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Actualités 2025 & 2024
Rejet du référé précontractuel introduit contre la concession du stade de France
TA Montreuil, ord. 6 février 2025, Sté société Consortium Stade de France, n°2500595
Informé par l’Etat de sa décision d’engager des négociations exclusives avec son concurrent, mené par la société GL Events Venues, le Consortium du Stade de France, concessionnaire actuel de l’enceinte sportive, avait saisi le juge d’un référé précontractuel en vue de remettre en cause la régularité de la procédure de passation pour l’attribution du contrat de concession pour les trente prochaines années.
Le juge des référés écarte l’ensemble des moyens par lesquels le Consortium faisait valoir que l’Etat avait manqué à ses obligations de publicité et de mise en concurrence.
En particulier, le juge relève, au regard des éléments produits à l’instruction, que l’Etat n’a pas commis d’erreur manifeste dans l’appréciation des capacités techniques et financières de GL Events Venues. Il estime également que n’est pas fondée la contestation du rôle donné, en cours de passation, aux fédérations sportives, qui ont vocation à être accueillies au sein de l’enceinte du stade. Il écarte aussi la critique de l’intervention et du rôle de certains partenaires techniques auprès de GL Events Venues.
Dans cette ordonnance très riche au regard du nombre de moyens soulevés, l’un est intéressant, relatif à une prétendue méconnaissance de l’obligation de confidentialité qui aurait été commise par l’attributaire pressenti par voie de presse.
Le juge rejette toutefois à l’argument : « que la société GL Events Venues a, par voie de presse, révélé, le 5 janvier 2024, être candidate à l’attribution du contrat de concession pour l’exploitation du Stade de France, a indiqué, le 6 mars 2024, que l’issue de la procédure dépendra du choix de l’Etat « d’opter pour un géant du BTP ou pour le numéro un mondial de l’événementiel », et a publié, le 10 décembre 2024, un communiqué par lequel « elle confirme entrer en négociations exclusives » avec l’Etat, en précisant que la décision finale devrait intervenir à la « fin du mois de janvier ». Il ne résulte pas de l’instruction que la divulgation de ces informations par la société GL Events Venues aurait eu pour objet ou pour effet d’influencer la prise de décision de l’autorité concédante. Dans ces conditions, l’Etat pouvait, sans méconnaître les règles énoncées aux points 40 et 41, estimer qu’il n’y avait pas lieu d’exclure la société GL Events Venues de la procédure de passation ».
publié le 7 février 2025
Soupçons d’entente non levés ? Exclusion validée !
TA La Réunion, ord. 27 janvier 2025, Sté Testoni Réunion, n°2401736
Le code de la commande publique contient plusieurs dispositions relatives à la possibilité, pour un acheteur, d’exclure de sa procédure des candidats qui se retrouveraient dans certaines situations.
Ainsi, l’article L.2141-8 précise que l’acheteur peut exclure de la procédure de passation d’un marché les personnes qui ont fourni des informations trompeuses susceptibles d’avoir une influence déterminante sur les décisions d’exclusion, de sélection ou d’attribution. Plus précisément, l’article L.2141-9 rappelle que l’acheteur peut exclure de la procédure de passation les personnes à l’égard desquelles il dispose d’éléments suffisamment probants ou constituant un faisceau d’indices graves, sérieux et concordants pour en déduire qu’elles ont conclu une entente avec d’autres opérateurs économiques en vue de fausser la concurrence.
L’acheteur qui envisage d’exclure une personne en application de ces dispositions doit néanmoins la mettre à même de fournir des preuves qu’elle a pris des mesures de nature à démontrer sa fiabilité et, le cas échéant, que sa participation à la procédure de passation du marché n’est pas susceptible de porter atteinte à l’égalité de traitement des candidats.
Le candidat soupçonné doit, en réponse, établir qu’il a clarifié totalement les faits et les circonstances en collaborant activement avec les autorités chargées de l’enquête et qu’il a pris des mesures concrètes propres à régulariser sa situation et à prévenir toute nouvelle situation mentionnée aux articles L. 2141-7 à L. 2141-10. Ces mesures sont évaluées en tenant compte de la gravité et des circonstances particulières attachées à ces situations. Si l’acheteur estime que ces preuves sont suffisantes, alors l’exclusion n’est pas prononcée.
C’est ce cas de figure qui s’est présenté au juge de référé du TA de la Réunion. Le SIDELEC avait lancé un appel d’offres pour la poursuite de ses travaux d’électrification rurale. La société Testoni Réunion s’est portée candidate mais a été informée de son exclusion, à l’issue de la procédure contradictoire engagée en cours de procédure au titre d’un soupçon d’entente.
Par un courrier adressé à la société, le SIDELEC avait ainsi exposé les éléments qui le conduisaient à envisager une exclusion au titre de la mise en évidence d’une entente au sens de l’article L.2141-9, ou d’informations trompeuses au sens de l’article L.2141-8, en accordant au candidat un délai de 7 jours au soumissionnaire pour fournir ses explications. Le juge note que « les éléments ainsi avancés, exposés de manière particulièrement détaillée, portaient sur les liens étroits entre les sociétés Testoni Réunion et VRD TP, ainsi qu’entre M. B et M. A C, présents en tant que dirigeants dans les deux sociétés et les autres sociétés du groupe, sur des identités d’adresse, sur une présence commune dans le cadre de précédentes procédures à travers des relations entre titulaire et sous-traitant, par des similitudes de moyens matériels et humains constatés à l’occasion de la procédure actuelle et par le rôle actif joué par M. A dans la confection des documents intégrés aux offres des candidats Testoni Réunion et VRD TP ».
Il s’avère que si dans sa réponse, la société s’est attachée à démontrer que le recours à une sous-traitance confiée à VRD TP est juridiquement possible, à affirmer que chaque entreprise dispose de moyens matériels et humains distincts et à minimiser les similitudes susceptibles d’être constatées entre les offres, le magistrat relève qu’elle « n’a apporté aucune explication sur la consistance des liens entre les deux sociétés et les modalités qui permettraient, nonobstant la présence simultanée des dirigeants Testoni et A au sein des deux entreprises candidates, de garantir le respect par l’acheteur de l’égalité de traitement entre l’ensemble des candidats. Dans ces conditions, c’est à bon droit que, par sa décision du 13 décembre 2024, le SIDELEC a estimé que le soupçon d’entente entre les entreprises Testoni Réunion et VRD TP ne pouvait être levé à la lumière des explications fournies par la société Testoni Réunion, laquelle avait disposé d’un délai suffisant pour apporter ses justifications, et que l’exclusion devait être prononcée par application des dispositions combinées des articles L. 2141-9 et L. 2141-11 du code de la commande publique, sans qu’il soit nécessaire, en l’espèce, de prendre position en outre sur le bien-fondé du grief d’informations trompeuses au sens de l’article L. 2141-8 du même code.
L’exclusion de la société Testoni Réunion de cette procédure est donc validée parce que cette dernière n’a pas su lever les doutes soulevés lors de l’analyse par l’acheteur.
publié le 30 janvier 2025
Comment évaluer les offres financières en présence de PSE ?
TA Pau, ord. 23 janvier 2025, Sté Constructions Saint-Eloi, n°2500008
Les prestations supplémentaires éventuelles, les fameuses « PSE », d’ailleurs non définies dans le code de la commande publique, sont des prestations que l’acheteur peut demander aux soumissionnaires de proposer, dans leur offre, et qu’il se réserve le droit de commander ou non lors de la signature du contrat. Ces prestations doivent évidemment être en rapport direct avec l’objet du marché et être décrites avec précision dans le DCE.
Les PSE se distinguent des variantes dans la mesure où leur définition appartient au seul acheteur et qu’elles viennent s’ajouter, si elles sont retenues, à la solution de base, et non s’y substituer.
S’il est toujours intéressant pour l’acheteur d’en prévoir, ces dernières peuvent rendre l’analyse financière des offres plus complexe. La présente ordonnance de référé illustre la bonne manière de faire. Dans cette affaire, l’acheteur avait demandé aux candidats de chiffrer 4 PSE. Il avait donc procédé à l’analyse de toutes les combinaisons possibles et, puisqu’il avait décidé de retenir, in fine, les PSE 1 et PSE 2, avait appliqué le classement correspondant à son choix.
La confusion était venue ici du fait qu’il avait commis une erreur de plume dans la lettre de rejet transmise à un candidat, qui avait donc contester ce rejet. Mais une fois les explications fournies en défense, le juge valide cette manière de procéder : « l’offre présentée par la société requérante a obtenu la note de 60/60 au critère du prix et la note de 34/40 au critère de la valeur technique, soit une note finale de 94/100, tandis que l’offre du groupement déclaré attributaire a obtenu une note de 59,03/60 au critère du prix et de 36/40 au critère technique, soit une note finale de 95,03/100. S’il apparaît dans le courrier de notification que l’offre présentée par le groupement FFT, LBTP, Nestadour s’élève à « 468 912,08 euros HT (offre de base + PSE3 +PSE4 ) » , il est précisé à l’audience et il résulte de l’analyse des offres, que l’acheteur a choisi en réalité de retenir, parmi les quatre prestations supplémentaires envisagées dans le RC, celles mentionnées en premier et en deuxième lieu dans ce règlement, à savoir « structure métallique des balançoires » et « structure métallique pour les plateformes jeux grands enfants » . Dès lors que les mêmes prestations supplémentaires ont été retenues pour analyser toutes les offres présentées, la confusion pouvant découler de la mention « PSE3 » et « PSE4 » dans le courrier de notification précité, ne saurait être considérée comme ayant porté atteinte aux principes de transparence et de mise en concurrence, et comme justifiant l’annulation de la procédure d’attribution de ce marché […]que la prise en compte du marché de base et des deux prestations supplémentaires retenues par l’acheteur conduit, après négociation, à ce que l’offre de la société requérante s’élève à 461 330,98 euros, et celle présentée par le groupement attributaire à 468 912,08 euros. Il est constant que la meilleure note attribuée à ce critère, à savoir 60/60, a été accordée à l’offre présentée par la société Constructions Saint-Eloi. La méthode classique d’appréciation de ce critère a conduit à la note de 59,03/60 attribuée, pour ce critère, à l’offre du groupement attributaire (461 330,98 /468 912,08 x 60). La société requérante n’est dès lors pas fondée à soutenir que la méthode de calcul retenue a illégalement neutralisé l’écart de prix entre ces deux offres ».
La clé en cas de PSE est donc d’être méthodique et de retracer clairement dans le RAO la manière de faire, afin de pouvoir justifier au juge que la méthode retenue était correcte.
publié le 28 janvier 2025
Obligation de confier une part d’exécution à des PME en conception-réalisation : l’oublier c’est se faire annuler
TA Cergy-Pontoise, ord. 23 janvier 2025, Sté Urbaine de travaux, n°2418697
Dans le but de favoriser l’accès à la commande publique des PME et des artisans, l’article R.2171-23 du code de la commande impose au titulaire d’un marché global de confier, directement ou indirectement, à des petites et moyennes entreprises ou à des artisans, une part minimale fixée à 10 % du montant prévisionnel du marché. En outre, l’article L.2152-9 oblige l’acheteur à tenir compte parmi les critères d’attribution des marchés globaux de la part d’exécution du marché que le soumissionnaire s’engage à confier à des petites et moyennes entreprises ou à des artisans.
Au cas présent, la commune de la commune de Bois-Colombes avait lancé une procédure avec négociation en vue de la passation d’un marché de conception-réalisation ayant pour objet la restructuration lourde, l’extension et la surélévation d’un groupe scolaire, la création d’un centre administratif et d’un parking associé.
Or, le juge relève qu’« il est constant que la commune n’a inséré dans les documents de ce marché aucune clause relative à la part d’exécution du marché que le soumissionnaire s’engage à confier à des petites et moyennes entreprises ou à des artisans en méconnaissance d’une obligation figurant à l’article L. 2152-9 du code de la commande publique. En s’abstenant de prendre en compte un critère rendu obligatoire par la loi, le pouvoir adjudicateur a méconnu ses obligations de publicité et de mise en concurrence ».
Autre élément intéressant, le juge retient la lésion, au motif que c’est bien l’offre dans son ensemble qui est affectée, et non seulement le prix de cette dernière : « l’offre déposée par le groupement dont la société requérante est mandataire comprenait une part assurée par des PME/artisans de plus de 13 %. Si la commune de Bois-Colombes soutient que ce manquement n’a pu influer que sur le critère afférent au prix pour lequel la société requérante a présenté une meilleure offre, une telle clause affecte nécessairement toute la construction d’une offre et pas seulement son prix. En outre, la commune n’allègue, ni n’établit que les deux offres retenues comprenaient une part réservée aux PME et artisans, alors qu’elle est la seule partie détentrice de cette information. Eu égard au fait que le groupement a obtenu la note maximale au critère « prix » et a présenté une offre conforme à l’article L. 2152-9 du code de la commande publique, la société requérante établit que ce manquement était susceptible de l’avoir été lésée, fût-ce de façon indirecte, en avantageant une entreprise concurrente ».
Et pour conclure, la procédure est donc annulée en totalité : « eu égard à la nature du manquement tiré de la méconnaissance de l’article L. 2152-9 du code de la commande publique qui implique de compléter les documents du marché en ajoutant un critère d’appréciation de la valeur des offres prenant en compte la part réservée aux PME et artisans, cette irrégularité implique l’annulation de la totalité de la procédure de passation du marché de conception-réalisation pour l’aménagement partiel de l’ilot Paul Bert (n° 223M031) à Bois-Colombes ».
publié le 27 janvier 2025
Quand une négociation est prévue dans le RC, l’acheteur ne peut pas zapper cette étape.
TA La réunion, ord. 17 janvier 2025, Sté Préfabloc Agrégats, n°2401692
La présente affaire concernait une concession (contentieux plus rare que pour les marchés), pour laquelle l’article L.3121-1 du code de la commande publique dispose que l’autorité concédante organise librement une procédure de publicité et mise en concurrence qui conduit au choix du concessionnaire. Elle peut recourir à la négociation. L’article L.3124-1 ajoute que « lorsque l’autorité concédante recourt à la négociation pour attribuer le contrat de concession, elle organise librement la négociation avec un ou plusieurs soumissionnaires. La négociation ne peut porter sur l’objet de la concession, les critères d’attribution ou les conditions et caractéristiques minimales indiquées dans les documents de la consultation ».
Le juge des référés du TA de la Réunion en déduit logiquement que « lorsqu’un règlement de consultation prévoit que les candidats doivent, après une phase de négociation, remettre leur offre finale à une date déterminée, cette phase finale constitue une étape essentielle de la procédure de négociation qui ne peut normalement pas être remise en cause au cours de la procédure ».
Au cas présent, le règlement de la consultation comportait un article précisant que « l’autorité concédante entend recourir à la négociation dans le cadre de la présente consultation. Lors des négociations avec les candidats : / Les offres pourront faire l’objet de discussions sur les points techniques nécessitant des précisions et aménagements au regard des contraintes fixées par l’autorité concédante ; / Les propositions financières pourront faire l’objet de discussion par l’autorité concédante. / A l’issue des négociations, les candidats remettent une offre finale complète et consolidée ».
Or, le juge relève que la sélection des candidats avait été ici opérée au vu des offres initiales déposées par les candidats, sans que n’ait été ouverte une phase de négociation. Ainsi « en s’abstenant de mettre en œuvre la phase de négociation prévue par le règlement de la consultation, l’autorité concédante, qui ne peut utilement justifier ce choix par la prétendue inutilité d’une négociation qui, selon elle, n’aurait pas permis à la société Préfabloc Agrégats d’améliorer son offre, laquelle se caractérisait déjà par un meilleur prix et une consistance lui ayant permis d’obtenir une meilleur note que la SCPR pour deux des six critères technique, a commis un manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence de nature à léser le candidat évincé ».
La procédure est donc annulée, dès l’origine et non étrangement avant le stade de la négociation non mise en œuvre.
publié le 21 janvier 2025
Frais irrépétibles en référé précontractuel : une loterie aux résultats parfois scandaleux
TA Lille, ord. 5 décembre 2024, Sté Fermetures de l’Aisne, n°2411661
Ça fait longtemps que j’ai arrêté d’essayer de comprendre la manière dont les frais irrépétibles sont accordés en référé précontractuel. La plupart du temps une collectivité gagne (rejet de la requête) mais n’obtient pas de frais irrépétibles, mais pas toujours. Quand une entreprise perd, elle a parfois des frais à verser mais parfois non. Certaines décisions en accordent à l’attributaire, partie à l’instance mais qui n’a pas produit…Bref, il n’y strictement aucune logique générale.
Nouvelle illustration des résultats étonnants qu’on peut observer sur ce sujet. Une entreprise reçoit sa lettre de rejet le 6 novembre 2024, précisant que le marché était susceptible d’être signé à compter du 18 novembre 2024, soit après l’expiration du délai minimal de onze jours, prévu à l’article R.2182-1 du code de la commande publique.
Elle introduit son référé précontractuel le 16 novembre, donc avant la signature du marché. Mais l’acheteur signe quand même son marché le 18, de manière irrégulière et donc susceptible d’être sanctionnée en référé contractuel.
Toujours est-il que le juge des référés précontractuels constate que les conclusions présentées sur le fondement de l’article L.551-1 du CJA ont perdu leur objet et il n’y a plus lieu d’y statuer, sans audience.
Or, la société, qui a tout bien fait, voit sa demande de frais irrépétibles rejetée, et pire, est même condamnée à verser à l’acheteur - qui a fait n’importe quoi - une somme de 1.500 euros au titre des frais irrépétibles.
Pas sûr donc que cette entreprise fasse confiance en la justice administrative à l’avenir.
Régler une partie des problèmes de ce service public pourrait donc déjà commencer par être plus rigoureux sur ce genre de petits points techniques.
publié le 18 déembre 2024
Exclusion de la procédure au titre de l’article L.2141-7 du CCP : l’acheteur ne peut pas faire n’importe quoi
TA Marseille, ord. 2 décembre 2024, Sté ENSO, n°2411745
L’article L.2141-7 du code de la commande publique permet à l’acheteur d’exclure de sa procédure de passation les personnes qui, au cours des trois années précédentes, ont dû verser des dommages et intérêts, ont été sanctionnées par une résiliation ou ont fait l’objet d’une sanction comparable du fait d’un manquement grave ou persistant à leurs obligations contractuelles lors de l’exécution d’un contrat de la commande publique antérieur. Assez peu utilisé, cet article donne parfois lieu à des situations étranges.
Au cas présent, une communauté de communes avait exclu une société de son marché portant sur le transport et le traitement de déchets de déchetterie sur le fondement de cette disposition au motif qu’elle aurait manqué gravement à ses obligations contractuelles envers la métropole de Nice dans l’exécution d’un marché de traitement de déchets, au regard de ce qui aurait été révélé par une émission de télévision et qu’une autre filiale de ce même groupe s’était vu infliger une amende administrative.
Aucun de ces motifs ne sont cependant considérés comme réguliers par le juge, qui annule logiquement la décision d’exclusion : « il ne résulte pas de l’instruction que la métropole de Nice aurait, à la suite de ce reportage, résilié le marché, que la société ENSO aurait dû verser une indemnité à la métropole ou que la société aurait fait l’objet d’une sanction comparable. À cet égard, à supposer même qu’il soit établi que la métropole de Nice aurait porté plainte et se serait constituée partie civile à l’encontre de la société ENSO dans le cadre de l’information judiciaire relative aux faits dont faisait état le reportage télévisé, ces circonstances ne peuvent être regardées comme constituant une sanction comparable au sens des dispositions précitées dès lors que cette procédure pénale serait toujours en cours. La circonstance que le préfet des Alpes-Maritimes a mis en demeure le 28 avril 2023 la société ENSO de respecter quatre obligations dans le cadre de l’exploitation d’une installation classée ne constitue pas non plus une sanction, et ce d’autant moins qu’il résulte d’un courrier du 3 octobre 2023 que la société ENSO, en tout état de cause, s’est conformée à cet arrêté.
En second lieu, la communauté de communes a reproché à la société ENSO la circonstance qu’une amende administrative d’un montant de 5 000 euros et une astreinte ont été mises à la charge de la société ENSO Aix-la Duranne par des arrêtés du préfet des Bouches-du-Rhône du 14 juin 2024, postérieurement à un arrêté de mise en demeure du 4 juillet 2023, en raison respectivement de dépassements répétés du volume autorisé de déchets présente sur l’installation qu’elle exploite et des conditions de stockage de déchets compostés. À supposer même que la communauté de communes puisse se fonder sur des faits reprochés à une autre société que la société candidate au marché, il ne résulte pas de l’instruction que le ou les marchés dont serait titulaire la société ENSO Aix-la Duranne, aucune précision n’étant apportées sur ce point, auraient été résiliés en raison de ces faits ou que la société aurait dû verser des indemnités à son ou ses co-contractants, qui restent indéterminés, ou qu’elle aurait fait l’objet d’une sanction comparable de leur part. Enfin l’amende administrative d’un montant de 5 000 euros, qui n’a pas été infligée par le co-contractant, à supposer, encore une fois, qu’elle pourrait constituer une sanction au sens des dispositions précitées, ne saurait être regardée, au regard de son montant modique, comme une sanction comparable à des dommages et intérêts ou une résiliation du fait d’un manquement grave ou persistant à des obligations contractuelles. Il résulte de ce qui précède que la communauté de communes a fait une inexacte application des dispositions de l’article L.2141-7 du code de la commande publique qui a lésé les intérêts de la société ENSO dès lors que cette illégalité a conduit à son exclusion. Par suite, la décision par laquelle la communauté de communes a exclu la société ENSO de la procédure de passation du marché en cause doit être annulée ».
publié le 6 décembre 2024
Mémoire technique : attention aux liens de téléchargement qui renvoient à d’autres éléménts de l’offre
TA Rennes, ord. 2 décembre 2024, Sté Arkhenum, n°2406252
Le ministère des armées et des anciens combattants a souhaité conclure un marché de prestations de numérisation patrimoniale de livres, de périodiques militaires et de documents manuscrits, iconographiques et de prototypes. Pour ce faire, les candidats devaient remettre à l’appui de leurs offres des échantillons. Un soumissionnaire avait alors opté pour le dépôt de ces échantillons sur un serveur et avait simplement fourni le lien de téléchargement de ces échantillons dans son mémoire technique. Ce candidat mettait en effet en avant le fait que les échantillons étaient volumineux et que la plateforme PLACE permet uniquement le dépôt de documents inférieurs à un gigaoctet.
Le ministère a toutefois rejeté cette offre pour irrégularité, irrégularité qui va être confirmée par le juge de référé précontractuels : « pour contester le rejet de ses offres, la société Arkhenum soutient qu’elles n’étaient pas incomplètes ni, par suite, irrégulières, dès lors que les mémoires techniques comprenaient les rapports de numérisation ainsi que les échantillons, accessibles par un lien de téléchargement vers le serveur FTP, dont elle avait indiqué la méthode de téléchargement, ainsi que le lien et les identifiants. Elle soutient à cet égard qu’elle a été contrainte de procéder ainsi, dès lors que la plateforme PLACE ne permet pas de joindre des fichiers et documents d’un poids supérieur à un gigaoctet, que le règlement de la consultation n’exclut pas l’usage de liens de téléchargement, que le précédent marché autorisait et, enfin, qu’interdire une telle modalité de transfert est discriminatoire et méconnaît l’égalité de traitement des candidats, en tant que cela favorise les fichiers moins volumineux et donc les offres de moindre qualité. Il résulte toutefois de la combinaison des dispositions précitées du règlement de la consultation, d’une part, que le mémoire technique joint à l’offre présentée pour chaque lot devait comprendre, notamment, la numérisation des échantillons-tests, ces éléments étant indispensables à l’appréciation de la valeur technique de l’offre et, d’autre part, que l’ensemble des éléments, documents et fichiers constituant l’offre devait être transmis en une seule fois, le cas échéant en autant de fichiers et documents que nécessaires, exclusivement par la plateforme PLACE. C’est par suite en faisant une exacte application du règlement de la consultation, dont les termes sont clairs et dénués d’ambiguïté sur ces différentes exigences, que le pouvoir adjudicateur a pu considérer que les offres de la société dont les mémoires techniques ne comprenaient pas, parmi ses composantes, les échantillons-tests, étaient incomplètes et donc irrégulières, sans tenir compte de l’existence des liens de téléchargement de ces fichiers d’échantillons-tests sur un serveur extérieur, alors même que le règlement en cause n’interdisait pas explicitement l’usage de tels moyens de dépôt de pièces externes à la plateforme PLACE ou qu’un tel usage ait été autorisé dans le cadre d’une précédente procédure de passation.
S’il est par ailleurs constant que cette plateforme PLACE ne permet de joindre que des fichiers d’un poids inférieur à un gigaoctet, il s’agit là d’une limitation par fichier et non par envoi global, de sorte que ni le poids du mémoire technique, ni celui de l’offre totale n’étaient limités, le mémoire technique pouvant être scindé en autant de fichiers que nécessaire, chacun pouvant au demeurant faire l’objet d’une compression. Dans ces circonstances, la société Arkhenum ne peut utilement ni sérieusement soutenir que les contraintes de fonctionnement de la plateforme PLACE faisaient techniquement obstacle à ce qu’elle joigne à son mémoire technique les échantillons-tests, compte tenu de leur volume trop important, seul celui du lot n°2 dépassant, au surplus, un gigaoctet. Elle ne peut davantage soutenir, pour les mêmes motifs, que cette limitation de la taille des fichiers transférables sur cette plate-forme génère une rupture d’égalité entre les candidats et une discrimination au détriment des offres qualitatives ».
publié le 5 décembre 2024
Défaut d’allotissement, mais défaut de lésion : du grand n’importe quoi...
TA Rennes, ord. 25 novembre 2024, Sté NETVLM, n°2406530
Encore une illustration d’une application totalement tronquée de la jurisprudence Smirgeomes et de ses abus dans le but de sauver des procédures coûte que coûte.…
Dans cette affaire, une communauté d’agglomération avait mis en œuvre un appel d’offres ouvert pour la conclusion d’un accord-cadre non alloti portant sur la mise en place d’un système de contrôle d’accès de ses déchetteries. Le juge confirme dans un premier temps que des prestations distinctes pouvaient être identifiées, et que sans justification, l’absence d’allotissement constituait un manquement de la part de l’acheteur : « que les prestations à effectuer au titre de ce marché comprenaient, selon le CCTP, la fourniture et mise en place des bornes et des barrières levantes et l’entretien du matériel, les travaux de terrassement nécessaires à la mise en place des réseaux, la mise en place des réseaux, la fourniture, l’installation et le paramétrage des logiciels nécessaires à la gestion des accès, la maintenance préventive, corrective et évolutive du logiciel et du matériel, la formation aux utilisateurs et l’assistance aux utilisateurs et utilisatrices. Il ressort ainsi des documents de la consultation qu’il était notamment possible de distinguer, au sein du marché en cause, les prestations relatives à la fourniture et à la mise en service des installations informatiques de contrôle d’accès de celles relatives aux travaux dits de « génie civil », qui représente environ un tiers du montant du marché. Contrairement à ce que soutient la communauté d’agglomération, il ne résulte pas de l’instruction qu’une dévolution en lots séparés aurait nécessité une coordination entre prestataires telle qu’elle aurait rendu techniquement difficile l’exécution du marché. Si la communauté d’agglomération soutient également que l’allotissement du marché aurait rendu son exécution financièrement coûteuse, elle n’apporte aucune justification à l’appui de ses allégations. Par suite, elle doit être regardée comme ayant manqué à ses obligations d’allotissement résultant de l’article L. 2113-10 du code de la commande publique ».
Pourtant, la requête est rejetée pour défaut de lésion, sur la base d’un raisonnement totalement alambiqué au termes duquel la société requérante n’aurait de toute façon pas pu obtenir les lots si ceux-ci avaient été mis en place : « la société NETVLM, qui n’est pas une spécialiste des travaux de génie civil, soutient que le prix de son offre a été majoré par la nécessité d’intégrer les coûts de conduite, par ses soins, des opérations d’organisation, de pilotage et de coordination de l’exécution du marché avec le sous-traitant auquel elle avait fait appel pour l’exécution des travaux de génie civil. Toutefois, il résulte de l’instruction que la société NETVLM a présenté une offre technique de qualité sur ces travaux de génie civil qui lui a permis d’obtenir une notre de 8,50 au critère de la « qualité de la méthodologie d’installation des contrôles d’accès » contre 6,50 à l’attributaire et que son offre était la moins-disante sur ces prestations. Ainsi, quand bien même elle n’aurait pas eu à concourir sur les prestations relatives aux travaux de génie civil, elle n’aurait pas pu se voir attribuer le lot relatif aux prestations de contrôle d’accès. Elle n’est par suite pas fondée à soutenir qu’elle était susceptible d’avoir été lésée par le défaut d’allotissement du marché litigieux ».
Pourtant, si les lots avaient été constitués, il s’agirait alors de deux marchés distincts, avec des prix et des critères éventuellement différents et des offres différentes, et il est impossible d’en « deviner » le classement sauf à être devin et pas juge. Ce raisonnement n’a donc aucun sens et constitue une interprétation totalement erronée de la jurisprudence Smirgeomes dont on rappelle que selon Bertrand Dacosta dans ses conclusions sous cette décision, il s’agissait simplement « de ne pas permettre au requérant d’invoquer un manquement qui est manifestement insusceptible de le léser ».
publié le 28 novembre 2024
Le refus d’utiliser Chorus pro justifie le rejet de l’offre pour irrégularité
TA Nancy, ord. 19 novembre 2024, Sté World Fuel Services, n°2403213
Chorus pro est la plateforme permettant le dépôt des factures électroniques émises dans le cadre des marchés publics. Cet outil, qui offre certes d’incontestables avantages par rapport à l’envoi papier des factures (notamment l’amélioration des délais de paiement), reste pourtant largement perfectible. Les habitués de la plateforme sauront les identifier rapidement : obligation de rentrer des codes souvent non communiqués par l’acheteur, pré-remplissage totalement erroné des informations figurant dans les factures (date fausse, montant négatif etc…), blocage parfois intempestif du circuit de paiement sans raison….
Toujours est-il que ce système est désormais rendu obligatoire par l’article L.2192-5 du code de la commande publique et ses textes d’application (notamment l’article R.2192-3 du code de la commande publique).
En l’espèce, l’offre d’une société excluait le recours à cet outil, alors même que le CCAP prévoyait l’obligation d’y recourir. L’acheteur avait don jugé cette offre irrégulière. Ce motif de rejet, contesté par le biais d’un référé précontractuel et pourtant validé par le juge : « la société World Fuel Services se prévaut du caractère imprécis des documents de la consultation, et notamment l’article 5.3.3 du CCP, qui l’aurait induite en erreur en lui laissant penser qu’il était possible d’utiliser un autre système que Chorus Pro pour transmettre les factures. Cependant, cet article prévoit que la transmission des factures « s’effectue conformément aux dispositions législatives et réglementaires en vigueur et notamment en application de l’arrêté du 9 décembre 2016 relatif au développement de la facturation électronique », lequel est relatif à Chorus Pro. Cet article précise en outre les modes de transmission des factures, soit par raccordement direct à la solution mutualisée, soit à partir d’un système tiers, en prévoyant plusieurs modalités, par transfert de fichier, services intégrés dans un portail tiers ou connexion via internet au portail Chorus Pro. Les passages consacrés aux diverses solutions décrites évoquent tous un recours à Chorus Pro. Par ailleurs, si l’article L. 2192-6 précité du code de la commande publique permet de ne pas recourir au portail public Chorus Pro en cas d’impératif de défense ou de sécurité nationale, les documents de la consultation n’évoquaient nullement ces dispositions et ne comportaient aucune précision permettant de tenir pour établi qu’elles seraient applicables au présent marché. La nécessité de recourir à Chorus Pro pour la transmission des factures ressortait donc de manière suffisamment claire de la rédaction des documents de la consultation. Il est par ailleurs constant que l’offre de la société requérante excluait le recours à une des modalités de transmission des factures via Chorus Pro. Dans ces conditions, et contrairement à ce que soutient la société World Fuel Services, son offre était irrégulière ».
Pour les opérateurs encore réticents à utilise cet outil, une bonne formation pourrait éviter ce genre de déconvenues à l’avenir.
publié le 25 novembre 2024
Périmètre du droit : l’AMO pour la passation d’un marché ne nécessite pas de se grouper avec un avocat pour le TA de Versailles
TA Versailles, ord. 6 novembre 2024, Sté Cantinéo, n°2408861
Décision qui intéressera les acteurs du monde de l’AMO, et qui juge qu’il n’est pas nécessaire de former un groupement avec un avocat pour une mission d’AMO pour la passation d’un marché publics de restauration collective avec pour mission de rédiger le DCE et d’établir le rapport d’analyse des offres.
Dans cette affaire, une société qui avait candidaté un groupement avec un avocat contestait l’attribution à un cabinet de conseil intervenant sans une tel professionnel du droit. Après avoir rappelé la loi du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, le juge considère que cette candidature ne viole pas le périmètre du droit dès lors que le soumissionnaire dispose de la capacité requise pour donner à titre accessoire des consultations juridiques relevant de son activité principale : « que, d’une part, la société SPQR conseil est une société spécialisée dans la restauration collective composée d’experts du secteur de la restauration. Elle dispose à ce titre d’une qualification accordée par l’organisme professionnel de qualification des conseils en management (OPQCM). Elle dispose par suite de la capacité requise pour donner à titre accessoire des consultations juridiques relevant de son activité principale. D’autre part, il ressort de l’instruction et notamment des documents de la consultation que le marché en litige, dont au demeurant les missions sont parfaitement détaillées, ne consiste pas à titre principal à réaliser des prestations juridiques de conseil et de rédaction d’actes sous seing privé, mais à assurer une assistance à maîtrise d’ouvrage pour la passation d’un marché de restauration collective. Selon l’article 1er du CCP, le marché en litige concerne « la mission d’assistance à maîtrise d’ouvrage pour le diagnostic, l’optimisation et la passation d’un marché de restauration collective pour la confection et la livraison de repas en liaison froide pour la restauration collective des membres du groupement de commandes ». L’article 4 relatif au contenu de la mission décompose les phases attendues. La phase 1 ne contient aucune prestation de nature purement juridique. S’agissant de la phase 2, la production des pièces du DCE du marché ne peut s’assimiler à la rédaction d’actes sous seing privé. Quant à l’analyse des offres comme la rédaction du rapport d’analyse prévues par la phrase 3, elles ne constituent pas davantage des prestations réservées aux professionnels du droit. Il suit de là que ces prestations de nature juridique doivent être regardées comme accessoires mais comme relevant directement de l’activité principale et, par suite, nécessaires à sa réalisation. Elles doivent dès lors être regardées comme en constituant l’accessoire au sens des articles 54 et 60 de la loi du 31 décembre 1971 ».
publié le 13 novembre 2024
Le dépôt d’un fichier.zip inexploitable rend l’offre irrégulière sans possibilité de régularisation
TA Montpellier, ord. 29 octobre 2024, Sté Solutions 30, n°2405722
Bien que la dématérialisation soit complétement rentrée dans les mœurs, il arrive encore que des litiges concernent le dépôt des pièces sur les plateformes de dématérialisation.
En l’espèce, une société avait déposé son mémoire technique sous la forme d’un fichier .zip, qui n’avait pas pu être ouvert par l’acheteur. Point intéressant, le juge avait même reporté l’instruction après l’audience afin de faire réaliser un constat d’huissier de ce point par l’acheteur, constat qui avait confirmé le caractère corrompu du fichier. L’offre, incomplète, était donc irrégulière et avait donc été rejetée : « il résulte du bordereau de contrôle des plis dématérialisés qui lui a été remis, et n’est pas contesté, que la société Solutions 30 SE a transmis sur la plateforme AWS, le 13 mai 2024, en format « ZIP », d’une part, à 13 heures 11, un fichier d’une taille de 9,88 Mo contenant les pièces correspondant au dossier « candidature » du groupement, d’autre part, à 15 heures 11, un fichier contenant les pièces du dossier « offre » d’une taille de 553,61 Mo. Si la requérante soutient, que, contrairement à ce que le département lui a opposé, le fichier " 3 – Me¦ümoire technique et environnemental « intégré dans le fichier » Pieces de l’offre – Solutions 30 Lumycom.zip « était exploitable, elle ne l’établit pas en se bornant à soutenir avoir déposé un dossier qui contenait toutes les pièces sans problème de nommage, en particulier s’agissant du mémoire technique et environnemental, qui, selon elle, dispose d’une taille de 456,6 Mo et s’ouvre sans difficulté sur ses postes dans un environnement Mac ou PC, faute de combattre, utilement, les constats du commissaire de justice faits, en dernier lieu, le 24 octobre 2024, à partir du dossier » séquestre « où ont été initialement téléchargés le 14 mai 2024 à 11 heures 52 par le département tous les dossiers des quatre candidats au marché en litige, selon lesquels le dossier du groupement, enregistré en » Zip Archives « sous la forme compressée » Pieces de l’offre – Solutions 30 Lumycom.zip « , présente deux fichiers dont le fichier » Pieces de l’offre – Solutions 30 Lumycom « , affichant une taille de 553,6 Mo et une dernière modification le 13 mai 2024 à 14 heures, pour lequel, d’une part, seul l’un des dix sous-dossier, qui est intitulé » 3 – Me¦ümoire technique et environnemental « , modifié en dernier lieu le 13 mai 2024 à 15 heures 09, est vide et, d’autre part, aucun des quatre logiciels, » 7zip « , explorateur Windows, Winzip ou Winrar, utilisés n’est parvenu à le décompresser, à l’inverse du fichier » Pièces de la candidature du groupement « . Et, si la requérante se prévaut de ce que le dossier » séquestre " ne correspondrait pas à celui de l’offre pour lequel elle bénéficie de l’attestation de dépôt mais résulte d’une modification apportée par l’agent du département enregistrée le 15 mai à 11 heures 52 minutes et 54 secondes, elle ne l’établit pas, notamment à défaut d’avoir déposé une copie de sauvegarde comme le règlement du marché le lui permettait. Enfin, il résulte de l’instruction que le problème technique générant cette impossibilité d’ouvrir les fichiers de l’offre du groupement n’avait pas pour origine un dysfonctionnement de la plateforme AWS. Par suite, l’incomplétude de l’offre ne peut être regardée comme imputable à un dysfonctionnement de cette plateforme ou à la manipulation des services du département lors de l’ouverture dématérialisée des plis ».
On ne rappellera jamais assez aux soumissionnaires qu’il ne faut pas zipper les pièces de leur candidature ou de leur offre.
Et ce d’autant qu’au cas d’espèce, le juge considère que l’impossibilité d’ouvrir le mémoire technique est une caractéristique essentielle de l’offre au sens de l’article R.2152-2 interdisant donc toute possibilité de régularisation : « alors qu’il est constant que le département des Pyrénées-Orientales n’a pas procédé à la régularisation de l’offre en cause, l’impossibilité pour le pouvoir adjudicateur de contrôler les pièces techniques du groupement Solutions 30 SE / Lumycom, donc le risque qu’une régularisation en modifie des caractéristiques substantielles, au sens des dispositions précitées de l’article R.2152-2 du code de la commande publique, faisant, en tout état de cause obstacle à sa régularisation ».
publié le 4 novembre 2024
Dépassement du délai de validité des offres : impossible d’écarter le candidat qui refuse une prolongation et de continuer avec les autres
TA Paris, ord. 25 octobre 2024, Sté Pulita Vendôme, n°2426918
90 jours, 120 jours, 160 jours…Ces délais de validité des offres sont quasiment systématiquement indiqués dans les RC des acheteurs publics (bien que non obligatoires). Et leur respect est impératif, comme le rappelle encore aujourd’hui le juge des référés du tribunal administratif de Paris. Dans cette affaire, le délai indiqué dans le RC n’avait pas été respecté, de sorte que l’acheteur avait demandé aux candidats une prolongation de celui-ci. Tous avaient accepté, sauf un. L’acheteur avait alors écarté son offre et décidé de continuer la procédure avec les autres candidats. Bien mauvaise idée, puisque la procédure est annulée pour ce motif : « Le moyen tiré de la caducité des offres soumises au pouvoir adjudicateur et des conditions dans lesquelles elles peuvent être prorogées est relatif à des manquements aux conditions de publicité et de mise en concurrence. Si la personne publique doit, sous peine d’irrégularité de la procédure de passation, choisir l’attributaire d’un marché dans le délai de validité des offres, elle peut toujours solliciter de l’ensemble des candidats une prorogation ou un renouvellement de ce délai. Toutefois, dans le cas où le règlement de la consultation fixe une date limite de validité des offres, celle-ci ne peut être prorogée qu’avec l’accord de l’ensemble des candidats admis à présenter une offre.
Le délai de 160 jours de validité des offres pour la passation du nouveau marché a été mentionné à l’article 5.1.12 de l’avis d’appel public à la concurrence. Dans son courrier du 30 septembre 2024 demandant aux candidats de prolonger le délai de validité de leurs offres, l’administrateur du Théâtre national de l’Odéon a retenu un délai de validité de 160 jours, non contesté par les sept candidats. La date limite de dépôt des offres ayant été fixée le 25 avril 2024, ce délai de 160 jours est venu à expiration le 2 octobre 2024. Il résulte du principe énoncé au point 4 que dans le cas où le règlement de la consultation fixe une date limite de validité des offres, celle-ci ne peut être prorogée qu’avec l’accord de l’ensemble des candidats admis à présenter une offre. Il suit de là que dès lors que la société Pulita Vendôme a refusé la prolongation du délai de validité de son offre par son courrier électronique du 30 septembre 2024, le Théâtre national de l’Odéon ne pouvait décider de poursuivre la procédure de consultation en l’excluant de cette procédure, malgré la règle en ce sens énoncée à l’article 7.1 du règlement de la consultation qui apparaît contraire au principe de publicité et de mise en concurrence. Cette décision de l’établissement public de poursuite de la procédure de consultation dans les conditions prévues à l’article 7.1 du règlement de la consultation résulte du courriel de réponse du 30 septembre 2024 de la responsable des affaires juridiques et de la commande publique du Théâtre national de l’Odéon qui se borne à regretter la décision de la société Pulita Vendôme refusant de prolonger le délai de validité de son offre, sans qu’aucune décision déclarant sans suite la procédure de consultation ne soit prise par l’établissement.
Il résulte de ce qui vient d’être dit que faute pour le Théâtre national de l’Odéon d’être parvenu à attribuer le nouveau marché avant le 2 octobre 2024, date limite de validité des offres et à défaut de l’accord de tous les candidats admis à présenter une offre pour prolonger le délai de validité de leurs offres, le Théâtre national de l’Odéon était tenu de déclarer sans suite la procédure de consultation lancée le 21 mars 2024 et de lancer une nouvelle procédure de consultation. Il suit de là qu’en décidant de prolonger la procédure de consultation jusqu’au 31 octobre 2024, le Théâtre national de l’Odéon a entaché sa décision d’illégalité et la procédure de consultation, d’irrégularité ».
publié le 28 octobre 2024
Petit rappel utile : le concours de maitrise d’œuvre est une simple technique d’achat, dispensé notamment du respect du délai de stand still
TA Dijon, ord. 18 octobre 2024, Sté Nord Sud Architecture, n°2403362
Il ressort du code de la commande publique que le concours de maîtrise d’œuvre n’est pas un appel d’offres, et n’est pas, non plus, une procédure formalisée. Il s’agit d’une simple technique d’achat, qui permet de retenir un projet. Elle est prévue à l’article L.2125-1 du code de la commande publique qui dispose en effet que « l'acheteur peut recourir à des techniques d'achat pour procéder à la présélection d'opérateurs économiques susceptibles de répondre à son besoin ou permettre la présentation des offres ou leur sélection, selon des modalités particulières. Les techniques d'achat sont les suivantes […] le concours, grâce auquel l'acheteur choisit, après mise en concurrence et avis d'un jury, un plan ou un projet ».
Autrement dit, lorsqu’un acteur organise un concours, il ne met pas en œuvre une procédure formalisée, mais simplement une technique d’achat.
Dans ce cadre, l’acheteur n’a donc pas à respecter les articles R.2181-3 et R.2181-4 du code de la commande publique sur l’information à communiquer aux candidats évincés, ni, donc, le délai de stand still, comme vient de le rappeler le juge du référé contractuel du tribunal administratif de Dijon : « il résulte notamment des dispositions du 2° de l’article L.2125-1, des articles L.2410-1 à L. 2432-2, des articles R.2162-15 à R.2162-26, des articles R.242-12-1 à R.2423-37, de l’article R.2172-2 et de l’article R.2122-6 du code de la commande publique que lorsqu’en vue de conclure un marché de maîtrise d’œuvre privée répondant à un besoin dont le montant est égal ou supérieur aux seuils de procédure formalisée, un acheteur public ayant la qualité de maître d’ouvrage recourt à la technique d’achat du concours et qu’il organise, à cette fin, un concours restreint, il choisit d’abord le ou les lauréats du concours, au vu des procès-verbaux et de l’avis du jury, en rendant public le résultat du concours et peut ensuite passer le marché de maîtrise d’œuvre correspondant, après négociations, avec le lauréat ou l’un des lauréats de ce concours sans publicité ni mise en concurrence préalables. En application des dispositions combinées des articles R.2124-1 et R.2122-6 du code de la commande publique, un marché de maîtrise d’œuvre qui a été passé selon la procédure définie au point 4, alors même que la valeur estimée du besoin serait égale ou supérieure aux seuils européens, n’est pas un marché passé selon une procédure formalisée, au sens du code de la commande publique, et n’est donc notamment pas soumis à l’obligation de respecter le délai minimal, mentionné à l’article R.2182-1, séparant la notification, par l’acheteur public, de sa décision de rejeter l’offre d’un candidat de la date de signature du marché ».
publié le 24 octobre 2024
Marché à tranches : attention à une pondération privilégiant les tranches conditionnelles par rapport à la tranche ferme
TA Montpellier, ord. 7 octobre 2024, Sté Spie Citynetworks, n°2405250
La commune de Narbonne a décidé de conclure marché public global de performance portant sur la modernisation, la rénovation, l’exploitation, la maintenance et la gestion de son éclairage public. Ce marché était découpé en trois tranches, une tranche ferme portant sur des travaux de rénovation de 50% du patrimoine, pour environ 10 millions d’euros, et deux tranches optionnelles portant chacune sur des travaux de rénovation de 25% du parc en LED, pour un montant cumulé d’environ 7 millions d’euros.
La tranche ferme était donc assurément la tanche de travaux la plus importante. La méthode de notation agrégeait les trois tranches et, sur un total de 2400 points, en affectaient 1000 pour la tranche ferme et 1400 sur les deux tranches optionnelles.
Concrètement, la tranche ferme, pourtant plus importante, pesait donc moins, dans la notation, que les deux tranches optionnelles, dont on rappelle qu’elles ne sont pas certaines d’être affermies.
Selon le juge, une telle pondération est donc de nature à créer une situation dans laquelle la meilleure offre sur la tranche ferme soit écartée, et qu’en conséquence, l’offre économiquement la plus avantageuse ne soit finalement pas retenue en l’absence d’affermissement des tranches optionnelles : « que la commune de Narbonne a décidé de noter ensemble les deux tranches optionnelles et la tranche ferme, soit trois tranches, eu égard notamment à la circonstance que les travaux prévus pour les deux tranches optionnelles seraient quasiment équivalents à ceux de la tranche ferme dont l’achèvement doit intervenir en avril 2026 et que son intention d’affermissement des deux tranches optionnelles ne souffre d’aucune incertitude, le décalage étant seulement motivé par le souhait d’éviter de mobiliser de façon anticipée des financements pour des prestations dont la réalisation n’interviendrait que postérieurement à la signature du présent marché. Toutefois, il convient de relever que sur un total de 2 400 points, la tranche ferme attribuée pour un montant de 10 875 866 euros TTC est notée sur 1 000 points pour 1 400 points au total pour les deux tranches optionnelles dont le montant cumulé n’est que de 7 286 926 euros TTC, de sorte qu’à la tranche ferme, qui représente plus des 5/9ème du montant total du marché, ne correspond que 5/12ème du total des points attribués. Par suite, et alors que l’affermissement de l’une ou l’autre des deux tranches optionnelles est subordonné, en application de l’article 2.1 du CCAP, à l’intervention d’une décision de la commune de Narbonne dans le délai de trois ans suivant la signature du marché, sans aucune contrepartie dans le cas contraire, cette pondération est de nature à créer une situation dans laquelle la meilleure offre sur la tranche ferme soit écartée, et qu’en conséquence, en l’absence d’affermissement des tranches optionnelles, l’offre économiquement la plus avantageuse ne soit pas retenue. En retenant cette pondération manifestement inadaptée la commune de Narbonne a donc méconnu les dispositions de l’article L. 2152-7 précité du code de la commande publique et donc ses obligations de mise en concurrence ».
Au cas présent, le manquement et considéré comme n’étant pas susceptible de léser le requérant, compte-tenu des notes obtenues et la requête est donc rejetée, mais cet exemple montre que les acheteurs doivent être vigilants sur la pondération à affecter sur les différentes tranches de leurs marchés.
publié le 10 octobre 2024
L’acheteur ne commet pas de manquement en communiquant la lettre de rejet (très) longtemps après la décision d’attribution
CE, 27 septembre 2024, Région Guadeloupe, n°490697
L’article L.2181-1 du code de la commande publique dispose que « dès qu’il a fait son choix, l’acheteur le communique aux soumissionnaires dont la candidature ou l’offre n’a pas été retenue » et l’article R.2181-1 précise quant à lui, que « l’acheteur notifie sans délai à chaque soumissionnaire concerné sa décision de rejeter sa candidature ou son offre ».
Ces deux textes obligent, en principe, l’acheteur à faire preuve de célérité dans la transmission des lettres de rejet une fois que la décision d’attribution est prise.
Mais s’il ne le fait pas que se passe-t-il ? C’est la question que devait trancher le Conseil d’Etat dans cette affaire. Une région avait en effet mis 15 mois à notifier le rejet des offres après la réunion de la CAO qui avait procédé au classement et à l’attribution du marché. Ce délai avait plusieurs explications mais avait été sanctionné par le tribunal administratif au motif qu’il avait laissé les candidats évincés dans l’incertitude et que cela constituait donc un manquement. Raisonnement fragile, finalement sanctionné par la Haute Assemblée : « il ne résulte ni des dispositions précitées, ni de la finalité de la communication des motifs de rejet de l’offre rappelée au point 4, que le délai écoulé entre la décision d’attribution du marché et l’information d’un candidat évincé du rejet de son offre serait susceptible, à lui seul, de constituer un manquement de l’acheteur à ses obligations de transparence et de mise en concurrence. Par suite, en jugeant que la région avait commis un manquement en ne communiquant au concurrent évincé sa décision concernant l’attributaire du lot n°2 que quinze mois après la réunion de la commission d’appel d’offres, le juge des référés a commis une erreur de droit ».
Finalement, peu importe le délai mis dans la transmission de l’information portant rejet de l’offre tant que le candidat peut contester utilement ce rejet devant le juge des référés : « dès lors que la société a été mise à même, dans les circonstances de l’espèce, de contester utilement l’éviction du groupement auquel elle appartient dans un délai suffisant avant la date à laquelle le juge des référés statue, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions des articles L.2181-1 et R. 2181-1 mentionnées au point 3, qui ne peut, à lui seul, ainsi qu’il a été dit au point 5, constituer un manquement de l’acheteur à ses obligations de transparence et de mise en concurrence, doit, par suite, être écarté ».
Les services marchés des acheteurs peuvent donc souffler : il n’existe pas de course à la transmission des lettres de rejet.
publié le 27 septembre 2024
Limitation des candidatures : attention à ne pas dépasser l’arrêté du 22 mars 2019
TA Paris, ord. 24 septembre 2024, Sté Softway medical imaging, n°2423321
Un GIP avait mis en œuvre une procédure restreinte, admettant uniquement les quatre premiers candidats à déposer une offre. Ce dernier avait donc indiqué les critères de sélection des meilleures candidatures, à savoir la pertinence et la qualité des références pour 40 %, la qualité des effectifs dédiés au projet pour 15 % et une note d’intention relative à la compréhension du projet et de ses enjeux, pour 45 %.
Un candidat arrivé 5ème et donc non sélectionné pour la suite de la procédure faisait état de ce que deux de ces trois éléments excédaient ce qu’il était possible d’exiger des soumissionnaires au stade de la candidature, à raison selon le magistrat, ce dernier rappelant notamment que « lorsqu’il entend limiter le nombre de candidats admis à présenter une offre, l’acheteur ne peut déroger aux dispositions générales des conditions de participation et imposer aux candidats de produire d’autres renseignements et documents que ceux limitativement prévus par l’arrêté susvisé du 22 mars 2019 annexé au code de la commande publique ».
Or, en l’espèce, le magistrat estime que la qualité des effectifs dédiés et la note de compréhension du projet ne figurent pas dans cet arrêté : « l’avis de marché vise la « qualité des effectifs dédiés au projet » appréciée en fonction de la « composition de l’équipe projet et de la qualification/expériences des effectifs spécifiquement affectés au projet et, de la cohérence de l’équipe spécifiquement proposée au regard du projet » et, les articles 3.3, 3.4 et 3.6 du règlement de consultation exigent des candidats, la fourniture du " total des effectifs affectés au projet (décomposition en profils junior/senior et expert). () les CV des effectifs dédiés au projet indiquant pour chaque type de profil : () ; le rôle spécifique tenu par chaque profil sur les différentes phases d’exécution du projet et une note de 2 pages expliquant la constitution des effectifs pour le projet et la méthodologie de travail envisagée ". Il résulte de ce qui précède que le GIP, pour procéder à la sélection des candidats admis à présenter une offre, a exigé, les informations précitées qui, à supposer même qu’elles ne relèvent pas de la phase d’analyse des offres, excédaient en tout état de cause, ce qu’il pouvait exiger en application de l’arrêté du 22 mars 2019 ; que le GIP a également exigé des soumissionnaires la production d’une « note d’intention » constituant aussi le principal critère, pondéré à 45 %, de sélection des quatre candidats autorisés à présenter une offre. Il est constant qu’une telle note explicitant les enjeux et risques du projet, et présentant les facteurs de succès du soumissionnaire, n’est pas au nombre des renseignements que l’acheteur, en application de l’arrêté du 22 mars 2019, est susceptible de demander aux soumissionnaires en phase d’analyse des candidatures ». La procédure est donc annulée.
Les acheteurs doivent donc s’en tenir strictement aux seuls éléments figurant dans le fameux arrêté du 22 mars 2019, qui doit constituer leur seule bible au stade de la candidature.
publié le 27 septembre 2024
Difficile de contester un marché subséquent quand on n’a pas contesté la procédure de l’accord-cadre qui en sert de support
TA Versailles, ord. 24 août 2024, Sté Fraikin Assets, n°2406492
Dans cette affaire, le Ministère des Armées avait mis en œuvre une procédure de passation d’un marché subséquent ayant pour objet « la location longue durée avec prestations associées, sans conducteur, de vecteurs routiers neufs de type tracteur routier et semi-remorque destinés au transport routier longue distance, de fret palettisé ou en colis, au profit de l’armée de l’Air et de l’Espace ».
Estimant que ce matériel était à destination militaire, le ministère avait choisi de recourir à la négociation, sur le fondement des dispositions applicables aux marchés de défense ou de sécurité. Un soumissionnaire évincé critiquait le recours à la négociation estimant au contraire que ces matériels n’étaient pas à vocation militaire.
Sur ce dernier point, le juge va lui donner raison, mais va néanmoins rejeter la requête au motif que ce candidat n’avait pas contesté la procédure d’accord-cadre servant de fondement au marché subséquent qui contenait le même vice : « Il résulte de l’instruction que les vecteurs objets du marché subséquent n°6, qu’il s’agisse des tracteurs de catégorie N3 ou des semi-remorques de catégorie O4, relèvent de la gamme commerciale. S’ils sont soumis à des attendus techniques, il ne résulte pas de l’instruction qu’ils nécessiteraient des aménagements importants, propres à un usage à des fins militaires au sens des dispositions précitées, n’ayant pas en particulier vocation à transporter des explosifs. Ils n’ont pas été spécifiquement conçus à des fins militaires ou adaptés à de telles fins. Les vecteurs en cause, aux termes de l’article 6 du cahier des clauses techniques particulières du marché subséquent n°6, renvoyant à l’article 6 de l’accord cadre, devront d’ailleurs être restitués à l’attributaire sans précaution particulière, autre que celle de leur état général. Par ailleurs, s’il n’est pas contesté qu’ils ont vocation à transporter des équipements, entiers ou des pièces détachées et composants ou sous-assemblages, qui sont destinés à être utilisés comme armes ou matériel de guerre, qu’il s’agisse notamment d’armement individuel, de composants d’avions ou d’appareils de détection, vocation qui justifie que les vecteurs ne puissent pas être géolocalisés, la fourniture desdits vecteurs ne peut être regardée comme directement liée à un équipement mentionné au 1° ou au 2° de l’article L. 1113-1 du code de la commande publique. Les matériels à donner en location en application du marché subséquent n°6 ne peuvent donc pas être regardés, eu égard à leurs caractéristiques, comme relevant par nature d’un marché de défense ou de sécurité. Néanmoins, il est constant que le marché subséquent n°6 a été attribué dans le cadre de l’accord cadre dont les requérants sont au nombre des attributaires, au terme d’une procédure de négociation. Il est constant également que le marché subséquent n°6 est issu de l’accord-cadre n°2022-012-2023-053-00-00 attribué aux sociétés requérantes le 12 juin 2023, et que cet accord, qui prévoit également la location de vecteurs EXIII destinés et adaptés au transport de matières explosibles, a été qualifié de marché de défense et de sécurité. Les sociétés Fraikin Assets et Fraikin France, qui n’ont pas contesté la qualification de marché de défense et de sécurité de l’accord cadre dont elles sont au nombre des attributaires, ne peuvent pas utilement soutenir que le marché subséquent qui en est issu ne pouvait pas recevoir cette qualification, ni donc par voie de conséquence que la procédure de négociation ne lui était pas applicable ou qu’elle est susceptible de les avoir lésées ».
Moralité, les titulaires d’accords-cadres disposent d’encore moins de chances de contester une procédure de passation, la notion de lésion étant pour eux interprétée de manière encore plus stricte.
publié le 2 septembre 2024
Marché sans publicité ni mise en concurrence préalables pour urgence impérieuse : la clé, c’est la réactivité
TA Martinique, ord. 3 août 2024, Sté Bimini Construcction Martinique, n°2400501
L’article R.2122-1 du code de la commande publique autorise l’acheteur à passer « un marché sans publicité ni mise en concurrence préalables lorsqu’une urgence impérieuse résultant de circonstances extérieures et qu’il ne pouvait pas prévoir ne permet pas de respecter les délais minimaux exigés par les procédures formalisées ».
S’agissant d’un cas exceptionnel dérogeant à la mise en concurrence, il est interprété strictement par la jurisprudence. C’est encore le cas dans l’hypothèse commentée.
Une commune avait en effet été destinataire, le 15 mars 2024, d’un diagnostic de solidité du bâtiment d’une de ses écoles, dont il ressortait qu’au vu de son état dégradé, le bâtiment présente un risque significatif d’effondrement en cas de séisme. Le rapport recommandait ainsi la fermeture de l’école, dans un délai inférieur à 6 mois. Le maire a alors décidé d’une solution temporaire d’installation de bâtiments modulaires pouvant être installés rapidement dans l’attente des travaux de reconstruction de l’école, pour accueillir les élèves à compter de la rentrée scolaire 2024.
Ce marché a été passé sur le fondement de l’article R.2122-1 précité. Or, le juge va considérer que les conditions de recours à cette dérogation n’étaient pas remplies, en raison du temps mis par la commune à le conclure à compter de la réception du diagnostic, et donc de son absence de réactivité : « S’il est constant qu’aucune mesure de publicité et de mise en concurrence n’a été engagée en vue de la conclusion du marché litigieux, relatif à l’installation de ces bâtiments modulaires, la commune fait valoir qu’elle se trouvait dans une situation d’urgence impérieuse, qui ne lui permettait pas de respecter les délais minimaux exigés par les procédures formalisées. Cependant, il résulte de l’instruction qu’alors qu’il a été destinataire du diagnostic de solidité le 15 mars 2024, le maire a attendu le 20 juin 2024, soit plus de 3 mois plus tard, pour conclure le marché litigieux. Eu égard à ce délai, il n’est pas établi que la conclusion de ce marché relevait d’une situation d’urgence impérieuse, qui aurait empêché la commune de respecter ses obligations de publicité et de mise en concurrence, alors que la procédure de passation du marché aurait pu être initiée dès le mois de mars 2024. Au surplus, dès lors que le diagnostic de solidité du bâtiment de l’école a été sollicité dès le 29 août 2023, le maire pouvait raisonnablement anticiper la nécessité de procéder à des travaux de rénovation de cette école, et prévoir en amont les solutions temporaires nécessaires pour accueillir les élèves, le temps de ces travaux. Dans ces conditions, la commune n’est pas fondée à faire valoir que les conditions, prévues par l’article R. 2122-1 du code de la commande publique, pour permettre la conclusion d’un marché sans mesure de publicité et de mise en concurrence, étaient réunies ».
Ajoutons toutefois que le juge fait preuve de pragmatisme, puisque ce marché, contesté par le bais d’un référé contractuel n’est pas annulé, mais la commune est « simplement » condamnée à verser une amende de 30.000 euros compte tenu de la rentrée scolaire toute proche : « compte tenu, d’une part, de l’imminence de la rentrée scolaire 2024 et de la nécessité impérieuse pour la commune de disposer, à très brève échéance, d’une solution pour accueillir les élèves hors des locaux de l’école et, d’autre part, du fait que les travaux d’installation des bâtiments modulaires en litige sont déjà largement avancés, l’annulation du contrat, de même que toute autre mesure visant à priver, même partiellement, ce contrat d’effets, porterait atteinte à la sécurité et à la continuité du service public, et se heurte ainsi, dans les circonstances particulières de l’espèce et eu égard à ses effets disproportionnés, à une raison impérieuse d’intérêt général. Par suite, les conclusions tendant à l’annulation du marché en litige, doivent être rejetées. En revanche, compte tenu de la nature des manquements commis par le pouvoir adjudicateur, de leurs conséquences pour la société Bimini construction Martinique, qui aurait eu intérêt à candidater si le marché avait fait l’objet des mesures de publicité requises, et du montant du marché, il y a lieu d’infliger à la commune une pénalité financière d’un montant de 30 000 euros, à verser au Trésor public ».
Ça fait quand même cher pour avoir tardé à lancer ce marché, qui aurait pu être justifié si la ville avait été plus réactive et diligente.
publié le 22 août 2024
Recours à un sous-traitant au stade de la candidature : attention à la précision du DC4
TA Lyon, ord. 25 juillet 2024, Sté Montagnier TP, n°22406612
On sait que bien souvent, les candidats répondent aux marchés un peu au dernier moment. Dans ce genre d’hypothèses, les dossiers sont rédigés rapidement et les pièces établies dans l’urgence. Pour justifier des capacités des sous-traitants auxquels on va faire appel, on remplit un DC4 un peu « généraliste » en pensant que cela sera suffisant. Que nenni.
En effet, l’ordonnance commentée vient rappeler qu’il faut être très précis dans la rédaction d’un tel document, sous peine de voir sa candidature rejetée comme irrégulière. Un candidat en a fait l’amère expérience, en ne précisant pas la nature exacte des travaux qui seraient sous-traités, de sorte qu’il n’a pas été considéré comme justifiant des qualifications de son sous-traitant : « la société Montagnier TP soutient qu’il ne peut valablement lui être reproché l’absence de qualification FNTP 5143 ou de référence équivalente dès lors que la société Colas, sous-traitant déclaré, dispose de la qualification FNTP 5141. Toutefois, d’une part, il n’est pas contesté que la société Montagnier TP ne dispose ni de la qualification FNTP 5143 ni de référence équivalente requise par le règlement de la consultation. D’autre part, si la société Colas dispose de la qualification FNTP 4151, qui est supérieure et donc valable, il résulte de l’instruction que le formulaire DC4 de déclaration de sous-traitance qui se borne à mentionner comme nature de prestations sous-traitées « Travaux VRD – Réfection de chaussées – Bordures » était lacunaire et ne permettait pas de déterminer les prestations effectivement réalisées par la société Colas. Or, compte tenu de la proportion du coût de la prestation sous-traitée, évaluée à 378 674,26 euros, au regard du montant total des prestations, évalué à 1 096 904,23 euros alors que l’essentiel des travaux requiert la qualification en litige, la communauté de communes a pu, sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation et sans dénaturer la candidature de la société Montagnier TP, estimer que la société Colas n’avait pas vocation à effectuer la prestation principale du lot n° 1, à savoir la réalisation de tranchées et de canalisations en profondeur, et écarter pour irrecevabilité la candidature de la société Montagnier TP ».
publié le 29 juillet 2024
Commentaire négatif sur Facebook : finalement le Conseil d’Etat ne voit (bizarrement) pas le problème
CE, 24 juillet 2024, Commune de Sevran, n°491268
Dans une ordonnance relativement commentée du TA de Montreuil rendue en janvier dernier (TA Montreuil, ord. 12 janvier 2024, Sté SOMAREP, n°2315368, commenté infra) une procédure de DSP avait été annulée pour violation du principe d’impartialité.
Un conseiller municipal, également président délégué de la commission de DSP, avait en effet critiqué via un commentaire Facebook, la gestion du marché forain de la ville, juste avant la remise des candidatures de la DSP portant sur le renouvellement de la gestion de ce marché.
Dans le cadre de son commentaire, cet élu critiquait la gestion du site par l’actuel délégataire, dans les termes suivants : « ce marché est mal géré. C’est dommage car il est très fréquenté. Et les incivilités font fuir les clients du centre-ville. Le bail de concessionnaire du marché doit être renouvelé en janvier prochain, c’est l’occasion de le réformer pour qu’il soit plus diversifié et qu’on y trouve plus de commerces de qualité ». L’élu, en sa qualité de président délégué de la commission de DSP, avait signé, avec d’autres, le rapport d’analyse proposant d’attribuer la concession à un nouvel entrant. Ce soumissionnaire s’était par la suite effectivement vu attribuer le contrat, et le délégataire actuel mettait donc en avant une violation du principe d’impartialité.
Violation légitimement reconnue par le juge des référés, mais pourtant censurée par le Conseil d’Etat, qui ne voit pas le problème : « au nombre des principes généraux du droit qui s'imposent au pouvoir adjudicateur comme à toute autorité administrative figure le principe d'impartialité, dont la méconnaissance est constitutive d'un manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence. Il résulte des pièces du dossier soumis au juge des référés que le message d'un internaute publié sur le réseau social " Facebook " le 7 août 2023, relatif au marché de Sevran, a suscité une réaction du conseiller municipal, président délégué de la commission prévue par l'article L. 1411-5 du code général des collectivités territoriales, lequel a déclaré en commentaire sous ce message que : " Ce marché est mal géré. C'est dommage car il est très fréquenté. Et les incivilités font fuir les clients du centre-ville. Le bail de concessionnaire du marché doit être renouvelé en janvier prochain, c'est l'occasion de le réformer pour qu'il soit plus diversifié et qu'on y trouve plus de commerces de qualité ". En jugeant que ce commentaire constituait une atteinte à l'impartialité de l'autorité concédante, alors que la modération des propos et le contexte de cette publication ne révélaient ni parti pris ni animosité personnelle à l'encontre de la société SOMAREP, le juge des référés du tribunal administratif de Montreuil a inexactement qualifié les faits qui lui étaient soumis. Ainsi qu'il a été dit au point 6, le commentaire publié par le conseiller municipal, président délégué de la commission prévue par l'article L. 1411-5 du code général des collectivités territoriales, ne constitue pas un manquement à l'impartialité. ».
Position finalement assez peu étonnante de la part du Conseil d’Etat qui a une tendance manifeste à vouloir sauver des procédures.
Ce faisant il adopte ici une interprétation très (trop) stricte à propose de la violation du principe d’impartialité qu’il a lui-même pourtant dégagé.
publié le 26 juillet 2024
Poser de questions dans le délai prévu au RC ne suffit plus…encore et toujours plus de dérives dans la mise œuvre de Smirgeomes auxquelles il doit vraiment être mis fin
TA Toulouse ord. 16 juillet 2024, Sté DEF, n°2403857
Nouvelle illustration d’un rejet d’un référé par une application totalement dévoyée de la jurisprudence Smirgeomes.
Dans cette affaire, un syndicat mixte des transports avait mis en œuvre un appel d’offre pour l’installation d’un système de sécurité incendie (SSI). Le règlement de la consultation prévoyait, dans un de ses articles que « les renseignements complémentaires demandés au plus tard 10 jours avant la date limite de remise des offres seront examinés par Tisséo Ingénierie qui communiquera sa réponse 6 jours au plus tard avant la date limite fixée pour la réception des offres ».
Un candidat avait respecté ce délai et avait posé ses questions dans les temps, mais l’acheteur ne lui avait pas répondu, ce qui, selon lui, lui avait empêché d’élaborer son offre.
Voilà la réponse (hallucinante selon moi) du juge : « il résulte de l’instruction que, le 8 avril 2024, à 17h36, soit un peu plus de dix jours avant la date limite pour la réception des offres, fixée au 19 avril 2024, la société DEF a sollicité trois compléments d’information auprès de l’entité adjudicatrice. Ceux-ci portaient, d’une part, sur le lot incluant la programmation du concentrateur, d’autre part, sur la référence du spectre utilisé pour la résistance aux perturbations électromagnétiques et enfin, sur la possibilité de formuler des observations concernant les points bloquants dans l’attestation demandée au paragraphe V.2 du RC. Il est constant qu’aucune réponse ne lui a été apportée. La société DEF soutient que l’absence de réponses à ces questions, dont elle soutient qu’elles étaient essentielles à la bonne compréhension des spécifications techniques, l’a empêchée de finaliser son offre et de la déposer dans les délais impartis. Toutefois, en adressant de telles demandes via la plateforme dématérialisée seulement six heures et vingt-quatre minutes avant la clôture du délai mentionné à l’article IV.4.1 du RC, sans par ailleurs indiquer à l’entité adjudicatrice en quoi elles lui paraissaient indispensables à la présentation de son offre, la société requérante, qui ne fait état d’aucune circonstance particulière justifiant un tel manque de diligence, ne saurait être considérée comme les ayant faites en temps utile au sens des dispositions précitées de l’article R.2132-6 du code de la commande publique. Il s’ensuit que, dans les circonstances de l’espèce, l’entité adjudicatrice n’était pas tenue d’y répondre et, par voie de conséquence, n’était pas davantage tenue de prolonger le délai de remise des offres ».
Autrement dit, on vient reprocher au candidat d’avoir bien respecté le délai fixé par l’acheteur….
Concrètement, selon cette décision, le candidat aurait donc dû poser ses questions bien avant le délai fixé par l’acheteur (mais combien de temps avant ??) et préciser en plus en quoi les questions posées étaient essentielles pour élaborer son offre (c’est vrai que les candidats s’amusent le plus souvent à poser des questions dont ils n’attendant aucune réponse).
On avait critiqué à raison les abus de la situation avant Smirgeomes. Nous voici pourtant arrivé à l’autre extrémité du balancier avec les mêmes critiques pouvant être faites à cette décision, totalement dévoyée par certains juges de première instance.
Rappelons quand même que dans ses conclusions sous l’arrêt Smirgeomes, Bertrand Dacosta faisait part de ce que son but était simplement de ne pas permettre au requérant d’invoquer un manquement qui est insusceptible de le léser et que « lorsqu’il est manifestement exclu que le manquement allégué ait eu une incidence quelconque sur le sort du requérant, il ne revient pas au juge du référé précontractuel de le sanctionner ».
Au cas d’espèce, il est bien évident que si le candidat a posé ces questions en respectant le délai posé par l’acheteur, ce dernier devait y répondre comme indiqué dans le RC et que cette absence de réponse est bien susceptible de l’avoi léser (puisqu’il n’a pas déposé d’offre).
Il est malheureux d’en arriver là et il est plus que temps que le Conseil d’Etat fasse évoluer sa jurisprudence.
publié le 19 juillet 2024
Mauvaise application de la méthode de notation par couleur : l’annulation (partielle) est confirmée par le Conseil d’Etat
CE, 18 juillet 2024, commune de Menton, n°492880
Nous avions commenté l’ordonnance n°2400856 du 8 mars 2024 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Nice avait annulé une procédure de passation pour la conclusion d’une délégation de service public (allotie) pour l’exploitation d’une plage (Cf infra sur le site).
La ville de Menton avait ici procédé à l’évaluation des offres par le biais de couleurs : vert, jaune, et rouge (pour des éléments incohérents ou non conforme), mais en affectant des couleurs différentes aux mêmes manques relevés dans différents offres, ce qui avait abouti à une annulation totale.
Le Conseil d’Etat confirme l’erreur commise par le pouvoir adjudicateur, et confirme que le juge des référés peut sanctionner cette mauvaise application sans que ceci ne relève de l’appréciation de mérites respectifs des offres des candidats : « il n'appartient pas au juge du référé précontractuel de se prononcer sur l'appréciation portée sur la valeur d'une offre ou les mérites respectifs des différentes offres. Il lui appartient, en revanche, lorsqu'il est saisi d'un moyen en ce sens, de vérifier que le pouvoir adjudicateur n'a pas dénaturé le contenu d'une offre en en méconnaissant ou en en altérant manifestement les termes et procédé ainsi au choix de l'attributaire du contrat en méconnaissance du principe fondamental d'égalité de traitement des candidats.
Il ressort des énonciations de l'ordonnance attaquée que le juge des référés a constaté que des documents non-conformes ou insuffisants ont été notés " rouge " s'agissant des offres de MM. B... et D... alors que des documents présentés par des candidats admis à négocier et affectés de ces mêmes manquements ont été notés " jaune " ou " vert ". Le juge des référés en a conclu, au terme d'une appréciation souveraine des faits et sans se prononcer sur l'appréciation portée sur la valeur d'une offre ou les mérites respectifs des différentes offres, que l'autorité concédante avait méconnu le principe d'égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures. Par suite, les moyens tirés de ce que le juge des référés aurait commis une erreur de droit, méconnu son office et dénaturé les pièces du dossier ne peuvent qu'être écartés ».
La Haute Assemblée relève simplement qu’en annulant l’intégralité lité de la procédure, alors que ce manquement ne se rapportait qu’à la phase d'admission des candidats à la négociation, le juge des référés a commis une erreur de droit, et renvoie donc tout le monde au stade précédant la négocation.
publié le 19 juillet 2024
Quand le prestataire qui vous aide à répondre…monte finalement sa propre boite et remporte le marché, faites un référé
TA Pau ord. 9 juillet 2024, Sté Olinn Services, n°2401526
Situation assez originale qui vient d’être tranchée par le tribunal administratif de Pau.
De plus en plus de sociétés externalisent leurs réponses aux marché publics et les font réaliser par des prestaires (gain de temps, d’expérience. etc…). Ces prestataires ont donc, par définition, accès aux informations confidentielles de la société, puisqu’ils établissement les prix, rédigent le mémoire technique, déposent les pièces sur la plateforme…
Or, au cas présent, il apparait qu’un prestataire, qui avait aidé une société à répondre à un marché de location longue durée de véhicules, avait finalement décidé de créer sa société pendant la procédure de passation et de répondre à ce marché, qu’il a finalement remporter devant la société en question.
Et l’on peut imaginer la surprise de ce candidat à la lecture de sa lettre de rejet. Son action en référé précontractuel a été, assez logiquement, couronnée de succès, le juge considérant que « Mme C, gérante de la société Geslease [créée en cours de consultataion] attributaire du marché, était chargée d’accompagner la société Olinn services pour le dépôt de son offre dans le cadre de la procédure de passation en litige et a rédigé le bordereau de prix qui a été joint à l’offre de la société requérante. Mme C avait donc eu accès à une information confidentielle susceptible de rompre l’égalité entre les candidats à l’attribution du marché. Par ailleurs, en se bornant à soutenir que Mme C n’a pas rédigé le mémoire technique de l’offre de la société requérante et à invoquer la méconnaissance de la participation de Mme C à l’établissement de l’offre de la société Olinn services alors même que Mme C était en copie du mail adressé au parc national des Pyrénées contenant l’offre de la société requérante, la société Geslease et le parc national des Pyrénées n’établissent pas que la gérante de la société attributaire n’avait pas obtenu des informations confidentielles susceptibles de lui conférer un avantage indu lors de la procédure de passation. Il suit de là, au regard de ce qui a été dit au point 6, que la société Geslease doit être regardée comme ayant, dans le cadre de la procédure de passation en cause, entrepris d’influencer la prise de décision de l’acheteur. Il en résulte que le parc national des Pyrénées pouvait et devait légalement exclure la société Geslease de la procédure de passation en cause ».
publié le 12 juillet 2024
Plateforme PLACE : attention à déposer son offre dans le bon tiroir numérique !
TA Bordeaux ord. 4 juillet 2024, Sté Sogea Sud-ouest Hydraulique, n°2403635
A l’heure où il est envisagé de faire de la plateforme PLACE la grande plateforme unifiée des marchés publics (ce qui soulève d’importantes questions en droit de la concurrence), l’ordonnance rendue par le tribunal administratif de Bordeaux rappelle que les candidats doivent être vigilants lorsqu’ils déposent une offre sur cette plateforme.
En effet, dans cette affaire, un candidat avait déposé son offre dans le mauvais tiroir numérique, correspondant à un autre marché, et a vu son offre rejetée. Il contestait donc ce rejet devant le juge des référés précontractuels. Ce dernier rejette toutefois sa requête après avoir relevé toutes les circonstances en défaveur du candidat : date et heure de dépôt qui lui permettaient de corriger son erreur, précédent titulaire, habitué à la plateforme, chemin d’accès au bon tiroir numérique clair, autres candidats ayant déposé sans difficulté dans le bon tiroir numérique, absence de dysfonctionnement de la plateforme : « le règlement de la consultation prévoit que « le candidat est inscrit sur la plateforme des achats de l’Etat (PLACE) et dispose d’un certificat numérique lui permettant de transmettre son pli : le candidat dépose son pli (candidature) sur le site : www.marches-publics.gouv.fr » à la rubrique « marchés et opportunités » en cliquant sur le lien « accès à la salle de consultation, puis en sélectionnant la consultation ». La seule circonstance que le lien mentionné était inactif ne peut être regardé comme une mention erronée de nature à avoir induit en erreur la requérante dès lors que ce lien inexistant ne pouvait orienter la candidate vers un autre « tiroir numérique », c’est-à-dire vers une fenêtre correspondant à un autre marché. Il a d’ailleurs été confirmé à l’audience que la société requérante, sans chercher à contacter le cas échéant une quelconque assistance sur la plateforme PLACE ou en ligne, a suivi un autre chemin pour accéder au « tiroir numérique » dans lequel elle a déposé son offre. Il résulte en outre de l’instruction qu’après avoir déposé son offre, la société requérante a reçu de façon immédiate un accusé-réception automatique indiquant sans la moindre équivoque les références/intitulé, l’objet, la date de mise en ligne ainsi que la date limite de dépôt du marché correspondant au « tiroir numérique » utilisé. La société ne pouvait donc ignorer, à l’issue du dépôt de son offre, la nature et l’objet de la consultation à laquelle elle venait de répondre. Eu égard à l’heure de dépôt de son offre, soit le 16 janvier 2024 à 11h35, elle avait la possibilité de rectifier son erreur et de déposer son offre dans le bon « tiroir numérique » avant 16h00 le même jour. Il est par ailleurs constant que la société Sogea Sud-Ouest Hydraulique a bien reçu, à l’issue de la phase de sélection des candidats, le 26 octobre 2023, un message qui invitait les candidats sélectionnés à déposer leur offre sur la PLACE, précisant la référence, l’intitulé, l’objet du marché ainsi que la date et l’heure limite de dépôt. Il résulte également de l’instruction que la société requérante disposait de plusieurs chemins d’accès à la salle de consultation, notamment un lien d’accès direct à la fiche du marché auquel elle candidatait, par un message du 8 janvier 2024, muni du code d’accès correspondant. Elle pouvait également à tout moment vérifier l’état de sa candidature en actionnant l’onglet « mon panier » de la PLACE. En tout état de cause, il n’est pas contesté que l’ESID de Bordeaux a réceptionné pour le marché n° DAF 2023000052 trois offres dont deux émanant d’entreprises distinctes et qui n’ont pas rencontré de difficultés pour accéder à la salle de consultation et déposer leur offre dans le bon « tiroir numérique ». Pour l’ensemble de ces raisons, la société Sogea Sud-Ouest Hydraulique, qui est titulaire de plusieurs autres marchés avec le ministère des Armées et l’ESID de Bordeaux, qui a la qualité de titulaire sortant du marché litigieux et qui pratique régulièrement la plateforme numérique PLACE pour candidater et déposer des offres, n’est pas fondée à soutenir qu’elle a été illégalement induite en erreur par des mentions erronées figurant au règlement de la consultation s’agissant des conditions de dépôt dématérialisé de son offre ».
Le juge en profite également pour rappeler qu’« aucune disposition ni aucun principe n’impose au pouvoir adjudicateur d’informer un candidat que son offre a été déposée dans le cadre d’une autre consultation que celle à laquelle il voulait postuler et, d’autre part, il ne peut rectifier de lui-même l’erreur de dépôt ainsi commise, sauf dans l’hypothèse où il serait établi que cette erreur résulterait d’un dysfonctionnement de la plateforme de l’acheteur public. Eu égard à ce qui vient d’être dit, en l’absence de dysfonctionnement de la plateforme PLACE susceptible d’induire en erreur la société requérante, il n’appartenait pas au pouvoir adjudicateur de rectifier de lui-même l’erreur commise par la société requérante lors du dépôt de son offre ».
publié le 10 juillet 2024
Mobilier urbain la ville de Paris : le covid constitue bien une circonstance imprévue justifiant la prolongation de 6 mois par avenant de la concession !
TA Paris, ord. 15 juin 2024, Sté JCDecaux, n°2412367
Dans la guerre économique que se livrent JCDecaux et Clear Channel, désormais Cityz Média, cette dernière vient de marquer un point.
JCDecaux attaquait l’avenant de prolongation de 6 mois de la concession portant sur la conception, la fabrication, la pose, l’entretien, la maintenance et l’exploitation de mobiliers urbains d’information conclue en 2019.
Toute la question était de savoir si cette prolongation par avenant était possible ou si elle nécessitait un nouveau contrat et, donc, une remise en concurrence.
Le juge va valider la thèse de la régularité de l’avenant après avoir rappelé l’article L.3135-1 du code de la commande publique qui autorise, sous certaines conditions, la modification d’un contrat de concessions.
Le juge confirme que la crise sanitaire du Covid 19 est une circonstance imprévue autorisant une telle modification : « Il ressort du compte de résultat prévisionnel établi par la Ville de Paris produit dans le cadre de la présente instance que les produits d’exploitation prévus en 2020 et 2021 pour la société « Cityz Media Paris » étaient respectivement des montants arrondis de 46,7 et 47,4 million d’euros, tandis que le chiffre d’affaire net effectivement obtenu durant ces deux années par la société concessionnaire s’est élevé respectivement aux montants arrondis de 20,2 million et 32,8 million d’euros, soit une perte de près de 55% et 27% relativement aux montants prévisionnels. Cette contraction des produits d’exploitation s’est également traduite dans une perte de résultat net pour la société concessionnaire, malgré les trois mois d’exonération de redevances accordées par la Ville de Paris dans le cadre du premier avenant au contrat. S’il est constant qu’une part de ces pertes n’est imputable qu’aux risques communs d’exploitation, il n’en résulte pas moins que, d’une part, la pandémie de Covid-19 constitue bien une circonstance imprévue, d’autre part, qu’elle a entraîné une baisse significative du chiffre d’affaires de la société concessionnaire qui ne pouvait pas être prévue lors de la passation du contrat. En effet, la baisse de 24,4% des recettes du marché du mobilier urbain en 2020 ne peut être considérée comme constituant une variation prévisible des conditions économiques pendant la période d’exécution des prestations, compte tenu de l’évènement sanitaire à l’origine de cette baisse, de même que la baisse de 33,3% du marché de la publicité extérieure au cours de cette même année. En outre, la prolongation de la durée d’un contrat de concession du marché public peut être envisagée pour compenser les surcoûts subis par les exploitants du fait de circonstances imprévisibles. Ainsi, l’avenant litigieux prolongeant d’une durée de six mois le contrat de concession de services pour la conception, la fabrication, la pose, l’entretien, la maintenance et l’exploitation de mobiliers urbains d’information par la société « Clear Channel France » est bien directement imputable aux circonstances imprévisibles et ne peut être regardé comme excédant ce que les dispositions citées au point 4 permettaient à l’autorité concédante de prévoir pour permettre à son co-contractant de faire face aux aléas rencontrés qui n’étaient ni prévisibles ni ne sont intervenus dans des conditions normales d’exploitation, quels que soient les indices d’évolution du marché retenus pour reconstituer la perte de recettes de la société concessionnaire ».
Puisque cet avenant est régulier, le juge des référés précontractuels rejette logiquement la requête.
publié le 24 juin 2024
Lancement simultané d’un accord-cadre et du premier marché subséquent : ne pas confondre vitesse et précipitation
TA Paris, ord. 17 juin 2024, Sté Stilog, n°2413289
Il est possible, pour un acheteur pressé, d’attribuer, à l’issue de la même procédure, un accord-cadre et le premier marché subséquent de celui-ci.
Néanmoins dans cette hypothèse, il est impératif de ne pas mélanger les deux et d’analyser les offres distinctement. C’est ce qu’avait rappelé le Conseil d’Etat dans un arrêt Métropole Européenne de Lille en 2020, qui avait validé cette technique car la MEL avait clairement identifié, dans les documents de la consultation les deux étapes que constituaient l’attribution de l’accord-cadre mono-attributaire et l’attribution du marché subséquent n°1.
Au cas présent, le Centre national d’art et de culture Georges Pompidou a, quant à lui, été trop pressé et voit sa procédure annulée pour n’avoir pas distingué ces deux étapes : « il appartient au pouvoir adjudicateur d’informer les candidats sur les conditions d’attribution des marchés subséquents à un accord-cadre mono-attributaire dès l’engagement de la procédure d’attribution de cet accord-cadre, dans l’avis d’appel public à la concurrence ou le cahier des charges tenu à la disposition des candidats. La circonstance qu’un accord-cadre soit conclu avec un seul opérateur économique n’implique pas que son titulaire bénéficie de l’octroi automatique des marchés subséquents passés dans ce cadre. Aucune disposition du code de la commande publique ni aucun principe ne fait en effet obstacle à ce que les offres remises par le titulaire d’un accord-cadre mono-attributaire pour l’attribution des marchés subséquents soient notées et analysées, et que les marchés ne lui soient attribués que sous réserve de remplir certaines conditions. Il en va de même dans l’hypothèse où la procédure de passation de l’accord-cadre mono-attributaire envisagerait l’attribution simultanée d’un premier marché subséquent et où les candidats à l’attribution de l’accord-cadre seraient de ce fait invités à remettre également une offre pour ce premier marché, sous réserve que la comparaison des offres des candidats porte uniquement sur l’accord-cadre et non, de façon concomitante, sur celles remises pour le premier marché.
Il résulte de l’instruction et notamment du règlement de consultation que les candidats ont été invités à remettre une offre unique pour l’accord-cadre et le marché subséquent n°1, les offres présentées étant appréciées en fonction des mêmes critères et sous-critères sans que soient clairement identifiées les deux étapes que doivent constituer l’attribution de l’accord-cadre mono-attributaire et celle du marché subséquent n°1. Il résulte également de l’instruction que les offres ont fait l’objet d’une analyse conjointe ayant abouti à une seule décision d’attribution. Dans ces conditions, le Centre national d’art et de culture Georges Pompidou a méconnu le principe de transparence applicable à la procédure de passation en litige ».
publié le 21 juin 2024
Trop de report tue le report
TA Mayotte, ord. 4 juin 2024, Sté CMTB et autres, n°2400692
La communauté d’agglomération Dembéni-Mamoudzou (CADEMA) avait mise en œuvre une procédure de passation relative à un marché de transport collectif urbain sur son territoire. Plusieurs requérants ont attaqué séparément cette procédure en référé, les instances ayant été jointes dans le cadre de la décision.
La date de réception des offres, initialement fixée au 6 octobre 2023 avait été prorogée par quatre avis rectificatifs successifs jusqu’au 29 décembre 2023. Un premier report avait eu pour effet de modifier le CCTP en communiquant des annexes financières propres à chaque lot, en supprimant la question de la billettique et celle de l’agence commerciale, la CADME décalant alors la DLRO du 6 octobre 2023 au 20 octobre 2023.
Puis, le 17 octobre 2023, la CADEMA avait décidé de décaler de nouveau la LDRO au 10 novembre 2023. Le 27 octobre 2023, cette date avait encore été reportée au 1er décembre 2023 après la surpression du système d’aide à l’exploitation et à l’information des voyageurs (SAEIV) initialement prévue à l’article 17 du CCTP. Le 1er décembre, la CADEMA avait également reporté la date limite de remise des offres au 22 décembre 2023. Enfin, le 20 décembre 2023, celle-ci a été encore décalée jusqu’au 29 décembre 2023. Pour le juge, ces multiples reports démontrent, en réalité, un insuffisante définition des besoins, et il en tire les conséquences, en annulant la procédure : « Il est constant que si les multiples reports de la date de remise des offres, à l’exception du dernier, ont été conformes aux dispositions de l’article 4.2 du RC, il résulte néanmoins de l’instruction que ces modifications du DCE n’étaient pas mineures en ce qu’elles changeaient de manière significative le périmètre des prestations demandées dans le cadre de la création et de la gestion du réseau de transports. Si la CADEMA fait valoir en défense que ces modifications ont dû être apportées au DCE en raison du fait, d’une part, que les marchés distincts concernant la billettique et le SAEIV n’avaient pas encore été lancés, et d’autre part, qu’une réflexion plus large sur le sujet de la billettique dans le secteur des transports, portée à l’échelle du Département, avait été engagée, ces retards et contretemps révélant l’insuffisante définition de la nature et des besoins à satisfaire auraient dû commander au pouvoir adjudicateur de reprendre la procédure à son commencement, une fois ces éléments précisément définis […] qu’il y a lieu d’annuler la procédure en litige au stade de l’appel d’offres et d’inviter la CADEMA, si elle entend conclure un accord-cadre ayant le même objet, à reprendre la procédure à ce stade ».
publié le 11 juin 2024
Le Conseil d’Etat fait une application souple de Smirgeomes sur la méthode de notation
CE, 7 juin 2024, Communauté d'agglomération Quimper Bretagne Occidentale, n°489404
Bien souvent, les juges des référé précontractuels appliquent trop strictement la jurisprudence Smirgeomes. Sur la méthode de notation, ils considèrent ainsi que malgré une irrégularité, le manquement ne lèse pas le requérant car il ne pourrait pas être attributaire, recalculs à l’appui.
Tel n’est toutefois pas le sens de cette décision, qui implique juste qu’un requérant démontre une lésion potentielle.
C’est ce que semble rappeler le Conseil d’Etat dans cette décision, en considérant que la méthode de notation irrégulière et bien susceptible el léser un candidat dès lors qu’il était mieux classé que l’attributaire sur l’un des critères pris en compte au titre de cette méthode : « que la méthode d'évaluation mise en œuvre en l'espèce par l'autorité concédante a consisté, conformément aux dispositions du règlement de la consultation, à classer les offres au regard de chacun des critères d'appréciation puis à attribuer à chaque offre une note correspondant à la moyenne des rangs de classement obtenus sur chaque critère, pondérée par le coefficient associé à chaque critère. L'offre retenue est celle ayant obtenu, en application de cette méthode, la note la plus basse. En faisant ainsi le choix, alors même qu'elle n'était en rien tenue de traduire en notes chiffrées l'appréciation qu'elle portait sur la valeur respective des offres, d'un mode d'attribution de la concession litigieuse fondé sur la moyenne pondérée des rangs de classement des offres au regard de chacun des critères d'attribution, alors que le classement ne reflète que très imparfaitement les écarts de valeur entre les offres, l'autorité concédante a retenu une méthode d'évaluation susceptible de conduire à ce que, au regard de l'ensemble des critères, l'offre présentant le meilleur avantage économique global ne soit pas choisie. Dans ces conditions, les sociétés Keolis et Transdev sont fondées à soutenir que la méthode d'évaluation mise en œuvre par l'autorité concédante est entachée d'irrégularité. Dès lors que les offres de ces deux sociétés étaient mieux classées, sur l'un au moins des critères d'appréciation, que celle de la société RATP Développement retenue par l'autorité concédante, l'utilisation de cette méthode d'évaluation est susceptible de les avoir lésées. Eu égard à la nature et à la portée du manquement constaté, qui affecte le règlement de la consultation, les sociétés Keolis et Transdev sont fondées à demander l'annulation de la procédure contestée dans son intégralité ».
publié le 10 juin 2024
Le Conseil d’Etat fait une application souple de Smirgeomes sur la méthode de notation
CE, 7 juin 2024, Communauté d'agglomération Quimper Bretagne Occidentale, n°489404
Bien souvent, les juges des référé précontractuels appliquent trop strictement la jurisprudence Smirgeomes. Sur la méthode de notation, ils considèrent ainsi que malgré une irrégularité, le manquement ne lèse pas le requérant car il ne pourrait pas être attributaire, recalculs à l’appui.
Tel n’est toutefois pas le sens de cette décision, qui implique juste qu’un requérant démontre une lésion potentielle.
C’est ce que semble rappeler le Conseil d’Etat dans cette décision, en considérant que la méthode de notation irrégulière et bien susceptible el léser un candidat dès lors qu’il était mieux classé que l’attributaire sur l’un des critères pris en compte au titre de cette méthode : « que la méthode d'évaluation mise en œuvre en l'espèce par l'autorité concédante a consisté, conformément aux dispositions du règlement de la consultation, à classer les offres au regard de chacun des critères d'appréciation puis à attribuer à chaque offre une note correspondant à la moyenne des rangs de classement obtenus sur chaque critère, pondérée par le coefficient associé à chaque critère. L'offre retenue est celle ayant obtenu, en application de cette méthode, la note la plus basse. En faisant ainsi le choix, alors même qu'elle n'était en rien tenue de traduire en notes chiffrées l'appréciation qu'elle portait sur la valeur respective des offres, d'un mode d'attribution de la concession litigieuse fondé sur la moyenne pondérée des rangs de classement des offres au regard de chacun des critères d'attribution, alors que le classement ne reflète que très imparfaitement les écarts de valeur entre les offres, l'autorité concédante a retenu une méthode d'évaluation susceptible de conduire à ce que, au regard de l'ensemble des critères, l'offre présentant le meilleur avantage économique global ne soit pas choisie. Dans ces conditions, les sociétés Keolis et Transdev sont fondées à soutenir que la méthode d'évaluation mise en œuvre par l'autorité concédante est entachée d'irrégularité. Dès lors que les offres de ces deux sociétés étaient mieux classées, sur l'un au moins des critères d'appréciation, que celle de la société RATP Développement retenue par l'autorité concédante, l'utilisation de cette méthode d'évaluation est susceptible de les avoir lésées. Eu égard à la nature et à la portée du manquement constaté, qui affecte le règlement de la consultation, les sociétés Keolis et Transdev sont fondées à demander l'annulation de la procédure contestée dans son intégralité ».
publié le 10 juin 2024
Candidats, ne zappez pas la visite de site obligatoire avant de répondre
TA Rennes, ord. 31 mai 2024, Sté Metalsport International, n°2402721
Le conseil paraît évident, mais il y a encore régulièrement des contentieux qui portent sur ce point. En l’occurrence un candidat à un marché public de fournitures de de machines de fitness-musculation pour un espace sports et loisirs d’une piscine n’avait pas effectué la visite obligatoire mentionnée au RC, et avait vu son offre rejetée pour ce motif. Il contestait son éviction car le RC n’indiquait pas la sanction attachée à l’absence de visite. Il faisait également valoir que cette visite n’était pas utile, dans la mesure ou le DCE contenait les plans de la salle à équiper
Le juge penche du côté de l’acheteur en validant le caractère irrégulier de cette offre : « Il résulte clairement des dispositions du RC que la visite du site était obligatoire, contrairement à ce qui est soutenu par la société Metalsport International. Il ne résulte d’ailleurs pas de l’instruction qu’elle aurait interrogé le pouvoir adjudicateur sur le caractère obligatoire ou non de cette visite en raison d’une quelconque ambiguïté mais lui a au contraire adressé le 26 avril 2024 un courrier lui demandant expressément, dès lors qu’elle n’avait pris connaissance de l’appel d’offres que le 25 avril 2024, d’être soit dispensée de cette visite soit de voir la date limite de remise des offres, fixée au 29 avril, repoussée. Il résulte par ailleurs de l’instruction que la visite du site imposée par le règlement de consultation devait permettre à l’ensemble des soumissionnaires d’avoir une connaissance précise du lieu d’exécution du marché pour leur permettre d’apporter une réponse la plus adéquate possible aux besoins du pouvoir adjudicateur. Si un plan du rez-de-chaussée de l’espace sportif et de loisirs ainsi qu’un plan coté de la salle de fitness-musculation ont été portés à la connaissance des candidats, ceux-ci se contentaient d’indiquer les dimensions de la salle à équiper mais ne comportait aucune information sur les branchements électriques, la luminosité, les vues sur et depuis l’extérieur et plus généralement sur l’environnement de cette salle. Dans ces conditions, la visite obligatoire prévue n’était manifestement pas dépourvue d’utilité pour l’examen des offres. La société Metalsport n’allègue pas avoir déjà une connaissance approfondie du site et de ses contraintes, qui aurait été de nature à lui permettre d’être dispensée de cette visite. Par suite, dès lors qu’elle n’a pas effectué cette visite obligatoire, le pouvoir adjudicateur était tenu d’écarter son offre comme étant irrégulière ».
publié le 4 juin 2024
La question n’est pas (vite) répondue, la procédure est vite annulée
TA Poitiers, ord. 21 mai 2024, Sté Kéolis Santé Nouvelle Aquitaine, n°2401010
On sait que toute entreprise est recevable à agir, sur le fondement de l'article L.551-1 du CJA, lorsqu'elle a vocation, compte tenu de son domaine d'activité, à exécuter le contrat, y compris lorsqu'elle n'a pas présenté d'offre si elle en a été dissuadée par les manquements aux obligations de publicité et de mise en concurrence qu'elle invoque.
Et lorsque ce candidat potentiel a posé de nombreuses questions avant la date limite de remise des offres et que l’acheteur n’a répondu à aucune de ces questions, le risque d’annulation de la procédure est grand, comme l’illustre cette décision.
La société Kéolis avait adressé au centre hospitalier d’Angoulême, plus de 10 jours avant la date butoir de remise des offres et en application du RC, une liste de 24 questions, estimant que sans les informations complémentaires attendues, elle ne pouvait utilement élaborer son offre. Aucune réponse ne lui a pourtant été apportée par l’acheteur et cette société n’a donc pas remis d’offre et a attaqué la procédure de passation.
Le juge annule la procédure en considérant que l’acheteur , malgré ses arguments en défense sur l’inutilité des réponses attendues, avait violé son propre RC qui prévoyait ce jeu de questions/réponses : « si le centre hospitalier fait valoir que le dossier de consultation contenait toutes les caractéristiques du marché et que les questions posées par leur nombre et leur nature n’avaient pas été posées en temps utiles ou ne méritaient pas de réponse par l’évidence de la solution, par l’expérience de la société Kéolis qui disposait déjà de ces informations ou en ce qu’il suffisait de reprendre le document de consultation pour y trouver les informations attendues, et que la finalité de la démarche de la société requérante était de mettre en difficulté le centre hospitalier, il ne résulte pas de la lecture des dispositions de l’article 8.1 précité que la réponse du centre hospitalier devait dépendre de l’objet ou était conditionné par l’utilité de la question telle qu’évaluée par le centre hospitalier. Ainsi, le centre hospitalier n’a pas respecté l’obligation de réponse aux demandes de renseignements complémentaires qu’il s’est fixé lui-même alors qu’il pouvait faire le choix s’il estimait n’avoir pas suffisamment de temps pour y répondre de reporter la date de remise des offres. Ainsi, en ne respectant pas les termes du règlement de consultation, le centre hospitalier a manqué à ses obligations de publicité et de mise en concurrence ». Et de confirmer ensuite le caractère utile de certaines questions « au regard des incertitudes et ambiguïtés contenues dans le dossier de consultation de nature à influencer la manière dont la société requérante pouvaient comprendre les besoins de l’acheteur et donc construire et présenter une offre réellement concurrentielle », pour en conclure ensuite logiquement que « la société requérante, en ne disposant pas des renseignements complémentaires qu’elle a sollicités, a été lésée par ce manquement ».
Conseil aux acheteurs : il est donc préférable de répondre aux questions pos »es, même de manière courte ou en paraphrasant le RC.
publié le 31 mai 2024
La cession du stade de France ne relève pas du juge des référés précontractuels
TA Montreuil, ord. 15 mai 2024, SELAS Poulmaire Gestion Fiduciaire, n°2404859
La cession par l’Etat du stade de France a surtout fait parler d’elle lorsque le PSG a fait savoir qu’il entendait quitter le Parc des Princes. On a effectivement appris à cette occasion que l’Etat envisageait de céder le stade de France. L’État a en effet lancé deux procédures d’appel d’offres alternatives relatives, pour la première, à la concession du Stade de France à partir de l’été 2025 et pour la seconde à la cession du Stade de France avec charges. C’est cette seconde procédure qui était contestée par un candidat évincé.
Le juge rappelle tout d’abord qu’il lui appartient de rechercher si la convention qui fait l’objet d’une procédure de mise en concurrence préalable à sa conclusion peut, compte tenu de son objet et des contreparties prévues, être qualifiée de contrat administratif ayant pour objet l’exécution de travaux, la livraison de fournitures ou la prestation de services, avec une contrepartie économique constituée par un prix ou un droit d’exploitation.
Et le juge de constater ensuite que « l’objet principal de l’opération d’adjudication en cause porte sur l’obtention d’un prix de la part d’un acquéreur et qu’un tel objet ne correspond pas à la satisfaction de besoins de l’État en matière de travaux, de fournitures ou de services. Si une telle opération peut présenter une analogie avec la satisfaction des besoins en financement d’une personne publique par le recours à des contrats d’emprunts, cette circonstance n’est pas suffisante pour que cette opération soit regardée comme permettant de satisfaire à un besoin de l’État en contrepartie d’une rémunération au sens des dispositions de l’article L.1111-1 du code de la commande publique. Il n’est ni soutenu ni établi que la cession définitive du Stade de France à un opérateur économique constituerait une modalité particulière de DSP. Il résulte également de l’instruction qu’aucune disposition législative particulière n’attribue compétence au juge du référé précontractuel des articles L.551-1 ou L.551-5 du CJA pour assurer le respect des obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles l’État a entendu se soumettre spontanément pour cette procédure d’adjudication. Qu’un tel contrat, qui n’a pour objet ni la délégation d’un service public ni l’exécution de travaux, la livraison de fournitures ou la prestation de services, avec une contrepartie économique constituée par un prix ou un droit d’exploitation, n’est pas au nombre des contrats mentionnés à l’article L.551-1 du CJA, à l’égard desquels le juge du référé précontractuel peut prendre les mesures définies à l’article L.551-2 de ce code. Dès lors, et alors même que l’État a choisi de se soumettre pour cette opération de vente, sans y être tenu, à la procédure applicable aux marchés publics passés par des pouvoirs adjudicataires, le juge du référé précontractuel n’est pas compétent pour statuer sur la demande présentée par la SELAS Poulmaire Gestion Fiduciaire et sa requête doit, par suite, être rejetée ».
On pourra néanmoins s’étonner que ce moyen a été soulevé d’office par le juge (« par un courrier du 17 avril 2024, les parties ont été informées, en application des dispositions de l’article R. 611-7 du CJA, de ce que le jugement était susceptible d’être fondé sur un moyen relevé d’office, tiré de ce que le juge du référé précontractuel est incompétent pour statuer sur la procédure d’adjudication contestée dès lors que le contrat de « concession-vente » en cause ne porte pas sur la satisfaction d’un besoin d’une personne publique et ne rentre pas, par suite, dans le champ d’application matériel des référés précontractuels des articles L.551-1 et L. 551-5 du CJA ») compte tenu de la nature du pouvoir adjudicateur, d’ailleurs défend par un Conseil, ce qui n’est pas toujours le cas pour l’Etat…
publié le 21 mai 2024
Attribuer un marché à une entreprise en redressement judiciaire : un exercice délicat
TA Guadeloupe, ord. 10 mai 2024, SARL Voyageurs, n°2400482
Le syndicat Mixte des Transports du Petit Cul de Sac Marin a souhaité conclure un marché de services de transport public de voyageurs à vocation scolaire. Ce marché a été alloti et a donné lieu à de nombreux contentieux en référé précontractuel, dont les ordonnances rendues sont riches d’enseignement.
4 des 24 lots avaient été attribués à une entreprise en redressement judiciaire et un requérant faisait valoir que sa candidature aurait dû être déclarée irrecevable.
Aux termes de l’article L.2141-3 du code de la commande publique, sont en effet exclues de la procédure de passation des marchés les personnes admises à la procédure de redressement judiciaire instituée par l’article L.631-1 du code de commerce qui ne bénéficient pas d’un plan de redressement ou qui ne justifient pas avoir été habilitées à poursuivre leurs activités pendant la durée prévisible d’exécution du marché. Les entreprises placées en redressement judiciaire sont donc tenues de justifier, lors du dépôt de leur offre, qu’elles sont habilitées, par le jugement prononçant leur placement dans cette situation, à poursuivre leurs activités pendant la durée d’exécution du marché, telle qu’elle ressort des documents de la consultation. Dans l’hypothèse où l’entreprise candidate à l’attribution d’un marché public a été placée en redressement judiciaire après la date limite fixée pour le dépôt des offres, elle doit alors en informer sans délai le pouvoir adjudicateur, lequel doit alors vérifier si l’entreprise est autorisée à poursuivre son activité au-delà de la durée d’exécution du marché et apprécier si sa candidature reste recevable. Dans la négative, le pouvoir adjudicateur ne peut poursuivre la procédure avec cette société. Lorsqu’il est soutenu devant lui que le placement en redressement judiciaire de l’entreprise, y compris lorsqu’il est intervenu après le dépôt de son offre, affecte la recevabilité de sa candidature, il appartient au juge du référé précontractuel d’apprécier si cette candidature est recevable et d’annuler, le cas échéant, la procédure au terme de laquelle l’offre de l’entreprise aurait été retenue par le pouvoir adjudicateur.
Dans cette affaire le juge relève que « par jugement du 14 mars 2024, le tribunal de commerce de Pointe à Pitre a ouvert une procédure de redressement judiciaire sur déclaration de cessation de paiement de cette société. La SA Pajamandy, qui ne bénéfice pas encore d’un plan de redressement judiciaire, a été autorisée à poursuivre ses activités pendant une période d’observation de 6 mois renouvelable pour une nouvelle période de 6 mois. Le tribunal a également donné acte à la société Pajamandy de ce qu’elle indique avoir d’ores et déjà pris les mesures pour être à même de poursuivre son activité durant cette période pouvant aller jusqu’au 18 mois. Or, aux termes de l’article 1.3 du règlement de consultation, la durée d’exécution du marché est d’une année scolaire, 2 mois et 3 semaines soit du 15 avril 2024 au 6 juillet 2024 et du 2 septembre 2024 au 5 juillet 2025. Par suite, la période durant laquelle la société Pajamandy a été autorisée à poursuivre son activité, durant la période d’observation, soit 6 mois à compter du 14 mars 2024 renouvelable 6 mois, ne couvre pas la totalité de la durée d’exécution du marché. Par suite, la société Voyageurs est fondée à soutenir que le syndicat mixte des transports du PCSM a manqué à ses obligations de mise en concurrence en déclarant recevable la candidature de la société Pajamandy ».
La procédure de passation du marché relative aux 4 lots attribués à cette société est donc annulée à compter de l’examen des candidatures.
A noter que cette même entreprise, évincée d’autres lots, a pu en contester la régularité et obtenir, paradoxalement, l’annulation d’un lot pour non-respect de la méthode de notation des offres, le juge prenant soin de relever que la régularité de la candidature n’était pas contestée dans cette instance : « Aux termes du RC « la meilleure proposition de prix obtiendra les 60 points. Les autres seront jugées en application de la formule suivante : NC = (NM x PMD/PC) ». La société Pajamandy soutient qu’elle a obtenu la note de 54,90/60 s’agissant du prix alors que la seconde offre a obtenu la note de 52,39/60 et qu’elle aurait dû de ce fait obtenir la note de 60/60 dès lors que sa proposition était la meilleure. Il résulte en effet du rapport d’analyse des offres versé au dossier que deux candidats ont soumissionné le lot n°9, la SARL Pajamandy et la société Sofavita, mandataire solidaire. Or, cette dernière société a obtenu un total de 52,39 sur le critère prix alors que la SARL Pajamandy a présenté une meilleure offre sur ce critère étant notée 54,90. Par application de l’article 8 du RC, elle devait donc obtenir la note de 60/60, ce qui n’a pas été le cas. Or, si celle-ci avait obtenu cette note prévue par le RC, le total des critères technique et sur le prix aurait été de 86,31/100 de sorte qu’elle aurait été classée en première position devant la société Sofavita et déclarée attributaire du lot. Il en résulte que le choix de l’offre présentée par la société Sofavita irrégulièrement retenue est susceptible de l’avoir lésée ».
publié le 16 mai 2024
Méthode d’évaluation par couleur : une (fausse) bonne idée ?
TA Nice, ord. 8 mars 2024, M et Mme B, n°2400856
Il est relativement fréquent que dans le cadre d’une procédure de passation d’une DSP, plus souple, les services du pouvoir adjutateur adapte également leur méthode de notation. Cet assouplissement passe assez fréquemment par la méthode d’évaluation dite « par couleur », qui consiste à noter en rouges les points négatifs, et en d’autres couleurs les points positifs (voir également dans le même ordre d’idée la méthode des flèches, validée par le Conseil d’Etat en mai 2022).
Au cas d’espèce, une commune avait mis en œuvre une procédure de passation pour la conclusion d’une délégation de service public (allotie) pour l’exploitation d’une plage et avait procédé à l’évaluation des offres par le biais de couleurs : vert, jaune, et rouge (pour des éléments incohérents ou non confoormes).
Le juge confirme tout d’abord que la méthode par couleur est régulière : « la méthode d’évaluation par couleur, n’est pas en soi irrégulière, dès lors que l’autorité concédante n’a aucune obligation d’attribuer des notes chiffrées ».
Toutefois, une telle méthode doit, comme toute méthode de notation, être appliquée avec rigueur. Or, au cas présent, le juge relève que des documents non-conformes ou insuffisants avaient été notés « rouge » s’agissant des offres des requérants alors que des documents présentés par des candidats admis à négocier et affectés de ces mêmes manquements avaient quant à eux été notés « jaune » ou « vert » : « Il ressort des pièces du dossier que pour les lots n°1 et 9, sur les dix documents constituants chacune des deux offres des requérants, sept, dans le procès-verbal d’analyse, sont notés en rouge (incohérent ou non conforme). Cependant, il ressort de l’examen du rapport d’analyse des offres que pour le lot n°1, le candidat « Calabro » a été admis à la phase de négociation avec sept documents qui présentaient des non-conformités ou des insuffisances au regard des exigences de l’article 4.2 du règlement de consultation pour lesquels des corrections ou compléments étaient attendues, sans que cela ne conduise à une notation en rouge desdits documents. De même, le candidat AJP Solutions, attributaire du lot n°1 a également présenté deux documents contenant des non-conformités ou insuffisances. Pour le lot n°9, les dossiers des candidats admis à la phase de négociation comportaient également de nombreuses non-conformités ou insuffisances ».
Et le juge de conclure que « la méthode d’évaluation retenue, qui ne prévoit aucune hiérarchisation des critères, était ainsi de nature à priver de leur portée les critères qu’avait retenue l’autorité concédante en méconnaissance du principe fondamental d’égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures ».
Attention donc à l’utilisation de méthodes trop simples, ou « simplistes », qui peuvent aboutir, par un manque de rigueur dans leur application, à des annulations.
publié le 29 avril 2024
Quand la rémunération de l’avocat (honoraire de résultat exclusif) rend l’offre irrégulière
TA Strasbourg, ord. 19 avril 2024, SELAS Altraconsulting, n°2402132
On sait qu’une offre qui ne respecte pas la légalisation applicable est irrégulière (article L.2152-2 du code de la commande publique). La législation en cause dans cette affaire portait sur les modalités de rémunération des avocats, fixées par l’article 10 de la loi du 31 décembre 1971 qui dispose que « toute fixation d’honoraires qui ne le serait qu’en fonction du résultat judiciaire est interdite ».
Un OPH avait engagé une procédure d’appel d’offres en vue de la passation d’un marché public de services pour le suivi administratif des dossiers de dégrèvement de taxes foncières sur les propriétés bâties, incluant des prestations d’avocat.
Or, l’acte d’engagement déterminait le prix du marché uniquement par un pourcentage appliqué sur le montant du dégrèvement de taxes foncières sur les propriétés bâties obtenu et payé par la trésorerie. Selon le magistrat, « cette modalité de rémunération constitue, au sens des dispositions de l’article 10 de la loi du 10 juillet 1971 précité, une fixation d’honoraires uniquement en fonction du résultat, sans qu’il y ait lieu de faire de distinction entre les activités judiciaires et juridiques ».
Le titulaire mettait toutefois en avant le fait qu’il était un groupement et que la convention de groupement rémunérait bien l’avocat via un forfait par procédure. Néanmoins, le juge relève que « d’une part, le groupement attributaire étant dépourvu de personnalité juridique, c’est avec chacun des cotraitants que le marché serait directement conclu. Par conséquent, la rémunération des prestations dévolues à la SELARL d’avocats ne peut qu’être fixée conformément dispositions de l’article 10 de la loi du 10 juillet 1971 précité. D’autre part, il ne résulte pas de l’instruction, et n’est même pas soutenu, que la convention de cotraitance du aurait été rendue opposable à l’OPH. Les modalités qu’elle fixe pour la rémunération de la SELARL d’avocats sont donc étrangères à l’offre que le groupement a présentée à l’OPH. Par suite, la société ne peut pas utilement s’en prévaloir au soutien de la régularité de cette offre. Il résulte de ce qui précède que l’offre présentée par le groupement conjoint constitué de la société Atax Consultants et de la SELARL d’avocats méconnaît les dispositions de l’article 10 de la loi du 10 juillet 1971 précité et est, dès lors, irrégulière au sens de l’article L.2152-2 du code de la commande publique ».
publié le 25 avril 2024
Sourcing : l’acheteur peut valablement informer des entreprises de la relance prochaine de son marché
TA Besançon, ord. 6 mars 2024, Sté Bovis Franche-Comté, n°2400277
Voici une décision qui devrait rassurer certains acheteurs. Il n’est pas rare en effet que certains acheteurs s’interrogent sur le fait de savoir s’ils peuvent ou non informer des potentiels candidats, et notamment le titulaire de leur marché, de la relance du marché, par peur d’être accusé de n’avoir pas respecté l’égalité de traitement et d’avoir transmis une information « privilégiée ».
Néanmoins, l’article R.2111-1 du code de la commande publique dispose qu’« afin de préparer la passation d'un marché, l'acheteur peut […] informer les opérateurs économiques de son projet. Les résultats des études et échanges préalables peuvent être utilisés par l'acheteur, à condition que leur utilisation n'ait pas pour effet de fausser la concurrence ou de méconnaître les principes mentionnés à l'article L.3 ».
Et le juge des référés précontractuels de Besançon vient de juger explicitement que le fait d’informer une entreprise du lancement de son marché était une démarche autorisée par cette disposition : « la circonstance que la SAS Idéa Logistique ait été informée en 2023 par le CHU de Besançon du lancement du marché en litige, démarche prévue et autorisée par l’article R.2111-1 du code de la commande publique, est sans lien direct avec le comportement passé de Monsieur A. à l’égard de la société requérante ».
Dès lors, si l’acheteur se contente de donner l’information de ce que son marché va être relancé, ou qu’il vient de l’être, ce dernier ne commet pas un manquement à ses obligations de publicité et de mise en concurrence mais reste dans le cadre d’une démarche régulière de sourcing.
publié le 3 avril 2024
Départager les deux premiers ex aequo…par une prime au sortant ? C’est non
TJ Paris, ord.29 février 2024, Sté Up Coop, n°24/50266
Les ordonnances de référé précontractuel rendues par les tribunaux judiciaires sont relativement rares. Et toujours instructives…
En l’occurrence, un OPCO (opérateur de compétence), organisme de droit privé soumis au code de la commande publique (d’où le référé judiciaire) avait mis en œuvre une procédure d’appel d’offres ayant pour objet l’attribution d’un marché de fourniture et de gestion de titres restaurants dématérialisés.
Le RC indiquait que les offres seraient jugées sur deux critères, le prix et la technique, sur un total de 100 points. Or deux candidats, dont le titulaire sortant, avaient obtenu les notes maximales pour les deux critères et se retrouvaient donc premiers ex aequo, sans que le RC n’ait prévu la manière de régler cette situation.
Qu’à cela ne tienne, l’OPCO avait décidé de les départager en retenant le titulaire sortant. Sans réelle surprise, le juge va sanctionner cette manière de voir les choses : « Il ressort des éléments figurant dans le courrier de l’association OPCO du 20 décembre 2023 que la société UP COOP et la société EDENRED FRANCE ont toutes deux obtenu la note de 100/100 en raison de l’attribution de notes strictement identiques, correspondant aux notes maximales, au titre de chacun des deux critères, prix et technique, et de chacun des six sous-critères techniques prévus par le règlement de la consultation Il est constant que les documents de la consultation ne prévoient pas de modalités particulières pour départager deux offres classées en première position ex aequo. A l’audience, l’association OPCO 2i confirme qu’elle a décidé de retenir l’offre de la société EDENRED FRANCE au motif que cette dernière, à la différence de la société UP COOP, n’était pas la titulaire sortante du marché. Il est toutefois constant que ce critère, qui a déterminé la décision de l’association OPCO 2i, ne figurait pas dans les documents de la consultation de sorte qu’il n’a pas été porté à la connaissance des candidats. Par ailleurs, ce critère n’est pas justifié par l’objet du marché ou ses conditions d’exécution et ne conduit pas à retenir l’offre économiquement la plus avantageuse. Il convient donc de dire qu’en écartant l’offre de la société UP COOP au profit de celle de la société EDENRED FRANCE par la mise en œuvre d’un critère non révélé en temps utile et discriminatoire, l’association OPCO 2i a manqué à ses obligations de publicité et de mise en concurrence ».
publié le 2 avril 2024
Quand un référé permet à une médaille de bronze de se transformer en médaille d'or
TA Grenoble, ord. 6 mars 2024, Sté Algeco, n°2401055
Les recours en référé précontractuels peuvent parfois avoir des conséquences inattendues pour les candidats classés en troisième position qui n’ont rien demandé à personne.
C’est le cas quand le candidat classé en deuxième position conteste le fait que son offre a été rejetée comme irrégulière, qu’il perd, mais qu’il met dans le même temps en avant le caractère irrégulier de l’offre retenue, et qu’il gagne sur ce point. On sait en effet depuis l’arrêt Clean Building, rendu sous l’impulsion communautaire, que désormais, la circonstance que l’offre du concurrent évincé, auteur du référé précontractuel, soit irrégulière ne fait pas obstacle à ce qu’il puisse se prévaloir de l’irrégularité de l’offre de la société attributaire du contrat en litige. Il arrive donc que les deux premiers se voient in fine écartés de la procédure, pour laisser la place au troisième.
La présente ordonnance nous en offre une très belle illustration : « que la société Algeco a proposé une majorité de classes d’une surface de 52 m2. Ainsi, seules deux classes sur dix-huit répondaient aux exigences formulées dans les documents de la consultation. Par suite, la commune de Thyez est fondée à soutenir que l’offre présentée par la société Algeco est irrégulière […] Il n’est pas contesté en défense que le montant prévisionnel DQE dans l’offre de l’attributaire est de 1.933.371 euros HT alors que le montant maximum de l’accord-cadre tel que prévu au marché pour cette première période est de 1.600.000 euros HT. Il résulte de ce qui vient d’être dit que la commune de Thyez a retenu une offre irrégulière qui ne correspond pas aux exigences fixées par le règlement de la consultation du marché. La commune soutient que le projet litigieux s’inscrit dans le cadre du projet de démolition/reconstruction et rénovation énergétique du nouveau groupe scolaire impliquant de délocaliser les élèves le temps des travaux, que la mise en place de l’école provisoire en bâtiments modulaires devra être réceptionnée et validée par la commission ERP au plus tard au mois de juillet 2024 et que par suite, une décision de suspension de la présente procédure de passation ainsi que l’obligation pour la Commune de relancer une nouvelle procédure seraient préjudiciables à l’intérêt public puisqu’elles décaleraient manifestement la mise en œuvre du projet et mettraient à mal les perspectives de la prochaine rentrée scolaire. Toutefois, seules les offres de l’attributaire et du concurrent évincé sont irrégulières. Il ne résulte pas, en effet, de l’instruction que les offres des autres concurrents étaient elles-mêmes irrégulières. Dans les circonstances rappelées ci-dessus, la commune peut reprendre la procédure de passation au stade de l’analyse des offres en excluant uniquement les offres des sociétés Algeco et Cougnaud. Dès lors, ce réexamen des offres n’entraînera aucun retard important ».
Une médaille de bronze peut donc parfois se transformer en médaille d’or du fait de la disqualification des deux premiers.
publié le 15 mars 2024
Impartialité : une attestation de l’AMO n’est parfois pas suffisante pour éviter le conflit d’intérêts
TA Guyane, ord.6 mars 2024, Sté La Cayennaise de sécurité, n°2400120
Le Grand Port Maritime de la Guyane (GPM) avait mis en œuvre une procédure avec négociation aux fins d’attribuer un marché portant sur l’installation, la maintenance, le dépannage et l’entretien des systèmes de sécurité et de sureté de ses installations.
Il s’était attaché, au cours des négociations, les services d’un assistant à maîtrise d’ouvrage (AMO), la société Solarisq, dont le rôle était uniquement de se prononcer sur la conformité ou non des offres au CCTP. Cette dernière avait produit une attestation visant à démontrer l’absence de tout conflit d’intérêts.
Un candidat évincé avait d’ailleurs vu son offre jugé dans un premier temps conforme puis, après l’intervention de l’AMO, irrégulière. Ce dernier faisait valoir qu’il existe des liens commerciaux manifestes entre les sociétés Solarisq et le fournisseur du groupement attributaire, révélant un conflit d’intérêt.
Le juge va confirmer ce point, et en tirer les conséquences, malgré l’attestation produite en défense : « il résulte de l’instruction que le Grand port maritime s’est attaché, à partir du cycle 2 de négociations, les services d’un assistant à maîtrise d’ouvrage (AMO), la société Solarisq, dont le rôle est précisé par le défendeur dans ses écritures, à savoir « la société Solarisq était uniquement chargée de se prononcer sur la conformité ou non de l’offre au CCTP ». Il résulte également de l’instruction, que le dispositif vidéo proposé par le groupement attributaire, à savoir Secure system et Cegelec, dont l’offre repose sur l’utilisation de la fibre optique, est de type VxCore pour lequel la société MA2 est distributeur officiel dans le secteur de la sécurité vidéo professionnelle. L’instruction révèle également des liens commerciaux, voire de partenariat, entre les sociétés Solarisq et MA2 que l’attestation produite en défense ne permet pas de lever. Or, les motifs retenus par le pouvoir adjudicateur et précisés au point 5 pour écarter l’offre des sociétés requérantes sont en relation avec le choix technique opéré par celles-ci à savoir une solution reposant sur des capteurs et ondes radio, solution qui n’était pas exclue par le CCTP. Par ailleurs, il y a lieu de relever, s’agissant des deux nouveaux motifs de rejet de l’offre du groupement composé des sociétés requérantes, qu’après avoir considéré l’offre de celui-ci comme régulière et conforme dans sa décision du 30 janvier 2024, le GPM dans son mémoire du 28 février suivant la considère désormais comme irrégulière et non conforme au CCTP. Dans ces conditions, en faisant participer la société Solarisq à l’analyse et la conformité des offres dans le cadre de la procédure de passation du marché litigieux à partir du cycle 2 des négociations, le GPM doit être regardé comme ayant méconnu le principe d’impartialité et, partant, ses obligations de publicité et de mise en concurrence. Par suite, il y a lieu, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de la demande, d’annuler la procédure de passation contestée au stade du 2ème cycle de négociation, et d’enjoindre au GPM, s’il entend conclure le marché en litige, de la reprendre à ce stade, sans qu’y participe la société Solarisq ».
publié le 8 mars 2024
Le dépassement du délai de validité des offres, un manquement sans conséquence ? La position critiquable du TA de Martinique
TA Martinique, ord.29 février 2024, Sté GDS Martinique, n°2400120
Lorsqu’un délai de validité des offres est fixé dans le RC, celui doit être respecté et l’attribution du marché doit intervenir dans ledit délai. A défaut, ce délai est expiré, et les offres sont considérées comme caduques, sauf à ce que l’acheteur ait demandé et obtenu avant la fin du délai l'accord exprès de tous les candidats pour une prolongation de leur offre.
Ainsi, une signature tardive par l'acheteur public, c’est-à-dire après l’expiration du délai de validité des offres, ne saurait former valablement le contrat, faute d’offre. Et ce manquement parait logiquement impliquer une lésion quelque peu « automatique », puisqu’au moment du choix, l’acheteur ne dispose d’aucune offre valide. La jurisprudence le reconnaît d’ailleurs assez facilement.
Pourtant, dans son ordonnance, le juge des référés de Fort-de-France estime que l’attribution du marché au-delà de ce délai est certes un manquement, mais qu’il n’a pas lésé le requérant : « le délai de validité des offres a été fixé par l’article 2.3 du RC à 120 jours à compter du 15 juin 2023, date limite de réception des offres. Ce délai expirait donc le 15 octobre 2023. L’examen des offres a cependant été effectué le 19 décembre 2023. Toutefois, en se bornant à soutenir notamment que l’application numérique GEROBA qui était intégrée dans l’offre du groupement, a été finaliste dans la catégorie de l’innovation territoriale au salon des maires en novembre 2023 et que la société attributaire a déclaré, en décembre 2023, compter six salariés alors qu’elle a déclaré mobiliser treize salariés pour le marché, les requérantes n’établissent pas en quoi le retard dans le choix du candidat aurait eu des incidences sur la présentation de leur offre et le choix de l’attributaire et qu’elles auraient été lésées. Elles n’établissent pas davantage, en se bornant à soutenir que l’inflation est passée de 6,3 % à 3,7 % en décembre 2023, que serait intervenu dans ce laps de temps un changement dans les conditions de la concurrence ou dans les conditions prévisibles d’exécution du contrat tel que ce manquement aux règles de mise en concurrence aurait été susceptible de les léser. Dès lors, les sociétés requérantes ne sont pas fondées à soutenir que Martinique Transport a porté atteinte au principe d’égalité de traitement des candidats et aux obligations de publicité et de mise en concurrence en retenant l’offre de la société Agence Corail postérieurement à la date de validité des offres ».
Cette position est critiquable sur ce point particulier. Mais elle montre également que la lésion est entant bien trop strictement par les juridictions administratives.
Il aurait été intéressant que le Conseil d’Etat soit saisi, mais dans la mesure où il n’existe pas de recours efficace dans la présente hypothèse, la requérante n’a plus que ses yeux pour pleurer…
publié le 6 mars 2024
Régularisation des offres et modifications des caractéristiques substantielles : nouvelle illustration de ce qui n’est pas autorisé
TA Guadeloupe, ord.22 février 2024, Sté Equip Travaux Hydrauliques Maritimes, n°2400144
L’article R.2152-2 du code de la commande publique permet désormais, dans toutes les procédures, à l’acheteur d’autoriser les soumissionnaires à régulariser leurs offres irrégulières, à la condition néanmoins que cette régularisation n’ait pas pour effet d’en modifier « les caractéristiques substantielles ». Toute la difficulté est de qualifier ce qui relève de la modification des caractéristiques substantielles ou non. Et seule une analyse casuistique nous permet de circonscrire cette notion.
En l’espèce, une société avait répondu à un marché et l’acheteur l’avait informé que son offre était susceptible d’être qualifiée d’anormalement basse. Par courrier en réponse, la société avait alors indiqué que cet écart significatif de prix serait dû à des frais d’importation non intégrés dans son offre. L’acheteur public l’a donc invité à régulariser son offre sur ce point, pour se mettre en conformité avec le CCAP. En réponse à cette demande, la société requérante a transmis un nouvel acte d’engagement, portant son offre de 390.750 euros à 477.540 euros. Or, selon le juge, « cette modification ainsi apportée par la société requérante à son offre initiale a abouti, par son ampleur, à modifier la teneur de son offre, dont le prix global a été augmenté de plus de 22 %. Cette modification substantielle apportée au prix de l’offre de la société postérieurement à la date limite de réception des offres, bien qu’induite par l’acheteur public, ne peut être regardée comme la rectification d’une erreur purement matérielle, aisément décelable par le pouvoir adjudicateur, d’une nature telle que nul n’aurait pu s’en prévaloir de bonne foi dans l’hypothèse où le candidat aurait vu son offre retenue. Par suite, dès lors qu’elle n’intégrait pas ce prix dans son offre initiale et que la régularisation de l’offre n’était pas possible au regard de son impact substantiel sur le prix, l’offre de la société requérante était irrégulière. Il s’ensuit que le Grand Port Maritime de Guadeloupe était tenu d’écarter cette offre de la consultation ».
Dès lors, si la régularisation d’une offre irrégulière peut porter sur des éléments financiers, c’est à la condition que l’offre n’en soit pas fortement modifiée, une augmentation 22 % étant dans cette hypothèse analysée comme un modifications de ses caractéristiques substantielles.
publié le 26 février 2024
Exiger un écolabel : une intention louable, mais qui peut s’avérer fatal pour la procédure
TA Nancy, ord. 5 février 2024, Sté Editys, n°2400092
Dans le cadre du mouvement de verdissement généralisé de la commande publique (sur lequel il y aurait beaucoup à dire), on trouve de plus en plus d’éléments dans les DCE visant à obliger les candidats à démontrer qu’ils sont « plus verts que verts ».
Parfois malheureusement en violation du code de la commande publique. Dans cette affaire, le rectorat de l’académie Grand-Est avait lancé une consultation en vue de conclure un marché de prestations de fourniture en impression et de livraisons de copies d’examen et avait exigé de candidats qu’ils détiennent un écolabel - ce qui est autorisé par l’article R.2111-13 du code de la commande publique - mais sans équivalent - ce qui est contraire à l’article R.2111-16 du code.
Le juge confirme donc le manquement, consistant en une réduction excessive de la concurrence par des spécifications techniques trop restrictives : « aux termes de l’article R. 2111-8 du code de la commande publique : " L’acheteur formule les spécifications techniques : 1°) soit par référence à des normes ou d’autres documents équivalents accessibles aux candidats ; 2°) soit en termes de performances ou d’exigences fonctionnelles ; 3°) soit par combinaison des deux ». Aux termes de l’article R. 2111-12 du même code : « Un label est tout document, certificat ou attestation qui prouve que les ouvrages, les produits, les services, les procédés ou les procédures en rapport avec l’objet du marché remplissent certaines caractéristiques. Les exigences en termes de label sont celles que doivent remplir ces ouvrages, ces produits, ces services, ces procédés ou ces procédures pour obtenir ce label ». Aux termes de l’article R. 2111-13 du même code : « Dans les spécifications techniques, les critères d’attribution ou les conditions d’exécution d’un marché, l’acheteur peut imposer à l’opérateur économique qu’il détienne un label particulier ». Enfin, l’article R. 2111-16 du même code précise que l’acheteur qui exige un label particulier accepte tous les labels qui confirment que les caractéristiques exigées dans le cadre du marché sont remplies. En l’espèce, il résulte de l’instruction que l’article 6.3.1.3 relatif au critère de protection de l’environnement prévoit que le jugement des offres se fera au regard d’un « éventuel écolabel » détenu par la société, afin de s’assurer que le fournisseur garantit l’utilisation de fibres recyclées ou de fibres issues de bois de forêts gérées durablement, sans préciser que tous les labels confirmant le respect des caractéristiques exigées seraient également acceptés.
Par suite, la société requérante est fondée à soutenir qu’en formulant une telle spécification technique, le pouvoir adjudicateur a porté atteinte au principe d’égalité entre les candidats et restreint de manière excessive la concurrence ».
publié le 14 février 2024
Fourniture de vins : quand le critère « dégustation » fait couler la procédure
TA Montreuil, ord. 23 janvier 2024, Sté Vins + Vins, n°2400083
L’Économat des Armées, en qualité de centrale d’achats, avait lancé une procédure d’appel d’offres ouvert tendant à la conclusion d’un accord-cadre mono-attributaire à bons de commande ayant pour objet la « fourniture de vins en bouteille au profit des clients des dispositifs « Vivres Métropole » et « Vivres hors Métropole » du ministère des Armées.
Les offres étaient évaluées au regard de deux critères, le prix et la valeur technique.
Au titre de la valeur technique, le sous-critère principal était constitué par un sous-critère « dégustation », non suffisamment défini pour le candidat évincé, requérant. Le juge va lui donner raison, et annuler la procédure, au motif que ce sous-critère reposait exclusivement sur l’appréciation de dégustateurs, ayant pour effet de conférer à l’acheteur une liberté de choix illimitée : « la notice technique annexée au cahier des clauses techniques particulières du marché détermine les catégories de vins demandées en distinguant entre ceux correspondant à un « premier prix » quand « le produit est d’une qualité inférieure au milieu de gamme et vendu à un prix abordable », au « Milieu de gamme » quand « le produit est de bonne qualité, mais il est plus accessible qu’un produit haut de gamme » et au « Haut de gamme » lorsque « le produit a un positionnement supérieur par rapport aux autres. Il est de grande qualité et présente un prix plus élevé ». De telles définitions, imprécises et circulaires, ne permettaient pas aux candidats, en l’absence de toute référence à des fourchettes de prix publics, de connaître précisément les attentes qualitatives réelles de l’Économat des Armées. Au surplus, le futur attributaire de l’accord-cadre n’était pas tenu, ainsi que cela résulte des stipulations de l’article 4 du cahier des clauses administratives générales relatives à l’évolution de la liste des produits et que cela a été confirmé à l’audience, de fournir les références présentées à la dégustation pendant toute la durée d’exécution du marché. Dans ces circonstances, l’importance relative de ce critère gustatif, qui reposait exclusivement sur l’appréciation de dégustateurs, a eu pour effet de conférer à l’acheteur une liberté de choix illimitée au sens des dispositions précitées de l’article L.2152-8 du code de la commande publique ».
publié le 12 février 2024
Méthode de notation des offres : une formule aboutissant à l’attribution de notes négatives, mais ramenées à 0 validée par un TA
TA Montreuil, ord. 30 janvier 2024, Sté Débitex Télécom, n°2400460
La méthode de notation retenue par le pouvoir adjudicateur est un élément essentiel dans l’analyse des offres, puisqu’en fonction de la méthode appliquée, le classement final peut être totalement modifié. C’est pour cette raison qu’il appartient au juge de référés précontractuels de contrôler la régularité de la méthode de notation utilisée, et de sanctionner une méthode qui aboutirait à vicier le processus de choix.
Et l’on sait qu’une méthode aboutissant à de notes négatives est irrégulière car, selon la formule consacrée « une telle note, en se soustrayant aux notes obtenues sur les autres critères dans le calcul de la note globale, serait susceptible de fausser la pondération relative des critères initialement définie et communiquée aux candidats ; qu’en l’espèce, il n’est pas contesté que le département de la Guadeloupe a adopté, pour la notation sur le critère du prix, une méthode le conduisant à attribuer des notes négatives à certains candidats ; que, ce faisant, il a manqué à ses obligations de publicité et de mise en concurrence » (CE, 18 décembre 2012, Département de la Guadeloupe, n°362532).
Mais qu’en est-il si les notes négatives sont en définitive ramenées à 0 ? Cette méthode, mise en œuvre par le Département de la Seine-Saint-Denis pour un accord-cadre portant sur des prestations de location de paires de fibres noires, vient d’être validée par le TA de Montreuil.
Selon le juge des référés en effet, « la société a obtenu la note de 0 sur 20 au critère prix, note qui était permise par les documents du marché et notamment le point 4 du RC. Il résulte également de l’instruction que le Département n’a pas mis en œuvre une évaluation sur la base d’une règle de trois calculée par rapport à la meilleure offre financière mais une formule paramétrique qui pouvait aboutir à l’obtention d’une note négative dès lors que la proposition financière de l’un des candidats était deux fois plus élevée que le prix de l’offre la moins disante. Aucune disposition du code de la commande publique, ni aucun principe ne fait obstacle à la mise en place d’une telle formule d’évaluation du critère prix (Rappr. CE, 24 juin 2011, n°346529). La circonstance que la note qui en a arithmétiquement résulté pour la société requérante était négative est sans incidence sur la régularité de la procédure dès lors que le Département n’a pas méconnu la règle qu’il avait fixé dans le règlement de consultation et a ramené cette évaluation à une note nulle. Dès lors, la requérante n’est pas fondée à soutenir que cette méthode de notation était irrégulière ou aurait été irrégulièrement mise en œuvre ».
Il est clair que ce considérant n’est pas exempt de critiques, tant au regard de sa justification que de son renvoi à la décision de CE (en ce qu’elle ne dit pas ça).
En outre, il est clair que l'effet de seuil de cette formule revient à gommer toute différence entre l’ensemble des notes négatives, puisque le candidat qui a -2 et le candidat qui a – 25 par exemple ont, finalement, la même note de 0.
Cependant puisqu’une note négative est ici nécessairement deux fois plus chère de l’offre la moins disante, la méthode suppose que les offres sont finalement toutes trop éloignées de l’offre la moins disante pour obtenir le marché. Mais encore faut-il faire attention dans ce cas à la pondération du critère prix.
publié le 8 février 2024
Analyse des candidatures : l’expérience en milieu tropical peut être prise en compte
TA Mayotte, ord. 26 janvier 2024, Sté Fayolle construction, n°2304704
Voilà une décision qui pourrait intéresser les maîtres d’ouvrages de Guadeloupe, de Martinique, de Guyane, de la Réunion et de Mayotte.
Dans cette affaire, une commune mahoraise avait souhaité conclure un marché de conception-réalisation d’un groupe scolaire et d’un réfectoire.
On sait qu’au stade de la candidature, l’acheteur peut se fonder sur les capacités techniques, professionnelles et financières des candidats, lesquelles recouvrent l’expérience (démontrée notamment au travers des références). Or au cas d’espèce, le RC était plus précis car il exigeait que chaque candidat atteste de compétences dans les domaines des travaux « tous corps d’état » et de la qualité environnementale du bâti en milieu tropical. La candidature d’un groupement évincé avait été notée et évaluée moins favorablement que ses concurrentes au niveau du critère des capacités professionnelles, au motif de l’insuffisance de ses expériences de construction scolaire en milieu tropical. Le candidat évincé faisait donc valoir que l’existence d’un critère tenant à une expérience spécifique de construction scolaire en milieu tropical était irrégulière car injustifiée, disproportionnée et discriminatoire.
Le juge va pourtant rejeter ce moyen en considérant, en premier lieu, qu’eu égard à l’objet du marché, qui vise à la construction d’un groupe scolaire, la commune pouvait valablement se fonder sur un motif tiré de l’insuffisance des capacités professionnelles du groupement en matière de construction scolaire en milieu tropical pour rejeter sa candidature.
Ensuite, le juge confirme qu’« en bornant à soutenir que les constructions en milieu tropical ne nécessitent pas de savoir-faire et de compétences techniques particulières, alors qu’il est constant que le climat tropical présente des caractéristiques particulières en matière de chaleur, de pluie et d’humidité, la société requérante n’apporte pas d’éléments suffisants afin d’étayer son moyen selon lequel le critère lié à l’expérience en matière de construction en milieu tropical serait injustifié, disproportionné et discriminatoire ».
Inclure un tel critère au stade de la candidature pourrait donc permettre aux maîtres d’ouvrages ultra-marins tout à la fois de sécuriser le choix d’entreprises compétentes et de permettre de promouvoir indirectement un peu de « localisme ».
publié le 7 février 2024
L’espoir d’avoir un jour un recours en cassation efficace rendu possible ?
CE, 2 février 2024, Sté Suez Eau France, n°489820
On sait qu’en application d’une jurisprudence ancienne (presque 20 ans depuis les arrêts Stentofon Communications et CCI Tarbes et Hautes Pyrénées de 1995) et absolument constante du Conseil d’État, la signature du contrat rend sans objet le pourvoi en cassation intenté contre une ordonnance de rejet rendue par le juge du référé précontractuel.
Les entreprises qui perdent un référé précontractuel n’ont donc pas, contrairement à l’administration, la possibilité de se pourvoir en cassation devant le Conseil d’Etat. Cette situation est difficilement compréhensible, notamment au regard du poids et des enjeux que représente la commande publique. 15 ans après l’arrêt Smirgeomes, qui a modifié en profondeur cette procédure spécifique, il est temps de réfléchir à une réforme qui permettrait d’instaurer un pourvoi en cassation efficace pour tous.
Pour permettre aux candidats évincés ayant perdu en première instance de se pourvoir en cassation, le Conseil d’Etat pourrait opérer un revirement de jurisprudence et abandonner sa jurisprudence traditionnelle. Il pourrait également créer de toutes pièces ce recours, comme il l’a déjà fait par le passé en matière contractuelle (arrêt Béziers II créant un recours en reprise des relations contractuelles suite à une résiliation ; arrêt SMPAT créant un recours en résiliation du contrat au bénéfice des tiers).
Il serait toutefois préférable que cette réforme soit l’œuvre du législateur, qui pourrait décider de réformer les articles L.551-1 et suivants du CJA, comme lorsqu’il a souhaité créer le référé contractuel pour lutter contre les signatures précipitées des acheteurs publics.
Concrètement, il est possible d’imaginer la mise en place d’un mécanisme relativement simple permettant au Conseil d’Etat de se prononcer rapidement sur un pourvoi introduit contre une ordonnance de rejet. On pourrait en effet envisager la mise en place d’un délai de quelques jours (par exemple 5) à compter du rendu de l’ordonnance de rejet pendant lequel le marché ne pourrait pas être signé et dans lequel le requérant aurait l’obligation d’informer le pouvoir adjudicateur de sa volonté d’introduire un pourvoi en cassation, par le biais d’un pourvoi sommaire par exemple. A l’issue de ce délai, si le requérant ne se manifestait pas, le marché pourrait alors être signé et la situation ne serait donc pas tellement différente d’aujourd’hui. En revanche, si dans ce délai, le requérant faisait part de son intention de se pourvoir en cassation, une chambre spécialisée du Conseil d’Etat pourrait être saisie d’un recours suspensif, avec obligation de se prononcer dans les 2 ou 3 mois maximum. Et un tel délai est réaliste, puisque depuis la jurisprudence Smirgeomes, le Conseil d’Etat connaît une baisse des pourvois en cette matière, ce qui lui permet de statuer rapidement.
La preuve par l’arrêt commenté.
Dans cette affaire, l’ordonnance ayant rejeté le référé précontractuel de la société Suez a été rendue le 29 novembre 2023. La décision du Conseil d’Etat a été rendue le 2 février, soit seulement deux mois après, étant précisé que dans ces délais, un mémoire complémentaire et deux mémoires en réplique ont été produits, et une audience s’est tenue.
En outre, le référé en cause concernait la délégation du service public de l'eau potable du Syndicat des Eaux d'Ile-de-France (SEDIF), soit un contrat de plus de 4 milliards d'euros. L’ordonnance de première instance avait d’ailleurs été rendue par trois magistrats, ce qui est exceptionnel.
Si le Conseil d’Etat arrive à statuer en deux mois pour un tel contrat, je ne vois plus très bien quels seraient désormais les obstacles à la mise en place de cette nouvelle voie de droit, qui redonnerait par ailleurs sa pleine efficacité à cette procédure.
Un parlementaire intéressé pour déposer une proposition de loi ?
publié le 5 février 2024
Dénaturation omnia corrumpit
TA Versailles, ord. 22 janvier 2024, Sté KCleaned Services, n°2310722
Une commune avait lancé une procédure d’appel d’offres ouvert en vue de l’attribution d’un marché de prestations de nettoyage des locaux communaux. L’un des sous-sous critères de la valeur technique, noté sur 10 points portait sur la « méthode et organisation de nettoyage », point qui devait donc être développé dans le mémoire technique à remettre à l’appui de l’offre. Un candidat évincé, surpris de recevoir la note de 0/10 sur ce point, mettait donc en avant la dénaturation de son offre.
Si un tel moyen est désormais quasiment systématiquement soulevé, il est rarement retenu. Mais parfois, il fonctionne, comme en l’espèce. Le juge relève en effet que l’offre a été dénaturée sur ce point au regard des détails du mémoire technique, mais il va même plus loin, en considérant qu’il s’agissait, au vu de l’objet du marché d’un élément essentiel de l’offre globale. Dès lors, cette dénaturation a en réalité entaché l’appréciation générale de l’ensemble de l’offre : « la société requérante soutient que le pouvoir adjudicateur a commis une erreur manifeste d’appréciation en lui attribuant la note de 0 sur 10 au titre de la « méthode et organisation de nettoyage » au motif que son offre n’est pas détaillée, alors que son mémoire technique développe largement ce point. Il résulte en effet de l’instruction que, dans son mémoire technique, la société requérante a exposé avec de très nombreux détails la méthode et l’organisation envisagées pour la prestation de nettoyage des locaux communaux. A cet égard, le processus suivi est exposé en page 14 de son mémoire technique, le code couleur des microfibres est précisé ensuite, ainsi que les différentes techniques de nettoyage et la planification des prestations, par jour et par lieux, avec des tableaux précis. Il suit de là qu’en lui attribuant la note 0 sur 10, le pouvoir adjudicateur a non seulement dénaturé le contenu de son offre en en altérant manifestement les termes, mais également ne s’est pas mis en situation, en ne prenant pas en compte une partie majeure du mémoire technique, d’apprécier la qualité globale de l’offre de la société requérante. Il en résulte qu’un tel manquement, eu égard à sa portée et au stade de la procédure auquel il se rapporte, est susceptible d’avoir lésé la société requérante ».
La procédure est donc annulée au stade de l’analyse de l’offre et la comune devra donc reprendre l’analyse en tenant cette fois-ci compte des éléments figurant dans le mémoire technique de ce candidat.
publié le 1er février 2024
Date limite de remise des offres : elle ne doit pas être prévisionnelle mais précisément fixée
TA Montpellier, ord. 17 janvier 2024, Sté GGL Aménagement, n°2307640
La commune de Bessan avait lancé une consultation pour l’attribution d’une concession d’aménagement ayant pour objet la réalisation d’une ZAC.
Un candidat avait vu son offre rejetée, au motif qu’elle avait été déposée tardivement, et contestait ce rejet en référé, en raison des incertitudes entourant les dispositions relatives à la DLRO. Il est vrai que ces dernières n’étaient pas parfaitement limpides.
Le RC fixait ainsi la DLRO de manière prévisionnelle et 120 jours à compter de la notification des candidats admis à présenter une offre. Selon l’article 18 du RC, relatif aux conditions d’envoi ou de remise des plis (candidatures et offres), « date prévisionnelle de réception des offres : 120 jours à compter de la notification des candidats admis à présenter une offre ; la date et l’heure sont les suivants : 22 novembre 2023 à 12H (heure locale) ».
Le maire avait également transmis un courrier avec l’entier DCE fixant de nouveau un délai de 120 jours.
Dans ces conditions, le juge considère que « le 19 juillet 2023, le maire de Bessan a informé la société GGL Aménagement que sa candidature était retenue et qu’à l’issue de la réunion en mairie, le 24 juillet suivant, où l’entier dossier lui sera remis, elle disposera de 120 jours pour présenter une offre, ce qui correspondait alors au 20 novembre à minuit. D’autre part, le dossier de consultation, qui a été adressé le 25 juillet 2023 aux candidats retenus faisait mention de l’article 18 précité du RC donc de la date du 22 novembre 2023 à 12 heures de remise des offres. Toutefois, ce dossier de consultation a fait l’objet, le 20 septembre suivant d’un complément très substantiel par l’apport du projet de traité de concession, lequel conditionne les conditions de l’équilibre financier de la concession, sans toutefois qu’il soit fait mention d’une nouvelle date de remise des offres. Il ressort de ces constats que le terme du délai de remises des offres est incertain, et cela tient à l’absence littérale d’une date limite de remise des offres compte tenu de l’emploi de la mention « date prévisionnelle » au règlement de la consultation, mais aussi au lien entre le point de départ du délai de 120 jours et la date de la remise du dossier de consultation selon qu’il est ou non complet et, enfin à l’incertitude sur le terme même du délai fixé au 22 novembre à 12 heures, qui, dans son libellé, pourrait être interprété comme avant 12 heures sonnantes ou 13 heures sonnantes comme avant 12 heures et 1 seconde comme l’a lu la commune. Dans ces conditions, la société GGL Aménagement est fondée à soutenir que ces ambiguïtés sont constitutives d’un manquement aux règles de mise en concurrence qui l’a lésée et qu’en conséquence, c’est à tort que la commune a rejeté comme tardive l’offre qu’elle avait déposée le 22 novembre à 12 heures et 54 secondes sur la plateforme numérique ».
Acheteurs, pensez toujours à indiquer aux candidats une DLRO fixe, dont les termes sont dénués de toute ambiguïté, au risque de ne pas savoir comment traiter les offres reçues postérieurement : rejet pour tardiveté ou acceptation, au risque qu’en cas d’attribution du marché à ce candidat, les concurrents fassent alors valoir son irrégularité.
publié le 23 janvier 2024
Un commentaire négatif sur Facebook peut entrainer l’annulation de la procédure de passation pour atteinte au principe d’impartialité
TA Montreuil, ord. 12 janvier 2024, Sté SOMAREP, n°2315368
Dans cette affaire, un conseiller municipal également président délégué de la commission de DSP avait critiqué la gestion du marché forain de la ville, juste avant la remise des candidatures de la DSP portant sur le renouvellement de la gestion de ce marché…
Dans le cadre de son commentaire, cet élu critiquait la gestion du site par l’actuel délégataire, dans les termes suivants : « ce marché est mal géré. C’est dommage car il est très fréquenté. Et les incivilités font fuir les clients du centre-ville. Le bail de concessionnaire du marché doit être renouvelé en janvier prochain, c’est l’occasion de le réformer pour qu’il soit plus diversifié et qu’on y trouve plus de commerces de qualité ». L’élu, en sa qualité de président délégué de la commission de DSP, avait signé, avec d’autres, le rapport d’analyse proposant d’attribuer la concession à un nouvel entrant. Ce soumissionnaire s’était par la suite effectivement vu attribuer le contrat, et le délégataire actuel mettait donc en avant une violation du principe d’impartialité.
Violation légitimement reconnue par le juge des référés : « si la commune a fait valoir à l’audience que cette critique présentait une portée générale et intéressait également le rôle des services de la police nationale, de la police municipale et des services de nettoyage de la commune, il ressort des termes de ce commentaire librement accessible au public que cet élu faisait précisément état d’une mauvaise gestion de ce marché, notamment en ce qui concernait la sélection des commerçants présents, et mettait exclusivement en lien la résolution de cette mauvaise gestion avec la procédure de renouvellement de la concession engagée quelques semaines plus tôt. Une telle prise de position critique visait directement la société SOMAREP, en charge à cette date de la gestion de ce marché urbain et candidate à sa succession, et constituait une atteinte à l’impartialité de la commission de l’article L.1411-5 du CGCT dont il était président délégué. Par ailleurs, l’existence d’une atteinte au principe d’impartialité n’implique pas la démonstration de l’existence d’un conflit d’intérêt. Il résulte de ce qui précède, eu égard à la portée et au stade de la procédure auquel se rapporte le manquement ci-dessus caractérisé et sans qu’il soit besoin d’examiner les autres manquements invoqués, que la SOMAREP est fondée à demander l’annulation de la procédure de passation relative à la DSP ayant pour objet la gestion du marché forain de la commune ».
Petit conseil concret donc à l’attention des élus ou agents participant à une procédure de passation d’un contrat de la commande publique : ne faites pas publiquement part de votre sentiment sur le titulaire sortant, sous peine d’une éventuelle annulation de la procédure.
publié le 22 janvier 2024