l’ensemble des notes, y compris sur les critères n’ayant pas été considérés comme irréguliers la première fois. Hasard ou pas, le candidat évincé, déjà requérant dans le cadre du premier référé, et qui avait récupéré des points au titre de l’illégalité soulevée la première fois, en perdait sur des critères non impactés, de sorte qu’il restait deuxième : « Sur ce sous-critère de la qualité de l’intégration urbanistique et paysagère, la société BS – Archi expose que sa note a été abaissée de 10 points, attribués lors de la première analyse, à 8,5 lors de la seconde et que dans le même temps, celle de son concurrent a été diminuée, de 8 points lors de la première analyse à 7,5 points lors de la seconde. Ainsi, alors que l’écart sur ce critère était de 2,5 points en sa faveur, il n’est plus de que 0,5 points. Ce faisant, ainsi qu’il a été dit au point 4, dès lors que l’appréciation à porter sur la valeur des offres sur ce sous-critère n’étant en rien impactée par les motifs de l’annulation prononcée par le juge des référés, le jury de la CCISM ne pouvait, sans méconnaitre ses obligations de publicité et de mise en concurrence, modifier la notation qui avait été appliquée sur ce sous-critère ».

In fine néanmoins, ce deuxième référé est rejeté au motif que cette nouvelle notation ne léserait pas le candidat évincé.

Cette décision, qui a le mérite de la clarté, est toutefois doublement critiquable.

D’une part dès lors que l’analyse est reprise dans son ensemble, il n’est pas inconcevable que les notes changent, pour l’ensemble des critères (analyse faite par un autre personne, plus objective etc…).

D’autre part, retenir une absence de lésion ici peut finalement inciter les acheteurs à maximiser les écarts entre l’attributaire et les candidats évincés, pour justement faire en sorte que ces derniers ne soient pas lésés par l’illégalité commise. Ce paradoxe, évident, n’a pourtant jamais été identifié par le Conseil d’Etat ou les juridictions du fond, qui continuent à appliquer Smigeomes de façon bête et méchante.

C’est bien dommage.

publié le 28 septembre 2023

 

Une indication erronée sur la reprise du personnel dans le DCE et c’est l’annulation

TA Marseille, ord. 15 septembre 2023, Sté Foire Internationale de Marseille, n°2307834

La ville de Marseille avait mis en œuvre une procédure de passation en vue de la conclusion d’un affermage portant sur la gestion et l’exploitation du parc Chanot. Le DCE de la procédure mentionnait explicitement, s’agissant de la reprise du personnel, qu’« aucun transfert de contrat de travail ne s’impose au nouveau délégataire ».

L’ancien gestionnaire du site ayant vu son offre rejetée mettait en avant le caractère erroné de cette information, susceptible d’avantager ses concurrents, mais également de le défavoriser.

Après avoir vérifié que nous étions bien en présence d’une entité économique autonome, le juge annule donc la procédure dans son intégralité : « l’activité concédée de gestion et d’exploitation du parc Chanot et d’entretien de cet ensemble immobilier constituera une activité identique à celle exercée par la société requérante de manière exclusive grâce au travail de quarante-sept salariés, les circonstances tenant à ce que les noms ou les thèmes des foires ou salons organisés diffèreront ou à ce que la part du chiffre d’affaires de la foire internationale de Marseille dans le chiffre d’affaires de la société requérante serait prépondérante n’étant pas suffisantes pour regarder l’activité comme substantiellement différente, dès lors, notamment, que le délégataire aura en charge l’organisation d’évènements équivalents à la foire de Marseille et aux salons organisés par la société Foire internationale de Marseille. Il résulte de ce qui précède que le transfert de la gestion et de l’exploitation du parc Chanot par la société Foire internationale de Marseille à un autre employeur au terme de la procédure en cause constituerait le transfert d’une entité économique autonome qui impliquerait le transfert des contrats de travail des salariés de la société requérante au bénéfice du concessionnaire. Dans ces conditions la mention « Aucun transfert de contrat de travail ne s’impose au nouveau délégataire » portée à l’article 11.1 du projet de cahier des charges faisant partie des documents de la consultation, en méconnaissance des dispositions de l’article L.1224-1 du code du travail, est susceptible d’avoir trompé les candidats sur le nombre de salariés nécessitait par le contrat et le montant des charges de personnel et, par voie de conséquence, de les avoir empêché de présenter une offre financière pertinente. Cela est également susceptible d’avoir lésé la société Foire internationale de Marseille dès lors que l’absence de reprise des contrats de travail peut avoir pour conséquence, toutes choses égales par ailleurs, de défavoriser son offre financière par rapport à d’autres candidats ; que la procédure de passation de la concession de la gestion et de l’exploitation du parc Chanot est irrégulière. Dès lors qu’en l’espèce les offres ont été remises à la commune de Marseille concomitamment aux candidatures, la présente décision implique d’annuler la procédure en cause ».

S’il l’on peut s’étonner qu’un pouvoir adjudicateur si important commette une telle erreur dans l’application de l’article L.1224-1 du code du travail, cet exemple illustre le fait que cette question du transfert de personnel est souvent trop peu examinée en amont du lancement d’une procédure, alors qu’elle peut avoir d’importantes conséquences.

publié le 18 septembre 2023

 

Limitation du nombre de candidats : tout l’arrêté du 2 mars 2019, mais rien que l’arrêté

TA Lille, ord. 1er septembre 2023, Sté  Europe Services Propreté, n°2307335

L’arrêté du 22 mars 2019 fixant la liste des renseignements et des documents pouvant être demandés aux candidats aux marchés publics, qui constitue l’annexe 9 du code de la commande publique, liste de façon limitative les pièces et renseignements qu’il est possible d’exiger des candidats au stade de la candidature.

Lorsqu’un acheteur souhaite, dans le cadre d’une procédure restreinte, limiter le nombre de candidats admis à déposer une offre, il doit sélectionner les meilleures candidatures à l’aune de ces seuls éléments. Tout élément demandé qui ne figure pas strictement dans la liste est ainsi susceptible de fragiliser la procédure, comme l’illustre cette ordonnance.

En l’espèce, le musée du Louvre-Lens avait lancé une consultation sous forme d’appel d’offres restreint pour l’attribution d’un marché de service de nettoyages des sites du Musée du Louvre-Lens et du Centre de conservation du Louvre. Il était précisé que seules les 5 meilleurs candidats seraient admis à déposer une offre. Un soumissionnaire rejeté au stade de la candidature critiquait le fait que les renseignements demandés à ce stade excédaient la liste de l’arrêté, s’agissant des effectifs. Et le juge va lui donner raison : « aux termes de l’arrêté du 22 mars 2019 « I. – Dans la mesure où ils sont nécessaires à l’appréciation des capacités techniques et professionnelles des candidats, l’acheteur peut exiger un ou plusieurs renseignements ou documents figurant dans la liste ci-dessous. Pour les marchés publics autres que de défense ou de sécurité, cette liste est limitative. / () 3° Une déclaration indiquant les effectifs moyens annuels du candidat et l’importance du personnel d’encadrement pendant les trois dernières années ; / 4° Pour les marchés publics () l’indication des titres d’études et professionnels du candidat ou des cadres de l’entreprise, et notamment des responsables de prestation de services ou de conduite des travaux de même nature que celle du marché public ». Il résulte du règlement d’appel à candidatures établi par l’EPCC Musée du Louvre-Lens que, pour ce qui concerne les capacités techniques, et s’agissant des moyens humains, les candidats devaient présenter « les effectifs (dont la répartition et le niveau de qualification professionnelle des effectifs) dont il dispose au moment de sa candidature », « l’organigramme fonctionnel de sa société, l’agence en charge des prestations ainsi que l’organisation de sa structure » et « présenter au pouvoir adjudicateur l’ensemble des postes en place du pôle directionnel au pôle d’exécution, avec répartition des effectifs par pôle ». Il résulte de ce qui précède que l’EPCC Musée du Louvre-Lens a, pour procéder à la sélection des candidats admis à présenter une offre, exigé, dans le règlement d’appel à candidatures, les informations citées au point précédent, qui excédaient ce qu’il pouvait exiger par application de l’arrêté du 22 mars 2019. Ce manquement du pouvoir adjudicateur est susceptible d’avoir lésé la société requérante […] que la société requérante est fondée à demander l’annulation de la procédure de passation du marché contestée dans son intégralité ».

publié le 8 septembre 2023

 

Installation et exploitation de bornes de recharge de véhicules électriques sur la voie publique : une simple convention d’occupation insusceptible de référé

TA Strasbourg, ord. 5 septembre 2023, Sté E-Totem, n°2305837

A la suite d’un appel à initiative privée lancé, sur le fondement de l’article L.2122-1-1 du CG3P afin de lui permettre de retenir le candidat le plus apte à développer un réseau d’infrastructures de recharges pour véhicules électriques sur son domaine public, Metz Métropole a retenu l’offre d’une société et un candidat évincé a introduit un référé précontractuel.

Le juge vérifie donc si ce contrat constitue un contrat de la commande publique, réponse à laquelle il apporte une réponse négative : « il résulte de l’instruction, en particulier du cahier des charges de la consultation en litige, que celle-ci a été engagée en vue de « déployer, financer, exploiter, superviser et maintenir un réseau de bornes de recharge de véhicules électriques sur la voirie et le foncier public de Metz Métropole ». Elle doit aboutir à la conclusion d’une convention-cadre encadrant le « partenariat » entre cette dernière et l’attributaire, d’une durée maximale de 15 ans, les titres d’occupation spécifiques à chaque station devant être conclus au fur et à mesure de leur installation et dans la limite de la durée maximale de la convention-cadre. Le cahier des charges comporte, en outre, des prescriptions quant au nombre minimal de points de charge à installer et à leurs délais de déploiement, à leurs caractéristiques minimales techniques, esthétiques et environnementales, ainsi qu’à la qualité du service rendu aux usagers. Enfin, il prévoit offre à l’attributaire l’exclusivité sur le domaine public, mais uniquement pour des infrastructures de recharge d’une puissance inférieure ou égale à 50 kW par point de charge. Il résulte de l’instruction que Metz Métropole assume, depuis le 1er janvier 2018, la compétence en matière d’infrastructures de recharge pour véhicules électriques, laquelle emporte notamment l’obligation d’assurer le déploiement équilibré de ces infrastructures sur son territoire. En outre, le gestionnaire du domaine public peut toujours imposer à l’occupant qu’il l’autorise à utiliser de manière privative des sujétions liées à la préservation de ce domaine. Au regard des dispositions précitées, et alors même que l’exécution de la convention projetée impliquera la réalisation de travaux, le recours au procédé contractuel dans le cadre de l’exercice de cette compétence et en vue d’une utilisation privative du domaine public de la métropole ne saurait, par lui-même, permettre de qualifier cette convention comme entrant dans le champ de l’article L.551-1 du CJA. Enfin, les différentes prescriptions et sujétions mentionnées au point 5 n’excèdent pas les obligations qu’une autorité compétente en matière d’infrastructures de recharge pour véhicules électriques et gestionnaire du domaine public sur lequel elles doivent être implantées peut imposer en vue d’assurer le déploiement équilibré de ces infrastructures sur son territoire et de préserver son domaine. Ainsi, et alors qu’en outre, le cahier des charges laisse le titulaire libre de fixer les tarifs qu’il appliquera aux usagers, ne lui confère aucune prérogative de puissance publique et ne prévoit aucun contrôle de son activité par Metz Métropole, il ne résulte pas de l’instruction que cette dernière aurait entendu organiser un service public que la convention projetée aurait, au sens des dispositions précitées, pour objet de déléguer ».

publié le 7 septembre 2023

 

Pagination maximale du mémoire technique : nouvelle décision, mais toujours des questions

TA Montreuil, ord. 28 juillet 2023, Sté Interface conseil, n°2308306

Il y a quelques jours, je commentais une ordonnance du TA de Grenoble sur la question de la fixation d’un nombre de pages maximum d’un mémoire technique.

Nouvelle illustration aujourd’hui, avec un candidat qui a vu son offre écartée comme irrégulière au motif qu’elle ne respectait pas l’article du RC relatif à la pagination maximale du mémoire technique. L’article 5.2 en question fixait en effet le nombre maximum de pages pour le mémoire technique à 80 hors références et CV. Le mémoire technique du candidat faisant 104 pages, son offre avait été jugée irrégulière.

Ce candidat mettait en avant le fait que l’exigence méconnue n’était pas utile, hors considération purement pratique, à l’analyse de son mémoire technique, que l’irrégularité commise était de nature purement formelle et n’avait aucune incidence sur l’appréciation du contenu de l’offre et, surtout qu’une telle exigence était imprécise puisque le RC ne détaillait pas la taille de police ou encore l’espace d’interlignes à respecter.

Sans réellement répondre à ces dernières questions, le juge va valider le rejet de l’offre de ce candidat au motif que « l’exigence prévue à l’article 5.2 du règlement de consultation n’apparaît pas comme manifestement dépourvue de toute utilité, au regard notamment de son intérêt pour faciliter l’analyse des offres et leur comparaison. De surcroît, si la société requérante fait valoir, légitimement, l’imprécision de cette exigence qui ne prévoit par exemple pas de taille de police ou d’interlignes particulières, il est constant que le mémoire technique comporte 104 pages hors références et CV, dépassant ainsi de 30% le format requis sans possibilité de le respecter en modifiant uniquement la mise en forme ».

Quelle aurait été la réponse du juge si le mémoire technique avait fait 84 pages et qu’une autre mise en forme aurait pu le faire redescendre à 80 ? Réponse (on l’espère) au prochain épisode…

publié le 7 août 2023

 

Le candidat qui embauche un agent de la collectivité juste avant la parution du DCE du marché sur lequel il a travaillé peut valablement être exclu de la consultation

TA Marseille, ord. 21 juillet 2023, Sté Egis Ville et Transports, n°2305863

L’article L.2141-8 du code de la commande publique autorise un acheteur à exclure de la procédure de passation d’un marché les personnes qui, par leur participation préalable directe ou indirecte à la préparation de la procédure de passation du marché, ont eu accès à des informations susceptibles de créer une distorsion de concurrence par rapport aux autres candidats, lorsqu’il ne peut être remédié à cette situation par d’autres moyens.

L’ordonnance commentée offre une illustration de cette possibilité, mise en œuvre par la métropole d’Aix-Marseille-Provence pour un marché portant sur des prestations d’études de faisabilité pour le développement de l’offre de transports, de mobilité et d’infrastructures de déplacement. La collectivité avait en effet constaté, lors de l’examen des offres reçues, la présence au sein de l’équipe proposée pour exécuter les prestations de Monsieur A, salarié de la société Egis Villes et Transports depuis le 5 septembre 2022, mais qui avait été recruté par la Métropole en qualité d’ingénieur contractuel du 1er septembre 2020 au 4 septembre 2022. Or, ses missions lui donnaient accès à l’ensemble des données d’informations relatives aux enjeux du transport sur le territoire de la Métropole, objet du marché en cause. En outre, l’avis de marché avait été publié le 30 septembre 2022, soit juste après son départ de la collectivité le 4 septembre et son embauche au sein de la société candidate le 5 septembre.

Dès lors, selon le magistrat « compte tenu de l’implication de M. A dans l’équipe des transports de la Métropole pour la préparation de cet accord-cadre, et alors qu’il a quitté la Métropole le 4 septembre 2022 alors que le dossier de l’accord-cadre devait être prêt, la société requérante ne peut soutenir que M. B n’a pas bénéficié d’informations privilégiées dès lors que les 4 lots font partie intégrante du même accord-cadre, dont l’élaboration a nécessairement conduit à définir les critères communs d’analyse des offres, la société requérante ne pouvant se borner à soutenir, dans le cadre de la présente instance, que M. A ne figure pas dans l’équipe chargée des prestations du lot 4. Dès lors qu’il résulte de l’instruction que M. A est susceptible d’avoir directement ou indirectement participé à l’élaboration de l’accord-cadre en litige, ces informations dont a disposé la société requérante ont été de nature à créer une distorsion de concurrence et la Métropole ne disposait en conséquence, en l’état de l’instruction, d’autre solution que d’écarter la candidature de la société Egis Villes transports de l’appel d’offres ouvert concernant l’accord-cadre dans son ensemble. Ainsi, et la circonstance que la déontologue de la Métropole n’aurait pas visé dans son avis les dispositions de l’article L. 2141-8 2° du code de la commande publique étant sans incidence, la Métropole a pu à bon droit exclure, sur ce fondement, la candidature de la société Egis Villes et transports de l’accord-cadre en litige ».

publié le 27 juilet 2023

 

Cadre de réponse technique joint au DCE : l’offre qui ne le respecte pas est irrégulière

TA Marseille, ord. 21 juillet 2023, Sté Ludi Arles organisation, n°2306079

De plus en plus d’acheteurs y ont recours : le cadre de mémoire technique, ou cadre de réponse technique (CRT) permet une uniformisation des réponses et une comparaison plus aisée des offres. Coté acheteur il s’agit donc d’un outil très pratique. Mais côté candidat, cela rajoute clairement du travail supplémentaire dans l’élaboration de son offre, puisqu’il doit respecter un cadre parois très précis, comme c’était le cas en l’espèce.

La ville d’Arles avait mis en œuvre une procédure de passation pour la délégation de service public portant sur l’organisation des spectacles taurins et traditionnels dans ses arènes. Elle avait demandé aux candidats de déposer leur offre ne respectant un cadre de mémoire technique très précis : « l’article 7 du RC prévoyait que les offres des candidats devaient être présentées sous la forme d’un mémoire technique et financier établi conformément à un cadre précis, se présentant sous la forme d’un tableau contenant quatre colonnes, et douze lignes et précisait que le mémoire technique et financier devait être complété et joint à la réponse. Chacune des rubriques posées dans le cadre du mémoire technique correspondait au sous-critère qui lui était dédié ». Le juge relève à cet égard que « cette présentation avait vocation à permettre une comparaison aisée des candidatures et à faciliter l’analyse des offres et ne peut être regardée comme manifestement dépourvue de toute utilité ».

Un candidat n’avait pas respecté cette présentation, mais soutenait que son mémoire contenait toutes les mentions nécessaires et affirmait que cette exigence du cadre de mémoire technique était manifestement inutile.

Le juge va toutefois lui donner tort : « que le mémoire technique présenté par la société requérante ne se présentait pas sous la forme d’un tableau, ne reprenait pas le cadre du mémoire technique imposé par la commune et ne reprenait pas littéralement chacune des rubriques contenues dans ce cadre mais se présentait sous la forme d’une offre de quarante pages découpée en trois grandes rubriques intitulées Savoir-faire, Faire savoir et Simulation financière, intitulés qui ne correspondaient pas aux critères de la consultation. Si la société requérante soutient que les parties de son mémoire technique sont elles-mêmes divisées en sous-parties, correspondant aux différents sous-critères et aux différentes rubriques du cadre du mémoire technique associées, la présentation adoptée imposait à la commune de vérifier que le contenu des rubriques créées par le candidat correspondait au contenu des rubriques imposées par le règlement de consultation, et que la reformulation des rubriques retenues par la commune, alors que le mémoire technique était appelé à devenir une pièce contractuelle n’entraînait pas un allègement de ses futures obligations. Cette présentation, qui résulte d’un choix de la société, ne saurait être regardée comme une erreur purement matérielle. La circonstance que le tableau imposé se présente sous la forme d’un fichier au format pdf ne faisait, enfin, pas obstacle à ce qu’il soit repris et complété par la société pour la présentation de son offre. Par suite, ainsi qu’il a été dit au point 4, la commune ne pouvait attribuer le contrat à un candidat qui n’avait pas respecté une des exigences imposées par le règlement de consultation. Par suite, la société Ludi Arles n’est pas fondée à soutenir que la commune d’Arles a manqué à ses obligations de publicité et de mise en concurrence en rejetant son offre comme irrégulière pour ce motif ».

Si le choix du CRT est donc possible, il faut toutefois penser au travail supplémentaire qu’il implique pour les candidats avant d’y recourir.

publié le 26 juillet 2023

 

Réponse à une demande de précisions sur la teneur d’une offre : attention à ne pas aller trop loin, sous peine de rejet

TA Cergy-Pontoise, ord. 20 juillet 2023, Sté Interfaces, n°2308809

On sait que dans le cadre d’une procédure formalisée d’appel d’offres, l’acheteur ne peut pas négocier avec les soumissionnaires, il lui est seulement possible de leur demander de préciser la teneur de leur offre (article R.2161-5 du code de la commande publique).

En réponse à une telle demande, le candidat ne peut en profiter pour modifier son offre, sous peine de voir celle-ci d’être rejetée pour méconnaissance du principe d’intangibilité des offres, comme le rappelle le juge des référés dans cette ordonnance : « qu’alors que l’offre initiale de la SASU Interfaces mentionnait un directeur de site représentant 1/2 ETP et deux hôtes d’accueil représentant 1,5 ETP, prévus pour être recrutés avec un profil d’accueil et petit secrétariat, l’offre de son courrier explicatif du 22 mai 2023 à la suite de la demande d’éclaircissements de la CARPDF mentionnait désormais un directeur de site représentant 3/5 ETP, un salarié à 4/5 sur le poste « Office et community manager expérimenté » et un salarié à 3,5/5 sur le poste « Office et community manager plus junior ». Il ressort de l’analyse comparative de ces documents que le volume d’ETP du directeur de site est passé de 0,5 à 0,6 ETP, soit une augmentation de 0,1 ETP représentant plus de trois heures de travail par semaine. Par ailleurs, si le volume des autres agents est resté stable, au niveau de 1,5 ETP, les profils ont changé, puisque les hôtes d’accueil recrutés pour faire de l’accueil et du petit secrétariat ont évolué pour devenir des office et community managers, appelés, de par la terminologie même retenue, à réaliser des travaux distincts, en phase avec les articles 4.1.1, 4.1.2 et 4.1.3 du CCTP, prévoyant des tâches de gestion administrative, financière et technique. Dans ces conditions, la SASU Interfaces doit être regardée comme ayant apporté en cours de procédure des éléments nouveaux qui ont eu pour effet de modifier et non seulement préciser la teneur de son offre initiale, qu’il s’agisse tant du volume horaire dévolu au directeur de site que des missions qualitatives confiées à ses subordonnés. Dès lors, en vertu du principe d’intangibilité des offres, et alors que le critère « présentation de l’équipe dédiée » représentait 15 % de la note finale, c’est à bon droit que la CARPDF, qui a suffisamment précisé ses motifs au regard des dispositions précitées au point 4 ci-dessus de l’article R. 2181-3 du code de la commande publique, a écarté l’offre de la SASU Interfaces, qui ne saurait utilement soutenir que le prix de son offre est resté stable avant et après la demande de précisions de la CARPDF ».

publié le 25 juillet 2023

 

Démat : pensez à consulter l’accusé de réception émis par la plateforme pour éviter les mauvaises surprises

TA Cergy-Pontoise, ord. 18 juillet 2023, Sté Koala Propreté, n°2308566

On sait que si l’article R.2151-5 du code de la commande publique prévoit que les offres reçues hors délai sont éliminées, l’acheteur public ne saurait toutefois rejeter une offre remise par voie électronique comme tardive lorsque le soumissionnaire, qui n’a pu déposer celle-ci dans le délai sur le réseau informatique mentionné à l’article R.2132-9 du même code, établit, d’une part, qu’il a accompli en temps utile les diligences normales attendues d’un candidat pour le téléchargement de son offre et, d’autre part, que le fonctionnement de son équipement informatique était normal.

Au cas présent, un candidat avait déposé son pli à 9h32 le dernier jour du dépôt, fixé à midi. Il s’est aperçu seulement ensuite que trois annexes n’avaient pas été prises en compte lors du dépôt et a donc contesté le rejet de son offre. Le juge va rejeter sa requête en considérant qu’il n’avait pas été diligent, notamment en ne vérifiant pas l’accusé de dépôt généré par a plateforme, ce qui lui aurait permis de se rendre compte, dans les temps, de cette difficulté : « que l’article 9.1 du RC exigeait des candidats qu’ils tiennent compte des aléas électroniques et s’assurent des délais nécessaires à la transmission électronique de leur pli avant la date et l’heure limite de dépôt des offres, la société Koala Propreté a attendu 9 heures 32 le 24 avril 2023, jour limite de dépôt des offres à 12 heures, pour déposer la sienne. Il résulte également de l’instruction que la plateforme Maximilien de dépôt des offres a généré un accusé de réception des pièces produites, que la société Koala Propreté n’a pas consulté le jour même, ce qui lui aurait permis de constater que les annexes à ses pièces n’étaient pas complètes. Elle n’a donc pas accompli les diligences normales attendues d’un candidat pour assurer le dépôt intégral de son offre. Il ne résulte pas davantage de l’instruction, au vu notamment du compte rendu du support technique de la plateforme versé à l’instance par la commune de Meudon, que celle-ci aurait connu un dysfonctionnement le 24 avril 2023, alors par ailleurs que les autres candidats à l’attribution du marché litigieux n’ont rencontré aucune difficulté pour déposer leurs offres et procéder au téléchargement des pièces pertinentes versées à leur appui. Enfin, la société Koala Propreté ne justifie pas que les difficultés de téléchargement dont elle se prévaut ne seraient pas dus à ses propres dysfonctionnements internes. Dès lors, elle n’est pas fondée à soutenir que la procédure de passation du marché en litige révèle un manquement aux obligations de mise en concurrence ».

publié le 21 juillet 2023

 

Défaut de quorum au sein de la CAO : annulation de la procédure au stade de l’analyse des offres

TA Rennes, ord. 17 juillet 2023, Sté Sysco France, n°2303345

Dans le cadre des procédures formalisées, le choix du ou des titulaires est opéré par la CAO.

L’article L.1414-2 du CGCT dispose en effet que « pour les marchés publics passés selon une procédure formalisée dont la valeur estimée hors taxe prise individuellement est égale ou supérieure aux seuils européens qui figurent en annexe du code de la commande publique, à l’exception des marchés publics passés par les établissements publics sociaux ou médico-sociaux, le titulaire est choisi par une commission d’appel d’offres composée conformément aux dispositions de l’article L.1411-5 ».

Si cette étape de la procédure est très peu débattue devant le juge des référés précontractuels, le juge des référés du TA de Rennes vient d’annuler une procédure de passation au stade de l’analyse des offres pour défaut de quorum lors de la réunion de cette instance.

Le juge rappelle tout d’abord qu’en application de l’article L.1411-5 du CGCT, le quorum au sein de la CAO est atteint lorsque plus de la moitié des membres ayant voix délibérative sont présents. En l’espèce, le collège Beaumanoir a adressé, le 16 mai 2023, aux établissements adhérents du groupement d’achats la convocation à la réunion de la commission d’appel d’offres prévue le 12 juin 2023 qui a été amenée à examiner les offres et attribuer les marchés en litige, soit dans un délai suffisant pour leur permettre de siéger. Néanmoins, « il résulte des dispositions précitées que l’appréciation du respect de la condition de quorum s’effectue exclusivement au regard du nombre de membres effectivement présents, les membres représentés par un mandataire auquel ils ont donné une procuration ne comptant pas pour le calcul des présents. Il résulte de l’instruction, et notamment de la feuille d’émargement de la séance du 12 juin 2023 de la commission d’appel d’offres, que sur les 62 membres que comporte cette commission, seuls 21 étaient effectivement présents. Par suite, la société Sysco France est fondée à soutenir que la commission d’appel d’offres n’a pu valablement délibérer en l’absence de respect du quorum. Cette irrégularité constitue un manquement aux obligations de mise en concurrence qui, eu égard à sa nature a pu avoir une influence sur l’attribution des marchés litigieux et est, par suite, de nature à avoir lésé la société requérante pour l’ensemble des lots pour lesquels elle a déposé une offre.

L’acheteur devra donc reconvoquer une CAO, qui devra se prononcer en respectant cette fois-ci les règles de quorum. Il est d’ailleurs relativement probable que le résultat de la consultation soit identique à l’issue de cette nouvelle convocation, ce qui constituerait alors une victoire à la Pyrrhus pour le candidat évincé.

publié le 20 juillet 2023

 

Erreur du candidat sur le taux de TVA applicable : l’acheteur ne peut pas le rectifier de lui-même

TA Rennes, ord. 10 juillet 2023, Sté Guyot Environnement, n°2302971

La question de la TVA est une question qui revient régulièrement devant le juge des référés précontractuels.

En l’occurrence, un candidat avait rempli son DQE en HT et en TTC, avec un taux à 5,5 %. Dans le RAO, l’acheteur avait corrigé de lui-même le taux en le passant à 10 %. Une faute sanctionnée par le juge : « si le pouvoir adjudicateur n’est pas tenu d’inviter un candidat à préciser ou à compléter une offre irrégulière, il peut toutefois demander à un candidat des précisions sur son offre si celle-ci lui paraît ambiguë ou incertaine, ou l’inviter à rectifier ou à compléter cette offre sans que le candidat puisse alors en modifier la teneur. Il est en revanche interdit au pouvoir adjudicateur de modifier ou de rectifier de lui-même une offre incomplète, contradictoire ou ambigüe. Que le DQE devant être renseigné par les sociétés candidates imposait d’indiquer le montant des prix unitaires et total HT et TTC. Il ressort à cet égard du RAO que le montant de l’offre de la société Les Recycleurs Bretons, attributaire désigné, s’élevait à 436 304 euros HT et 460 300,72 euros TTC, avec un taux de TVA à 5,5 %, le pouvoir adjudicateur ayant indiqué en commentaire que sur le DQE, le candidat avait indiqué un taux de TVA à 10 %. Il est ainsi constant que le pouvoir adjudicateur a, d’office et de lui-même, rectifié l’offre de la société attributaire, en appliquant le taux de TVA réellement applicable aux prestations, alors même qu’une telle erreur, qui affecte l’un des éléments substantiels de l’offre, ne peut s’apparenter à une simple erreur matérielle et sans même, au demeurant, faire application de la procédure de rectification des erreurs purement matérielles prévues par le RC. Il résulte en outre de la présentation du RAO que le pouvoir adjutateur a procédé à cette rectification en prenant d’office comme point de référence le prix HT de l’offre de la société Les recycleurs Bretons, alors même que le devis quantitatif estimatif à renseigner imposait d’indiquer pour tous les prix, le montant HT et TTC, ce dernier montant restant au demeurant le seul montant de référence, pour le pouvoir adjudicateur, des sommes qu’il exposera réellement pour s’acquitter des prestations, et qu’aucun élément du dossier, pas davantage que de l’argumentation en défense, ne justifie des raisons pour lesquels la correction de la TVA n’a pas été faite en prenant comme point de référence le montant de l’offre TTC tel que renseigné par la société candidate. En tout état de cause, il résulte de ce qui a été dit au point 7 que le pouvoir adjudicateur ne pouvait procéder d’office et de lui-même à la rectification en cause, ne pouvant qu’inviter la société Les Recycleurs Bretons à préciser et régulariser son offre ».

publié le 19 juillet 2023

 

Marché signé mais non encore notifié : le référé précontractuel toujours recevable ?

TA Paris, ord. 10 juillet 2023, Sté Productions Chantaconia, n°2314668

On sait qu’en vertu d’une jurisprudence ancienne et absolument constante, la signature du marché par l’acheteur dessaisit le juge des référés précontractuels de ses pouvoirs.

Pourtant le TA de Paris, dans l’ordonnance commentée, semble considérer que c’est la notification du marché à son attributaire qui obligerait le juge à se dessaisir : « L’Université Paris-Cité soutient que la requête [introduite le 21 juin 2023] est irrecevable, en ce qu’à la date d’introduction de cette requête le marché litigieux aurait été conclu avec la société IKITIME, classée en première position à l’issue de l’examen des offres […] L’Université, par son mémoire enregistré le 6 juillet 2023 à 13 heures 35, soutient que l’acte d’engagement a été signé par les parties le 2 et le 17 mai 2023, cette dernière date étant, d’ailleurs, celle de la lettre par laquelle la société requérante a été informée du rejet de son offre. Elle précise, par ce même mémoire, que « cette circonstance pose à notre sens la question de la recevabilité de la saisine du juge du référé précontractuel ». Toutefois, l’Université ne rapporte pas à l’instance la preuve de la notification de la lettre d’engagement à la société attributaire, et il ne résulte d’aucune mention de la lettre du 17 mai 2023, informant la société requérante du rejet de son offre, que ce marché à la date d’envoi de cette lettre avait été conclu. A supposer, que ce marché était passé à la date du 17 mai 2023, cette circonstance révèlerait la méconnaissance par l’acheteur public des règles de l’article R. 2182-1 du code de la commande publique qui prévoit qu’un délai de onze jours ou de seize jours, en cas de recours à un autre mode de transmission que la voie électronique, doit être observé à compter de la date de notification de la décision de rejet de l’offre avant toute signature du contrat. Il résulte de ce qui précède que la fin de non-recevoir opposée par l’acheteur public ne peut qu’être rejetée ».

Position étonnante qui n’a toutefois pas de conséquence dès lors qu’in fine la requête est rejetée, le juge considérant que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

publié le 18 juillet 2023

 

Régularisation des offres : l’absence de 2 onglets sur 3 dans un BPU sous Excel est régularisable

TA Grenoble, ord. 6 juillet 2023, Sté Allo greffes services, n°2303828

Depuis que la réglementation relative à la commande publique permet, sous certaines conditions, la régularisation des offres, se pose la question de savoir ce qui concrètement est ou non régularisable. L’ordonnance commentée ici en offre une belle illustration.

Dans cette affaire, le CHU de Grenoble avait mis en œuvre une procédure d’appel d’offres ouvert. Aux termes des pièces à remettre, les candidats devaient fournir un BPU sous Excel comprenant trois onglets, pour différents types de prix. Un candidat avait remis uniquement le premier onglet (cas relativement classique, surtout si l’on transforme le fichier Excel en PDF). Le CHU avait alors demandé la régularisation à ce candidat en lui demandant de fournir les deux onglets manquants.

Une telle demande est considérée comme régulière par le juge des référés « aux termes de l’article R.2151-2 dudit code : « Dans toutes les procédures, l’acheteur peut autoriser tous les soumissionnaires concernés à régulariser les offres irrégulières dans un délai approprié, à condition qu’elles ne soient pas anormalement basses. / La régularisation des offres irrégulières ne peut avoir pour effet d’en modifier des caractéristiques substantielles ». Ces dispositions visent à permettre de remédier à une non-conformité, en particulier une omission dans les pièces transmises, sans permettre une modification des caractéristiques substantielles de l’offre, qui serait de nature à fausser la concurrence. En l’espèce, l’omission de deux feuillets sur trois dans le fichier du BPU caractérise une offre incomplète au sens de l’article L.2152-2. Alors même qu’elle porte sur une caractéristique aussi essentielle que le prix, la rectification d’une telle erreur n’emporte pas de modification de l’offre au sens de l’article R.2151-2 et est ainsi susceptible d’être régularisée ainsi que l’avait initialement estimé à bon droit le CHU. Il en résulte que c’est à tort qu’il a ensuite rejeté l’offre, dûment complétée, comme irrégulière ».

Cette décision est toutefois à prendre avec du recul, car il n’est pas certain que tous les juges auraient tenu un raisonnement identique.

publié le 17 juillet 2023

 

Attribuer un 0 à une offre peut révéler une dénaturation, ce qui peut aussi rester sans conséquence

TA Cergy-Pontoise, ord. 3 juillet 2023, Sté UTB, n°2307968

L’Office public de l’habitat Vallée Sud Habitat avait mis en œuvre une procédure de passation pour conclure un marché de travaux. Dans ce cadre, il avait attribué à un candidat une note de 0/5 sur l’un des sous-critères, note correspondant selon le RC à une absence de réponse.

Or, il s’avère que cet élément était développé sur 5 pages dans le mémoire technique.

Le juge relève donc une dénaturation de cette offre, mais confirme le caractère inopérant du moyen, faute de toute lésion : « Il résulte de l’article 5.1 du règlement de consultation applicable, d’une part, qu’en application du sous-critère « insertion sociale », les candidats devaient détailler les mesures qu’ils proposaient pour garantir les 5 % d’emploi de personnes en difficulté prévus à l’article 7 du cahier des clauses administratives particulières et, d’autre part, que l’absence de réponse au besoin équivalait à 0 % de la note et qu’en cas de réponse, le pourcentage de la note oscillait entre 10 % et 100 % en fonction de la pertinence de l’offre du candidat en cause. En l’espèce, il est constant que la société Union Technique du Bâtiment a obtenu la note de 0 sur 5, correspondant à la note applicable en cas d’absence de réponse alors que la requérante fait valoir, sans être contredite, que son offre détaillait, sur cinq pages, les mesures d’insertion sociale qu’elle entendait mettre en œuvre dans le cadre du contrat. Dans ces conditions, la société requérante est fondée à soutenir qu’en lui attribuant la note de 0 sur 5 au titre de ce sous-critère, l’OPH a dénaturé son offre. Cependant, dès lors que l’écart de notation entre l’offre de la société attributaire et celle de la société requérante est que de 10,24 points, la dénaturation ici relevée a uniquement pu avoir pour effet de minorer la notation attribuée à cette dernière offre d’un maximum de 5 points, de sorte que cette dénaturation n’est pas susceptible d’avoir lésé la société Union Technique du Bâtiment. Par suite, le moyen invoqué doit être rejeté en raison de son inopérance ».

publié lee 13 juillet 2023

 

Signature précipitée + négos en appel d’offres = annulation du contrat en référé contractuel

TA Lille, ord. 26 juin 2023, Sté Méca Magnetic, n°2304937

On a l’habitude de dire que le référé contractuel n’est pas réellement efficace, en ce qu’il n’offre pas une « deuxième chance » au candidat évincé postérieurement à un référé précontractuel. Parfois néanmoins, cette procédure contentieuse révèle tout son efficacité.

Au cas présent l’école Centrale Lille Institut, avait mis en œuvre un appel d’offres ouvert pour un marché de fournitures. Un candidat évincé avait contesté son rejet dans le délai de stand still, mais avait appris en cours d’instance que le marché avait quand même été signé. Cette signature précipitée rendant recevable un référé contractuel : « il est constant que la société Ateliers Soudupin et l’école Centrale Lille Institut ont signé le marché litigieux avant l’expiration du délai de suspension prévue à l’article R.2182-1. Par cette signature prématurée, l’école Centrale Lille Institut a privé la société requérante de son droit de former utilement un référé précontractuel sur le fondement de l’article L.551-1 du CJA ».

En outre, l’acheteur avait négocié l’offre de l’attributaire, étape pourtant strictement interdite en appel d’offres ouvert : « en modifiant son offre initiale afin de tenir compte, de la demande du pouvoir adjudicateur formulée le 25 avril 2023 qui souhaitait connaître le coût de la prestation lorsque le système de bobines de compensation n’était qu’optionnel, et en proposant alors un simple blindage « passif » avec une possibilité d’installation ultérieure d’un système de blindage « actif », la société Ateliers Soudupin a apporté des modifications, au demeurant substantielles, à son offre, après la date de remise des offres en méconnaissance du principe d’intangibilité des offres s’imposant dans le cadre d’un procédure formalisée tel qu’il est défini par les dispositions de l’article R.2161-5 du code de la commande publique ainsi que du principe d’égalité de traitement entre les candidats. Une telle modification de l’offre de la société attributaire postérieure à la date de remise des offres ne relève pas des hypothèses dans lesquelles les candidats sont autorisés à apporter des corrections à leur offre après une demande du pouvoir adjudicateur de fournir de précisions ou des éclaircissements sur la teneur de celle-ci, ni même au stade de la mise au point au marché. La circonstance que le règlement de consultation ait prévu que le pouvoir adjudicateur se réservait la faculté de négocier est en outre sans incidence sur le caractère irrégulier de la procédure de mise en concurrence en litige, dès lors qu’une procédure d’appel d’offres ouvert interdit toute possibilité de négociation, y compris lorsque le pouvoir adjudicateur, sous couvert de demande de précisions de la teneur des offres, incite les candidats, non pas à préciser lesdites offres, mais à les faire évoluer substantiellement. Dans ces conditions, l’offre de la société Ateliers Soudupin aurait dû être éliminée ».

Le candidat évincé ayant été classé en deuxième position, ce manquement affectait donc les chances de l’auteur du recours d’obtenir le contrat au sens de l’article L.551-18 du CJA. Or, dans une telle hypothèse, le juge est tenu de prononcer la nullité du contrat, ce qu’il fait au cas présent dans son dispositif.

publié le 12 juillet 2023

 

Avis du CSTB exigé au stade de l’offre : attention aux risques d’annulation !

TA Rennes, ord. 28 juin 2023, Sté Access BTP, n°2302951

Le département du Morbihan avait souhaité réaliser des travaux relatifs au traitement des fondations d’un collège.

A cette fin, il avait exigé que les candidats fournissent, à l’appui de leur offre, un avis du CSTB visant à permettre à l’acheteur de s’assurer de leur aptitude à réaliser le traitement des sols d’assise sous fondations par injection de résine expansive.

L’un des candidats, dont l’offre a été jugée irrégulière pour plusieurs non-respects des prescriptions du DCE, attaquait la procédure de passation notamment sur ce point. Le juge va lui donner raison sur cet aspect précis, sans toutefois annuler la procédure compte tenu des autres irrégularités de l’offre : « aux termes de l’article R.2151-14 du code de la commande publique « dans les documents de la consultation, l’acheteur peut exiger que les soumissionnaires fournissent, comme moyen de preuve de la conformité aux spécifications techniques, aux critères d’attribution ou aux conditions d’exécution du marché, un rapport d’essai d’un organisme d’évaluation de la conformité accrédité, conformément au règlement (CE) n°765/2008 du Parlement européen et du Conseil du 9 juillet 2008 fixant les prescriptions relatives à l’accréditation et à la surveillance du marché pour la commercialisation des produits et abrogeant le règlement (CEE) n°339/93 du Conseil, ou un certificat délivré par un tel organisme. Lorsqu’il exige un certificat établi par un organisme d’évaluation identifié, il accepte un certificat établi par un organisme équivalent. /Lorsqu’un opérateur économique n’a pas accès aux certificats ou aux rapports d’essai mentionnés à l’alinéa précédent ni la possibilité de les obtenir dans les délais fixés par l’acheteur, ce dernier accepte d’autres moyens de preuve appropriés ». Il résulte de l’instruction qu’au titre de la qualification des intervenants, le département a imposé que « l’entreprise mandataire devra se prévaloir d’un avis technique du CSTB en cours de validité sur le procédé mis en œuvre », sans comporter la mention « ou d’un organisme équivalent ». S’il apparaît nécessaire que le département du Morbihan puisse s’assurer de la qualité de la résine proposée eu égard à l’objet du marché, une telle omission a eu nécessairement pour effet de favoriser certains acteurs du secteur du marché litigieux, dont la société attributaire et d’en exclure d’autres, la société Access BTP soutenant, sans être sérieusement contredite, que la procédure pour obtenir un tel avis est particulièrement longue et incompatible avec les délais de remise des offres. Le département a ainsi manqué à ses obligations de publicité et de mise en concurrence. Toutefois, outre qu’il résulte de l’instruction que la société Access BTP ne disposait, pour la résine qu’elle a proposée, ni d’un avis technique du centre scientifique et technique du bâtiment ni même d’un avis de conformité équivalent, la certification Qualibat qu’elle a présentée au titre de son activité ne pouvant tenir lieu d’un tel avis, son offre était, ainsi qu’il a été dit, irrégulière pour les deux motifs exposés aux points 9 et 11. Dans ces conditions, le manquement relevé a été insusceptible de l’avoir lésée ».

publié le 11 juillet 2023

 

Fixation d’un nombre maximum de pages du mémoire technique : un dépassement entraîne-t-il l’irrégularité de l’offre ?

TA Grenoble, ord. 19 juin 2023, Sté SLTP, n°2303320

Malheureusement, la réponse donnée par cette ordonnance à cette question d’une grande importance n’est pas évidente.

Au cas présent, le règlement de consultation imposait aux candidats de fournir un mémoire technique de 20 pages maximum. La société requérante, qui avait vu son offre analysée et classée, attaquait son rejet sur le fondement de la dénaturation. En défense, l’acheteur soulevait l’irrégularité de cette offre, au motif que le mémoire technique de ce candidat faisait 84 pages, et ne respectait donc pas l’exigence fixée au RC.

Le juge va toutefois rejeter ce moyen de défense, au motif que « le fait que la société requérante a fourni un mémoire technique de 84 pages ne lui a offert aucun avantage par rapport à ses concurrentes, alors que son offre a été classée en cinquième position, et n’a ainsi pas porté atteinte à l’égalité de traitement entre les candidats. Par suite, l’EPFL du Dauphiné n’est pas fondé à faire valoir que l’offre de la société SLTP était irrégulière pour ce motif ».

Si le juge refuse donc de juger irrégulière une offre dépassant le nombre maximum de pages d’un mémoire technique, c’est essentiellement en raison du fait qu’en l’espèce, l’offre avait été mal cassée.

Mais qu’en aurait-il été si cette offre avait été déclarée attributaire ? Ou encore si elle avait été rejetée pour ce motif sans analyse ?

A ces questions, d’importance pratique évidente pour les acheteurs et les soumissionnaires, la jurisprudence n’a pas encore apporté de réponses tranchées.

publié le 22 juin 2023

 

Petit rappel utile : pas de contrat de la commande publique, pas de référé

TA Rouen, ord. 16 juin 2023, Sté Primavista, n°2302077

Il est toujours bon de rappeler que le référé précontractuel ne peut être intenté que contre les contrats de la commande publique. Les simples contrats d’occupation du domaine public, qui ne rentrent pas (sauf requalification) dans cette catégorie, ne ressortent donc pas de l’office du juge des référés précontractuels, comme l’illustre cette ordonnance. Un centre hospitalier avait lancé une procédure pour la conclusion d’une « concession de services » relative à des prestations photographiques des parents et de leurs nouveaux nés lors de leur séjour en maternité. Un candidat évincé contestait le résultat  de cette procédure, mais la juge va requalifier ce contrat en simple convention d’occupation du domaine public et décliner  sa compétence : « que la convention envisagée par le centre hospitalier universitaire de Rouen Normandie permet à son titulaire d’occuper le domaine public hospitalier et d’exploiter, en contrepartie du versement au centre hospitalier d’une redevance, une activité économique de photographie proposée aux parents des nouveaux nés, cette autorisation étant assortie de prescriptions tenant au respect des locaux et de la mission de l’établissement public. La convention n’a pas pour objet de confier au cocontractant la gestion d’un service public mais seulement l’exploitation d’un service commercial dans des conditions compatibles avec la destination et le fonctionnement du service public hospitalier. En outre, la convention n’emporte aucune contrainte, sujétion ou procédure de contrôle particulière pour ce qui concerne l’organisation et le fonctionnement de l’activité commerciale de photographie. Enfin le concessionnaire est rémunéré par ses clients selon le tarif qu’il a lui-même fixé et exerce son activité dans des conditions concurrentielles et la personne publique ne verse aucun prix au concessionnaire, ni droit d’exploitation. Dans ces conditions, la convention en litige, qui n’a pour objet ni la délégation d’un service public ni l’exécution de travaux, la livraison de fournitures ou la prestation de services, avec une contrepartie économique constituée par un prix ou un droit d’exploitation mais constitue une convention d’occupation du domaine public, n’est pas au nombre des contrats mentionnés à l’article L. 551-1 du code de justice administrative à l’égard desquels le juge du référé précontractuel peut prendre les mesures définies à l’article L. 551-2 de ce code. Par suite, alors même que le centre hospitalier universitaire s’est soumis à la procédure prévue à l’article L. 2122-1-1 du code général de la propriété des personnes publiques intégrant une mise en concurrence, le juge des référés précontractuels n’est pas compétent pour statuer sur la demande présentée par la société ».

Gageons que dans un futur plus ou moins lointain, ces contrats pourront faire l’objet d’un tel référé, compte tenu des évolutions récentes sur la mise en concurrence des occupations du domaine public.

publié lee 19 juin 2023

 

Jury de concours : attention à la levée de l’anonymat et à la transmission d’informations confidentielles !

TA Nancy, ord. 5 juin 2023, Sté Chatillon Architectes, n°2301478

Les référés précontractuels sur des procédures de concours sont relativement rares et pour cette seule raison cette ordonnance mérite d’être soulignée. Mais elle apporte également de très intéressantes précisions sur la manière doit se dérouler un jury de concours, et ce que ce dernier ne doit surtout pas faire. Dans cette affaire, le jury avait classé les projets étudiés anonymement, mais avait ensuite demandé aux candidats, après avoir levé l’anonymat, de modifier substantiellement leur projet. Ces modifications avaient donné lieu à un second vote, sur des projets non anonymisés, et une inversion de classemement.

Après avoir rappelé les dispositions du code de la commande publique sur le jury de concours, et plus particulièrement l’article R.2162-18, le juge des référés considère qu’« il résulte implicitement mais nécessairement de ces dispositions, appuyées par le règlement de concours, que la levée de l’anonymat met un terme à la possibilité pour le jury de modifier le classement des projets tel que celui-ci ressort de son procès-verbal. Si le jury conserve la possibilité de conduire un dialogue avec les candidats sur la base de questions qu’il consigne, celles-ci ont pour seul objet d’éclairer le choix de l’acheteur au regard des clarifications précitées. Un tel dialogue ne peut en revanche provoquer une rupture d’égalité entre les concurrents en permettant à l’un d’entre eux de modifier de manière substantielle son offre […] Dès lors, la société requérante est fondée à soutenir qu’en conduisant le dialogue et en procédant à un nouveau classement des projets sur la base d’éléments excédants les limites de ses besoins de clarification, après avoir levé l’anonymat, la communauté d’agglomération a provoqué une rupture d’égalité entre les concurrents ».

L’ordonnance sanctionne également logiquement le fait d’avoir communiqué aux candidats les éléments graphiques de chacun des projets afin que les candidats puissent « défendre leur projet » par rapport aux autres. Intention certainement louable, mais bien évidemment illégale : « l’ensemble des candidats a eu connaissance des éléments graphiques des projets des autres candidats, la pièce graphique contenue dans chacune ayant été communiquée afin que les candidats puissent « défendre leur projet » devant l’assemblée à l’occasion d’une séance programmée le 13 décembre 2022. Il résulte par ailleurs de l’instruction que la société Coulon et associés a présenté au cours de cette séance des éléments graphiques et architecturaux modifiés, malgré l’interdiction faite aux candidats, rappelée dans ce courrier du 7 novembre 2022, de présenter tout support ou document ne figurant pas dans les offres initiales. Enfin, les éléments graphiques modifiés présentés par la société Coulon et associés semblent s’inspirer des choix esthétiques réalisés dans le projet de la société requérante, initialement classée en première position dans le procès-verbal précité du 13 juillet 2022. Dans ces conditions, la société requérante est fondée à soutenir que l’acheteur a communiqué à la société Coulon et associés des documents susceptibles de nuire à une concurrence loyale entre les opérateurs économiques et ainsi susceptible de la léser ».

publié le 14 juin 2023

 

Est irrégulier le RAO qui se borne à vérifier la conformité des offres sans effectuer aucune appréciation

TA Lille, ord. 6 juin 2023, Sté Rabot Dutilleul Construction, n°2304098

Bien souvent, l’attribution de notes identiques figurant dans une lettre de rejet donne envie à des candidats évincés de contester a procédure de passation à laquelle ils ont participé, et ces derniers mettent en avant dans cette hypothèse la neutralisation des critères qui en résultent. Mais un tel moyen est très souvent rejeté, le juge considérant que le fait d’attribuer des notes identiques ne constitue pas, en soi, la preuve d’une neutralisation. Sauf quand le RAO laisse apparaitre l’inverse, comme en l’espèce. Dans cette affaire, le juge va en effet relever que les notes maximales avaient été attribuées sur 17 des 18 sous critères de la valeur technique avec des commentaires uniquement liés à la conformité des offres, sans appréciation. Dans ces conditions, le neutralisation du critère technique est avéré et la procédure annulée au stade de l’analyse de offres, à reprendre par l’acheteur : « il est constant que la société Rabot Dutilleul Construction et la société Voirie Assainissement Travaux Publics ont, sur 17 des 18 sous-critères des critères d’attribution autres que celui du prix, obtenu la même note, à savoir la note maximale, seul le onzième sous-critère du critère de la valeur technique ayant donné lieu à une notation différente. Il résulte de l’extrait du tableau de synthèse des appréciations portée par le CIG sur les offres présentées par ces deux sociétés que, sur chacun de ces mêmes sous-critères, ces appréciations sont, pour l’essentiel, identiques. Il résulte également de la teneur même de ces appréciations que le CIG s’est borné à vérifier que les deux sociétés candidates ont présenté une offre conforme en tous points au RC. En effet, selon ces appréciations, ces sociétés ont, chacune, soit « décrit », soit « fourni », soit « mentionné », soit « mis en place », soit « présenté », soit « développé » les éléments exigés. À titre d’exemple, en ce qui concerne le sous-critère 2-3 du critère de la valeur technique (« Moyens humains internes à l’entreprise affectés à l’opération »), l’appréciation identique portée sur chacune des deux offres est la suivante : « L’entreprise fournit son organigramme et le personnel qui sera affecté en chantier », sans aucune mention relative au nombre d’agents affectés et à leur degré de compétences. De même, en ce qui concerne le sous-critère 2-4 (« Moyens en matériel propres à l’entreprise affectés au chantier »), l’appréciation portée sur l’offre présentée par la société Voirie Assainissement Travaux Publics est la suivante : « La liste du matériel affecté au chantier pour les différents ouvrages est fournie », tandis que l’appréciation portée sur l’offre présentée par la société Rabot Dutilleul Construction est celle-ci : « L’entreprise fournit la liste du matériel qui sera affecté au chantier », sans aucune prise en compte de l’importance et de la qualité du matériel affecté au chantier.

Ainsi, l’attribution de notes identiques à la société Rabot Dutilleul Construction et à la société Voirie Assainissement Travaux Publics sur 17 des 18 sous-critères des critères d’attribution autres que celui du prix ne peut être regardée comme procédant de ce que leurs offres auraient été jugées identiques. Ces notes identiques et les mentions littérales les justifiant révèlent, en l’absence de toute appréciation effective de la valeur des offres sur ces sous-critères, que le CIG a neutralisé les critères d’attribution autres que celui du prix, et, ce faisant, manqué à ses obligations de publicité et de mise en concurrence. Ce manquement est susceptible d’avoir lésé la société dès lors qu’il ne saurait être exclu que, si ces critères n’avaient pas été neutralisés, son offre aurait été classée première dans la mesure où, s’agissant du critère du prix, elle a par ailleurs obtenu la note de 58,5/60, et, s’agissant des critères de la valeur environnementale et du processus BIM, la note maximale de 5/5 ».

publié le 12 juin 2023

 

Terrains de tennis du jardin du Luxembourg : la double faute du Sénat

TA Paris, ord. 8 juin 2023, Sté Paris Tennis, n°2309069

En plein Roland-Garros et après la résiliation d’une première convention conclue sans mise en concurrence par le Conseil d’Etat en décembre 2022 (n°455033), le juge des référés précontractuels du TA de Paris a annulé la procédure de passation lancée par le Sénat, au motif que ce dernier n’a pas prévu des modalités d’examen des offres garantissant l’égalité de traitement des candidats et la transparence de la procédure.

Le juge rappelle tout d’abord que la personne publique doit apporter aux candidats à l’attribution d’une concession, avant le dépôt de leurs offres, une information suffisante sur la nature et l’étendue des besoins à satisfaire et indiquer aux candidats les caractéristiques essentielles de la concession. Il relève, ensuite, s’agissant du l’organisation de l’enseignement du tennis, que les candidats étaient autorisés à choisir entre la location de l’ensemble des créneaux à des tiers, l’utilisation de ces créneaux par leur propre école de tennis ou bien une organisation mixte avec l’utilisation d’une partie des créneaux par leur école de tennis et la location des créneaux restants à des tiers. Or, ce choix offert aux candidats sur l’organisation de l’enseignement du tennis ne leur permettait pas de présenter des offres comparables au regard des trois critères de jugement des offres définis par le pouvoir adjudicateur dans le règlement de la consultation, soit l’intérêt du projet pour le Jardin du Luxembourg et les usagers des terrains de tennis, la robustesse de l’offre financière et la qualité de l’organisation de l’exploitation. Le tribunal en conclut qu’en laissant aux candidats un tel choix sur l’organisation de l’enseignement du tennis, le Sénat n’a pas prévu des modalités d’examen des offres garantissant l’égalité de traitement des candidats et la transparence de la procédure et annule, par voie de conséquence, la procédure de passation de la concession.

publié le 8 juin 2023

 

Décider de déposer son offre le plus tardivement possible : une bien mauvaise idée

TA Marseille, ord.1er juin 2023, Sté société LDS concept, n°2304811

Dans le cadre de la procédure de passation de la concession portant sur l’organisation des spectacles taurins et traditionnels dans les arènes de la ville d’Arles, un candidat, bien qu’ayant selon ses propres dires, élaboré ses pièces de candidature et d’offre depuis longtemps, a néanmoins pris la décision de déposer son offre le plus tardivement possible (peut être pour éviter d’éventuelles fuites de son offre).

Et il s’est trouvé qu’à la suite d’un problème informatique, il n’a pu finaliser son dépôt qu’à 16h01 pour une heure limite fixée à 16h.

Le juge des référés rappelle tout d’abord que « s’il résulte des dispositions combinées des articles R. 3123-14 et R. 3123-21 du code de la commande publique que les candidatures présentées hors du délai fixé par l’autorité concédante ne peuvent participer à la suite de la procédure de passation du contrat de concession, cette autorité ne saurait toutefois rejeter une candidature remise par voie électronique comme tardive lorsque le candidat, qui n’a pu déposer celle-ci dans le délai sur le réseau informatique mentionné à l’article R. 3122-15 du même code, établit, d’une part, qu’il a accompli en temps utile les diligences normales attendues d’un opérateur économique pour le téléchargement de sa candidature et, d’autre part, que le fonctionnement de son équipement informatique était normal » appliquant en cela aux concessions le considérant de principe dégagé par le Conseil d’Etat pour les marchés publics.

Puis il juge que la ville a eu raison de rejeter son offre comme tardive dès lors qu’« il résulte de l’instruction que, lors du dépôt de son dossier de candidature sur le site internet prévu par le règlement de la consultation, la société LDS concept s’est trouvée dans l’impossibilité de sélectionner les fichiers à télécharger, et s’est vue dans l’obligation de recommencer la procédure de dépôt de son dossier à partir d’un ordinateur différent, le dépôt du dossier n’étant achevé qu’à 16h01, au-delà du délai prévu par le règlement de la consultation. Alors que les documents de candidatures et l’offre de la société LDS concept étaient achevés longtemps avant la date limite de dépôt des candidatures, selon les déclarations de la société elle-même, celle-ci a pris la décision de déposer son offre le plus tardivement possible et ne s’est connectée au site sur lequel le dossier devait être déposé que « vers 15h20 » selon les termes du constat d’huissier, qu’à 15h27 selon le bordereau de contrôle d’un pli dématérialisé produit par la société requérante. Dans ces conditions elle n’établit pas avoir accompli en temps utiles les diligences normales pour le téléchargement de sa candidature ».

publié le 8 juin 2023

 

Erreur de dépôt sur la plateforme : pas d’obligation de rattrapage pour l’acheteur

CE, 1er juin 2023, Communauté d’agglomération de la région de Château Thierry n°469127

Le conseil d’Etat vient d’infirmer la « solution audacieuse » (comme nous l’avions qualifiée) du TA d’Amiens qui avait sanctionné un acheteur pour ne pas avoir rattrapé une erreur de dépôt d’un pli sur une plateforme de dématérialisation (voir TA Amiens, ord. 8 novembre 2022, Sté RVM, n°2203116 commentée sur ce site). Cette solution, que nous avions trouvé « discutable juridiquement », vient d’être sanctionnée par la Haute Assemblée au motif qu’« aucune disposition ni aucun principe n’impose au pouvoir adjudicateur d’informer un candidat que son offre a été déposée dans le cadre d’une autre consultation que celle à laquelle il voulait postuler et, d’autre part, il ne peut rectifier de lui-même l’erreur de dépôt ainsi commise, sauf dans l’hypothèse où il serait établi que cette erreur résulterait d’un dysfonctionnement de la plateforme de l’acheteur public. Par suite, le juge des référés du tribunal administratif d’Amiens a entaché son ordonnance d’une erreur de droit en estimant que la communauté d’agglomération de la région de Château-Thierry avait dans ces conditions manqué à ses obligations de mise en concurrence ».

Il en résulte qu’en présence d’une erreur de « tiroir numérique » (offre déposée au mauvais endroit), le pouvoir adjudicateur a toujours la faculté d’inviter le candidat à régulariser son offre, mais il n’en a jamais l’obligation. Une telle solution est, selon le rapporteur public, équilibrée, dès lors qu’elle permet en pratique de repêcher des candidatures et des offres qu’il serait dommage de condamner du seul fait d’une erreur d’inattention, sans pour autant faire peser sur les personnes publiques le poids d’une obligation difficile à satisfaire en pratique.

publié le 5 juin 2023

 

Offre avec prix négatif : parfois ça marche

TA Pau, ord.15 mai 2023, Sté Aspir Adour, n°2301026

On sait que, traditionnellement, les méthodes de notation aboutissant à des prix négatifs sont considérées comme irrégulières.

Mais pour certains marchés, les offres de prix négatifs peuvent cependant être valablement proposées. Au cas présent, il s’agissait d’un marché public de travaux portant sur les travaux préliminaires à l’aménagement d’une voie verte.

Concrètement, l’attributaire devrait procéder à la dépose des rails et des traverses d’une ancienne voie ferrée sur une longueur d’environ trente kilomètres, ce qui implique le démantèlement, selon les indications du cahier des charges, d’une quantité de 3.073 tonnes de rails et autres produits ferreux et d’une quantité de 1.865 tonnes de traverses en bois. Selon le même document, les travaux consistent à démonter, évacuer et valoriser ou éliminer l’ensemble de ces matériaux, étant précisé que la valorisation concerne principalement les matériaux ferreux destinés à être vendus et, par suite, à procurer des recettes à l’attributaire du marché.

Après avoir posé en principe qu’il « appartient au juge du référé précontractuel de vérifier que les critères de sélection des offres ne sont pas, au regard des documents constitutifs de la consultation et du déroulement de cette dernière, affectés d’incertitudes et d’ambiguïtés résultant d’imprécisions ou de contradictions, en méconnaissance de l’obligation de transparence qui incombe au pouvoir adjudicateur », le juge vérifie que le critère prix est en l’espèce conforme à cette règle.

Dès lors, selon lui, « les candidats établissent nécessairement le prix de leur offre en fonction des recettes issues de la valorisation d’une grande quantité de matériaux, déduction faite des coûts des travaux de dépose de la voie ferrée. Un prix nul ou un prix négatif – consistant à reverser une partie des recettes de valorisation – est une hypothèse logique et constitutive de ce type de marchés de travaux. Il s’ensuit que les candidats, clairement informés de la nature des travaux et des volumes des matériaux à valoriser étaient, sans ambiguïté, mis à même de comprendre que le prix des travaux pouvait conduire à un prix intermédiaire, voire global, nul ou négatif. Dans ces conditions, en indiquant pas explicitement dans les documents de la consultation l’éventualité d’un prix nul ou négatif, le département des Landes n’a pas méconnu le principe de transparence de la commande publique ni le principe d’égalité de traitement des candidats ».

publié le 22 mai 2023

 

Attribution provisoire et demande des certificats sociaux et fiscaux : attention à bien respecter cette étape, sous peine d’annulation totale

TA Strasbourg, ord. 9 mai 2023, Monsieur B., n°2302706

La ville de Strasbourg avait mis en œuvre une procédure avec négociation en vue de la passation d’un marché de maîtrise d’œuvre ayant pour objet la restauration d’une église.

A l’issue de l’analyse, elle avait attribué provisoirement le marché à un groupement, qui avait remis dès le stade de la candidature ses certificats sociaux et fiscaux. Mais compte-tenu du délai de la procédure, ces derniers n’étaient plus valables lorsque le marché lui avait été attribué et la commune n’avait pas redemandé des certificats à jour. Cette omission va entrainer l’annulation de la procédure dès l’origine, le juge considérant assez sévèrement que ce manquement ne peut pas être réparé à un stade ultérieur :

« aux termes de l’article 8.2 du RC : « L’offre la mieux classée sera donc retenue à titre provisoire en attendant que le ou les candidats produisent les certificats et attestations des articles R.2143-6 à R.2143-10 du code de la commande publique. Le délai imparti pour remettre ces documents ne pourra être supérieur à 6 jours. A défaut, le candidat classé immédiatement après sera sollicité pour produire les documents nécessaires à l’attribution de l’accord cadre et visés à l’article R.2144-7 dudit code ». Il résulte de ces dispositions que le marché ne peut être attribué au candidat ayant présenté l’offre la mieux classée sans qu’il ait préalablement, pendant la période d’attente où cette offre n’est retenue qu’à titre provisoire, et dans le délai maximal de six jours que lui a imparti l’acheteur à cette fin, remis l’ensemble des certificats et attestations prévus par les articles R.2143-6 à R.2143-10 du code de la commande publique. A défaut, l’acheteur est tenu d’éliminer le candidat ayant présenté l’offre la mieux classée. Il ne peut en aller autrement que si l’ensemble des éléments ont déjà été remis antérieurement à l’acheteur et sous réserve qu’ils soient encore tous valables à la date de la décision d’attribution.

La commune fait valoir que l’ensemble des certificats et attestations ont été remis par le groupement attributaire dès le stade de sa candidature. Toutefois, et en particulier, la durée de validité des attestations de fourniture des déclarations sociales et de paiement des cotisations et contributions sociales que chacun des membres du groupement attributaire devait produire conformément à l’article R.2143-8 du code de la commande publique précité est, en vertu de l’article D.8222-5 du code du travail, limitée à six mois. Les attestations que le groupement a fournies au stade de sa candidature ayant été établies entre le 10 mai et le 22 août 2022, elles n’étaient plus toutes valables le 2 février 2023, date à laquelle, selon les propres déclarations de la commune, la commission d’appels d’offres a procédé à l’attribution du marché. Par suite, le marché ne pouvait pas lui être attribué sans qu’à tout le moins il ait avant cette date, et dans le délai prévu par l’article 8.2 précité, remis à la commune, pour chacun de ses membres, de nouvelles attestations de fourniture des déclarations sociales et de paiement des cotisations et contributions sociales en cours de validité. La méconnaissance de l’article 8.2 du RC fait obstacle à ce que le marché lui soit attribué. Sauf à priver d’effet les dispositions de l’article 8.2, qui plus est en portant atteinte au principe d’égalité de traitement des candidats, ce manquement ne saurait être corrigé dans le cadre de la procédure de passation en litige. Le marché ne peut donc plus être attribué au candidat ayant présenté la meilleure offre et les dispositions de l’article L.2152-7 du code de la commande publique interdisent qu’il le soit à un candidat n’ayant pas présenté la meilleure offre. Il en résulte que la commune ne peut pas poursuivre la procédure de passation en litige en respectant ses obligations de mise en concurrence qui lui imposent, notamment, d’attribuer le marché au soumissionnaire qui a présenté l’offre économiquement la plus avantageuse. Il s’ensuit que cette procédure, bien qu’elle n’ait fourché qu’au stade de l’attribution du marché, doit être annulée dans sa totalité ».

publié le 11 mai 2023

 

Informer les candidats que le RC est modifié sans le modifier effectivement ne suffit pas

TA Martinique, ord. 21 avril 2023, Sté ANTEA France, n°2300198

Dans cette affaire, une collectivité avait mis en œuvre une procédure de passation pour attribuer deux lots d’un marché de travaux, prévoyant dans l’avis de marché et le RC qu’« un seul lot sera attribué par opérateur économique, ceci dans le but d’assurer la disponibilité optimale du titulaire retenu sur ledit lot  ».

Un avis rectificatif avait modifié cette information du seul avis de marché initial, et une deuxième version du DCE avait été mis en ligne. Le RC était resté inchangé, mais une note d’information accompagnait cette nouvelle version du DCE. Cette note d’information indiquait aux candidats que la rubrique « cumul de lots », laquelle énonce la règle de limitation à un lot maximum pouvant être attribué à un même opérateur, était supprimée du règlement de consultation commun aux lots 1 et 2. Le juge relève que « toutefois, il résulte de l’instruction que l’article 2 du règlement de consultation est demeuré inchangé, d’une part, en ce qui concerne la rubrique « cumul de lots » et, d’autre part, en ce qui concerne la rubrique « dossier de consultation » en n’intégrant pas la note d’information à la liste énumérative et exhaustive des pièces constitutives du dossier de consultation. Dès lors, à défaut de modification non équivoque du règlement de consultation s’agissant des modalités d’attribution des lots, et ainsi que le fait valoir la société requérante dans ses écritures, l’avis de marché rectificatif en date du 31 décembre 2023 n’a pas eu pour effet de modifier le règlement de la consultation, dont la collectivité était tenue de respecter les mentions ».

Dès lors, selon le magistrat « à défaut de modification non équivoque du règlement de consultation publié le 21 décembre 2022, s’agissant des modalités d’attribution des lots, le pouvoir adjudicateur était tenu de respecter les mentions de ce règlement. En attribuant les deux lots du marché en litige à la société Ginger Geode, la communauté d’agglomération du centre de la Martinique a commis un manquement aux obligations de publicité et mise en concurrence qui s’imposent au pouvoir adjudicateur. Ce manquement a été susceptible de léser la société Antea France, classée en deuxième position au terme de l’analyse des offres, qui, si le pouvoir adjudicateur avait respecté la règle définie selon laquelle un même attributaire ne peut se voir attribuer qu’un seul lot, aurait pu remporter l’un des lots du marché. A supposer même, comme l’invoque la collectivité pour la première fois devant le juge des référés, que l’irrégularité de l’offre de la société Antea soit établie, ce manquement était néanmoins susceptible de la léser en la privant du bénéfice d’une nouvelle procédure de passation. Enfin, la circonstance que la société Antea France n’a pas sollicité d’informations complémentaires ainsi que le permettait l’article 5 du règlement de consultation, ne saurait la priver de la possibilité d’invoquer ce manquement ».

Si cette décision peut paraître, à première vue sévère pour l’acheteur (l’info ayant été globalement communiquée aux candidats) on ne peut que saluer l’application souple de la lésion par le juge.

publié le 26 avril 2023

 

Quand une demande de précision…est en réalité une négociation illégale

TA Strasbourg, ord. 20 avril 2023, Sté GCM, n°2302128

On sait que dans le cadre d’un appel d’offres, l’acheteur ne peut pas négocier avec les soumissionnaires. Il lui est seulement possible de leur demander de préciser la teneur de leur offre si celle-ci lui paraît ambiguë ou incertaine, ou l’inviter à rectifier ou à compléter cette offre. Toutefois, le candidat ne peut alors en modifier la teneur (article R.2162-2 du code e la commande publique).

Au cas d’espèce, la collectivité européenne d’Alsace avait lancé une procédure d’appel d’offres ayant pour objet la réalisation de travaux de terrassements, d’assainissement et de chaussées. Or, par un courrier transmis à un candidat (finalement déclaré attributaire) en cours de procédure, la collectivité lui avait demandé d’indiquer « pour chaque cas les moyens que vous prévoyez de mobiliser pour pallier ce risque [de dérive des travaux] et les incidences prévisibles sur le montant de votre offre ». Le magistrat relève à cet égard qu’« il résulte de la formulation même d’une telle question que l’évaluation du risque de dérive des travaux, dans l’offre initiale, ne mentionnait ni les moyens susceptibles d’être mobilisés, ni les conséquences sur le montant de l’offre. Par suite, ces moyens supplémentaires et ce surcoût n’étaient pas prévus dans l’offre remise au pouvoir adjudicateur, de sorte que cette demande s’analyse, en réalité, non comme une demande tendant à faire préciser des éléments déjà existants, mais comme une demande qui ne pouvait qu’avoir comme effet de conduire la société ADAM TP à rajouter de nouveaux éléments techniques et financiers, et donc à modifier la teneur de son offre, en méconnaissance de l’article R.2161-2 du code de la commande publique. La société GCM est dès lors fondée à soutenir que la demande adressée à la société ADAM TP était irrégulière ».

Le juge relève par ailleurs que cette demande était susceptible d’améliorer la notation de la société attributaire au regard des différents critères de choix et donc susceptible de léser le candidat évincé requérant. La procédure est donc annulée au stade de l’analyse des offres.

Les acteurs doivent donc faire particulièrement attention lorsqu’ils souhaitent faire préciser une offre en procédure formalisée, et ne pas violer la frontière de la négociation interdite.

publié le 24 avril 2023

 

Calcul de TVA : petite erreur, grosse conséquence

TA Nîmes, ord. 17 avril 2023, SARL CPU, n°2301120

Qui n’a jamais fait d’erreurs de calcul ? Malheureusement pas ce candidat évincé, qui avait commis une erreur de calcul de TVA dans son DQE servant à comparer les offres financières.

Plaidant la bonne foi et l’erreur purement matérielle, il a contesté son rejet pour irrégularité.

Il est vrai que la position de l’acheteur peut être regardé comme sévère. Mais le juge va valider ce rejet, en considérant « qu'il est interdit au pouvoir adjudicateur de modifier ou de rectifier lui-même une offre incomplète, comme telle irrégulière. Si le pouvoir adjudicateur n'est pas tenu d'inviter un candidat à préciser ou à compléter une offre irrégulière, il peut toutefois demander à un candidat des précisions sur son offre si celle-ci lui paraît ambiguë ou incertaine, ou l'inviter à rectifier ou à compléter cette offre sans que le candidat puisse alors en modifier la teneur. Il résulte de l'instruction que le DQE imposait le calcul d'un montant total Toutes Taxes Comprises (TTC). Il est constant que l'offre de la SARL CPU comprend une erreur de calcul de TVA dans le DQE, ainsi que le reconnaît d'ailleurs la société requérante. Par suite, et dès lors que la collectivité publique n'est jamais tenue de faire régulariser une offre, et qu'en l'espèce, les renseignements sollicités, dont la carence est constatée, sont nécessaires à l'appréciation des offres, c'est à bon droit que l'offre de la SARL CPU a été écartée comme irrégulière par le département du Gard. Par suite, le seul moyen soulevé par la société requérante dans ses écritures doit être écarté ».

Si les acheteurs veulent faire adhérer les entreprises à la commande publique et leur donner envie de répondre plus souvent (diversité de réponses pour l’acheteur, concurrence plus saine – bref que des avantages a priori) peut être faudrait-il commencer par user des quelques facilités offertes par le code et éviter une trop grande rigidité, comme en l’espèce….

publié le 19 avril 2023

 

Un EPIC de l’Etat qui oublie une clause de révision des prix ? ça passe crème…et c’est grave

TA Rennes, ord. 14 avril 2023, Sté Chantiers Piriou, n°2301645

Dans le contexte économique actuel, voici une ordonnance qui passe mal.

L’IFREMER a mis en œuvre une procédure d’appel d’offres relative à la construction d’un navire de recherche semi-hauturier, sans toutefois prévoir de clause de révision de prix, ce qui, s’agissant d’un EPIC de l’Etat, laisse songeur (faites ce que je dis, pas ce que je fais...).

Après avoir rappelé les dispositions de l’article R.2112-14 du code de la commande publique, le juge va constater le manquement à ses obligations de publicité et de mis en concurrence commise par l’IFREMER : « aux termes de l’article R.2112-14: « Les marchés d’une durée d’exécution supérieure à trois mois qui nécessitent pour leur réalisation le recours à une part importante de fournitures, notamment de matières premières, dont le prix est directement affecté par les fluctuations de cours mondiaux comportent une clause de révision de prix incluant au moins une référence aux indices officiels de fixation de ces cours, conformément aux dispositions de l’article R. 2112-13. ». Il résulte de ces dispositions que, lorsqu’au moment de la passation d’un marché il est établi que celui-ci nécessite pour sa réalisation le recours à une part importante de fournitures, notamment de matières premières, dont le prix est directement affecté par les fluctuations de cours mondiaux, le contrat doit comporter une clause de révision de prix établie en fonction d’une référence aux indices officiels de fixation de ces cours. Il résulte de l’instruction que la durée d’exécution du marché litigieux est supérieure à trois mois. Il n’est pas sérieusement contesté que sa réalisation nécessite le recours à une part importante de fournitures dont le prix est directement affecté par les fluctuations des cours mondiaux. Ce marché doit, dès lors, comporter une clause de révision de prix incluant une référence aux indices officiels de fixation de ces cours. Il est constant que ce marché ne comporte aucune clause de révision de prix. Compte-tenu de l’incidence des clauses du contrat relatives aux prix et à leur révision sur la formation des offres des candidats, notamment en fonction des capacités financières respectives de ces derniers, cette méconnaissance des dispositions de l’article R.2112-14 du code de la commande publique constitue un manquement de l’Ifremer à ses obligations de mise en concurrence ».

Jusqu’à la rien d’anormal. Mais c’est encore une fois sur la lésion que le bas blesse. En effet, le juge après pourtant avoir explicitement relevé « l’incidence des clauses du contrat relatives aux prix et à leur révision sur la formation des offres des candidats » va botter en touche en considérant que le manquement n’était pas susceptible de léser le candidat, sans la moindre justification : « il ne résulte pas de l’instruction que ce manquement, eu égard à sa portée et au stade de la procédure auquel il se rapporte, aurait lésé ou serait susceptible d’avoir lésé le groupement des sociétés Chantiers Piriou et Mauriac, qui a pu présenter utilement une offre et ne précise pas en quoi le chiffrage de son offre, notamment financière, en aurait été rendu particulièrement difficile ».

Enième illustration des dérives de la jurisprudence Smirgeomes sur laquelle il serait grand temps de revenir.

publié le 17 avril 2023

 

Validation de l’exclusion des candidats ayant un lien organique ou capitalistique avec des entités susceptibles d'être contrôlées dans le cadre de l'exécution du marché

CE, 12 avril 2023, ONF, n°466740

L’ONF avait mis en œuvre une procédure de passation d’un marché public portant sur des missions de travail aérien sur l'ensemble du territoire de la Guyane, dans le cadre duquel une surveillance d’activités professionnelles d'exploitation du sol ou du sous-sol pouvait être réalisée depuis le ciel.

Une clause prévoyait donc expressément que « les opérateurs économiques ayant un lien organique ou capitalistique avec une personne physique et/ou morale exerçant une activité professionnelle, soit d'exploitation du sol ou du sous-sol (extraction minière notamment), soit étroitement liée à ce secteur d'activité, ne peuvent pas candidater à la présente consultation ».

En première instance le juge des référés du TA de Guyane avait enjoint à l’ONF de supprimer cette clause, analysée comme une condition d’exécution discriminatoire, d'en informer les opérateurs économiques et d'ouvrir un nouveau délai de réception des offres au moins égal à cinquante jours.

Saisi d’un pourvoi, le juge annule l’ordonnance en considérant que la clause n’est pas une condition d’exécution du marché mais bien une condition de participation à la procédure : « la clause contestée par la société Héli-Cojyp, qui vise à exclure des candidats de la consultation, a pour objet d'assurer l'indépendance de l'attributaire du marché et de ses pilotes vis-à-vis des entités ou activités susceptibles d'être contrôlées dans le cadre de l'exécution de ce marché. Elle doit ainsi être regardée comme une condition de participation à la procédure de passation propre à garantir les capacités professionnelles des candidats nécessaires à l'exécution du marché, au sens des dispositions de l'article L. 2142-1 du code de la commande publique ».

Puis le Conseil d’état rappelle les conditions de légalité de telles conditions de participation et va valider la clause au cas d’espèce, celle-ci étant justifiée dès lors qu’elle n’est ni manifestement dépourvue de lien avec l'objet du marché ni manifestement disproportionnée : « le juge du référé précontractuel ne peut annuler une procédure de passation d'un marché pour manquement du pouvoir adjudicateur à ses obligations de fixer des niveaux minimaux de capacité liés et proportionnés à l'objet du marché résultant de l'article L.2142-1 du code de la commande publique que si l'exigence de capacité imposée aux candidats est manifestement dépourvue de lien avec l'objet du marché ou manifestement disproportionnée ; que le marché en cause porte sur la réalisation de missions héliportées, comptabilisées en heure de vol, ayant notamment pour objet la surveillance des activités minières légales et illégales, et que la bonne exécution de ces missions impose des exigences de confidentialité et d'indépendance des pilotes vis-à-vis notamment des personnes susceptibles de faire l'objet de cette surveillance. Par suite, et alors qu'il est manifeste, en l'état de l'instruction, qu'aucune des autres modalités que la société Héli-Cojyp présente comme alternatives à la clause litigieuse n'aurait permis à l'ONF de garantir que les candidats disposent des capacités professionnelles nécessaires à l'exécution du marché compte tenu des exigences de confidentialité et d'indépendance précitées, la clause litigieuse, imposant aux candidats à ce marché de n'avoir ni lien organique ni lien capitalistique avec une personne physique ou morale exerçant une activité d'exploitation du sol ou du sous-sol, n'est ni manifestement dépourvue de lien avec l'objet du marché ni manifestement disproportionnée ».

La clause litigieuse n’était donc pas constitutive d'un manquement de l'ONF aux principes d'égalité de traitement des candidats et de libre accès à la commande publique ou à ses obligations de publicité et de mise en concurrence, et ne devait donc pas être écartée.

publié le 13 avril 2023

 

Offre dénaturée, procédure annulée

TA Toulouse, 6 avril 2023, Sté Socotec, n°2301257

Si le moyen de la dénaturation de l’offre est quasiment systématiquement soulevé par les candidats évincés à l’appui de leurs requêtes en référé précontractuel, il n’est que très rarement retenu par les juridictions. Et lorsqu’il est retenu, il n’est pas forcément considéré comme ayant lésé le candidat, de sorte que la procédure n’est pas nécessairement annulée.

Or, en l’espèce, s’agissant d’une procédure d’appel d’offres ouvert en vue de l’attribution d’un accord-cadre à bons de commande ayant pour objet les vérifications périodiques des sites d’un département, le juge a retenu la dénaturation sur deux sous-critères (indication des délais et de la personne dédiée) et la lésion (compte tenu de l’écart final de notation), et a donc annulé la procédure  au stade de l’analyse des offres : « s’agissant du sous-critère « délais d’exécution des demandes contractuelles ou report de date ou contre-visite » pour lequel les sociétés requérantes ont obtenu la note de 12 sur 15, le courrier de rejet indique, pour justifier cette décote, que « les délais d’intervention, sont précisés et conformes sauf pour les contre-visites ». Selon le CCTP, la réalisation éventuelle d’une contre-visite s’entend lorsqu’apparaît un désaccord entre l’administration et le prestataire en charge des vérifications, un tel désaccord pouvant raisonnablement être interprété comme l’expression, par l’administration, de réserves. Or la proposition de la société Socotec, telle qu’elle a été portée dans le cadre de réponse, était libellée comme suit : « Les délais de planification suite à une annulation, des levées de réserves ou des demandes en sus du présent marché (planification et génération d’un rapport) vont de 48 heures pour la partie planification jusqu’à 15 jours pour la remise du rapport. ». En estimant que l’offre présentée par la requérante ne précisait pas les délais des contre-visites, le département de la Haute-Garonne en a méconnu les termes et l’a donc dénaturée. S’agissant du sous-critère «effectifs » pour lequel la société requérante a obtenu une note de 7 sur 10, le courrier de rejet fait état de ce que « bien que l’organisation de la société réponde aux attentes, des précisions auraient pu être apportées sur le rôle des planificateurs et, en ce qui concerne les effectifs, les noms ne correspondent pas tous aux CV. Enfin, votre société dispose certes d’une accréditation COFRAC mais celle-ci concerne uniquement la partie électricité et thermique. ». Or il ressort de l’attestation qui a été produite par la société qu’elle dispose de l’ensemble des accréditations requises pour l’exécution du marché en litige. La société apparait ainsi fondée à soutenir que le département de la Haute-Garonne, en appréciant comme il l’a fait leur offre au regard de ce sous-critère, en a méconnu les termes et l’a donc dénaturée. Alors que l’écart de notation entre l’offre de la société attributaire et de la requérante n’est que de 3,18 points, les dénaturations relevées ont pu avoir pour effet de minorer la notation attribuée à cette dernière offre d’un maximum de 6 points, de sorte que ces dénaturations sont susceptibles d’avoir lésé la société Socotec ».

publié le 12 avril 2023

 

Sous-critère de la « politique RSE de la société », oui si c’est dédié !

TA Paris, ord. 5 avril 2023, Sté Kéolis, n°2304294

Nouvelle jurisprudence sur le critère RSE. Cette fois-ci le contentieux portait sur une procédure de passation d’une DSP pour l’exploitation de lignes de bus. Les offres ont été analysées sur la base de 5 critères, dont « la qualité du volet social, sociétal et organisation » pour 15%, comprenant trois sous-critères, à savoir la « reprise du personnel et projet social », l’« organisation, plan de transition et sûreté » et « la politique RSE de la société dédiée ».

Le candidat évincé mettait en avant l’illégalité de ce dernier sous-critère, constituant un critère relatif à la politique générale de l’entreprise en matière sociale et sociétale, indépendamment de l’objet ou des conditions d’exécution propres à la concession en cause.

Or, le juge va rejeter l’argument, au motif que la politique sociétale concerne justement la société dédiée, à créer par l’attributaire pour l’exploitation du service : « Si le pouvoir adjudicateur peut, pour sélectionner l’offre économiquement la plus avantageuse, mettre en œuvre des critères comprenant des aspects sociaux, c’est à la condition, notamment, qu’ils soient liés à l’objet du marché ou à ses conditions d’exécution. A cet égard, des critères à caractère social, relatifs notamment à l’emploi, aux conditions de travail ou à l’insertion professionnelle des personnes en difficulté, peuvent concerner toutes les activités des entreprises soumissionnaires, pour autant qu’elles concourent à la réalisation des prestations prévues par le marché. Ces dispositions n’ont, en revanche, ni pour objet, ni pour effet de permettre l’utilisation d’un critère relatif à la politique générale de l’entreprise en matière sociale, apprécié au regard de l’ensemble de son activité et indistinctement applicable à l’ensemble des marchés de l’acheteur, indépendamment de l’objet ou des conditions d’exécution propres au marché en cause. Dans le cadre du sous-critère 5.3 « la politique RSE de la société dédiée », les candidats étaient invités à détailler les mesures particulières qu’ils envisageaient de mettre en œuvre au titre de leur politique RSE au sein de la société dédiée. Par suite, dans la mesure où les informations demandées aux candidats portaient sur la structure dédiée à l’exécution de la concession et non sur la politique générale de l’entreprise, la société requérante n’est pas fondée à soutenir qu’IDFM aurait mis en œuvre un critère illégal de sélection des offres sans lien avec l’exécution des prestations de la concession ».

Selon le juge, puisque l’objet social de la société dédiée est exclusif au service en cause, sa politique RSE ne peut donc être qu’en lien direct avec l’objet du service. Un tel raisonnement n’est effectivement pas dénué de pertinence, mais n’apparait pas non plus totalement convaincant dès lors que les sociétés dédiées sont souvent des « coquilles vides » qui ne font qu’appliquer les directives de la société qui l’a créée. Et certaines PME ont, bien souvent, comme seul objet d’exécuter un même type de contrat ; pour autant leur politique RSE n’apparait pas dans un tel cas en lien direct avec l’objet du marché qu’els se voient attribuer.

publié le 11 avril 2023

 

Collecte des déchets en bacs et en colonne : prestations distinctes mais globalisables

TA Montpellier, ord. 3 avril 2023, Sté Méditerranéenne de Nettoiement, n°2301260

Dans cette affaire, un candidat évincé demandait, pour plusieurs motifs, l’annulation de la procédure de passation du marché public de collecte des déchets ménagers de la ville de Narbonne et des points d'apports volontaires du territoire du Grand Narbonne. L’un de moyens soulevés résidait dans l’absence d’allotissement des prestations distinctes prévues au marché, à savoir la collecte de déchets en bacs et la collecte des déchets en colonnes. Dans un premier temps, le juge valide l’existence de prestations distinctes : « il est constant que le marché en litige comprend deux prestations de collecte, d'une part, les déchets en bacs de la ville et, d'autre part, les déchets en colonnes (enterrées et aériennes) sur l'ensemble du territoire du Grand Narbonne, prestations qui, en général, font appel à des véhicules de collecte équipés différemment et qui peuvent, en principe, s'exécuter selon deux marchés distincts, comme cela était du reste le cas précédemment. Le marché en litige fait donc manifestement appel à des prestations distinctes relevant de lots séparés au sens de l'article L.2113-10 du code de la commande publique ». Néanmoins, le juge va rejeter le moyen au motif que le pouvoir adjudicateur a apporté des justifications suffisantes au regroupement de ces deux prestations, notamment en raison de la mutualisation des moyens matériels, limitant les émissions de Co2, et au regard du risque d’absence de concurrence sur le lot « collecte des déchets en colonne », prestations économiquement peu attractives.

Sur la base de ces justifications le juge écarte tout erreur manifeste d’appréciation dans la décision de recourir à un marché global : « que la mutualisation de moyens matériels et humains est techniquement possible, notamment par le recours à des véhicules de collecte " mixte ", ce qui est de nature à générer des économies en points de collecte et dans les rejets de CO2. D'autre part, les prestations de collecte des déchets en colonnes ne représentant, pour le marché passé en 2019, que 17,9% de la valeur du marché d'enlèvement des ordures en bacs portant sur la Ville conclu avec la requérante en 2017, la communauté d'agglomération établit qu'en renonçant, pour le présent marché, à l'allotissement, elle a souhaité éviter le risque non négligeable d'une absence de concurrence sur le lot correspondant à ces prestations économiquement moins attractives. Par suite, la communauté d'agglomération, qui a préalablement motivé au règlement de la consultation, comme l'exigent les dispositions précitées de l'article L.2113-11 du code de la commande publique, son choix de déroger à l'allotissement, n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation ».

La procédure sera tout de même annulée pour un tout autre moyen, tiré de la modification du DCE après le délai fixé au RC : « le DCE a été modifié, le 11 octobre 2021, soit six jours après la date limite de remise des offres, la communauté d'agglomération ayant adressé aux deux soumissionnaires un document " OUV6 " intitulé " demande de précisions ou compléments sur l'offre " portant notamment sur les modalités de calcul du " bilan carbone ", où il leur était demandé de renseigner une nouvelle annexe " Flotte auto " avec deux différences notables par rapport à la version initiale prévue au RC, d'une part, les rejets de gaz à effet de serre (GES) devaient être exprimés non plus en " kgCo2/km " mais en " kgCo2/L ", d'autre part, il était demandé de prendre en compte les valeurs de rejet des différents carburants fournis par le référentiel ADEME, donc en lieu et place de celles issues de la norme WLTP seule initialement mentionnée. Or, cette annexe, qui a valeur contractuelle, ne pouvait faire l'objet d'une modification, en admettant même qu'elle puisse être considérée comme mineure selon les termes de l'article 4 du RC, que dans les 11 jours avant la date de limite des offres. Par suite, en ayant modifié un document à valeur contractuelle, indispensable à l'appréciation des offres, postérieurement à la date de remise des offres, la communauté d'agglomération a méconnu son propre règlement, ce qui constitue un manquement aux obligations de mise en concurrence », un tel manquement ayant lésé le candidat selon l’ordonnance.

publié le 7 avril 2023

 

Répondre à une demande de précisons équivaut à confirmer la prolongation de la durée de validité de offres

TA Marseille, ord. 28 mars 2023, Sté Uretek France, n°2302282

Ordonnance très pédagogique rendue dans ce contentieux par le juge des référés du TA de Marseille.

Dans cette affaire, la date limite de remise des offres était fixée au 21 avril 2022 et le délai de validité des offres était de 120 jours, soit jusqu’au 21 aout 2022, le marché ayant été attribué en janvier 2023, soit bien au-delà de cette date de validité. Néanmoins, la procédure avait été partiellement annulée par une première ordonnance de référé le 12 aout 2022 et lors de la reprise de la procédure, le pouvoir adjudicateur avait adressé, le 8 novembre 2022, une demande de précisions, à laquelle les candidats avaient répondu le 18 novembre. A compter de cette date, l’attribution en janvier 2023 pouvait être valablement considéré comme effectuée dans le délai de validité des offres. Et c’est ce que vient de juger le TA : « le dépassement de délai de validité des offres et l’absence de prorogation sont constitutifs d’un manquement aux règles de publicité et de mise en concurrence. Ne méconnaît pas ses obligations de publicité et de mise en concurrence une collectivité publique qui notifie à une entreprise candidate sa décision de ne pas retenir sa candidature postérieurement à l’expiration du délai de validité des offres, dès lors que la décision d’écarter cette candidature a été prise avant l’expiration de ce délai. Il résulte de l’instruction, et notamment de l’article 2-10 du règlement de la consultation « Délai de validité des offres », que le délai de validité des offres était de 120 jours et courrait à compter de la date limite fixée pour la remise des offres soit à compter du 21 avril 2022 à 17 heures. Toutefois, il résulte également de l’instruction que postérieurement à l’ordonnance n° 2206089-2206200 en date du 12 août 2022, la commune de Castellane a décidé de reprendre la procédure au stade de l’analyse des offres et qu’elle a transmis par courrier du 8 novembre 2022 à la société Freyssinet, le courrier du maître d’œuvre « Géotechnique Science de la terre SAS » en date du 7 novembre 2022 qui lui demande dans le cadre de l’analyse de l’offre de préciser « les modalités d’exécution en confirmant notamment la prise en compte d’une intervention en deux phases conformément aux prescriptions du CCTP avec le traitement des fondations de l’existant et du sol d’assise des nouveaux appuis après leur réalisation dans un deuxième temps selon le planning fourni » ainsi que de confirmer son offre de prix. Il résulte de l’instruction que par un courrier du 18 novembre 2022 la société Freyssinet a répondu à cette demande en apportant les précisions demandées relatives à l’exécution en deux phases ainsi qu’en confirmant « le prix remis au 21 avril 2022, soit 222 350 euros HT ». Par suite, la demande de précisions et de confirmation en date du 8 novembre 2022 doit être nécessairement regardée comme une demande de prorogation de la durée de validité des offres et la réponse du 18 novembre 2022 comme une confirmation expresse de la durée de validité de l’offre de la société Freyssinet. Au surplus, il ressort de l’examen du rapport d’analyse des offres que la commune de Castellane a adressé la même demande de précisions sur son offre le 7 novembre 2022 à la société Uretek France qui a répondu le 25 novembre suivant puis a été auditionnée au cours d’une réunion de présentation des offres le 23 janvier 2023 en présence des membres de la commission d’appel d’offres et du maître d’œuvre. En conséquence, la commune de Castellane n’a nullement manqué aux règles de publicité et de mise en concurrence, le moyen tiré du dépassement de la durée de validité des offres doit être écarté ».

Moralité, quand le délai de validité est dépassé, il convient, si le candidat veut contester par la suite la procédure de le signaler à l’acheteur et de ne plus répondre positivement à ses demandes.

publié le 30 mars 2023

 

Offre transmise par mail et ouverte avant la DLRO : pas nécessairement de manquement

TA Toulon, ord. 22 mars 2023, Société des Eaux de Marseille, n°23005556

La procédure en cause était une procédure de délégation de service public pour l’exploitation du service d’assainissement collectif. Le RC précisait que les offres seraient transmises sur la plateforme de dématérialisation, mais que « si la Présidente décide d’engager des négociations avec un ou plusieurs candidats, le mail pourra être utilisé ».

Un candidat évincé avait ainsi envoyé son offre finale par mail le 5 janvier 2023 à 14h40, mail lu le 5 janvier 2023 à 14h45 soit 21 heures avant la date limite de remise des offres finales. Ce candidat mettait ainsi en avant la violation du principe de confidentialité, et le fait que des éléments de son offre ont pu être transmis à un autre candidat.

Le juge va néanmoins rejeter ce moyen en relevant que si le mail ne présente aucune garantie de confidentialité, le délai entre la lecture du mail et la DLRO était très court, l'acheteur ayant en outre certifié ne pas avoir pris connaissance du contenu de l'offre : « la remise des offres finales sur support dématérialisé dans les circonstances sus évoquées, si elle n’offre pas de garantie de confidentialité des offres, n’a pu, dans les circonstances de l’espèce, porter d’atteinte à ce principe dès lors que la quasi-simultanéité de remise des offres à quelques minutes de l’heure limite a fait matériellement obstacle à ce qu’un soumissionnaire bénéficie d’information sur les offres concurrentes et modifie en conséquence son offre. Enfin, la circonstance que l’offre finale de la société requérante ait été téléchargée avant l’expiration du délai prescrit pour la déposer, n’a pu, en l’espèce, donner lieu à des fuites d’informations, la directrice des marchés de la Communauté d’Agglomération Sud Sainte Baume ayant certifié sous sa responsabilité n’avoir fait que procéder à ce téléchargement sans prendre connaissance du contenu de l’offre ».

Il n’est donc jamais inutile, pour acheteur, en référé précontractuel d'établir des attestations sur l'honneur pour prouver la régularité de la procédure.

publié le 27 mars 2023

 

Le candidat dont l’offre est jugée irrégulière à tort est bien lésé par ce manquement, même si son offre a été (mal) classée

TA Toulouse, ord. 20 mars 2023, Sté CVH, n°2301007

Dans cette affaire, la direction régionale Occitanie de Pôle emploi avait lancé une procédure en vue de l’attribution d’un marché ayant pour objet la mise en œuvre de prestations de service d’insertion professionnelle de type « valoriser son image pro » à destination des personnes à la recherche d’un emploi en région Occitanie.

L’offre d’un candidat avait été considérée comme irrégulière, au motif qu’elle ne respecterait pas une prescription du cahier des charges. Elle avait donc été jugée irrégulière, mais avait néanmoins fait l’objet d’une analyse et d’un classement fictif (et à part) qui ne lui permettait pas de se voir attributaire du marché. Le pouvoir adjudicateur en défense faisait donc valoir à titre subsidiaire l’absence de lésion au sens de la jurisprudence Smirgeomes.

Le juge des référés, après avoir constaté que l’offre était bien régulière (le candidat ayant en réalité  respecté le cahier des charges) ne suit pas ce raisonnement et juge que le fait de juger irrégulière une offre régulière constitue un manquement qui lèse ce candidat, quel que soit l’éventuel rang de classement obtenu :  « Si Pôle Emploi fait valoir que la société C.V.H. ne saurait être lésée dès lors que l’analyse de son offre, à laquelle il a été procédé en affectant fictivement les notes maximales au sous-sous-critère sur lequel elle a été estimée défaillante, la place en toute hypothèse en position de ne pas être attributaire des deux lots auxquels elle postule, la décision du 17 février 2023 par laquelle cette offre a été déclarée irrégulière a fait obstacle à ce que la commission des marchés du pouvoir adjudicateur procède à une analyse complète et simultanée de l’ensemble des offres. Par ailleurs, ainsi que le fait valoir la société requérante, elle ne pouvait, dans le cadre de la présente instance, se prévaloir que des manquements tenant à la contestation de l’irrégularité de son offre et éventuellement d’autres manquements qui sont liés, ou qui pourraient être indirectement la cause, de cette irrégularité, et, du fait de ce rejet pour irrégularité, elle a été privée de la possibilité de demander les caractéristiques et avantages de l’offre retenue ainsi que le nom de l’attributaire du marché. Dans ces conditions, il y a lieu de regarder la société C.V.H. comme justifiant d’un intérêt lésé ».

Cette position apparaît heureuse, tant la jurisprudence Smirgeomes a été dévoyée depuis l’origine.

publié le 23 mars 2023

 

Piqûre de rappel du Conseil d’Etat sur la qualité de la réponse d’un candidat interrogé suite à une suspicion d’OAB

CE, 14 mars 2023, communauté d'agglomération du Grand Cahors, n°465456

Dans cette décision, le Conseil d’Etat (qui annule une ordonnance de référé précontractuel, décidément) rappelle que lorsqu’un candidat est interrogé à la suite d’une suspicion d’offre anormalement basse, il doit fournir des explications précises, détaillées et justifiées par des pièces. A défaut, le rejet de son offre comme anormalement basse ne constitue pas une erreur manifeste d’appréciation de la part de l’acheteur : « par lettre du 1er avril 2022, la communauté d'agglomération a demandé à la société Chassaing TP d'apporter, d'une part, les explications générales de nature à justifier les prix proposés, lesquels étaient en deçà de l'estimation et de la moyenne des autres offres avec des écarts importants et, d'autre part, tous éléments justificatifs pour une liste non exhaustive de prestations dont les coûts et prix apparaissaient incohérents. Au vu de la réponse de la société, le président de la communauté d'agglomération a rejeté son offre comme anormalement basse. Il a relevé, en premier lieu, que la société n'avait pas produit d'explication générale sur les tarifs appliqués, lesquels apparaissaient particulièrement bas en comparaison de l'estimation du pouvoir adjudicateur et des prix résultants des offres concurrentes, en deuxième lieu, que les détails complémentaires demandés pour certaines prestations n'apparaissaient pas en adéquation avec le descriptif du chantier-exemple produit dans le mémoire technique de l'entreprise, en troisième lieu, que les détails complémentaires demandés pour certaines prestations comportaient toujours des imprécisions et carences et, en dernier lieu, que les réponses apportées par la société Chassaing TP comportaient des incohérences dans les justifications apportées, ces deux dernières considérations étant assorties d'exemples précis. En estimant que la procédure ainsi suivie par la communauté d'agglomération méconnaissait les obligations de celle-ci rappelées aux points 3 et 4, le juge des référés du tribunal administratif de Toulouse a commis une erreur de droit et dénaturé les pièces du dossier qui lui était soumis ».

publié le 15 mars 2023

 

Critère RSE : nouvelle validation (très contestable) cette fois par le TA de Montpellier

TA Montpellier, ord. 1er mars 2023, Sté Sylamed, n°2300812

Nouvelle pierre à l’édifice jurisprudentiel relatif au critère RSE. Cette fois-ci, un sous-critère visait à noter explicitement la « responsabilité sociétal des entreprises ». Le RC précisait d’ailleurs expressément que « la responsabilité sociétale des entreprises est entendue dans le cadre du présent marché selon la définition retenue par la Commission européenne comme l’intégration volontaire, par les entreprises, de préoccupations sociales et environnementales à leurs activités commerciales et leurs relations avec leurs parties prenantes.() Le candidat présente ainsi dans son offre : 1- Sa démarche RSE : • Visant la réduction des gaz à effet de serre (GES) ; • Ses actions visant la diminution de sa consommation d’électricité ; • Le contrôle de sa production des déchets. Il fournira des informations complémentaires concernant les produits de calage dans ses colis (qualité (chips, papier, coussin, frisure), matière première, mode d’élimination requis) ; • Les principaux publics intégrés affectés à l’exécution du marché (Parité homme / femme ; catégorie d’âge, personnel handicapé). 2- Les éventuelles certifications qu’il justifie, notamment dans [certains] domaines ».

Ainsi rédigé, ce sous-critère semblait devoir être sanctionné, puisque sans rapport direct avec le seul objet du marché (et ce d’autant que le candidat évincé avait obtenu sur ce sous-critère la note de 5/20). Mais pour éviter un tel écueil, le règlement de consultation avait pris soin de préciser que « il est rappelé au candidat qu’au titre des éléments ci-dessous, il n’est pas attendu une liste d’éléments génériques sur la politique RSE de l’entreprise sans lien avec l’objet de l’accord-cadre, mais bien la manière dont celui-ci entend mettre en œuvre ces différents éléments pour l’exécution de l’accord-cadre ». Une telle précision ne semblait néanmoins pas suffisante pour valider la démarche, surement louable, de l’acheteur. Ecrire de quelque chose d’illégal qu’il est légal ne suffit en effet pas à le rendre régulier pour autant.

Et pourtant, cette précision suffit au juge pour valider la sous-critère. En effet, dans son ordonnance le juge indique qu’« il résulte de la rédaction de ce sous-critère que le pouvoir adjudicateur a bien entendu fixer des conditions, directement en lien avec l’objet du marché, dans lesquelles les opérateurs économiques exécuteraient l’accord-cadre, contrairement à ce que soutient la société requérante », mélangeant ainsi allégrement les notions de critères de choix et de conditions d’exécution du marché…

Moralité, les acheteurs peuvent tenter d’intégrer un sous critère RSE en indignant bien la formule « magique » selon lequel il est bien en rapport avec l’objet du marché et espérer la mansuétude du juge.

publié le 20 mars 2023

 

Violation du principe d’impartialité : il faut se méfier de son AMO !

CE, 28 février 2023, Sté Sofratel, n°467455

La commune de Caudry avait souhaité lancer une consultation en vue de la passation d'un marché public de fournitures portant sur l'extension et la maintenance de son système de vidéo-protection urbaine. Pour ce faire, elle a eu recours à un AMO, la société AV Protec, qui avait préconisé l’attribution du marché à un groupement faisant appel à un fournisseur, la société CIPEO, éditeur du logiciel « CANOPY 31 ». Or, le dirigeant de la société AV Protec, AMO, était également le dirigeant de la société CIPEO, fournisseur de l’attributaire…

Un candidat évincé avait donc saisi le juge du référé précontractuel qui avait, étonnement, considéré qu’une telle situation n’était pas constitutive d’un manquement au principe d’impartialité et avait rejeté la requête.

Le Conseil d’Etat va heureusement censurer cette analyse, en considérant que « la société AV Protec a, au titre de sa mission d'assistance à la maîtrise d'ouvrage, participé à l'analyse des offres et à leur notation et a été ainsi susceptible d'influencer l'issue de la procédure. Par suite, en jugeant que la participation de la société AV Protec au déroulement de la procédure de passation du marché litigieux n'était pas de nature à compromettre l'impartialité de l'assistant à la maîtrise d'ouvrage ni, par conséquent, la régularité de la procédure de passation, le juge des référés a inexactement qualifié les faits de l'espèce ». Et d’ajouter qu’« en qu'en faisant participer la société AV Protec à l'analyse et l'évaluation des offres dans le cadre de la procédure de passation du marché litigieux, la commune de Caudry a méconnu le principe d'impartialité et, partant, ses obligations de publicité et de mise en concurrence. En revanche, il ne résulte de l'instruction aucune circonstance de nature à faire naître un doute sur le fait que cette société aurait élaboré le règlement de la consultation et les pièces du marché de façon à favoriser l'offre qui indiquerait utiliser le logiciel commercialisé par la société avec laquelle elle partage des intérêts. Par suite, il y a lieu, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la demande, d'annuler la procédure de passation contestée au stade de l'analyse des offres, et d'enjoindre à la commune de Caudry, si elle entend conclure le marché en litige, de la reprendre à ce stade, sans qu'y participe la société AV Protec ».

Cette affaire constitue par ailleurs une nouvelle illustration de la nécessité qu’il y a de prévoir un recours en cassation efficace contre les ordonnances de référé précontractuel qui rejettent des requêtes. En effet, en l’espèce, le marché aurait pu être signé après l’ordonnance d e1ere instance, ce qui aurait dessaisi le Conseil d’Etat, mais la commune a, semble-t-il, préféré attendre avant de signer et obtenir la position de la haute juridiction. Sans cela, ce manquement serait resté sans suite.

Un tel recours, pour lequel je milite depuis longtemps, apparait d’autant plus nécessaire que depuis quelque temps, la qualité de certaines ordonnances de référés est critiquable.

publié le 2 mars 2023

 

Offres analysées globalement dans un accord-cadre alloti sans maximum : la double tap du TA de Mayotte

TA Mayotte, ord. 20 février 2023, Sté Extenso Mayotte, n°2300644

La caisse de écoles de Dembéni a lancé une consultation en vue de la passation d’un accord-cadre à bons de commande sans minimum ni maximum, alloti en deux lots et ayant pour objet la fabrication et la livraison quotidienne de collations scolaires destinées aux élèves des écoles maternelles et primaires de la commune, les offres de ces deux lots ayant été analysées de manière globale.

Saisi par un candidat évincé, le TA de Mayotte retient coup sur coup deux moyens d’annulation. Dans un premier temps, le juge des référés relève que « le pouvoir adjudicateur n’a pas examiné chaque offre lot par lot, mais a procédé à l’appréciation globale de ces offres, en méconnaissance des dispositions précitées de L. 2152-7 du code de la commande publique. La circonstance, au demeurant inexacte, que les offres présentées contenaient les mêmes propositions, est sans incidence sur le respect de la procédure de passation des lots qui avait été librement choisie par le pouvoir adjudicateur qui ne pouvait, dès lors, s’en affranchir ». On rappellera en effet la règle pourtant bien connue « 1 lot = 1 marché » qui interdit de globaliser une analyse dans le cadre d’un marché alloti.

Dans un deuxième temps, le magistrat souligne, après avoir rappelé la règle issue de l’arrêt Simonsen de la CJUE que « le marché passé sous la forme d’un accord-cadre ne comporte, ni montant minimum, ni montant maximum, sur le fondement du 3° de l’article R. 2162-4 du code de la commande publique. Il résulte de ce qui a été dit au point 7 que ce marché méconnaît ainsi les dispositions de l’article 49 de la directive du 26 février 2014, qui sont d’application directe […] dans ces conditions, et alors que l’accord-cadre en litige relève du champ d’application de la directive du 26 février 2014 mentionnée ci-dessus, la société Extenso Mayotte est fondée à soutenir que la procédure de passation est irrégulière ».

publié le 3 mars 2023

 

Dura lex, sed lex, même pour 29 secondes de retard

TA Versailles, ord. 8 février 2023, Sté Seamed France,2300644

Un candidat ayant déposé son offre à 10h00 et 29 secondes, alors que la DLRO était fixée à 10h00 soutenait que puisque le RC mentionnait la date du 17 janvier 2023 à 10 heures pour la réception des offres, et non " avant 10 heures " ou à " 10 heures 00.00 " ; les secondes ne devaient pas être considérées comme éliminatoires. Il soutenait également que le juge des référés devait être indulgent pour un dépassement aussi minime et qu’au demeurant ce dépassement était aussi imputable à la préparation de la grève du 19 janvier.

Le juge ne va pourtant pas se laisser attendrir, et va valider le caractère irrégulier, car tardif, de cette offre : « la société Seamed France a déposé sur la plateforme des achats de l'Etat (PLACE) deux offres correspondant à deux lots distincts, le 17 janvier 2023 à 10 heures et 29 secondes. Toutefois, ainsi qu'il a été dit au point précédent, le règlement de la consultation prévoyait, de façon claire et dénuée d'ambiguïté, que les dates et heures limites de remise des offres étaient fixées au 17 janvier 2023 à 10 heures 00. Il n'est ni soutenu ni allégué que la société Seamed France ait demandé une prolongation du délai de remise des offres au pouvoir adjudicateur dans les conditions prévues à l'article 9 du règlement de la consultation. Dans ces conditions, cette offre parvenue postérieurement à l'heure limite fixée par les documents de la consultation devait nécessairement être éliminée comme irrégulière ».

publié le 10 février 2023

 

Illustration des manquements dans l’exécution d’un contrat antérieur autorisant une exclusion d’une procédure de passation d’un marché public

TA Bordeaux, ord. 27 janvier 2023, Sté AQIO,2206735

On sait que l’article L.2141-7 du code de la commande publique dispose que « l’acheteur peut exclure de la procédure de passation d’un marché les personnes qui, au cours des trois années précédentes, ont dû verser des dommages et intérêts, ont été sanctionnées par une résiliation ou ont fait l’objet d’une sanction comparable du fait d’un manquement grave ou persistant à leurs obligations contractuelles lors de l’exécution d’un contrat de la commande publique antérieur ».

C’est sur ce fondement que le département de la Gironde a exclu la candidature d’une société d’un marché de travaux, en raison des difficultés d’exécution qu’il avait connu avec ce même candidat sur des précédents marché. La contestation de cette exclusion va permettre au juge de fournir une illustration de ce que peut constituer, pour un candidat, un manquement grave ou persistant à ses obligations contractuelles lors de l’exécution d’un contrat de la commande publique antérieur.

Les 5 manquements reprochés par l’acheteur ayant fondé l’exclusion étaient les suivants : (i) non-respect des clauses contractuelles, notamment les prestations à exécuter en période de préparations telles que décrites dans les documents marché, (ii) non-respect des prescriptions d’ordres de service, (iii) non-respect du rôle et de la mission des assistants à maîtrise d’ouvrage, notamment le maître d’œuvre (exécution de travaux sans visa MOE) et CSPS (non-respect de ses prescriptions ou des mentions du registre journal, (iv) non-déclaration de sous-traitance, (v) réclamations financières récurrentes pour des prestations incluses dans les documents marchés, prévues et prises en compte au stade de l’offre.

Après avoir analysé en détail ces différents manquements (dans 5 considérants très développés) le jugé relève que la société s’est vu appliquer des mises en demeure et des pénalités, et conclut que « la SAS Aqio a fait preuve, en particulier dans la réalisation des travaux de restructuration du collège de Lussac, de manquements graves et persistants à ses obligations contractuelles, qui ont conduit dans certains cas à la mise en œuvre de pénalités. Dans ces conditions, en prononçant, par la décision contestée, l’exclusion de cette société de la procédure de passation de l’accord-cadre multi-attributaires pour la réalisation de divers travaux sur le patrimoine immobilier des collèges publics de compétence départementale, le département n’a pas fait une inexacte application des dispositions précitées de l’article L. 2141-7 du code de la commande publique ».

Bien mise en œuvre, cette disposition permet donc à un acheteur de pouvoir de plus avoir affaire à un titulaire défaillant. Ceci montre également que les titulaires sont tout intérêt à bien exécuter les marchés qui leur sont attribués s’ils veulent continuer à pouvoir répondre à des marchés.

publié le 6 février 2023

 

Rappel (car visiblement ça a du mal à rentrer) : en MAPA, si vous pondérez les critères et les sous-critères, il faut l’annoncer.

TA Nancy, ord. 18 janvier 2023, Sté Boulanger BTP, n°2203796

Enième illustration de l’annulation d’une procédure de passation d’un MAPA qui annonçait des critères et sous-critères dans le RC sans pondération, mais dont le RAO démontrait qu’ils avaient été effectivement pondérés : « en l’espèce, alors même que le marché en cause était un MAPA, soumis à une simple obligation de hiérarchisation des critères, le RC précisait que le mémoire technique serait apprécié au regard des sous-critères suivants : l’organisation du chantier, les contraintes du site, les fournitures, le programme d’exécution et les mesures environnementales, d’hygiène et de sécurité, chacun de ces sous-critères étant lui-même précisé. Il résulte du rapport d’analyse des offres que le critère de la valeur du mémoire technique a finalement été apprécié en fonction de l’organisation de chantier, pour 25 points (lui-même apprécié au regard des moyens en personnel et matériel, pour 8 points, de la qualification et des références des personnes, pour 5 points, de l’interlocuteur référent, pour 2 points, et de la méthodologie des travaux, pour 10 points), des contraintes de chantier, pour 40 points (elles-mêmes appréciées au regard des informations des propriétaires, pour 5 points, du maintien de l’accessibilité, de la circulation et de la gestion de la circulation des engins, pour 10 points, de la zone de chantier, pour 5 points, du stockage et de la décharge, pour 5 points, et de la visite du site, des points sensibles et des photographies annotées, pour 15 points), des fournitures et des fournisseurs, pour 10 points (eux-mêmes appréciés en fonction des fournitures et fournisseurs, pour 5 points, et des fiches techniques, pour 5 points), du programme d’exécution, pour 15 points (lui-même apprécié au regard du programme d’exécution, pour 5 points, de la durée prévisionnelle des travaux, pour 5 points, et du phasage des travaux, pour 5 points), et enfin de l’hygiène, de la sécurité et des mesures environnementales, pour 10 points (elles-mêmes appréciées au regard de l’hygiène et de la sécurité, pour 5 points, et des mesures environnementales, pour 5 points). Eu égard à la nature et à l’importance de cette pondération, les sous-critères mis en œuvre dans l’analyse des offres doivent être regardés comme ayant constitué des critères de sélection. Ainsi, leur pondération et hiérarchisation auraient dû être portées à la connaissance des candidats. Eu égard à l’influence déterminante qu’a pu exercer ce manquement, celui-ci est susceptible d’avoir lésé la société requérante. Ainsi, nonobstant la circonstance que la société requérante n’avait pas sollicité du pouvoir adjudicateur des informations sur la pondération et la hiérarchisation des sous-critères indiqués, il y a lieu d’annuler la procédure de passation dans son intégralité ».

Cette ordonnance illustre également l’importance du RAO dans le cadre d’un référé précontractuel, et souligne à nouveau à quel point la jurisprudence, pourtant constante du conseil d’Etat refusant au juge du référé le pouvoir d’enjoindre à l’acheteur la communication du rapport d’analyse des offres est critiquable.

publié le 27 janvier 2023

 

Si vous souhaitez afficher un prix à 0 euros, indiquez-le expressément, sous peine de rejet de votre offre

TA Besançon, ord. 17 janvier 2023, Sté Easypark, n°2202100

Dans cette affaire, un candidat avait souhaité répondre gratuitement à certains prix du BPU et n’avait pas (ou pas pu) affiché le chiffre zéro dans les cases correspondantes. L’acheteur avait donc jugé que cette offre était irrégulière dès lors que le bordereau des prix unitaires et le détail quantitatif estimatif n'avaient pas été remplis. Dans son recours ce candidat évincé faisait toutefois valoir qu'il n'avait pas omis de remplir ces lignes mais qu'il avait souhaité rendre les prestations afférentes gratuites. Le juge ne pas suivre le requérant et va au contraire considérer que « si la société précise qu'elle a cherché à indiquer un tarif de zéro euro sur les prestations litigieuses, les tableaux, tel qu'ils ont été reçus par la ville, comprenaient des lignes à zéro euro comme dans les documents de consultation, sans aucune précision permettant de comprendre qu'il s'agissait d'un prix de zéro euro. En outre, aucun autre élément de l'offre de la société requérante ne précisait qu'il s'agissait de prestations gratuites dès lors que son mémoire technique évoquait une " optimisation financière ", des " prix très compétitifs ", la " répartition des coûts de la prestation " et le " caractère anormalement bas de son offre ". Il en résulte que la ville ne pouvait déduire sans ambiguïté de son BPU et du DQE que la société entendait rendre les prestations attachées à ces prestations gratuites. En outre, la ville n'était pas tenue de demander des éclaircissements sur ce point à la société. La ville pouvait écarter l'offre de la société requérante comme étant irrégulière sans entacher la procédure de passation en litige d'une méconnaissance des obligations de mise en concurrence ».

Moralité, quand vous souhaitez afficher un prix à 0 euros, indiquez-le expressément dans les documents financiers et en cas d’impossibilité matérielle, précisez ce point dans votre offre ou posez une question à l’acheteur avant de déposer votre offre.

publié le 24 janvier 2023

 

Répondre avec un sous-traitant c’est bien, en justifier c’est nettement mieux !

TA Pau, ord. 9 janvier 2023, Sté AED Groupe, n°2202776

En fonction de l’objet du marché, on a parfois besoin de répondre avec un sous-traitant. Dans ce cas, au stade de l’analyse des candidatures, les capacités technique, professionnelles et financières doivent être prises en compte de manière globale par l’acheteur.

Encore faut-il justifier précisément des capacités du sous-traitant, et de son engagement à exécuter le marché.

En attribuant le marché à deux entreprises n’ayant pas apporté ces justifications, les offices publics de l’habitat Office 64 de l’habitat et Habitat sud Atlantic ont manqué à leurs obligations et la procédure a été annulée : « en ce qui concerne le lot n°1, il n’est pas contesté que la société ADX groupe a justifié de l’ensemble des renseignements exigés relatifs à sa capacité économique et financière, ainsi qu’à ses références professionnelles et à sa capacité technique, à l’exception de l’agrément N2. Il résulte de l’instruction que cette société fait appel à la société Algade en qualité de sous-traitant, qui est titulaire de l’agrément N2 […] les offices publics de l’habitat ne produisent ni la liste des principales prestations réalisées par la société Algade au cours des trois dernières années, ni leurs montants, leurs dates et leurs destinataires. Par ailleurs, ils ne produisent pas non plus l’engagement écrit de cette société de disposer des capacités pour l’exécution des prestations devant faire l’objet d’une sous-traitance. Enfin, les offices publics de l’habitat n’allèguent ni ne démontrent qu’ils ont demandé à la société ADX groupe de compléter leur dossier de candidature afin qu’elle justifie pleinement de ses capacités.

En ce qui concerne le lot n°2, il n’est pas non plus contesté que la société AC environnement a justifié de l’ensemble des renseignements exigés relatifs à sa capacité économique et financière, ainsi qu’à ses références professionnelles et à sa capacité technique, à l’exception de l’agrément N2. S’il résulte de l’instruction que cette société fait appel à la société Performa environnement en qualité de sous-traitant, qui est titulaire de l’agrément N2, les offices publics de l’habitat ne produisent aucun des documents justifiant des capacités professionnelles, techniques et financières de cette société sous-traitante exigés par le règlement de consultation. Par ailleurs, s’ils produisent une attestation de la société AC environnement selon laquelle elle s’engage à sous-traiter au profit de la société Performa environnement la mission de dépistage de radon, ils ne justifient pas non plus de l’engagement écrit de cette société de disposer des capacités pour l’exécution des prestations devant faire l’objet d’une sous-traitance.

Qu’en examinant les offres des sociétés ADX groupe et AC environnement dont les dossiers ne permettaient pas de prendre en compte les capacités professionnelles, techniques et financières d’un opérateur auquel il était envisagé de confier l’exécution d’une partie des prestations du marché, le pouvoir adjudicateur a manqué à ses obligations de mise en concurrence. Le choix d’une offre présentée par un candidat irrégulièrement retenu est, ainsi qu’il a été dit au point précédent, susceptible de l’avoir lésée, quel qu’ait été son propre rang de classement à l’issue du jugement des offres. Par suite, la société requérante est fondée, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres manquements invoqués, à demander, d’une part, l’annulation de la procédure de passation du marché au litige à compter de l’examen des candidatures ».

publié le 23 janvier 2023

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